28 ans plus tard : Le trip halluciné de Danny Boyle

Après avoir redéfini le film de zombies, pardon, d’infectés, à travers un long-métrage désespéré et viscéral, 28 jours plus tard s’offrira une suite toute aussi efficace se payant même le luxe de nous offrir l’une des introductions les plus nihilistes, intenses et sombres vues dans un film d’horreur. 28 ans plus tard nous replonge dans cet univers post-apo à travers le quotidien d’un camp de réfugiés en optant pour un aspect sauvage et survivaliste bien plus marqué. L’occasion pour Boyle et Garland de revenir à la barre avec ce premier volet d’une nouvelle trilogie d’ores et déjà annoncée.

Lorsque Boyle réalise 28 jours plus tard en 2002, le film est forcément imprégné de son style, de son obsession pour la musique, qu’on retrouve également à travers sa real ayant parfois des allures clipesques ou, également, à travers ses expérimentations via l’utilisation de caméras DV donnant au film une patine particulière et une tension rarement vu dans un film de zombies avec ses plans proches de ceux d’un reportage de guerre. Logique donc que 23 ans plus tard, le réalisateur anglais revienne à ses premiers amours et nous offre un film tout aussi fou.

Déjà, il faut accepter que 28 ans plus tard opte pour un terrain de jeu réduit puisque se déroulant sur l’île de Lindisfarne en mettant en avant sa communauté d’insulaires retranchés dans un camp fortifié. Exit donc ce que laissait entrevoir le dernier plan iconique de 28 semaines plus tard avec sa horde d’infectés déferlant sur Paris puisque le virus de la fureur a été éradiqué d’Europe à l’exception du Royaume Uni d’où est originaire le mal. L’objectif de 28 ans plus tard n’est donc nullement de nous montrer le résultat d’une pandémie mondiale mais au contraire de se focaliser sur l’histoire d’une famille composée de Aaron Taylor Johnson, son fils (excellent Alfie Williams) et sa femme (Jodie Comer) atteinte d’une maladie inconnue. Simple dans ce qu’il raconte, 28 ans plus tard nous fait suivre le jeune Spike qui, après s’être opposé à son père qu’il accuse de vouloir laisser mourir sa mère, prend littéralement cette dernière sous le bras afin de la mener sur le continent pour trouver un médecin (Ralph Fiennes) afin de tenter de la sauver.

Comme pour compenser ce scénario conventionnel, Boyle injecte dans son long-métrage toutes ses envies de renouveau formel, en balisant la virée de Spike de moments hallucinés oscillant entre les scènes les plus fortes de 28 jours plus tard et les trips sous acide de Trainspotting, grâce notamment à la technologie qui, couplée à une vingtaine d’iPhone, décuple l’impact des flèches dans les corps des infectés à travers une sorte de semi bullet-time. Si l’effet est sans doute exploité de façon un peu trop mécanique, il s’inscrit dans un tout plus global ayant des airs de found footage barré intégrant au passage plusieurs types d’infectés, des rampe-lents, trop patauds pour représenter une menace, aux terrifiants Alpha dont le seul pas lourd suffit à faire frisonner. Cet apport, très vidéoludique dans l’âme (l’Alpha fait clairement penser au Nemesis de Resident Evil 3), apporte au film cette dangerosité qui donnait déjà aux deux précédents volets ce côté désespéré, autant dans le mode de propagation du virus (une simple goutte de sang suffit) que la rapidité de la transformation ne nécessitant que quelques minutes.

Ses faux airs de The Walking Dead s’estompent alors rapidement pour laisser place à un spectacle sans concession tranchant radicalement avec ce qu’on pouvait craindre : une suite balisée et sans vraie prise de risques. 28 ans plus tard, c’est tout le contraire puisque tout en développant un univers connu via un aspect plus brutal mais aussi plus spirituel par le biais du Dr Kelson, Boyle s’affranchit des derniers films de zombies en piochant davantage dans son cinéma très marqué que dans celui de franchises installées a priori plus bankables. Logique donc que le tout soit clivant et qu’il déçoive autant qu’il fascine, dans ses élans de folie accentués par une bande-son omniprésente, un aspect extrêmement sensitif, son montage frénétique, ses moments de douceur et ce jusqu’à sa fin aussi ouverte qu’un cliffhanger de série annonçant le deuxième volet attendu pour début 2026. Un pari osé pour un film osé mais pouvions-nous seulement attendre autre chose du duo Boyle/Garland ?

Ne cherchant jamais la moindre concession, Alex Garland et Danny Boyle accouchent d’un film totalement fou ne pouvant susciter que des réactions vives et variées. 28 ans plus tard ne suit aucune route prédéfinie et tout en se voulant aussi frontal et désespéré que les deux précédents volets, il témoigne surtout de la volonté de ses créateurs bien décidés à faire un gigantesque doigt d’honneur au tout Hollywood quitte à osciller entre l’expérimentation visuelle et le grand n’importe-quoi complètement barré.

Yannick Le Fur

Yannick Le Fur

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