Indiana Jones Et Le Cercle Ancien : Un vrai coup de fouet

Véritable icône des années 80, Indiana Jones nous aura offert un baroud d’honneur au cinéma dans un opus bancal mais généreux et entièrement dévolu à sa gloire. Le retrouver dans une nouvelle adaptation vidéoludique avait donc de quoi exciter les sens d’autant qu’on y trouve derrière les Suédois de MachineGames qui nous avaient gratifié d’un étonnant reboot de Wolfenstein. Au vu du résultat, on serait tenté de se dire que le studio a bel et bien trouvé la formule pour mélanger harmonieusement humour, aventure et nazis dans un tout cohérent et oh combien nostalgique.

Une fois n’est pas coutume, débutons par la fin. Fans d’Indiana Jones, ce jeu est fait pour vous, chaque pixel respirant l’amour de MachineGames pour son jeu mais aussi et surtout pour le personnage créé en 1981 par George Lucas. Sorte de pot-pourri de tout ce qui constitue la saga depuis ses débuts, Le Cercle Ancien compense son absence de véritable prise de risques par une aventure mélangeant habilement le mystique et l’exotique tout en mettant en avant la réflexion et l’exploration plutôt que l’action. Sur ce point, on ne peut que saluer la proposition des développeurs même si cette orientation aura sans doute du mal à convaincre tous les publics, encore plus celles et ceux n’étant pas acquis à la cause du Professeur Jones depuis des années.

Cette déclaration d’amour débute dès les premières minutes qui nous permettent de revivre la scène d’ouverture des Aventuriers de l’Arche Perdue. Quelle meilleure façon de pleinement s’immerger dans l’aventure à venir qu’en explorant la jungle Péruvienne avant de pénétrer dans le temple des Chachapoyas puis d’en échapper en évitant l’un des pièges le plus célèbres de toute l’histoire du cinéma ? Situé un an après les événements du premier film, le reste du jeu constitue également tout ce qui représente Indiana Jones, autant dans les personnages rencontrés, qu’ils soient connus ou non, la menace à affronter (les nazis et les fascistes) ou bien entendu, les lieux à visiter qui nous mèneront du Vatican à Gizeh en passant par Sukhothaï, l’Irak ou bien encore un immense navire de guerre échoué en plein Himalaya. Cette bizarrerie s’explique par l’aspect fantastique du titre puisqu’après l’Arche d’Alliance, les pierres de Sankara ou bien encore le Graal, on s’intéresse ici à un mystérieux cercle formé par plusieurs sites archéologiques d’importance. Indy ne tardera pas à découvrir l’implication de l’Ordre des Nephilims agissant pour l’Eglise, chose qui n’échappera pas non plus à Emmerich Voss, éminent archéologue travaillant pour le Troisième Reich.

Ainsi, pour passer inaperçu et prendre Voss de vitesse, Indiana devra faire preuve de finesse et, autant que faire se peut, ne pas attirer l’attention. Cet aspect sert de direction majeure à un gameplay permettant de se déguiser en fonction des endroits visités pour éviter la confrontation directe, qui privilégie l’infiltration (j’y reviendrai) ainsi que, dans le pire des cas, le combat au corps à corps, chaque objet (guitare, poêle, pioche…) pouvant servir d’arme de fortune afin d’assommer nos ennemis. On a bien la possibilité d’utiliser des armes à feu (le pistolet d’Indy ainsi que des fusils et autres mitraillettes sont disponibles) mais sachant que la moindre détonation fera venir des dizaines de soldats, on évitera la plupart du temps, surtout dans les plus hauts niveaux de difficulté, le jeu proposant de niveler le challenge pour l’action et les énigmes, guère difficiles au demeurant bien qu’ici aussi parfaitement adaptées au contexte.

Ainsi, en plus de l’aspect exploration, on ne cessera de jouer au jeu du chat et la souris, en faisant attention à ne pas trop frôler les chiens de garde ainsi que les gradés, puisque même déguisé, ces derniers sont promptes à donner l’alerte grâce à un sens très aiguisé de l’observation ! Pour autant, si Le Cercle Ancien invite le joueur à la prudence, l’infiltration devient rapidement caduque. En effet, l’IA ennemie étant très moyenne, on aura aucun mal à assommer tout ce beau monde, d’autant que les armes improvisées pullulent un peu partout et qu’une fois amélioré sa santé et son endurance, on encaisse bien mieux les coups. De fait, la possibilité de cacher les corps ou de distraire les gardes en jetant des objets ne servira ici aussi à rien, du moins en mode Normal tant il est simple de déjouer les patrouilles adverses. Dommage bien que cet aspect ne minimise pas plus que ça l’immersion tant il y a à voir et à faire.

Il faut dire que MachineGames a grandement soigné son jeu en intégrant moult quêtes et objectifs annexes afin de rallonger la durée de vie s’étalant sur 35h environ pour voir l’intégralité du contenu. Outre les collectibles à dénicher (trop nombreux, il faut l’avouer), on aura la possibilité d’effectuer des Travaux de terrain (sortes d’activités locales synonymes de mini quêtes travaillées) et de résoudre des Mystères, objectifs moins scénarisés mais s’intégrant plutôt bien dans l’histoire. Toutes ces activités rallongent de façon très agréable l’aventure principale et permettront d’obtenir plusieurs Livres d’aventure associés à autant de capacités qu’Indy obtiendra afin d’être plus efficace au cac, de pouvoir transporter davantage de munitions, etc. Il ne tiendra alors qu’à vous d’acheter des fascicules révélant l’ensemble des secrets de chaque lieu puis de partir à la recherche de tous ces trésors. Cependant, pour y parvenir, il vous faudra user d’une carte pas toujours très pratique, ceci devenant même un peu agaçant, sachant que certaines constructions s’étalent sur plusieurs étages. D’ailleurs, bien que le level design soit très soigné, à l’image du visuel conjuguant superbes décors et magnifiques jeux de lumière, on notera parfois quelques bugs (impossibilité de monter à un rebord, scène de voltige au fouet buggées) heureusement contournables en sortant de la zone concernée puis en y revenant. De même, on pointera du doigt une version PS5 pas toujours exempte de défauts, notamment à Sukhothaï où chaque traversée en bateau est sujette à des apparitions tardives de textures.

Nonobstant, on aura de cesse de naviguer entre les différentes zones, la possibilité de revenir dans un endroit déjà visité permettant de ne pas passer à côté de quelque chose d’important. Bien cette feature soit synonyme de certains paradoxes (un allié kidnappé à un instant T revenant automatiquement à nos côtés si on revient en arrière), on appréciera l’effort. En parlant de compagnons de route, impossible de ne pas saluer le travail sur Gina Lombardi et le précité Emmerich Voss. Alors que la première, journaliste à la recherche de sa sœur, évoque la Helena Shaw du Cadran de la Destinée en mélangeant ce goût pour l’action et les piques à destination d’Indy, le second impose par son charisme, son sadisme et son intelligence en prenant le «meilleur» de René Émile Belloq et d’Arnold Ernst Toht, les deux antagonistes des Aventuriers de L’Arche Perdue. Leurs personnalités restent donc classiques et conformes à ce que nous a offert la saga mais les développeurs Suédois leur ont apporté suffisamment de caractère à travers de bons dialogues ou un chara design très réussi pour en faire des personnages marquants, dignes de leurs homologues filmiques.

Ce constat vaut également pour l’ambiance générale, digne héritière des longs-métrages, renforcée par la possibilité de jouer en format cinémascope, et parvenant à consolider le mythe. De là à dire que Le Cercle Ancien est aussi bon voire meilleur que les deux derniers films, il n’y a qu’un pas. Encore plus vrai si on se prend au jeu, dans tous le sens du terme, surtout qu’aucune adaptation d’Indiana Jones ne nous avait autant donné la sensation d’incarner le célèbre professeur. Ceci vient bien entendu de son scénario, haletant et jamais avare en rebondissements, de ses clins d’oeil, nombreux et toujours bien vus, ou bien encore de son casting renforcé par un excellent doublage qu’il soit français, malgré la voix un peu éraillée bien que toujours aussi iconique de Richard Darbois, ou anglais, Troy Baker ayant effectué un travail bluffant pour se rapprocher au plus près de la voix d’Harrison Ford. N’oublions pas non plus son mélange d’action/aventure avec ses combats au corps à corps usant du sound design des films pour accentuer chaque coup de poing, de l’usage du fouet (pour arracher une arme des mains d’un ennemi, effrayer les chiens ou se balancer) ou de l’obligation d’utiliser la panoplie du parfait petit aventurier (appareil photo, journal, appareil pour respirer sous l’eau) afin d’explorer chaque recoin des gigantesques niveaux composant le jeu.

Alors que Indiana Jones Et Le Cercle Ancien aurait gagné à affiner certaines choses (IA, structure un peu trop figée malgré les excellents bien que plus courts niveaux de l’Himalaya et Shanghai), le fait que MachineGames assume jusqu’au bout ses partis-pris, permet à leur titre de se différencier de ses concurrents directs mais aussi des précédentes productions du studio. Une bouffé d’air frais et de nostalgie synonyme d’un jeu transpirant l’amour pour cette icône de la pop culture et qui trouvera aisément sa place dans votre logithèque plutôt que dans un musée.

Tout en assumant du début à la fin sa dimension nostalgique et son orientation aventure, Indiana Jones Et Le Cercle Ancien alterne entre de savoureux dialogues et un voyage nous menant aux quatre coins du monde. Bien qu’affichant quelques écueils (IA, structure redondante, menuing perfectible, trop de collectibles), le jeu de MachineGames prend le meilleur de la saga de George Lucas et Steven Spielberg tout en lui offrant un écrin répondant aux standards actuels. Le résultat est imparfait mais oh combien réjouissant en se présentant ni plus ni moins comme la meilleure adaptation de la licence à ce jour.

Yannick Le Fur

Yannick Le Fur

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