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The Last of Us, Uncharted : comment Naughty Dog a imposé le blockbuster d’auteur

Naughty Dog est depuis longtemps l’exemple à suivre au sein des studios Sony et de manière plus générale, dans l’industrie du jeu vidéo. Reconnus pour leur sens du détail presque maladif, les californiens se sont forgés une solide réputation que des histoires de crunch ont à peine entamé. Au fil des années et séries, l’ambition du studio a toujours été de repousser les limites techniques mais aussi et surtout celles des genres abordés. Le fond a autant d’importance que la forme chez Naughty Dog. Leurs productions sont, certes, taillées pour se vendre à des millions d’exemplaires mais la volonté de bousculer les habitudes des joueurs à travers l’inattendu, des personnages marquants ou des thématiques fortes est omniprésente. Associer blockbuster et jeu d’auteur peut sembler farfelu voire casse-gueule mais la formule a pourtant réussi à ce studio pas comme les autres.

De débuts très «roots» à la consécration mondiale

Comme pour beaucoup de petits génies de l’informatique et du jeu vidéo, l’aventure Naughty Dog commence dans le garage d’Andy Gavin et Jason Rubin, les deux fondateurs de Jam Software. La société ne prendra son nom définitif que lors du développement de leur troisième jeu, Keef the Thief, un RPG édité par Electronic Arts. Nous sommes en 1989 et les deux jeunes programmeurs n’ont pas chômé puisqu’en parallèle de leurs études, ils développent en 1987 leur premier titre, Ski Crazed, puis leur deuxième, Dream Zone, en 1988. La passion est décidément moteur de création !

Délaissant les micro-ordinateurs pour les consoles, Naughty Dog ne va pas tarder à se faire une renommée mondiale, non pas avec leurs deux jeux suivants, Rings of Power (un RPG en vue isométrique) et Way of the Warrior, jeu de baston sur 3DO dans la veine d’un Mortal Kombat, mais plutôt avec Crash Bandicoot, premier titre d’une longue série qui perdure encore aujourd’hui. La société développera les trois premiers titres de la série, plus un excellent spin-off, Crash Team Racing, avant de partir sur une autre franchise, Jak and Daxter, sous l’impulsion de Sony qui rachète la firme en 2001.

Tout comme avec Crash Bandicoot, Naughty Dog développera trois Jak and Daxter puis un spin off officiant lui aussi dans la catégorie des Mario Kart-like. Notons que cette saga profitera de l’expérience d’Amy Henning qui s’était déjà illustrée à travers la saga Legacy of Kain et son spin-off, Soul Reaver, célèbres pour leur lore vampirique et leurs personnages hauts en couleurs. C’est donc en toute logique qu’elle travaillera en 2007 sur le premier Uncharted qui marque un tournant dans l’histoire de la société.

Uncharted ou l’idée même du blockbuster vidéoludique

Alors que Jason Rubin quitte son poste en 2004, suivi un an plus tard par Andy Gavin, ce sont le français Christophe Ballestra et Evan Wells, leurs successeurs, qui s’occupent du lancement d’Uncharted Drake’s Fortune, héritier des grands films d’aventure et autres Tomb Raider. S’inspirant du mélange d’action/plates-formes de Jak and Daxter, Uncharted opte toutefois pour un ton plus réaliste en posant les bases d’une nouvelle franchise misant aussi bien sur son action survoltée que le charisme de son héros, Nathan Drake, fils illégitime d’Indiana Jones et Lara Croft. Il est d’ailleurs intéressant de noter que Uncharted : Drake’s Fortune s’inspire autant de l’exotisme des premiers Tomb Raider que de Legend, reboot de la série qui proposait en 2006 des scènes d’action des plus hollywoodiennes. Le but de la nouvelle franchise de Naughty Dog est donc on ne peut plus simple : faire voyager le joueur en ne lui laissant aucune minute de répit grâce à une aventure au rythme frénétique.

Les gunfights se succèdent à la vitesse d’une balle, les péripéties se multiplient et Nath échappe toujours à la mort avec le sourire ou la punchline de rigueur. Le but n’est pas ici de le rendre crédible mais au contraire de l’iconiser à la manière d’un de ces héros de films d’action des années 80 à qui rien n’est impossible. Tel un Schwarzenegger, Drake dégomme, dessoude, il éparpille mais tout est fait pour le rendre sympathique via le duo qu’il forme avec Sully, roublard, baroudeur, pilote d’hydravion, le cigare au bec et jamais avare en bonnes histoires. Le duo est tellement central qu’on pourrait aisément qualifier ce Drake’s Fortune de buddy movie interactif saupoudré d’une touche de féminité en la personne d’Elena qui ne cessera de prendre de l’importance au fil des épisodes. L’écriture d’Amy Henning, (par ailleurs réalisatrice du jeu), de Josh Scherr et de Neil Druckmann (futur homme fort du studio), va droit au but et parvient à offrir à notre groupe d’aventuriers une bonne alchimie grâce à des personnalités marquées et complémentaires ainsi qu’un objectif à leur hauteur : la recherche de la mythique citée de l’Eldorado. Terreau à partir duquel germeront des relations plus poussées dans les opus suivants, le scénario de Drake’s Fortune définit les contours d’une saga pensée dès le départ pour accueillir de multiples suites. Car ne nous y trompons pas, tout dans ce jeu est calculé pour toucher une large cible grâce à un mélange d’humour, d’action et de légèreté en renvoyant aux Indiana Jones, A La Poursuite du Diamant Vert et consorts. Les bases étant à peine posées qu’il est donc déjà temps de penser à un deuxième volet voué à faire mieux que son prédécesseur et ce, à tous les niveaux.

Un premier trio de jeux entièrement dévolu au grand spectacle

En s’inspirant dès son ouverture d’une séquence du Monde Perdu : Jurassic Park, Uncharted 2 : Among Thieves annonce la couleur, il sera tout aussi spectaculaire que son aîné, auquel il emprunte sa structure, tout en densifiant son propos à travers plusieurs personnages inédits. Optant pour une narration non linéaire, notre trio de scénaristes s’amuse à laisser Nathan dans une situation des plus délicates, perdu en plein Himalaya après le déraillement d’un train, pour revenir quelques semaines auparavant aux abords d’une plage. On y découvre entre autres Chloé Frazer, l’ex de notre héros qui formera une sorte de triangle amoureux avec Elena et Nath avant de prendre du galon jusqu’à être la star du spin-off d’Uncharted 4, The Lost Legacy, en 2017. L’usage de flash-backs, qui sera également mis à profit dans les épisodes suivants, permet au jeu de multiplier rapidement les situations, les rebondissements, les lieux, avant de revenir à une progression longitudinale et donc au temps présent. Nous faisant voyager d’Istanbul à Bornéo en passant par le Népal, cet opus affiche comme son aïeul un esprit d’aventure où les vastes panoramas abritent de somptueuses cités et de magnifiques palais voués à être partiellement détruits et jonchés de cadavres. Le body count d’Uncharted 2 explose à l’image de la plupart des décors du jeu, théâtre d’une aventure aussi généreuse en action que référentielle dans ses situations.

Formant un véritable triptyque avec les deux premiers volets (dans le ton et les ambitions cinématographiques), Uncharted 3 : L’Illusion de Drake est rarement cité comme l’épisode préféré des fans en 2011. Pourtant, il transcende absolument tout ce qui a été fait jusqu’alors, autant dans le fond que dans la forme. La formule, très bien établie, permet une fois de plus de passer d’un continent à l’autre en l’espace de quelques séquences. Le Royaume-Uni, la Syrie, la France, le Yémen, Uncharted 3 ne lésine sur rien pour éblouir, nous sortir de notre quotidien. Il triple absolument tout afin que le joueur/spectacteur en ait pour son argent. Après Marco Polo dans Uncharted 2 et Francisco Vázquez de Coronado dans Golden Abyss (qui sortira également en 2011), Uncharted 3 évoque Thomas Edward Lawrence, autrement dit Lawrence d’Arabie. Si dans son inspiration première, renvoyant au film éponyme de 1962 réalisé par David Leane, cet épisode évoque l’aventure, le dépaysement, il ajoute davantage de Fantastique en intégrant notamment des djinns dans sa dernière ligne droite.

Bien que l’homogénéité du jeu en prenne un coup, autant dire que la promesse initiale est tenue ! De son introduction, dans un bar Londonien, que n’aurait pas renié Guy Ritchie, à une séquence virevoltante dans un avion en perdition en passant par une course-poursuite à cheval s’inspirant directement de celle des Aventuriers de l’Arche Perdue, L’Illusion de Drake allie l’épique au confidentiel lorsqu’il choisit de s’attarder sur le passé de Nathan encore adolescent. Ce passage est d’ailleurs symptomatique de l’envie des scénaristes d’approfondir les personnages pour mieux comprendre ce qui a forgé leurs caractères.

En se basant sur tous ces éléments auxquels on rajoutera une galerie de méchants toujours prompte à mettre des bâtons dans les roues et dont la Katherine Marlowe du troisième opus semble grandement influencée par la Jacqueline Natla du premier Tomb Raider, la saga Uncharted truste le box office vidéoludique.

Les chiffres de ventes sont excellents, le public est au rendez-vous mais chez Naughty Dog, le vent a tourné depuis la sortie de The Last of Us en 2011. Acclamé pour ses personnages, la finesse de son écriture et le ton plus réaliste de son aventure, The Last of Us démontre qu’on peut mélanger narration profonde et notion de blockbuster. Et si Uncharted 4 s’y essayait lui aussi ?…

Uncharted 4 : Bigger, better mais surtout plus humain

L’évolution entre ce premier trio de jeux et le quatrième dénote clairement d’une vraie maturité de la part du studio ne cherchant plus seulement à amuser mais aussi et surtout à s’investir beaucoup plus dans le vécu de ses personnages. On pourrait en cela positionner Neil Druckmann comme une sorte de Christopher Nolan qui a toujours cherché à aller plus loin que le genre auquel ses films sont associés. S’étant imposé à travers sa maîtrise de l’action, Naughty Dog a cette fois davantage de latitude pour expérimenter une autre façon de concevoir sa saga et ceci passe bien entendu par celui qu’elle a porté sur un piédestal pendant des années : Nathan Drake.

Tout en donnant de l’épaisseur à son héros, Uncharted 4 l’humanise, le rend plus fragile en l’ancrant davantage dans la réalité d’une vie plus rangée, aux côtés d’Elena avec qui il partage désormais sa vie. C’est tout le sujet de cet opus et comme à l’accoutumée, Naughty Dog amène ces réflexions avec beaucoup d’humour et d’auto-dérision. L’un des passages faisant office de véritable note d’intention de ce quatrième épisode, est sans doute la séquence sous-marine présentant Nathan à la recherche de quelque trésor millénaire. Classique en apparence, c’est seulement lorsque la caméra sort de l’eau qu’on se rend compte que notre baroudeur ne fait qu’effectuer un travail pour le compte d’une société récoltant des ordures dans une rivière. La scène, n’intervenant qu’après plusieurs heures de jeu, est pourtant la plus importante de A Thief’s End tant elle trace une ligne entre passé et présent pour bien nous faire comprendre à quel point rien ne sera plus jamais identique, du moins dans la tête de Nathan. Problème d’argent, difficulté à trouver du travail, l’aventurier se confronte cette fois au plus grand danger qui soit, celui-là même qu’il avait pris soin d’éviter jusqu’à présent : la vie active ! Il en vient même à se questionner sur la dangerosité des missions qu’on lui propose, parti-pris totalement inédit pour un jeu d’action.

Bien sûr, on pourra trouver tout ceci ironique dans le sens où les gunfights à 1 contre 100 pullulent à nouveau mais la réflexion n’en reste pas moins intéressante et totalement raccord avec le ton général du jeu et la prise de hauteur de cet épisode en forme de bilan, aspect qu’on retrouve en filigrane, de son très beau générique du titre, sous forme de crayonnés parcourant toute l’histoire de la saga, à sa conclusion. Tout comme les joueurs qui ont découvert la série, Nathan a vieilli et si il reste au fond de lui l’explorateur d’autrefois, il doit également pensé à ses proches, à sa famille. Le passage où le héros se retrouve dans son grenier rempli d’artefacts tirés des précédents épisodes illustre à merveille ce propos.

La scène, nostalgique et touchante à la fois, permet à Nathan (et donc au joueur) de replonger pendant un bref instant dans sa vie passée jusqu’à ce que la voix d’Elena, lui intimant de venir manger, retentisse comme un cinglant retour à la réalité. Une manière de nous rappeler ce que fut Nath et ce qu’il est devenu, à l’image du studio Naughty Dog, toujours désireux d’aller de l’avant sans pour autant renier son histoire. Afin d’appuyer ce parallèle, Nathan défie alors Elena sur Crash Bandicoot (premier titre ayant véritablement lancé le studio), en blaguant sur la lenteur avec laquelle le jeu se charge. Ce clin d’oeil, qu’on retrouvera de façon plus ou moins similaire dans le Metal Gear Solid 4 d’Hideo Kojima (lors du retour à Shadow Moses), sonne ici comme une belle réflexion autour du temps qui passe en mettant au même niveau avatar, développeur et joueur. Pour l’anecdote, quatre ans plus tard, pour les besoins promotionnels de Crash Bandicoot 4: It’s About Time, Activision (à qui appartient désormais la licence ) fera à son tour un clin d’oeil à Naughty Dog en faisant jouer Crash et Coco Bandicoot à Uncharted 4.

Là où les précédents épisodes se servaient principalement de leurs personnages pour amener leurs enjeux scénaristiques immédiats, Uncharted 4 : A Thief’s End prend du recul sur la série, son succès et, bien entendu, ses protagonistes. Ce qu’Uncharted 3 avait initié avec la séquence adolescente de Nath, Uncharted 4 le développe, l’approfondit et, technologie aidant, parvient à offrir beaucoup plus d’émotions à ses dialogues à travers des expressions faciales bluffantes de réalisme et le jeu de ses acteurs virtuels. Bien que débutant sur une impressionnante séquence d’action, le titre annonce rapidement la couleur en revenant plusieurs années en arrière, dans l’orphelinat de jeunes sœurs (celui-là même mentionné dans le troisième volet) où Nathan a trouvé «refuge». En l’espace d’une séquence, les réalisateurs Neil Druckmann et Bruce Straley donnent une dimension plus personnelle à ce nouveau volet, bien plus centré sur les relations unissant ses personnages que dans n’importe quel autre épisode. De fait, tout en présentant le personnage de Samuel Drake, central dans le jeu, ce passage réussit parfaitement à définir le lien entre les deux frères tout en renvoyant aux précédents épisodes. Notons par exemple que le tee-shirt que porte Sam est celui de Nathan dans le flash-back d’Uncharted 3. Un détail subtil complété par des dialogues brillamment écrits nous rappelant à quel point Sam reste un modèle pour Nath, en tant que grand frère bien sûr mais aussi via cette image de rebelle un peu casse-cou qui inspirera la future carrière du jeune garçon.

On sent donc que la volonté première derrière Uncharted 4, outre celle d’être l’un des meilleurs porte-étendards des capacités de la PS4, est d’apporter ce réalisme totalement absent des précédents volets. En accentuant l’idée de nostalgie, de mélancolie, Naughty Dog choisit clairement de casser cette sorte de «positive attitude» au centre de tous les autres volets. A l’inverse de The Last of Us dont l’univers se prêtait bien plus à cet exercice, Uncharted 4 s’imprègne pour la première fois de l’envie du studio de ne pas céder aux sirènes du blockbuster consistant à immerger le joueur/spectacteur dans un roller-coaster continu de sensations fortes. Exercice périlleux d’autant que comme nous le disions quelques lignes plus haut, les scènes d’action sont nombreuses. Pourtant, en crédibilisant son héros, en lui donnant des raisons beaucoup plus personnelles de se battre (outre sa propre excitation à l’idée de retourner «sur le terrain»), les gunfights, bien plus spectaculaires que par le passé, prennent une saveur particulière grâce à cette dramaturgie sous-jacente côtoyant le plaisir très régressif de mitrailler à tout-va dans des environnements d’une beauté renversante.

L’équilibre aurait pu être précaire mais c’était sans compter le talent du studio qui, sans faire fi des impératifs liés au genre, ne perd jamais de vue son histoire. Sorte d’hybride engoncé entre les attentes des joueurs et les ambitions artistiques de ses auteurs, A Thief’s End n’est pas qu’une simple suite. Tout en reprenant le meilleur de la saga, il donne de l’épaisseur et du cœur à son casting en sachant toujours où situer la réglette pour créer l’émotion, la surprise, l’enchantement. Ce n’est donc plus vraiment à travers ses prouesses athlétiques que Nathan se définit mais par le biais de cette humanité retrouvée, ses prises de conscience et son envie d’imaginer son futur non plus en solitaire mais avec ses proches. L’épilogue est d’ailleurs très significatif de cet état d’esprit et revient à l’une des morales de ce volet : savoir progresser sans pour autant renier qui on est. Sorte de passage de témoin d’une génération (de machines et de personnages) à l’autre, il nous présente Nathan, Elena et leur fille, Cassie, curieuse d’en apprendre un peu plus sur le passé pour le moins singulier de ses parents. Se clôturant sur une image de famille heureuse et sur la fin (présumée) de la carrière de Nathan Drake, impossible de ne pas imaginer une suite qui mettrait une toute dernière fois en vedette notre baroudeur de l’impossible assisté de la demoiselle ici âgée de 13 ans, soit à peine moins qu’une certaine Ellie…

The Last of Us : un véritable lieu d’Elliégature

Lorsque The Last of Us sort en 2013, le jeu fait l’effet d’un bombe. Alors qu’on pouvait imaginer une déclinaison «survival» d’Uncharted, le titre de Naughty Dog balaie d’un revers de la main cette éventualité en s’axant plus que jamais autour de ses deux personnages principaux, Joel et Ellie. Il est d’ailleurs bon de rappeler que ce n’est pas avec son gameplay mixant, sans grande originalité mais avec une vraie efficacité, infiltration et action, ni même son univers, renvoyant à celui du film Je Suis une Légende, que le jeu a acquis ses lettres de noblesse. Si le titre a autant marqué, c’est bel et bien grâce à son écriture, le développement de ses personnages, son couple d’acteurs vedette, Troy Baker et Ashley Johnson, ou bien encore les magnifiques compositions de Gustavao Santaolalla (21 Grammes, Le Secret de Brokeback Mountain) offrant au jeu une véritable identité musicale.

Chaque choix de Straley et Druckmann (également scénariste du jeu) est mûrement réfléchi. Chaque élément, chaque idée participent à la construction de l’histoire et au vécu des personnages qui va influer sur les décisions qu’ils seront amenés à prendre. Dès le départ, The Last of Us définit le personnage de Joel comme un homme prêt à tout pour protéger ceux qu’il aime. Avec son introduction menée tambour battant, les deux réalisateurs décrivent, dans un style proche d’un reportage de guerre, la fuite de Joel et de sa fille Sarah à travers une ville en proie aux flammes et à des attaques d’infectés. Passant d’une scène chaleureuse, afin de cimenter l’attachement du père pour sa fille, à une conclusion glaçante voyant la mort de Sarah, le jeu affiche rapidement ses ambitions : nous surprendre pour mieux nous retourner émotionnellement, en nous faisant comprendre à quel point tout peut arriver dans ce monde en friches, que personne n’est à l’abri.

En retrouvant le personnage 20 ans plus tard, alors que la pandémie a ravagé le monde entier, il est inutile de se perdre en explications superflues pour décrire l’état mental de Joel. Lorsqu’il accepte de conduire Ellie au groupe des Lucioles à l’autre bout des Etats-Unis, l’homme a perdu tout ce qui avait de l’importance pour lui et ne fait que survivre en acceptant des jobs à la morale douteuse. Ellie n’est rien pour lui et c’est via l’évolution de cette relation que The Last of Us va décrire le parcours mental de ses deux personnages. L’idée de Neil Druckman est ici de confronter ces deux êtres que tout oppose. Joel a connu la civilisation passée et ne voit plus rien de beau dans le monde actuel alors qu’Ellie le découvre et s’émerveille d’un rien. Elle demeure en cela très proche du joueur. Toute cette dualité, cette complémentarité, fait le charme de ce premier volet qui, à travers ce rapprochement, va progressivement amener Joel à redevenir l’homme qu’il était, même si cela doit impliquer des choix douloureux.

C’est d’ailleurs l’un des points intéressants de The Last of Us qui ne permet pas aux joueurs de prendre leurs propres décisions, à l’inverse d’autres titres proposant par là même de faire évoluer la morale du personnage. Le jeu de Naughty Dog est en quelque sorte l’antithèse des The Walking Dead de Telltale Games dont l’objectif était justement de nous laisser la possibilité de faire quantité de choix afin de changer, dans une certaine mesure, la fin des épisodes mais aussi et surtout de nous permettre d’être plus en accord avec les actions de Clémentine et donc de créer davantage d’empathie. Ici, le joueur n’a d’autre choix que d’accepter les réactions d’Ellie et de Joel. Lorsque ce dernier choisit de tuer des gens innocents dans l’hôpital pour sauver Ellie, on comprend son acte sans pour autant légitimer ses motivations égoïstes. Quand il ment à celle-ci car il sait que la jeune fille ne pourra accepter ce qu’il a fait, on éprouve un sentiment paradoxal de colère et de soulagement. The Last of Us est difficile à accepter dans ses prises de position mais nous fait comprendre que tout est une question de point de vue et que notre vécu nous définit et nous pousse à faire des choix qui peuvent nous sembler justes… Même lorsqu’il s’agit de sacrifier l’avenir de l’Humanité.

Ce n’est donc pas le joueur qui est maître du destin des personnages mais bel et bel et bien leurs créateurs. C’est en cela qu’on peut vraiment qualifier The Last of Us de blockbuster d’auteur. Tout en ne déviant nullement de sa narration initiale, le titre déploie en parallèle d’énormes moyens pour crédibiliser son univers. Sa production n’a rien à envier à celle des blockbusters cinématographiques auxquels il emprunte un compositeur, une direction d’acteurs et des montées d’adrénaline régulières synonyme de séquences d’action explosives ou de passages horrifiques chargés de tension. Prenant le meilleur du cinéma et du jeu vidéo, ce premier volet accentue qui plus est l’immersion et l’empathie à travers des idées intelligentes comme celle de nous faire incarner Sarah lors du prologue (et donc de multiplier l’impact émotionnel lors de sa mort) puis Ellie, en milieu de partie, soit les deux «filles» de Joel.

Usant au mieux de la narration environnementale pour affiner les sentiments des protagonistes, le jeu ne cesse de déployer des trésors d’ingéniosité pour dépeindre l’évolution de ses acteurs. Comme nous le disions quelques lignes plus haut, le choix de Troy Baker (comédien de doublage chevronné) et Ashley Johnson (ayant débuté en 1990 dans le Full Contact de JCVD) participe grandement à la réussite du titre. La performance physique et vocale des acteurs, aidée par des expressions faciales très réalistes, était essentielle pour provoquer l’émotion recherchée et sur ce point, c’est une totale réussite, aussi bien en VO qu’en VF grâce aux excellentes performances d’Adeline Chetail et Cyrille Monge.

On retrouvera d’ailleurs l’ensemble de ses qualités dans le DLC Left Behind, prélude à l’aventure originale se concentrant sur Ellie et Riley, meilleure amie et premier amour de la jeune fille. Reflet du jeu de base, Left Behind synthétise à merveille ses meilleurs aspects via une écriture soignée et quelques trouvailles des plus poétiques à l’image de la séquence du jeu d’arcade durant laquelle Riley décrit à une Ellie fermant les yeux et agrippée aux joysticks de la borne, une partie imaginaire.

Sans chercher à s’affranchir de son but premier, divertir, The Last of Us parvient à conjuguer l’action et le frisson à une vision d’auteur ne cédant jamais aux poncifs du genre. Bien que s’articulant autour d’une progression classique, le titre ne délaisse en aucun cas ses personnages à qui il offre une conclusion aussi poignante qu’ambiguë. S’inspirant à nouveau du cinéma, et plus particulièrement du film La Route de John Hillcoat, la fin sonne comme un véritable coup de massue lorsqu’Ellie demande à Joel ce qui s’est passé dans l’hôpital dont il l’a extirpé. Optant pour un simple dialogue en champ contre-champ, Druckmann et Straley misent à nouveau sur leur écriture et la prestation de leurs acteurs pour faire vivre la scène. Ellie écoute le récit de Joel et sans rien laisser paraître sur son visage, ne lui offre qu’un laconique «Ok» en guise de réponse. Plus puissante que n’importe quelle scène d’action, cette conclusion laisse ainsi aux joueurs le soin de l’apprécier comme ils l’entendent tout en remettant en avant les fondamentaux de The Last of Us : créer l’émotion et susciter la réflexion, choses dont très peu de blockbusters vidéoludiques peuvent se targuer.

En soi, The Last of Us s’apparente plus à un film, du point de vue narratif, et reflète les ambitions cinématographiques de Naughty Dog. Avec ce titre, le scénariste Neil Druckmann conçoit un jeu plus personnel à l’intérieur d’une structure de AAA. En choisissant un angle plein de noirceur, presque nihiliste, le jeu synthétise ce besoin d’aller plus loin, de prouver qu’il est possible de concilier grandes ambitions artistiques et écriture intimiste. Avec TLOU, les Californiens positionnent leur oeuvre au niveau de ses illustres modèles et cherchent en quelque sorte à anoblir le jeu vidéo qui n’a plus à rougir de la comparaison avec le septième art.

Après un tel voyage, difficile de faire mieux. Sept ans plus tard, The Last of Us Part II s’imposera pourtant à son tour comme un jeu d’exception malgré diverses polémiques liées au scénario ou bien encore aux conditions de travail du studio. Celles-ci, datant d’Uncharted 4, seront synonymes de longues périodes de crunch qui pousseront Bruce Straley au départ en 2017, soit la même année que Christophe Ballestra.

L’Abby ne fait pas le moine

Le développement de The Last of Us : Part II n’est donc pas de tout repos et si il porte en lui les stigmates d’un développement compliqué et harassant, le titre ne laissera à son tour pas une once de répit aux joueurs. Cette suite est sans doute le projet le plus personnel de Neil Druckmann qui, tout auréolé du succès de ses précédents jeux, choisit plus que jamais de raconter l’histoire qui lui tient à cœur en abordant des thématiques comme la vengeance ou bien encore la religion et ce qu’elle a de plus réconfortant comme de plus pernicieux. Epaulé par Hally Gross (Westworld), Druckmann va concevoir un jeu de miroirs entre l’histoire d’Ellie et celle d’Abby et ce jusqu’à appliquer méthodiquement des renvois entre les scènes des deux femmes, liées par la violence et l’aveuglement d’une quête obsessionnelle.

Généreux jusqu’au boutisme, le jeu traîne malheureusement en longueur lors de son dernier acte qui profite néanmoins d’une fin intéressante et clivante, à l’image de thèmes soulevés ou de la personnalité de plusieurs de ses personnages qui auront valu aux créateurs, critiques acerbes et review bombing. Impossible de cautionner cette façon de faire même si elle ne fait que mettre en avant la façon dont certains fans se sont appropriés la série au point de ne pouvoir imaginer qu’elle prenne un chemin diffèrent de celui qu’ils ont imaginé.

Et pourtant, c’est clairement l’idée de Naughty Dog. Plutôt que de capitaliser sur de multiples attentes, le studio opère un virage à 180° en désirant mettre le joueur mal à l’aise. Il entend ainsi le surprendre et ne souhaite nullement rallier tout le monde à sa cause. Cet épisode est à nouveau intimement lié à Neil Druckmann qui souhaite raconter ce qu’il a puisé au plus profond de son être et si pour aller au bout de ses convictions, il doit laisser en chemin de nombreuses personnes sur le bas-côté de la route, et bien soit !

Plus qu’aucun autre jeu du studio, The Last of Us : Part II assume donc ses choix au risque de décevoir et donc de voir ses ventes baisser. Alors qu’Uncharted faisait rêver avec son exotisme, ses femmes splendides et son héros cabotin, The Last Us : Part II en est son parfait opposé. Bien que militant chacun à leur manière pour cette vision d’auteur, Uncharted 4 et Part II n’en représentent pas moins le Yin et le Yang. Là où Uncharted accordait un avenir lumineux à ses personnages, The Part II leur offre un monde violent où la moindre trace d’espoir peut très vite se muer en désespoir. Druckmann va d’ailleurs jusqu’au bout de sa vision, aussi bien à travers son récit que ses héroïnes, très loin des standards qu’on a l’habitude de voir dans le jeu vidéo. Bien plus nuancées, devant combattre leurs pulsions, Ellie et Abby ne cesseront de souffrir physiquement et mentalement pour mener à bien leur quête.

Bien plus sombre que le premier volet, The Part II ose également l’impensable en tuant dès le départ Joel dans une scène qui aura marqué par sa violence et sa soudaineté. Si la mise en place des événements laisse à désirer, il faut reconnaître aux scénaristes l’idée brillante consistant à nous faire incarner en amont sa meurtrière, autrement dit Abby. Par ce procédé, le titre provoque un sentiment très fort de malaise, de colère, de rejet chez le joueur vis à vis de celle-ci d’autant que la mise à mort de Joel se fait alors qu’on incarne Ellie. Cette idée n’est bien entendu pas innocente et servira la structure du jeu nous proposant d’incarner à tour de rôle les deux femmes pour comprendre leurs motivations respectives et ne jamais positionner l’une ou l’autre comme la véritable héroïne de l’aventure. C’est sans doute l’une des forces de cette Part II qui nous fait à nouveau douter des choix d’Ellie dans sa volonté farouche de se venger coûte que coûte au point de sacrifier le bonheur que Dina lui offre.

Jouer à The Last of Us : Part II, c’est accepter de souffrir, chose plutôt inhabituelle quand on parle d’un jeu vidéo. Pourtant, ce ressenti est encore plus vrai qu’avec son prédécesseur puisque nous faisant incarner la proie qu’on aimerait traquer (et éliminer) sans avoir la possibilité de refuser l’invitation. Druckmann nous force à prendre la manette lorsqu’on incarne Abby, nous force à nous faire violence afin de nous offrir deux points de vue dont un qu’on souhaite ardemment éluder car allant à l’encontre de ce que le premier jeu a construit.

Rien n’est blanc ou noir dans The Last of Us : Part II, tout est nuances de gris et par là même sujet à caution, qu’on parle ici d’Ellie ou d’Abby. Au delà de son aspect ludique et sa technique impressionnante, ce deuxième épisode ne prend jamais le joueur par la main et l’invite à se questionner continuellement sur les actes des deux femmes. Si il est tentant et naturel de se ranger du côté d’Ellie, d’autant que le titre nous fait revivre de magnifiques moments d’émotions via des flash-backs mettant en scène la jeune femme et Joel, il en fera de même pour Abby afin de troubler le joueur en le faisant douter de ce qu’il croyait acquis. A nouveau, The Last of Us Part II ne cherche nullement la solution de facilité. Il préfère au contraire nous bousculer, nous faire réagir jusqu’à nous faire incarner un personnage qu’on ne peut que détester en tout premier lieu. Osé et dangereux au risque encore une fois de provoquer un rejet de la part des fans.

Portant bien haut l’étendard LGBT, du féminisme et l’envie d’inclusion, Druckmann et Gross manquent peut être parfois de subtilité mais parviennent à rendre très crédible la relation entre Ellie et Dina et à éviter qu’Abby ne soit qu’un antagoniste sans épaisseur. Si plusieurs joueurs trouveront cette approche un brin opportuniste voire racoleuse, n’oublions pas qu’elle s’inscrit dans la suite logique du premier volet, qu’Ellie a grandi et que le physique masculinisé d’Abby est représentatif de la carapace qu’elle a dû se forger pour affronter tout ce dont ce monde post-apo a de plus impitoyable. D’ailleurs, la violence qui en découle est intimement liée à l’univers de The Last of Us, dans ce qu’il a de plus abject, de plus cru. Qu’on tolère ou non, la violence a ici du sens, elle fait partie de ce monde où plus grand chose n’a de valeur, à commencer par la vie d’autrui.

A travers ce chaos ambiant, le jeu prend également le temps d’aborder certains sujets de société. Par le biais de Lev et son obligation de fuir la secte des Séraphites à cause de son identité transgenre, le titre met en avant la question de l’exclusion. Forcé de fuir, Lev ne remet pourtant jamais en cause les préceptes de sa Prophétesse, ceci nous incitant à réfléchir au rapport entre la religion et l’individu, la place qu’elle occupe dans nos vies. Bien entendu, libre au joueur de ne profiter que des phases de gameplay ou du somptueux visuel mis à disposition mais ce serait minimiser le fond d’un jeu désirant ardemment aller plus loin que ce que la plupart de ses homologues proposent la plupart du temps.

Politisé et engagé, Part II joue une fois de plus un jeu dangereux, surtout si on prend en compte les objectifs de vente qu’on imagine énormes. Il ne faut donc pas minimiser l’implication de Sony PlayStation qui a validé le projet en permettant à Naughty Dog de sortir le titre qu’ils avaient en tête. Accepter de revoir en partie la formule gagnante est une chose mais entériner un scénario qui prend le contre-pied de ce que beaucoup attendent de lui en est une autre.

Tout en faisant à nouveau appel à une brochette de comédiens confirmés, dont Shannon Woodward (Elsie Hughes dans Westworld), Laura Bailey et Jeffrey Wright (La Jeune Fille de l’Eau, Mourrir Peut Attendre, Westworld) complètent le casting, Neil Druckmann soigne à nouveau sa réalisation, son rythme, en s’amusant à déconstruire tout ce qu’on s’imaginait savoir afin qu’on puisse poser un regard neutre lors du dernier arc symbolisé par l’inévitable rencontre entre les deux femmes. Une épreuve douloureuse mais oh combien salutaire pour amener une conclusion à même de nous faire retenir notre souffle en espérant que le choix de l’auteur s’accorde cette fois avec notre propre ressenti.

A l’image du premier épisode, The Part II est un concentré d’émotions : la colère, la joie, le dégoût, la frustration. Impossible de ne pas vibrer au grès de sa progression, difficile de garder pour soi tout ce qu’on ressent. Ces réactions sont synonymes d’une véritable expérience qui va bien au delà de sa capacité technique à nous éblouir. Le jeu de Naughty Dog ne nous fait jamais de cadeau et c’est aussi pour ça qu’on l’aime ou qu’on le déteste et qu’encore aujourd’hui, on adore en discuter. La marque des grandes œuvres.

Naughty Dog s’est ainsi fait le chantre d’une autre façon de concevoir le jeu d’action, désireux de toucher le plus de monde sans pour autant sacrifier ses acteurs et leurs destins sur l’autel de la simplicité. Pour autant, on peut se demander de quoi sera fait l’avenir de la société et si cette uniformisation dans la narration, qu’on ressent déjà depuis plusieurs années au sein des Studios Playstation, est une bonne chose. Plus puissant que jamais, Neil Druckmann a certes énormément apporté à Naughty Dog mais sa vision n’est-elle pas en train de lentement phagocyter la créativité des autres studios ? Difficile de trancher d’autant que la méthode ne cesse de porter ses fruits, qu’on officie dans le post-apo (Days Gone) ou dans l’heroïc fantasy (God of War).

Mentionnons également qu’Uncharted et The Last of Us seront prochainement adaptés, au cinéma pour le premier, et sur HBO pour le second. Le film Uncharted, en gestation depuis presque 13 ans et mettant en vedette Tom Holland (Nathan) et Mark Walhberg (Sully), devrait logiquement se concentrer sur l’action. Présenté comme l’origin story de Nathan Drake, le long métrage de Ruben Fleischer (Bienvenue ZombieLand, Venom) s’émancipera toutefois des jeux afin de ne pas réciter à la lettre ce qui a déjà été vu et fait. De son côté, la Saison 01 de TLOU, chapeautée par Neil Druckmann et Craig Mazin (la mini-série Chernobyl), adaptera le premier volet tout en ne suivant pas l’intrigue à la lettre.

Les deux sagas phares du studio s’étant toujours nourries du cinéma, cette transposition à l’écran n’est qu’un juste retour des choses, surtout au regard de leurs univers on ne peut plus visuels ne demandant qu’à s’épanouir sur d’autre supports. Cette expérience influera-t-elle à son tour sur les prochaines productions de Naughty Dog ? Possible et bien qu’il y ait peu de chances que le studio opte, à l’image de Remedy, pour un format cross-media (timidement initié dans Alan Wake puis approfondi avec Quantum Break) alliant le live action et le jeu vidéo, on ne peut qu’espérer que cette volonté de mêler entertainment et vision d’auteur débouche sur de nouvelles franchises, de nouvelles façons de raconter des histoires et le souhait de sortir le joueur de sa zone de confort. Vaste projet, bâti sur des prises de risques peu appréciées des financiers, mais dont le jeu vidéo ne peut que ressortir grandi.

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Indiana Jones et la dernière croisade vidéoludique : Un parcours des plus sinueux

Alors qu’Indiana Jones a énormément influencé le milieu du jeu vidéo, de Pitfall! à Rick Dangerous en passant par Tomb Raider et Uncharted, le célèbre aventurier s’est, ironiquement, toujours montré très frileux quand il a été question d’adapter ses propres récits. Jugez plutôt. En 39 ans, on ne dénombre qu’une vingtaine de jeux (sans compter les ludo-éducatifs), là où Star Wars en compte pas loin de 80 (toujours sans compter les jeux éducatifs). Etonnant dans le sens où l’univers d’Indiana Jones, mélange d’action, d’humour et de romance, semble avoir tout ce qu’il faut pour se prêter à cet exercice. Nous avons ainsi profité de l’officialisation du prochain jeu de la franchise pour revenir sur le parcours vidéoludique du personnage, pavé de quelques chefs-d’oeuvre et de plusieurs désillusions.

Au début des années 80, Indiana tente une percée

Bien que les adaptations de la licence soient peu nombreuses, dès 1982, date de sortie des Aventuriers de l’Arche Perdue au cinéma, on retrouve en parallèle Raiders of the Lost Ark sur Atari 2600. Le titre ne fait que s’inspirer du film puisque plusieurs personnages importants (dont Belloq) n’apparaissent pas. On peut néanmoins comprendre cet état de faits puisqu’à l’époque, la puissance de la console ne permettait absolument pas de mettre l’accent sur l’aspect narratif. On pointera aussi l’absence de Nazis, ennemi principal du film de Spielberg, ici remplacé par serpents, araignées et autres mouches Tsetse. En découle un jeu très dispensable et fortement lié à son époque et à la machine le faisant tourner.

En 1984, sort Indiana Jones in the Lost Kingdom sur Commodore 64. Il ne s’agit pas ici d’une adaptation du premier film, mais bel et bien d’une nouvelle aventure. On reste toutefois en terrain connu puisqu’Indy se retrouve à nouveau dans un temple enfoui en pleine jungle à la recherche d’un artefact lui permettant d’accéder à une civilisation perdue. A l’image du premier titre, développé par Howard Scott Warshaw, celui-ci sera également l’oeuvre d’une seule personne, autrement dit Michael J. Hansen. Dernier fait marquant, ce jeu de réflexion composé d’énigmes basées sur différents éléments (les couleurs, la musique, l’environnement) proposait des indices dans le livret inclus avec le jeu, déchiffrables à l’aide d’une sorte de paire de lunettes 3D. Une façon comme une autre d’augmenter le Quotient Indiana Jones, idée de gameplay qui sera reprise par d’autres jeux dont les point’n click de LucasArts. Il faut dire que le jeu était tellement cryptique qu’on avait bien du mal à comprendre ce qu’on attendait de nous.

Un an plus tard, on passe à la vitesse supérieure puisque l’adaptation d’Indiana Jones et le Temple Maudit sortira sur une pléthore de machines, de l’Arcade à l’Amiga 500 en passant le ZX Spectrum ou bien encore la NES quelques années plus tard. Visuellement, on note un bond graphique mais sur le fond, il s’agit d’un jeu d’action très classique dans lequel on devait arpenter les mines jouxtant le Temple Maudit afin d’y délivrer des enfants capturés par Mola Ram. En plus des phases d’action, on y trouvait également plusieurs séquences en 3D isométrique durant lesquelles Indy dirigeait un chariot afin de relier les différents lieux, le tout sur fond de reprise du thème musical Parade of the Slave Children, issu du film.

En 1987, le personnage revient timidement sur Apple II et PC via Indiana Jones in Revenge of the Ancients, jeu d’aventure textuel nous offrant ici aussi une histoire inédite bien qu’on y retrouve Marion Ravenwood. Commandité par l’Armée américaine pour trouver la clé Mazatec, un artefact se trouvant au Mexique à l’intérieur de la pyramide El Tepozteco, Indiana devra une fois de plus affronter les Nazis, bien décidés à trouver l’objet avant lui. Du déjà-v(l)u sans être déplaisant pour autant.

A la fin des années 80, LucasArts déterre son trésor de guerre

La fin des années 80 marque un tournant pour Indiana Jones. C’est en 1989 que sort Indiana Jones et la Dernière Croisade sur les écrans du monde entier. LucasArts décide alors de prendre les choses en mains en proposant non pas une, mais deux adaptations. La première, développée par le studio anglais Tiertex Design, est un jeu d’action reprenant les événements importants du film se déroulant dans l’Utah, au château de Brunwald en passant par le zeppelin et le Canyon du Croissant de Lune. Le jeu n’était pas mauvais en soi, mais il occultait malheureusement la relation entre Indiana Jones et son père, pourtant centrale dans le long-métrage.

Néanmoins, l’idée était ici de proposer deux jeux très différents dans leurs approches. Ainsi, là où Indiana Jones and the Last Crusade : The Action Game annonce la couleur dès son titre en s’adressant principalement aux amateurs d’action, le second jeu, développé par LucasArts, se montre bien plus ambitieux à tous les niveaux.

Indiana Jones and the Last Crusade : The Graphic Adventure est intéressant à plus d’un titre. Déjà, il s’agit du premier point’n click développé par LucasArts basé sur une franchise maison. L’équipe ayant déjà sorti deux petits bijoux du genre (Maniac Mansion et Zak McKracken and the Alien Mindbenders), l’idée de voir ce que va donner un point’n click dans l’univers d’Indiana Jones est excitante à plus d’un titre. Ensuite, l’idée est d’offrir au personnage bien plus d’épaisseur que dans les autres jeux principalement axés autour de ce qui définissait l’univers d’Indiana Jones sans pour autant s’attarder sur le personnage en lui-même. Le titre reprendra la trame du film tout en y ajoutant certaines séquences inédites. Il est bon de rappeler que Spielberg et Lucas seront directement concertés pour connaître leur vision du projet. En résultera d’ailleurs une histoire totalement inédite, proposée par l’ami Steven, se déroulant en Amérique du Sud, impossible à développer par manque de temps.

Les développeurs auront donc carte blanche et trouveront un mixe parfait entre adaptation fidèle et réinterprétation afin d’ajouter de l’interactivité tout en rallongeant la durée de vie. Tout juste regrettera-t-on l’absence des grosses scènes d’action du film (la poursuite en moto puis celle du char).

De leur côté, les énigmes étant pour la plupart identiques à celles du long-métrage, la complémentarité est inédite et permet aux spectateurs ayant vu le film d’avoir une longueur d’avance sur les autres. Malin ! Cette idée sera d’ailleurs reprise et améliorée (marketingement parlant) par Bandaï qui sortira en 1993 le jeu Dragon Ball Z : Le Plan d’éradication des Super Saïyens et une OAV pouvant servir de soluce. En plus d’être précurseur, Indiana Jones and the Last Crusade : The Graphic Adventure est un excellent titre d’aventure, profitant qui plus est d’une version améliorée du moteur SCUMM et des thèmes de John Williams toujours aussi magnifiques malgré le format MIDI.

Alors que le personnage entamera une très longue traversée du désert au cinéma, en 1992, on le retrouve à la télévision avec Les Aventures du Jeune Indiana Jones qui, comme son nom l’indique, va se concentrer sur la prime jeunesse d’Indiana incarné, pendant 48 épisodes, par Sean Patrick Flanery qui restera par la suite dans le monde des séries TV plutôt que celui du cinéma même si on l’a notamment entraperçu dans le film SAW 3D. Notons qu’on y retrouvera même Harrison Ford le temps d’un épisode. Deux jeux en tireront partie, The Young Indiana Jones Chronicles et Instruments of Chaos starring Young Indiana Jones, respectivement sortis en 1992 sur NES et 1994 sur Megadrive. Le premier propose diverses petites histoires réunies sous la bannière de l’action/plates-formes et se montre lui aussi très classique dans son cheminement bien qu’il intègre notamment une phase de shoot en scrolling horizontal à bord d’un avion.

D’un point de vue narratif, bien que le jeu reprenne les événements du pilote de la série, il bifurque ensuite vers des histoires inédites à l’image de Instruments of Chaos officiant lui aussi dans le domaine de l’action et nous faisant visiter la Belgique, l’Egypte, le Tibet, etc. D’une difficulté sans nom (lui ayant d’ailleurs valu un épisode hilarant du Joueur du Grenier), le titre n’aura pas véritablement marqué la sphère vidéoludique si ce n’est à travers l’animation du fouet d’Indy, a priori possédé (le fouet, pas Indy).

Petit retour en arrière, en 1992, pour citer un autre petit chef-d’oeuvre du point’n click : Indiana Jones and the Fate of Atlantis. S’inspirant du comics éponyme sorti un an avant et scénarisé par Hal Barwood, co-scénariste de Rencontre du 3ème Type, ce nouveau titre de LucasArts profite d’animations encore plus détaillées, de voix digitalisées (dans sa version CD ROM) et d’une histoire dans la grande veine des aventures précédentes. On y évoque cette fois une arme plus puissante qu’une bombe atomique à même de changer le cours de l’histoire et intéressant de surcroît les Nazis.

Fait notable, en plus d’une fin alternative, le jeu proposait trois modes différents influant sur les énigmes, les combats ou même les lieux traversés. L’un d’eux permettait d’ailleurs de diriger Sophia. Ce détail peut sembler insignifiant aujourd’hui, mais à l’époque, il était peu courant d’incarner des femmes dans un jeu vidéo. Fate of Atlantis transcende le précédent volet et se pose d’emblée comme l’un des meilleurs point’n click existant et accessoirement l’un des meilleurs jeux mettant en vedette Indiana Jones. Rajoutons qu’à l’instar de La Dernière Croisade, Fate of Atlantis aura droit à sa déclinaison action, en 3D isométrique, nous permettant d’incarner ici aussi Sophia aux côtés d’Indiana. Un petit plus qui ne suffira malheureusement pas à faire tomber dans l’oubli cette version, condamnée à rester dans l’ombre de son illustre grand-frère.

Une bataille perdue face à L’Allemagne

La même année, LucasArts travaille sur un titre du nom de Indiana Jones and the Iron Phoenix. Le script, se déroulant en 1947, tournait autour de la Pierre Philosophale recherchée par les Nazis pour ressusciter Hitler. Ce point’n click ne verra malheureusement jamais le jour, principalement à cause de l’Allemagne. En effet, à l’époque, le marché allemand était très important pour le genre du point’n click. Le problème est qu’à cette période, tout symbole lié au nazisme (dont bien entendu la représentation d’Hitler) était bannie des jeux vidéo dans le pays. Ainsi, après un an de développement, LucasArts annulera ce projet dont il ne reste aujourd’hui que les quelques artworks ci-dessous ainsi que les comics de Dark Horse qui adapteront le scénario de The Iron Phoenix et de Spear of Destiny, une suite elle aussi annulée.

En 1995, ce sont les trois films qui sont adaptés via un jeu d’action/plates-formes sur SNES. Développé par Factor 5, Indiana Jones’ Greatest Adventures profite du même moteur que celui de Super Star Wars (1992) ainsi que d’une structure et identité graphique similaire. Très joli, agréable à jouer, proposant un nombre conséquent de niveaux reprenant l’ensemble des scènes les plus importantes du film, le jeu profite néanmoins d’une difficulté bien trop élevée. On pourra également trouver certaines interprétations de séquences culte assez cocasses à l’image de la rencontre entre Indiana Jones et le Chevalier du Graal se transformant ici en combat de boss avec un chevalier invoquant le squelette de Walter Donovan !

Indiana Jones contre-attaque durant les années 2000

Passons rapidement sur Indiana Jones and his Desktop Adventures (1996), qui ouvrira la voie à d’autres titres du même genre dont Star Wars : Yoda Stories, pour nous attarder sur Indiana Jones et la Machine Infernale (1999) qui sortira sur PC puis un peu plus tard sur Nintendo 64 (2000) et Gameboy Color (2001). Ce jeu débarque trois ans après le premier Tomb Raider, ouvertement influencé par Indiana Jones. On pouvait donc se demander si le célèbre archéologue allait trouver de quoi concurrencer Lady Croft en lui rappelant qui est le professeur dans cette histoire. Malheureusement, sans être mauvais, Indiana Jones et La Machine Infernale déçoit dans ses situations, sa maniabilité ou même ses nombreux bugs. Pire, il y a comme un arrière-goût d’inachevé et un énorme sentiment de déjà-vu d’autant que le titre sort deux ans après Tomb Raider II starring Lara Croft (1997) et un an après Tomb Raider III : Les Aventures de Lara Croft (1998). Dommage car au-delà de son petit côté meta intégrant Sophia Hapgood (Indiana Jones and the Fate of Atlantis) et son histoire tournant autour de Babylone, la promesse était alléchante.

Il faudra attendre quelques années pour revoir le professeur Jones sur consoles et PC. En 2003, Indiana Jones et le Tombeau de l’Empereur opte à nouveau pour de l’action/aventure en mélangeant séquences à la première et à la troisième personne. C’est The Collective Inc. (l’excellent Star Trek : Deep Space Nine : The Fallen, le très sympathique Buffy contre les Vampires) qui est en charge du projet et si on trouve tous les éléments d’une adaptation d’Indiana Jones (action, infiltration, passages sous-marins, le tout saupoudré d’une bonne dose de fantastique), l’ensemble se révèle sans surprises, mais d’un niveau tout à fait acceptable voire même supérieur à Tomb Raider : L’Ange des Ténèbres qui sortira la même année et qui se révélera être l’un des plus mauvais épisodes de la franchise.

Rendons également hommage à la superbe jaquette du jeu réalisée par l’artiste Drew Struzan (déjà à l’oeuvre sur les plus belles affiches des productions LucasFilm dont Indiana Jones et Star Wars) ou bien encore à la course-poursuite en pousse-pousse durant laquelle le chauffeur d’Indy réussissait à distancer des adversaires le talonnant à moto ou en voiture. Une sacrée performance qui aurait mérité un pourboire fort généreux.

S’en suit une nouvelle période de vaches maigres puisqu’hormis trois jeux éducatifs (The Adventures of Young Indiana Jones Vol I, II & III), il faudra attendre 2008 pour avoir droit à une adaptation du quatrième film sorti la même année. Pour autant, les ambitions sont drastiquement revues à la baisse puisque Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull ne sortira que sur mobiles. La même année sort le premier LEGO Indiana Jones adaptant les trois premiers films avec beaucoup d’humour. La sortie de ce jeu est intéressante pour plusieurs raisons. Premièrement, elle s’inscrit dans une longue, très longue lignée de jeux LEGO adaptant moult grosses franchises cinématographiques dont l’origine date de 2005 et qui perdure encore aujourd’hui. La saga LEGO ayant débuté et connu le succès avec Star Wars, il était logique qu’elle s’intéresse à Indiana Jones d’autant que l’humour omniprésent de la saga cinématographique se prête à merveille à une telle adaptation. Ensuite, cette solution restait, à mon sens, la plus viable (économiquement parlant ainsi qu’en terme de prises de risques) puisque proposer une nouvelle adaptation plus réaliste, plus mature, se serait retrouvée en frontal avec les sagas Uncharted, initiée en 2007, et celle, très bien installée, de Tomb Raider, qui profitera d’un excellent reboot en 2013. L’option “briquettes” était donc la plus sûre et grand bien leur en a pris puisque LEGO Indiana Jones et sa suite, LEGO Indiana Jones 2 : L’Aventure Continue (intégrant au passage le quatrième film ainsi qu’un éditeur de niveaux), sortie l’année suivante, se montreront sympathiques à défaut d’être surprenantes pour qui a déjà joué à un LEGO Star Wars.

L’archéologue tentera de revenir via une aventure inédite et plus réaliste en 2009. Indiana Jones et le Sceptre des Rois affiche lui aussi des ambitions amoindries. Le titre sera uniquement disponible sur Nintendo DS, PSP, PS2 et Wii et éludera le PC ainsi que les Xbox 360 et PS3 alors que le développement avait pourtant débuté sur ces deux dernières machines. Malheureusement, de nombreux retards auront raison de ces moutures. Le résultat final sera très fluctuant avec un jeu (développé par Amaze Entertainement) des plus honnêtes sur PSP et trois autres versions (d’Artificial Mind and Movement) plutôt mauvaises.

Deux ans plus tard, en novembre 2011, nous arrive le dernier jeu en date de la license via Facebook : Indiana Jones Adventure World. Sans vouloir dénigrer le Social Gaming, on ne peut qu’être déçu de voir ce que la licence est devenue d’autant que le titre se greffe à une marque déjà existante de Zynga qui n’a fait qu’adapter son jeu à l’univers d’Indiana Jones suite à un deal avec LucasArts. Le principe ne changeait pas vraiment par rapport à ce que le genre propose d’habitude et demandait aux joueurs d’utiliser de l’énergie et des pièces pour atteindre des objectifs liés à diverses cartes «brandées» aux couleurs d’Indiana Jones, le titre se déroulant en 1930 en Amérique du Sud. La formule ne durera pas très longtemps puisque le jeu refusera les nouveaux joueurs un an plus tard (cette décision faisant suite à celle de ne plus produire de nouveaux contenus) alors que les serveurs seront officiellement fermés le 13 janvier 2013. Une aventure de courte durée pour un jeu rapidement oublié.

Après ce petit état des lieux (ayant sciemment éludé deux ou trois ludo-éducatifs sans grand intérêt), on comprend mieux pourquoi l’annonce d’un nouveau jeu Indiana Jones est aussi importante. C’est d’autant plus vrai que les Suédois de MachineGames ont brillamment remis au goût du jour, en 2014, Wolfenstein, une ancienne franchise du FPS qui n’avait plus eu le droit à un nouvel épisode depuis 2009. Le studio a donc présenté en Janvier 2024 la première vidéo de gameplay et le nom du jeu : Indiana Jones et le Cercle Ancien. Comme on pouvait s’en douter, le titre sera en vue FPS (avec certaines séquences en TPS pour « profiter » de la silhouette iconique d’Indy), ce qui n’a pas manqué de provoquer un tollé de la part de beaucoup de joueurs.

Pour autant, la question n’est pas tant de savoir si le tout peut fonctionner (Dying Light, Mirror’s Edge ou The Chronicles of Riddick: Escape from Butcher Bay nous ont montré qu’un jeu en vue subjective n’était pas incompatible avec un système de combat au corps à corps) mais bel et bien de se demander si MachineGames arrivera à reproduire le petit miracle Wolfenstein avec Indy. On serait tenté de leur faire aveuglément confiance tant le premier trailer distille une atmosphère pulp digne héritière des premiers films de Spielberg. D’ailleurs, Indiana Jones et le Cercle Ancien se situera entre le premier et le troisième film de la franchise. On y retrouvera un Indiana plus fringuant que jamais (qui, cerise sur le gâteau, sera doublé en français par Richard Darbois, voix officielle d’Harrison Ford) aux côtés de Marcus Brody et de nouveaux venus à l’instar de la journaliste Gina Lombardi et d’Emmerich Voss, un nazi semblant prendre le « meilleur » d’Emile Belloq et d’Arnold Ernst Toht. Mélange d’action, d’exploration et d’énigmes (les mamelles de la saga), le titre promet son lot d’exotisme puisqu’il nous fera voyager de Rome à la Thaïlande en passant par l’Himalaya afin de percer un mystère synonyme de cercle parfait reliant plusieurs sites historiques.

Il nous tarde donc de voir de quoi le futur de l’archéologue sera fait et si, telle l’Arche d’Alliance, il nous consumera ou, au contraire, nous fera rêver et entrapercevoir un avenir vidéoludique pavé de bonnes intentions pour le professeur Jones.

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De Star Wars à Sherlock Holmes, retour sur les jeux à licences

Quel que soit le media, la licence reste un moyen facile et sûr pour toucher un large public tout en amortissant de lourds frais de production liés à son utilisation. Loin d’être une science exacte, l’adaptation vidéoludique (cinématographique ou toute autre) d’une licence, permet de profiter d’un lore établi et de pouvoir davantage se concentrer, dans le cas de notre univers de prédilection, sur le gameplay pour ne citer que ce dernier. Dans l’absolu, on pourrait donc se dire qu’adapter une licence ne présente que des avantages. Comme vous le verrez, ce n’est pas aussi simple.

La licence, une arme à double tranchant

En premier lieu, profiter d’une licence revient cher, très cher même, le prix découlant de la notoriété de celle acquise. Ensuite, certains contrats se négociant sur un nombre précis d’années, il y a très rapidement une logique de rentabilité, ceci pouvant inciter l’acquéreur à multiplier les adaptations afin de capitaliser au mieux sur son achat, quand ce n’est pas induit par le contrat lui-même. Ainsi, dans le milieu cinématographique, le contrat entre Marvel Studios et Sony signé en 1998 concernant le rachat de Spider-Man aura énormément de répercutions par la suite. En 2015, ledit contrat est renégocié avec Disney (qui a entre temps racheté Marvel Studios) et stipule que le personnage peut avoir droit à trois films du MCU le mettant en vedette et trois apparitions dans d’autres longs-métrages, ceci obligeant alors Marvel à renégocier le contrat pour chaque nouvelle apparition du Tisseur dans le MCU, le héros étant toujours la propriété de Sony. Un incroyable sac de nœuds découlant d’un système intéressant et lucratif mais pouvant se révéler pernicieux surtout lorsqu’on y intègre la notion de précipitation n’étant que rarement compatible avec celle de qualité. Le jeu vidéo ne fait pas exception à la règle et si pendant longtemps, l’adaptation de licences (qu’elle fut issue du cinéma, de comics, mangas ou romans) a privilégié la quantité à la qualité, la situation a évolué depuis quelques années, les majors et éditeurs étant aussi soucieux de l’image véhiculée par ces adaptations que des revenus qu’elles vont pouvoir générer.

Il faut en effet comprendre que dans l’industrie du divertissement, et plus spécifiquement dans tout ce qui touche aux licences fédérant une forte communauté, le respect des fans devient de plus en plus crucial, ces derniers étant ceux qui dépensent le plus en merchandising. Il convient donc de ne pas les froisser. Au contraire, on aura plutôt tendance à les brosser dans le sens du poil en leur offrant un produit calibré et attentionné vis à vis de l’univers utilisé en le développant de manière intelligente.

Si ceci peut sembler logique, les impératifs commerciaux sont autant de barrières parfois incompatibles avec la notion artistique ou du moins la volonté de bien faire. En résulte forcément des échecs mais aussi de grandes réussites qui ont émaillé l’univers du jeu vidéo et ce depuis le début des années 70.

Le cas des adaptations ciné

Adapter un film en jeu vidéo ne date pas d’hier. En effet, la toute première adaptation, ou devrait-on dire, inspiration cinématographique, faute de droits, remonte à 1975, lorsqu’Atari sort la borne d’arcade Shark Jaws qui profite du succès fulgurant du chef-d’oeuvre de Steven Spielberg, Jaws (Les Dents de la Mer).

C’est en 1979 qu’apparaît la première véritable adaptation vidéoludique à savoir Star Trek. A partir de ce moment-là, les liens entre cinéma et jeux vidéo se renforceront, le matériau cinématographique étant une source inépuisable pour le jeu vidéo (l’inverse étant moins vrai, du moins du point de vue d’Hollywood) au delà d’une logique mercantile évidente. On notera ainsi qu’à partir de l’adaptation de Star Trek, chaque année verra au moins l’arrivée d’une adaptation vidéoludique. Cela n’a rien d’étonnant, le public visé par les blockbusters américains (genre servant principalement de support aux adaptations vidéoludiques) s’intéressant également, dans un fort pourcentage des cas, aux jeux vidéo. Il est donc logique que dès le début des années 90, les adaptations vidéoludiques sortent en simultané des films, voire en amont. Cette tendance prendra d’ailleurs de l’ampleur au fil des ans jusqu’à devenir la norme dans quasiment 100% des cas.

Ainsi, l’adaptation de Jurassic Park sort durant l’été 1993 alors que le film n’arrivera que quelques mois plus tard. Bien que le jeu reprenne une partie de l’histoire originale en nous faisant incarner le professeur Grant, il intègre aussi un second scénario où l’on peut incarner… un vélociraptor. Original et surtout à même de proposer une alternative au sempiternel héros humanoïde. Précisons d’ailleurs que l’idée d’incarner la «bête» sera reprise en 2005 avec l’adaptation du King Kong de Peter Jackson par Michel Ancel puisqu’il était permis de jouer avec les héros du film mais aussi Kong. Mentionnons à ce sujet l’implication du réalisateur dans le processus de développement, Ancel et Jackson ayant collaboré afin de créer un jeu aussi respectueux du film que des joueurs. Pour autant, dans un cas comme dans l’autre, malgré de la bonne volonté, le résultat s’avérera sympathique sans être transcendant, à cause d’une difficulté mal calibrée pour l’un, afin de masquer une durée de vie réduite et une trop grande redondance, et des déséquilibres pour l’autre.

Bien qu’à partir de 1984, le nombre d’adaptations sortant simultanément soit multiplié par trois par rapport aux autres années, on note aussi qu’en 1994 et 2006, les adaptations de films sont bien plus importantes, ceci n’étant que le reflet du nombre de longs-métrages sortis en salle. Si l’on se fie aux données chiffrés de l’étude de l’Ina datant de 2012, entre 1975 et 2010, 547 films exploités en salles de cinéma ont donné lieu à environ 2 000 jeux.

Entre le début des années 80 et les années 2000, les adaptations de films représentent 10% de l’offre liée à chaque machine de jeu. Comme on peut l’imaginer, la qualité des œuvres est extrêmement fluctuante. Si tout le monde connaît aujourd’hui l’histoire autour de l’adaptation d‘E.T (1982), avec ses millions de cartouches invendues enterrées au Nouveau-Mexique, il suffit de jeter un œil à la très longue liste des adaptations sorties sur cette période pour se rendre compte que nombre d’entre-elles étaient perfectibles. Néanmoins, celles-ci ont côtoyé quelques petites perles à l’image du jeu d’arcade Star Wars (1983), l’excellent point & click Indiana Jones et la Dernière Croisade de LucasArts (1989), Le Roi Lion (1994) et bien d’autres.

Sans surprise, la majorité écrasante des films (9 sur 10) adaptés sur la période s’étalant du milieu des seventies à 2010 vient d’Hollywood. Pour autant, ce ne sont pas des adaptations au sens propre puisque les scénarii de ces dernières sont en majeure partie (46%) originaux. Notons également qu’à partir de 1995 (date de sortie de Toy Story), la quasi totalité des films en CGI, dont les Pixar, auront droit à leur adaptation oscillant, pour ces derniers, entre le Bon (Toy Story justement) et le Passable (Monstres & Cie, Les Indestructibles, Cars, Wall-E).

Du côté des productions françaises, les films les plus ambitieux profitent eux aussi d’une adaptation. Malheureusement, la qualité pointera souvent aux abonnés absents et ce ne sont pas Le Cinquième Element (1998), Astérix & Obélix contre César (1999) ou Arthur et la Vengeance de Maltazard (2009) qui nous feront mentir. Cependant, reconnaissons qu’Asterix se rattrapera par la suite grâce au sympathique Astérix aux Jeux Olympiques (2007) qui arrivera également avant le film sorti en janvier 2008. Ce cas reste aussi intéressant pour plusieurs raisons. En effet, bien que le jeu accompagne le film, il n’en prendra finalement que la trame (similaire à celle du 12ème album sorti en 1968) en intégrant quelques images digitalisées des acteurs (comme Benoît Poelvoorde) tout en reprenant le gameplay d’Astérix & Obélix XXL 2 : Mission Las Vegum (2005). De fait, bien que l’adaptation profite de l’engouement pour le film, elle n’en reste pas moins indépendante en restant avant tout un véritable jeu vidéo plus qu’une simple resucée du film.

En 1994, la série Street Fighter donnera lieu à un film de triste mémoire avec Jean-Claude Van Damme qui lui-même sera adapté en jeu vidéo en 1995 sous le titre Street Fighter : The Movie, avec les acteurs digitalisés issus du film. Une sorte de serpent se mordant la queue.

De très mauvaise facture, cet exemple représente à peu près tout ce qu’il ne faut pas faire en termes d’adaptation d’autant que dans le cas présent, le jeu ne profite pas vraiment du savoir-faire de Capcom même si le gameplay se base sur celui de Super Street Fighter II Turbo (1995). Au final, le titre ne fera que mettre en avant les immenses qualités de Street Fighter Alpha : Warriors’ Dreams sorti la même année.

Un autre cas représentatif de cette émulsion entre jeux vidéo et cinéma, qui ne débouchera malheureusement pas toujours sur un produit de qualité, n’est autre qu’Aliens Vs Predator. Bien qu’on dénombre quatre jeux sortis entre 1993 et 1994 (sur SNES, en Arcade ou bien encore sur la Jaguar d’Atari), le titre le plus emblématique sorti en 1999 et réunissant ces deux figures du cinéma d’action/science-fiction s’avère être un excellent FPS plébiscité par la critique et les joueurs. Ce cross-over vidéoludique donnera ensuite lieu à une adaptation cinématographique (classique mais pas désagréable) en 2004 puis une seconde en 2007, bien moins appréciable, qui profitera de la sortie simultanée d’un jeu PSP de qualité équivalente à celle de son modèle. Suivra quelques années plus tard (2010) un nouvel épisode, développé par Rebellion et qui s’avérera être de qualité très moyenne lui aussi.

Cet exemple montre bien que l’opportunisme est encore bel et bien présent et que les moyens mis à disposition des développeurs pointent souvent aux abonnés absent dans ces cas de figure.

Outre le manque de moyens, il s’avère parfois que le manque d’idées et de talent soit la source principale du problème. On se souvient ainsi d’Enter The Matrix (2003) qui partant pourtant d’un très bon postulat cross-media faisant le lien entre Matrix Reloaded et Matrix Revolutions, s’avérera être une vraie déception autant dans sa finition que sa très grande redondance. Difficile de savoir précisément à quoi est dû ce résultat (manque de temps, désaccords avec les Wachowski…) d’autant que Shiny Entertainment nous avait offert trois ans avant l’excellent Messiah.

Si on aurait pu penser que la Xbox 360 et la PS3 allaient permettre de voir plus grand grâce à leur puissance, cette génération de machines sera paradoxalement symptomatique d’une baisse de qualité générale, les 3/4 des adaptations étant mauvaises ou passables. Terminator Renaissance (2009), SAW (2009), Le Choc des Titans (2010), la liste est extrêmement longue et plutôt représentative d’un vrai laisser-aller même si quelques titres, X-Men Origins : Wolverine (2009), S.O.S. Fantômes : Le Jeu Vidéo (2009), arriveront à tirer leur épingle du jeu. Néanmoins, si on prend un peu de recul sur ces centaines d’adaptations de films, force est de constater que le nombre de bons jeux est loin d’être exceptionnel. Le fait que la tendance commence à doucement s’inverser avec l’arrivée de la PS4 et la Xbox One n’est pas innocent. Premièrement, la proportion de «petits jeux vite développés» est moins importante que sur les deux précédentes générations de machines, ceci étant notamment dû aux coûts de développement et surtout à la difficulté de dompter l’architecture de la PS4 réputée pour être difficile d’accès. L’aspect positif de tout ceci est que les quelques adaptations qui sont sorties sur les Current Gen dénotent d’une certaine prise de conscience des éditeurs et majors tant dans le choix des films que la façon de les adapter le plus intelligemment possible en surfant, le cas échéant, sur ce qui fonctionne dans le jeu vidéo.

Le Mad Max (2015) d’Avalanche Studios profite ainsi de la sortie du Mad Max : Fury Road de George Miller la même année. Mais plutôt que d’adapter bêtement le film (difficile vu la matière narrative à disposition), les suédois optent pour une intrigue, certes basique, mais néanmoins originale afin de l’adapter à l’open world à disposition et ses nombreuses quêtes. En axant le jeu autour de l’action (logique vu le sujet), les développeurs visent juste grâce à un excellent gameplay, en véhicules ou à pied, et un univers visuellement réussi. Une très bonne surprise pour un produit qui aurait simplement pu se baser sur un nom et le retour de la franchise cinématographique après 20 ans d’absence sur les écrans.

L’autre exemple très intéressant concerne la saga Alien déjà mentionnée à travers son cross-over avec Predator. Son évolution est assez notable et très représentative de ce que nous venons d’évoquer. Entre 1982 et 2019, on compte environ une quinzaine de jeux adaptant plus ou moins directement l’intrigue des films, bien plus si on y intègre les titres s’inspirant de l’univers en place. Si la première adaptation sobrement titrée Alien (1982) est une sorte de Pac-Man dans lequel on doit détruire les œufs de la reine Alien, le deuxième titre, lui aussi répondant au nom d’ Alien, propose deux ans plus tard une sorte de jeu basé sur le premier film dans lequel on doit gérer l’équipage du Nostromo devant fuir le Xénomorphe. Original et se calquant parfaitement sur l’intrigue du film. On passera rapidement sur Aliens : The Computer Game (1986) qui reproduira l’intrigue du deuxième film mais de manière assez approximative. En résultera un shooter assez basique malgré quelques séquences dialoguées et un passage où l’on dirige le Sulaco.

Aliens, encore lui, sera à nouveau adapté en 1990 par Konami dans un jeu d’arcade en scrolling horizontal, typique des années 90. Autant dire que l’on y retrouve plus grand chose de l’ambiance du film de Cameron, le côté poisseux et sombre cédant ici sa place à une DA colorée et des vagues d’ennemis parmi lesquels des Xénomorphes roses et des sortes de zombies. Alien 3 (1992) reprend la formule du jeu d’action à scrolling horizontal et s’il n’est pas non plus raccord avec l’ambiance du film de David Fincher, il s’avère être une bonne surprise tant dans son gameplay que son atmosphère profitant d’un visuel maîtrisé, de belles animations et d’un rendu sonore parvenant à rendre certains passages plutôt angoissants. Un an plus tard, c’est Sega qui adapte en arcade le troisième film de la saga à travers un rail shooter du nom de Alien 3 : The Gun. Comme on le voit, les orientations diffèrent complètement en fonction des publics visés et fort logiquement, le matériau de base sert totalement le propos ou au contraire n’est qu’un prétexte pour produire un nouveau titre qui profitera du nom de la série.

L’histoire se répète et si Alien Trilogy (1994) prendra quelques éléments des trois premiers films, il s’enferme lui aussi dans le genre action (en vue subjective) puisqu’on y incarne Ripley qui va devoir retrouver des colons sur la planète LV426. En soi, le jeu ne révolutionne pas le genre mais profite habilement du background des films afin de proposer une aventure nerveuse et glauque à souhait. Beaucoup moins connu, Aliens Online (1998) propose des instances pour une trentaine de joueurs permettant d’incarner des marines ou des Aliens. Etonnant et décevant au final à cause de nombreux déséquilibrages et d’un level design loupé. Alors qu’en 2000, l’adaptation de Alien : La Résurrection se heurte à des problèmes de conception et une difficulté mal calibrée, 2013 verra l’arrivée de Aliens : Colonial Marines, l’un des jeux les plus mauvais issus de la franchise et qui paiera cher un « development hell » dont rien ne ressortira. Échaudé par cet échec (autant public que critique), la franchise ne mettra pourtant pas longtemps à remettre le pied à l’étrier puisque un an plus tard, l’excellent Alien : Isolation renoue avec brio avec l’ambiance du premier long-métrage à travers une histoire originale bien que reprenant les meilleurs éléments du film de Scott. Un véritable cri d’amour qui ne fera que mettre en avant les défauts et l’absence d’ambition du jeu mobile Alien : Blackout sorti en 2019 pour les 40 ans de la saga.

James Bond n’est pas en reste. Entre 1983 et 2018, on dénombre 25 jeux, un peu plus en comptant les parodies comme James Pond, les excellents No One Lives Forever ou le point & click Operation Stealth qui sera renommé aux USA James Bond : The Stealth Affair. En effet, Interplay, détentrice de la licence James Bond et éditrice du jeu aux Etats-Unis, en profitera pour changer le titre afin de profiter de la notoriété du héros de Ian Fleming. Logique sachant que le jeu de Delphine Software s’inspirait grandement de cet univers jusque dans la représentation visuelle de son héros, John Glames. Le cas de ces adaptations est assez intéressant puisque de façon régulière, les jeux profiteront des films ou se baseront sur des histoires inédites. L’adaptation des longs-métrages ne sera donc pas automatique puisque sur les 24 films sortis à ce jour, seuls 10 seront adaptés. En résultera une majorité de titres honorables mais aussi d’excellents titres (GoldenEye 007, 007 : Quitte ou Double) ainsi que quelques déconvenues (GoldenEye : Au Service du Mal, 007 Legends).

Comment terminer cette revue des troupes, loin d’être exhaustive, sans citer Star Wars, la sacro sainte saga de George Lucas. S’il faudrait un article entier pour parler de toutes les adaptations vidéoludiques qu’elle a engendrées, rien que quelques chiffres donnent le tournis. Si on prend simplement en compte les adaptations directes des films, on en dénombre pas moins de 23, la dernière trilogie ayant simplement été « adaptée » à travers LEGO Star Wars : Le Réveil de la Force et le futur LEGO Star Wars : La Saga Skywalker, prévu pour 2020. Pour ce qui est de ceux usant de l’univers de la licence, on se retrouve avec 74 titres et beaucoup beaucoup plus si on y intègre les jeux éducatifs, les extensions ou ceux proposant de jouer avec un personnage de la saga en guest star. Forcément, avec un tel nombre, inutile de préciser qu’à l’instar des autres grosses séries pré-citées, le meilleur (Star Wars Rogue Squadron II : Rogue Leader, Star Wars : Knights of the Old Republic) a côtoyé le plus mauvais (Star Wars : Masters of Teräs Käsi, Star Wars : Clone Wars Adventures). Néanmoins, grâce à la pluralité des genres abordés (action, RPG, stratégie, combat, course…), difficile de ne pas ressentir l’appel de la Force.

De plus, avec un univers étendu comme celui de Star Wars, les scénaristes ont souvent pû s’en donner à coeur joie et proposer des histoires originales complexes permettant aux joueurs de rencontrer des personnages inédits ou de vivre de l’intérieur des événements iconiques mentionnés dans les films, BDs, romans. Peu surprenant en somme que depuis 1982, la licence ne se soit jamais vraiment reposée. Toujours est-il que si la franchise est restée vivante dans notre microcosme, principalement grâce aux jeux LEGO et autres Battlefront, il aura fallu attendre un petit moment avant d’avoir un nouveau AAA construit autour d’un vrai scénario. Tous les regards sont désormais tournés vers Star Wars Jedi : Fallen Order, prévu pour le 15 novembre 2019, bati sur les cendres du regretté Star Wars 1313 et, on l’espère, annonciateur de beaux lendemains vidéoludiques pour cet immense récit de science-fiction.

Mangas, comics et BDs sur un pied d’égalité ?

Alors que le cinéma sert de base à une très grosse partie des jeux à licences, il ne faut néanmoins pas oublier les mangas et animes qui représentent un nombre incalculable d’adaptations sur plus de 30 ans. Comme pour le cinéma, l’adaptation d’anime/mangas se voit souvent confrontée aux problèmes évoqués quelques lignes plus haut, ceci expliquant la qualité extrêmement versatile de celles-ci.

Soucis de temps, de budget, de choix de studios, adaptations opportunistes pressant une licence afin de surfer jusqu’à la dernière goutte sur une côte de popularité, le constat est parfois significatif surtout si on compare avec les adaptations animées de jeux vidéo débouchant régulièrement sur de bonnes surprises à l’image des films du Professeur Layton, ceux en CGI de Resident Evil, Street Fighter II Le Film, etc.

Il suffit de jeter un œil sur l’impressionnante liste d’adaptations d’animes (eux mêmes adaptant pour la plupart des mangas) pour se rendre compte que les japonais ont très rapidement compris l’intérêt du cross-media afin de proposer quasi systématiquement un jeu vidéo accompagnant un anime populaire.

Mieux, avec des concepts transmedia comme Dot Hack, l’anime et le jeu vidéo deviennent complémentaires en se renvoyant constamment la balle à travers des séries d’animations, des OAV, etc. Pour autant, si le concept a ici beaucoup de sens, la qualité des premiers jeux vidéo (découpés en RPG plutôt lambda et répétitifs) sera assez fluctuante.

Alors que d’autres projets transmedia (Sword Art Online, God Eater…) verront le jour, le gros des adaptations venant du Japon concerne néanmoins des licences iconiques, fortes, qui plus est transgénérationnelles. Les deux plus importantes restent sans doute Gundam et Dragon Ball. Jugez plutôt, la première a jusqu’à présent profité de plus de 200 adaptations tous supports confondus. Le premier titre, Mobile Suit Gundam Part 1 : Gundam Stands on the Ground!!, apparaît en 1983 sur le micro 8 bits Fujitsu Micro 7 et adapte les trois premiers épisodes de la toute première série animée datant de 1979. Mélange de visual novel, de RPG et saupoudré de quelques éléments de shoot, le titre ne convainc pas vraiment à l’époque. Toutefois la série aura le temps d’évoluer et de proposer diverses expériences à travers plusieurs genres comme le RPG, le jeu d’aventure, le musô, etc. Gundam peut être assimilée à une sorte de Star Wars nippon émaillant le quotidien des japonais depuis sa création. Il est donc logique de constater que les adaptations vidéoludiques de la saga n’ont jamais été mises en pause, la demande étant constante depuis 36 ans.

Bien que Gundam ait réussi son internationalisation, Dragon Ball reste cependant le manga le plus populaire au monde. Créé en 1984 par Akira Toriyama, il se voit adapté en série TV deux ans plus tard, en février 1986. Le tout premier jeu (un shoot’em up où on incarne Goku sur son nuage magique), débarque quelques mois après, en septembre de la même année, sur la console japonaise Super Cassette Vision. Quasiment en parallèle, en novembre 1986, sort Dragon Ball : Le Secret du Dragon qui arrivera en 1990 en France. Bien que le titre soit fraîchement accueilli par la presse à cause d’une réalisation déplorable et d’un gameplay problématique, le jeu se vend néanmoins à 1 200 000 exemplaires au Japon. Les joueurs répondent à l’appel et cet amour inconditionnel pour la licence, et ce qui en découle, ne se démentira pas pendant plus de 33 ans et expliquera en partie la centaine d’adaptations toutes machines confondues. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est l’attrait du public et le succès de la franchise qui tireront parfois la qualité des jeux vers le bas. En effet, la demande étant tellement forte, la licence arrivera dans les mains de développeurs qui n’auront, ici aussi, parfois pas le temps, ni l’argent ou encore le talent, pour l’utiliser à bon escient.

Ces 33 années seront ainsi synonymes de jeux qu’on qualifiera poliment de supplices (rappelez-vous Dragon Ball : Final Bout, Dragon Ball GT : Transformation) mais aussi d’excellentes surprises à l’image de la saga Butoden, des Tenkaichi ou du récent Dragon Ball FighterZ, succès autant critique que commercial. L’engouement étant sans cesse renouvelé, grâce à de nouvelles séries et des films, la saga traverse le temps avec aisance et profite qui plus est de jeux gagnant en qualité. S’il est encore trop tôt pour juger de celle du futur Dragon Ball Z Kakarot, notons que la saga reviendra au RPG, preuve de son envie (besoin) de s’ouvrir au plus grand monde et d’opter pour une complémentarité des genres en fonction du support. Néanmoins, il est intéressant de noter qu’hormis Le Secret du Dragon, seul le premier Butoden, sur Famicon, dépassera au Japon le million de ventes et générera plus de 15 millions de yens de chiffre d’affaires sur l’Archipel. De fait, bien que les titres continuent à affluer, la moyenne des ventes baisse sensiblement, du moins dans leur pays d’origine, à quelques exceptions près. Pour autant, la licence reste forte et se construit autant sur le petit que le grand écran et ce aussi bien à travers l’animation que le jeu vidéo.

A l’instar des adaptations cinématographiques, l’adaptation d’animes s’inscrit donc dans un process marketing immuable, l’un n’allant quasiment pas sans l’autre, surtout dans un pays où l’animation et le jeu vidéo entretiennent des liens très étroits depuis de nombreuses années. On ne sera donc pas surpris de retrouver dans cette grande valse transmedia des séries comme Doraemon, Yu-Gi-Oh !, Naruto et consorts.

A l’inverse, les BD franco-belges et, dans une moindre mesure, les comics, n’ont jamais eu le droit au même traitement. Bien que ceci vienne en partie de différences culturelles, on peut toutefois s’étonner de cet état de fait, surtout aux Etats-Unis où le merchandising est sacré. Néanmoins, en proportion, les adaptions de comics restent loin derrière les adaptations de mangas/animes. Attardons-nous par exemple sur le cas de deux icônes de la pop culture américaine, Spider-Man et Batman.

Alors que le premier comics de Spidey (Amazing Fantasy #15) date de 1962, le premier jeu arrive en 1990. En 28 ans, on dénombre 33 adaptations, ici aussi de qualité diverse. Si quelques films profiteront d’adaptations vidéoludiques pour proposer une sorte de relecture plus ou moins complémentaire au long-métrage dont elles s’inspirent, la plupart des jeux proposent des aventures inédites, parfois basées sur des arcs existants ou utilisant simplement les personnages à travers des histoires plus convenues. Cependant, on voit que l’idée de proposer à intervalles réguliers des jeux surfant sur le succès des comics, et surtout de celui des films du MCU, n’est pas ancrée dans la mentalité américaine. Pour autant, notons que le dernier Spider-Man, développé par Insomniac Games, dénote clairement d’une prise en conscience de Marvel, aussi présent dans la conception du jeu que dans celle du film Iron Man qui, en plus de marquer le début de la Phase 1, avait surtout été synonyme d’un renouveau des licences de la société au cinéma, aussi bien dans la forme que dans le fond. D’ailleurs, ce n’est pas innocent si Bryan Intihar, Game Director chez Insomniac, avait précisé lors de la sortie du jeu :

A l’instar du premier hit du MCU (NDR : Iron Man), Spider-Man sur PS4 représente une nouvelle étape pour les jeux Marvel sur consoles.

Les chiffres de ventes lui ont donné raison puisqu’avec ses 8,76 millions de ventes, Marvel’s Spider-Man est devenu le jeu de supers-héros le plus vendu de l’histoire. On s’orienterait donc davantage vers de la qualité que de la quantité, ce qui permettrait à l’Homme-Araignée d’obtenir ses lettres de noblesse vidéoludique à l’image du Dark Knight dont les derniers jeux ont redéfini le genre super-héroïque tout en influençant fortement quantité d’autres jeux. Pourtant, si l’on prend un peu de recul pour voir ce qui s’est passé avant l’excellente trilogie Batman Arkham de Rocksteady, le constat est identique pour le personnage de DC Comics dont la première apparition dans un comic-book date de mars 1939. Tout comme Spider-Man, il faudra logiquement attendre de nombreuses années avant de voir le premier jeu vidéo entièrement dédié au vigilante de Gotham, 47 ans plus exactement avec l’arrivée du sobrement intitulé Batman sur Amstrad CPC, en 1986. Bien que le super-héros soit régulièrement présent sur nos machines depuis plus de 33 ans, en profitant ici aussi de plusieurs films pour proposer à moindre risque, une nouvelle aventure, on ne démontre «que» 39 adaptations, dont certains titres éducatifs. Un constat quelque peu étonnant compte tenu de la popularité et surtout du public visé. Malgré tout, difficile de pester surtout que les derniers titres se sont montrés qualitatifs. Il y a donc fort à parier que tout comme Marvel, Warner ait compris l’intérêt de proposer aux fans des titres mieux calibrés quitte à faire dormir la licence durant de nombreuses années.

Les adaptations de comics restent donc pendant une petite période dépendantes de l’actualité cinématographique et surfent logiquement sur les sorties de blockbusters. Étonnamment, la plupart du temps, ces dernières se montrent plus ou moins de qualité (Captain America, Deadpool et surtout l’excellent X-Men Origins : Wolverine), même si nous avons eu droit à de nombreux ratés (Iron Man, Wanted : Les Armes du Destin…).

Du côté de l’Europe, cet état de fait est le même mais dans des proportions différentes, cela va de soi. Il faut en effet se rappeler que bien que nous ayons quelques «icônes» nationales, ce n’est néanmoins pas comparable avec le marché japonais et américain. Il suffit de prendre les exemples les plus parlants pour s’en convaincre. Si l’on s’en tient aux créations purement françaises, comme nous l’évoquions plus haut, il est indéniable qu’Astérix et Obélix tient le haut du pavé. La bande dessinée d’Uderzo et Goscini est pour ainsi dire ce qui se rapproche le plus pour nous d’un Gundam ou d’un Spider-Man, du moins dans sa propension à avoir traversé les âges pour accompagner différentes générations. Le premier album datant de 1961, on devra attendre 1983 pour voir apparaître le premier jeu. Bien que la licence soit toujours d’actualité aujourd’hui, notons que 37 jeux (soit à peine moins que Batman) ont vu le jour au fil du temps soit une moyenne d’un jeu par an. Une vraie régularité qui malheureusement s’accompagnera d’une qualité assez moyenne. Seuls quelques jeux, dont la série des XXL, sortent du lot même si le gameplay du récemment remastérisé XXL 2, très ancré dans les années 90, sera bien moins adapté aux standards de qualité actuels. Il sera donc intéressant de voir ce que donnera Astérix & Obélix XXL 3, volet inédit attendu pour cette année.

De fait, il est logique que les autres jeux dérivés de bandes-dessinées moins populaires en France se comptent, la plupart du temps, sur les doigts d’une main. Entre Thorgal qui n’aura droit qu’à une adaptation, Black & Mortimer qui se paiera le luxe d’en avoir trois fois plus (de piètre qualité malheureusement) ou Les Tuniques Bleues qui ne profitera lui aussi que d’un titre en 1989 (porté en 2012 sur mobiles et PC), la récolte est assez faible. Rajoutons tout de même 14 jeux pour Lucky Luke (de 1987 à 2008) avec, certes beaucoup de productions moyennes voire mauvaises mais aussi quelques bonnes surprises comme le Lucky Luke d’infogrames en 1987 ou Lucky Luke : Le Train des Desperados (sorti en 2000 sur Gameboy). Mentionnons également l’excellente adaptation de XIII qui aura d’ailleurs bientôt le droit à un remake qu’on espère lui aussi à la hauteur de l’oeuvre culte de William Vance et Van Hamme. N’oublions pas non plus LastFight qui, à travers un Power Stone-like, réussira à rendre un bel hommage au manga éponyme. On surveillera aussi de près la future adaptation de Blacksad, série multi-primée, mais qui aura dû attendre plus de 19 ans pour se voir enfin adaptée en jeu vidéo. Et Tintin dans l’histoire ? On pourrait logiquement se dire que notre cher reporter, né en Belgique mais bénéficiant d’une aura internationale, aurait eu droit à moult adaptations. Contre toute attente, on est loin des 37 jeux d’Astérix puisque seuls 5 titres sont sortis entre 1989 et 2011. Et si certains, comme Tintin Au Tibet, ont acquis une certaine notoriété, grâce à leur réalisation mais aussi et surtout leur difficulté, reste que les titres dédiés au reporter s’avèrent simplement corrects, l’univers n’ayant jamais vraiment dépassé le cadre du jeu de plates-formes/action.

Qu’en est-il pour le dernier en date, Les Aventures de Tintin : Le Secret de La Licorne, sorti en 2011 pour accompagner le film de Steven Spielberg ? Et bien, aussi étonnant que cela puisse paraître, le jeu d’Ubisoft a bénéficié d’une réalisation de qualité et d’un gameplay très agréable. Comme quoi, l’association film/jeu peut aussi servir à redorer le blason vidéoludique d’un personnage quelque peu oublié par le cinéma et le jv. Notons toutefois que les ventes du jeu ne seront pas vraiment à la hauteur des espérances d’Ubi avec moins d’un million d’unités écoulées (environ 990 000) toutes plates-formes confondues. Cependant, elles ne sont finalement que le reflet du film qui avait rapporté plus de 373 millions de dollars, un score honorable bien que très en dessous de celui de la plupart des productions Pixar.

Et les romans dans tout ça ?

Concernant les adaptations littéraires, le constat est aussi très intéressant. Entre 1975 et 2010, les scénarii des films, adaptés d’oeuvres littéraires, ayant servi à une adaptation vidéoludique sont de l’ordre de 30%. Le jeu vidéo s’est ainsi emparé de ce matériau mais en adaptant, très souvent, davantage le long-métrage qui est lui même une adaptation du roman, à travers les modélisations des acteurs, la représentation de certains décors, voire même une intrigue plus condensée. Il n’en reste pas moins que le roman représente pour les créateurs de jeux vidéo une source d’idées à même d’aguicher le fan. Il n’est donc pas surprenant que les adaptations d’ Harry Potter aient repris le travail des longs-métrages, déjà connus des fans auxquels s’adressent majoritairement le jeu. Récupérer le visuel d’un film, mais aussi et surtout le visage des acteurs, est donc une bonne porte d’entrée pour s’attirer les faveurs d’un public plus large.

On voit d’ailleurs que la réaction des fans peut parfois être très vive s’ils ne retrouvent pas ce qu’ils ont l’habitude de voir au cinéma, et ce même si le jeu ne propose nullement une adaptation du film. Crystal Dynamics en a fait les frais lors de l’E3 2019 en présentant leur Marvel’s Avengers. Cependant, bien que le fait de s’appuyer sur des éléments qui ont fait leurs preuves soit rassurant, il est parfois frustrant de devoir se plier à la vision d’un autre réalisateur pour de simples questions d’accessibilité. Ce n’est bien entendu pas le cas de toutes les adaptations. Pour revenir à Harry Potter, pas moins de 17 jeux ont vu le jour entre 2001 et 2019. Si certains (la série des LEGO notamment) se sont fortement inspirés des films en sortant en parallèle, d’autres sont des créations originales s’inspirant davantage de l’univers des livres à l’image du petit dernier, Wizards Unite, sorte de Pokémon Go proposant des affrontements contre créatures et autres sorciers.

Le constat est fortement similaire avec Le Seigneur des Anneaux. Bien que les deux derniers films de la trilogie de Peter Jackson (Les Deux Tours et Le Retour du Roi) aient bénéficié de très bonnes adaptations sous forme de jeux d’action sur les machines de l’époque (PS2, Xbox, GameCube…), la trilogie suivante (celle du Hobbit) n’aura droit qu’aux honneurs d’adaptations sur navigateurs et smartphones. Une sorte de désaveu vis à vis de l’oeuvre de Tolkien remplacée dans les esprits par d’autres épopées aussi épiques et plus « actuelles » (surtout en matière de ton) comme le Game of Thrones de George R. R. Martin ? Pas vraiment mais il est vrai que bien que l’univers des romans de Tolkien ait donné quantité de titres, les derniers en date n’ont pas vraiment boxé dans la catégorie des AAA à l’exception des très réussis La Terre du Milieu : L’Ombre du Mordor (2014) et sa suite, La Terre du Milieu : L’Ombre de la Guerre (2017).

Pour autant, de 1982 (date de sortie de The Hobbit, premier jeu basé sur la licence) à 2018, les adaptations n’ont cessé de nous accompagner et ce à travers des genres aussi variés que la stratégie, l’action ou bien encore le RPG. 14 jeux adaptés des romans verront ainsi le jour durant la période et ce devrait être également le cas du prochain de Daedalic (Deponia) prévu pour 2021, Lord of the Rings – Gollum. 21 autres titres, réutilisant pour beaucoup le visuel des films du réalisateur néo-zélandais, débarqueront également entre 2002 et 2017. Bien que pas mal d’adaptations s’avéreront simplement honnêtes, on y trouvera tout de même très bonnes surprises comme Le Seigneur des Anneaux : La Bataille pour la Terre du Milieu, LEGO Le Seigneur des Anneaux ou Le Seigneur des Anneaux Online.

Bien qu’on trouve d’autres adaptations de livres, elles restent néanmoins plus confidentielles. Pour autant, ces dernières restent souvent de qualité à l’image des jeux Discworld, aussi drôles et décalés que les œuvres de Terry Pratchett dont ils s’inspirent. On citera également les excellents Dune et Dune II : La Bataille d’Arrakis, sortis en 1992 et 1993, officiant dans des genres différents (aventure et stratégie) et profitant chacun à leur manière de l’incroyable matériau de base de Frank Herbert, le livre pour l’un, le film pour l’autre. Bien entendu, Sherlock Holmes n’est pas passé entre les mailles du filet du jeu vidéo et c’est fort logiquement qu’on dénombre pas moins d’une vingtaine de titres mettant en vedette le fin limier de Baker Street. Étonnamment, la plupart des jeux n’utilisent que le personnage et proposent davantage des aventures inédites en mixant même certains univers à l’image du Sherlock Holmes Contre Arsène Lupin de Frogwares sorti en 2007. Bien que la plupart des jeux disposent d’histoires intéressantes, leur qualité globale reste très fluctuante, souvent plombée par un gameplay maladroit ou des idées alourdissant la progression. Retenons aussi qu’en 1987, sort l’adaptation du film Young Sherlock Holmes qui lui-même s’inspirait des romans de Doyle afin de proposer une aventure inédite basée sur l’adolescence de Sherlock, jamais abordée dans les livres. Ironiquement, le jeu prit le pari de proposer une intrigue totalement différente de celle du film.

On citera également Da Vinci Code (mai 2006), qui reprend la trame du livre en s’émancipant du film de Ron Howard sorti la même année. Toutefois, ici aussi, les scénaristes ont intégré par moments quelques énigmes ou lieux absents de l’ouvrage original afin d’offrir quelques surprises scénaristiques à celles et ceux ayant lu le roman. De bonnes intentions qui ne suffiront malheureusement pas à faire de ce titre une adaptation à la hauteur. Notons qu’un mois avant, sort un certain The Secrets of Da Vinci : Le Manuscrit Interdit, qui n’a rien à voir avec le livre ou le film mais qui profite néanmoins de la sortie de ce dernier pour tenter de séduire les fans.

Ironiquement, ce jeu, qui s’attarde principalement sur la vie de De Vinci en visitant son époque à travers les yeux d’un des apprentis du maître, s’avère de bien meilleure qualité que l’adaptation officielle en proposant une vision différente du sujet tout en s’adressant à un public similaire.

Quel avenir pour le jeu à licence ?

La franchise, qu’elle soit cinématographique, littéraire, issue de l’animation japonaise ou des bandes-dessinées devrait encore alimenter pendant un bon moment le jeu vidéo. Normal puisque au delà du fait que l’ensemble de ces medias aient toujours été interconnectés en s’inspirant mutuellement, elle a également l’avantage de minimiser la prise de risques ou du moins de pouvoir toucher, rapidement et facilement, un vaste public. Toutefois, comme nous l’avons vu tout au long de cet article, la franchise n’est pas le Saint Graal et ne cumule pas systématiquement qualité et bonnes ventes.

Les coûts investis par les développeurs étant de plus en plus élevés, il convient donc d’assurer ses arrières afin de rentabiliser l’investissement. Et pour ce faire, pas de secret, il faut s’assurer l’attrait des fans, surtout à notre époque où un bad buzz sur les réseaux sociaux ou un downvote sur Steam peut véritablement mettre en péril l’avenir d’un jeu, qu’il soit ou non basé sur un univers connu. Certes, sortir un jeu dans la foulée d’un film attendu est un atout majeur mais n’oublions pas que le gamer reste une personne exigeante qui y regardera à deux fois avant d’investir 60 euros dans un titre et ce malgré l’amour qu’il porte à la franchise initiale.

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Interview François Baranger (Heavy Rain, Harry Potter…)

François Baranger, si vous ne connaissez peut-être pas son nom, vous avez sans doute déjà joué à un jeu vidéo ou vu un film auquel l’homme a participé. Heavy Rain, Beyond : Two Souls, Harry Potter, Prince of Persia, La Colère des Titans, autant de projets sur lesquels cet artiste français de talent a travaillé.

Toutefois, François Baranger n’étant pas homme à se restreindre à un seul univers, on ne sera pas surpris de le savoir concept artist sur des projets divers et variés, auteur de BD, illustrateur ou bien encore romancier. Nous avons donc décidé, à travers une interview, d’en savoir un peu plus sur le personnage, sur ses travaux (que vous pouvez retrouver sur son site officiel), sur les différences pouvant exister entre le milieu du cinéma et du jeu vidéo ou tout simplement sur son parcours.

Bonjour François, avant toute chose, une question qui me brûle les lèvres. Concept artist pour des jeux vidéo, le cinéma, illustrateur, dessinateur, auteur de BD et de romans, comment devient-on un tel touche-à-tout ?

François Baranger > Aucune idée ! Ce n’est pas une démarche réfléchie de ma part, mais plutôt un constat qui s’impose à moi. Je m’intéresse à beaucoup de choses, trop peut-être. Mais au-delà de ça, comme je le dis souvent, toutes ces activités procèdent finalement de la même envie, celle de raconter des histoires. Dessiner ou écrire, pour moi, c’est la même chose. Bien évidemment, la technique n’est pas la même, mais la démarche est identique. Concevoir une illustration, c’est aussi raconter une histoire, surtout dans le domaine du concept art, où il n’agit pas seulement de proposer un design, mais également de faire passer un moment narratif du film ou du jeu. Beaucoup d’idées se bousculent dans mon petit cerveau malade, et ces activités variées sont pour moi un moyen de les épancher. Et puis, derrière cela, je crois que se cache aussi une éternelle insatisfaction. J’ai toujours envie de faire autre chose que ce que je suis en train de faire. Cela confine parfois à l’absurde. Il suffit que je travaille sur un projet SF pour avoir envie de faire de l’heroïc fantasy, il suffit que j’écrive pour avoir envie de dessiner et inversement. Je crois que je devrais consulter…

Peux-tu nous décrire rapidement ton parcours scolaire jusqu’à ton premier job ?

François Baranger > Un parcours assez banal. Lycée généraliste, filière orientée compta/commerce. Le dessin a toujours été une passion, depuis le plus jeune âge, mais à cette époque, je ne pensais pas un instant pouvoir gagner ma vie avec. Ce n’est qu’une fois le bac passé que, au pied du mur, avant d’aller en BTS commerce, j’ai réalisé qu’il était tout simplement impossible pour moi de faire autre chose qu’une carrière artistique. Je suis donc parti dans une école d’art à Paris, l’EMSAT, où j’ai fait trois ans. Après, j’ai commencé à travailler, mais pas en illustration. J’ai fait pas mal de 3D pour des jeux vidéo, puis réalisé quelques courts métrages d’animation, avant de me remettre à l’illustration pour de bon.

Explique-nous en quoi consiste ton travail de concept artist.

François Baranger > Que ce soit pour le jeu vidéo ou pour le cinéma, le travail de concept artist est sensiblement le même. Il s’agit, par le biais d’illustrations, de proposer une vision de l’œuvre finale à un moment où la production n’a pas encore commencé. C’est donc évidemment surtout utile pour des œuvres situées dans un univers où l’imaginaire a une grande part. On ne fait pas de concept art pour une histoire d’adultère dans une chambre de bonne à Paris. Il n’y a rien à inventer. Alors que sur un film fantastique, ou de SF, ou même un polar avec de l’ambition visuelle, le travail d’un concept artist peut apporter beaucoup à la production.

Pour être plus précis, créer un concept art, c’est réaliser une image qui semble directement sortie du film, à un moment où, bien souvent, seul le scénario est déjà écrit. Cela commence toujours par une longue discussion avec le réalisateur au cours de laquelle il faut essayer de comprendre les détails de sa « vision », mais aussi de capter l’esprit de ce qu’il veut faire, le mood. Ce n’est pas toujours évident car, parfois, il ne le sait pas lui-même très clairement, et, justement, il compte sur vous pour l’aider à clarifier.

Ensuite, ces images peuvent avoir différents usages. Comme je viens de le dire, elles aident le réalisateur à clarifier ses idées, mais elles permettent aussi aux producteurs de mieux comprendre où le film va, et surtout, combien il va coûter ; elles servent ensuite sur le tournage à permettre aux équipes techniques ou aux acteurs à comprendre vers quoi la scène doit tendre ; et elles servent enfin en postproduction, au moment où les effets spéciaux sont fabriqués. Parfois même, elles servent à chercher des financements avant la production !

Nous allons débuter par tes travaux dans le jeu vidéo. Je vois que tu as travaillé sur Heavy Rain et Beyond : Two Souls en tant que concept artist.

François Baranger > La différence principale, pour un concept artist, entre le cinéma et le jeu vidéo, tient dans l’organisation de la production. Sur un film, la préproduction est nettement séparée du tournage, qui est lui-même clairement séparé de la postproduction (les effets spéciaux). Donc la « préprod » est une phase purement créative où l’on peut constamment faire évoluer ce qui a déjà été fait. Alors que dans le jeu vidéo, même s’il y a également une phase de préprod, le plus gros du travail de concept artist s’effectue durant la production elle-même. Il arrive parfois qu’on réalise un concept juste avant qu’il soit utilisé par les équipes. Il n’y a donc pas de retour en arrière possible.

Cela dit, hormis cette nuance, le travail reste globalement le même. Les concepts produits pour un jeu ressemblent beaucoup à ceux produits pour un film. Evidemment, c’est encore plus vrai pour les jeux Quantic Dream qui ont une véritable parenté avec le cinéma.

As-tu pu, à un moment ou à un autre, imposer ta vision ou as-tu été obligé de suivre scrupuleusement les directives du réalisateur ?

François Baranger > Je ne dirais pas que c’est le rôle d’un concept artist d’imposer sa vision. Il doit avant tout chercher à faire exister celle du réalisateur. Cela dit, il y a des réalisateurs qui sont très demandeurs de votre propre créativité, qui n’hésitent pas à mettre en avant vos idées. La plupart du temps, c’est un mélange des deux. Il y a certains points qu’il faut scrupuleusement respecter, et d’autres où l’on vous demande d’apporter vos idées. Sur ces deux projets, j’ai eu davantage de marge de manœuvre sur l’ambiance, l’atmosphère, la lumière, que sur le design proprement dit.

A ce sujet, comment s’est passée la collaboration avec David Cage ?

François Baranger > Sans problème. C’est une personne d’humeur égale, très agréable au quotidien.

De Heavy Rain à Beyond : Two Souls, les méthodes de travail ont-elles évolué au sein de Quantic Dream ?

François Baranger > Entre les deux, le studio a beaucoup grossi, et les méthodes de travail ont en effet évolué, mais pas vraiment en ce qui concerne la préprod. Finalement, le métier de concept artist reste assez artisanal.

On vous donne un brief, vous faites un petit dessin sur votre tablette, et hop, c’est fini ! Pas besoin de s’adapter en permanence à des révolutions technologiques, de nouveaux moteurs, de nouvelles plates-formes, etc.

Ces deux titres ont pour point commun un véritable aspect cinématographique. Dans le sens où tu as toi-même travaillé pour le cinéma, est-ce que ça t’a influencé dans tes travaux ou, au contraire, as-tu puisé ton inspiration en dehors du septième art ?

François Baranger > Il y a une ambition cinématographique claire et assumée chez Quantic. Donc on a plutôt essayé de s’inspirer de la photo de certains films plutôt que d’autres jeux. Mais c’est une tendance plus générale. Au cours des dernières années, il est devenu évident pour tout le monde que les deux médias se rejoignent, visuellement parlant. Certains films sur lesquels j’ai pu travailler avaient des looks de jeux vidéo, et à l’inverse, comme je viens de le dire, certains jeux ont des looks de films. Cela devient évidemment encore plus frappant lorsqu’on travaille sur un film comme Prince of Persia, qui provient directement de l’univers des jeux vidéo.

Tu as aussi créé des concepts arts pour Blur Studio, qui s’est spécialisé dans les trailers de jeux. En quoi est-ce différent de travailler sur un trailer plutôt que sur un jeu dans son ensemble ?

François Baranger > C’est beaucoup plus court ! Lorsque je travaille sur un trailer, cela ne dure que quelques semaines. Je suis toujours ravi de travailler pour Blur. Ce sont des gens qui font un travail formidable, toujours au top. Et leurs projets sont toujours sexy. Je ne peux pas parler des derniers, qui sont toujours secrets, mais rien que celui de The Division était déjà très cool !

Tu parles du superbe trailer de The Division diffusé durant l’E3 2014 ?

François Baranger > Exactement. J’ai travaillé sur le début, la partie où l’on se déplace dans les pièces d’un appartement vide, dont l’état se transforme progressivement, où l’on ne voit jamais les occupants, mais on comprend qu’ils se sont barricadés, puis que la situation s’est dégradée au fur et à mesure, jusqu’au suicide du père.

En dehors du jeu vidéo, tu travailles également beaucoup pour le cinéma. Tu as notamment eu l’occasion de bosser pour la société anglaise MPC, spécialisée dans les effets spéciaux et la postproduction, sur le film Harry Potter et les Reliques de la Mort – Partie 2. En quoi consistait exactement ton rôle ?

François Baranger > J’ai fait quelques concepts pour l’attaque de Poudlard et pour l’incendie de la Salle sur demande.

Ce n’était pas évident parce que sur une licence de ce genre, la marge de liberté est très faible. Visuellement, tout est extrêmement codifié, et il faut être capable de s’adapter à ce que les autres ont déjà fait.

Tu as aussi participé aux films Prince of Persia, La Colère des Titans ou bien encore le premier GI-Joe. Tu ne serais pas un peu accro aux blockbusters US ?

François Baranger > Hé, hé, c’est le hasard des prods qui sont confiées à ces grosses sociétés de FX. Sur chacun, je n’ai travaillé que peu de temps, mais on en enchaîne beaucoup. Mais il est certain que les blockbusters américains, s’ils ne donnent pas forcément de bons films, offrent de super sujets pour que les concepts artists s’éclatent !

Est-ce toi généralement qui vas vers les sociétés de production pour leur proposer ton aide ou est-ce plutôt l’inverse ?

François Baranger > Dans ce milieu, c’est toujours le client qui vient vers vous. Ça ne me viendrait pas à l’idée de contacter telle ou telle prod pour leur dire que j’ai très envie de participer à leur film. Cela dit, je suis free-lance ; si je cherchais un job à plein temps, ce serait différent, évidemment.

Je vois aussi que tu as une relation particulière avec Christophe Gans avec qui tu as bossé durant la préproduction de Fantômas ou bien encore celle de La Belle et la Bête. On sait que l’homme est un passionné de cinéma, qu’il travaille durement pour réhabiliter le cinéma de genre en France. Peux-tu nous parler de cette collaboration ?

François Baranger > C’est toujours passionnant de travailler avec Christophe. En premier lieu, parce qu’il a toujours des projets excitants, avec énormément d’ambition visuelle. Ce n’est pas sur un film de Gans qu’un concept artist risque de s’ennuyer !

Ensuite, d’un point de vue relationnel, c’est une personne qui laisse beaucoup de liberté aux artistes avec lesquels il travaille. En clair, il considère que s’il fait monter quelqu’un à bord de son projet, c’est qu’il a confiance en son talent et qu’il ne demande qu’à le voir s’exprimer. Cela peut sembler évident dit comme ça, mais c’est loin d’être toujours le cas…

Et, pour finir, c’est lui-même un passionné. Et c’est très motivant de travailler avec quelqu’un qui déborde d’enthousiasme.

Christophe Gans travaille actuellement sur son nouveau film. Es-tu impliqué et, si oui, pourrais-tu nous glisser une ou deux petites informations à son sujet ?

François Baranger > Oui, la préproduction vient de commencer, mais, comme tu t’en doutes, je ne peux rien te dire à ce sujet !

Tu as également à ton actif la BD Freaks Agency en tant que dessinateur et auteur. Celle-ci s’inspire de la nouvelle Le Cauchemar d’Innsmouth de H.P. Lovecraft. Comment t’est venue l’idée de faire une BD basée sur cet univers ?

François Baranger > L’univers de Lovecraft fait partie de mes centres d’intérêt principaux. C’est donc tout naturellement que je me suis lancé dans une BD basée sur son univers. Je trouvais ça intéressant de partir d’une de ses nouvelles et de dériver peu à peu pour aboutir à une histoire radicalement différente.

Freaks Agency devait s’étendre sur trois tomes. Finalement, il n’y en a eu que deux de sortis. J’imagine que ça a dû être une terrible déception pour toi, mais envisages-tu un jour de terminer ladite trilogie d’autant que tu avais proposé sur ton site le story-board de la première moitié de l’histoire, soit les 24 premières planches du tome 3 ?

François Baranger > C’était d’autant plus une déception qu’il ne manquait qu’un tome pour boucler le premier cycle. Non, je ne pense pas que je la terminerai un jour. Si la série a été arrêtée, c’était avant tout parce qu’elle n’avait pas trouvé son public. Il est certain qu’Albin Michel aurait pu mieux la défendre, mais honnêtement, si on me proposait de la reprendre aujourd’hui, je déclinerais. C’est de l’histoire ancienne, je suis passé à autre chose.

As-tu d’autres projets de BD en cours ?

François Baranger > Non, la BD représente un investissement en temps trop important par rapport au risque que l’album se plante. Et là, c’est un an de travail pour rien… Le jour où les éditeurs de BD retrouveront une production plus raisonnable et où chaque album qui sort aura une véritable chance de trouver un public, peut-être que je me laisserai de nouveau tenter.

Par contre, je prépare un livre illustré sur l’univers de Lovecraft, mais je n’en dis pas davantage pour le moment, c’est un projet de long terme.

A propos de H.P. Lovecraft, as-tu déjà eu l’occasion de jouer à Call of Cthulhu : Dark Corners of the Earth, sorti en 2006 sur PC, qui s’inspirait également de cette nouvelle ?

François Baranger > Non. J’avais lu des critiques assez négatives et cela ne m’a pas donné très envie d’y jouer.

Pour rester dans le domaine de la bande dessinée, quels sont tes auteurs favoris ?

François Baranger > Je vais me faire taper dessus par tous mes amis auteurs de BD, mais je n’en lis presque jamais… Du coup, j’ai un peu de mal à répondre à ta question !

Tu es aussi l’auteur du roman de science-fiction Dominium Mundi paru en 2013. Combien de temps t’a-t-il fallu pour l’écrire et qu’est-ce que tu retiens de cette expérience ?

François Baranger > Une dizaine d’années. Evidemment, comme je l’ai fait en parallèle de mon activité d’illustrateur, ce n’était pas à plein temps. En fait, tout est parti d’une idée de SF que je trouvais intéressante (je ne dis pas laquelle, pour ne pas spoiler) et dont j’étais surpris qu’elle n’ait pas été exploitée avant – à ma connaissance, en tout cas. Une idée qui nécessitait d’imaginer que l’humanité, dans le futur, était revenue à un mode de vie médiéval, tout en conservant une technologie moderne, et lançait une nouvelle croisade vers une planète inconnue. Or, l’envie d’écrire me démangeait depuis quelque temps. Je me suis donc lancé dans l’écriture d’un roman, pas vraiment dans l’idée d’être publié, mais plutôt de me tester, de voir ce que j’étais capable de faire sur ce sujet.

Et puis je me suis pris au jeu, et le projet a pris beaucoup plus d’ampleur que prévu. Au final, c’est devenu un énorme diptyque de 1.400 pages ! Et ma plus grande surprise est venue lorsqu’on s’est rendu compte, avec l’éditeur, que le roman marchait très bien. C’est vraiment une très grande satisfaction, après s’être donné autant de mal sur ce projet, de constater qu’il a trouvé un véritable écho auprès des lecteurs. On en est déjà au deuxième retirage, et il sortira en poche d’ici un an environ.

Le second tome est sorti en début d’année. As-tu déjà une idée précise de la suite, si suite il y a ?

François Baranger > Hou là, après dix ans immergé dans cet univers, j’ai envie de passer à autre chose ! Je ne dis pas que je n’écrirai jamais de suite, peut-être qu’un jour j’aurai envie d’imaginer ce qui s’est passé après la fin de l’histoire, mais pour l’instant, j’ai surtout envie de varier un peu. Du coup, mon nouveau roman sera un thriller situé à Paris en 1900. On ne peut pas faire plus éloigné…

Si tu pouvais choisir un roman dont tu aurais aimé être l’auteur, quel serait-il ?

François Baranger > Il y en a tant que j’aurais rêvé d’écrire… Spontanément, je répondrais peut-être « L’Echiquier du mal », de Dan Simmons.

Dernière question. Si tu devais choisir l’une de tes casquettes (auteur, dessinateur, concept artist…), laquelle aurait ta préférence ?

François Baranger > Impossible ! Ce serait comme demander à un père de choisir entre ses enfants ! Toutes ces activités me sont indispensables. Il y en a même d’autres que tu n’as pas citées, comme la sculpture ou la musique. En fait, je crois que je n’arrive pas à me spécialiser, j’aime avant tout la variété, le renouvellement.

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