Predator : Badlands – Héros malgré lui

Promu grand ordonnateur de l’avenir du Predator, Dan Trachtenberg passe à la vitesse supérieure en sortant cette fois au cinéma un troisième film à la gloire de l’extraterrestre à dreadlocks. L’occasion de rebattre les cartes, de faire de notre chasseur le héros, tout ceci sous couvert d’un rating PG-13. Mauvaise idée ou nouvelle direction dont la franchise avait bien besoin ? La question mérite d’être posée.

Renouant avec la fin de Killer of Killers, Badlands installe son introduction sur Yautja Prime, planète des Predator et terrain d’affrontement entre Dek et son frère Kwei, le premier, ayant à cœur de prouver à son père qu’il est loin d’être le plus faible de son clan. En quelques minutes, Trachtenberg pose les bases de son histoire en gardant les fondamentaux de la franchise : l’aspect survivaliste, la nature sans peur de l’extraterrestre et un arsenal à même de dézinguer une armée toute entière. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ce ne sera pas de trop sur la planète Genna, la destination choisie par Dek pour faire ses preuves, tant la flore et la faune sont hostiles, de la plus petite limace explosive au Kalisk, la bête traquée par Dek afin de ramener un trophée de choix à sa tribu.

Le postulat est simple bien que radicalement diffèrent des autres films : cette fois, le Predator est présenté dès le départ comme le chasseur, mais aussi le chassé. Chose improbable, il devra même s’allier pour espérer triompher. Autant d’éléments surprenants qui risqueront fortement d’offusquer les fans les plus endurcis de la saga. Mais qu’à cela ne tienne, Badlands fait évoluer l’univers mis en place par Dan Trachtenberg et semble même voir plus loin en intégrant frontalement celui d’Alien. Tout ceci afin d’amener le prochain AvP ? Il est trop tôt pour le dire bien qu’il soit permis de le penser. Sur ce point, on sera donc largement servis entre les gimmicks presque obligatoires (le dialogue avec MOTHER, quelques props, le sound design caractéristique), l’apparition d’une version boostée du robot exosquelette d’Aliens (par ailleurs spoilé dans le trailer) et bien sûr Thia (Elle Fanning), une synthétique de Weyland-Yutani, ainsi que Tessa, sa version «dark».

D’ailleurs, on trouvera un peu facile le fait que Thia obéisse en premier lieu à sa programmation puis soit guidée par une volonté contraire quelques minutes plus tard, dans le seul but de faire un parallèle entre elle et Dek, tous deux «défectueux» aux yeux de leurs pairs. L’histoire aurait d’ailleurs pu s’affranchir de ce reflet entre le Predator et Thia formant l’improbable tandem de cette aventure. Vu par Dek comme un simple outil, Thia deviendra rapidement une compagne, rejointe par une créature, qu’on croirait échappée d’un Star Wars et que la synthétique renommera Bud, histoire d’appuyer un peu plus l’aspect buddy movie de ce nouveau volet. Tout en marquant sa différence (à travers ses personnages, son humour et ses ruptures de ton), le réalisateur déploie les grands moyens et prend énormément de soin à cadrer ses protagonistes afin de donner à l’action une lisibilité jamais remise en cause, et ce, malgré les différents affrontements contre un bestiaire extrêmement généreux. Au-delà du fait qu’on avait jamais connu le Predator aussi loquace, Badlands s’avère souvent astucieux dans ses idées pour faire avancer son histoire, simple, fluide, mais s’éloignant encore un peu plus de la vision originale des frères Thomas.

Pour autant, il est indéniable que le réalisateur aime le Predator et qu’il avait pour ambition avec Badlands de le faire évoluer en lui offrant un background inédit, et même sa propre langue, ceci permettant à Dek de dialoguer avec Thia au travers d’un traducteur universel. Jeune et farouche, Dek conserve également cette impétuosité allant de pair avec cet esprit combatif propre à l’extraterrestre. La planète Genna va répondre à ce besoin en devenant un gigantesque terrain de chasse qui sera aussi létal pour notre E.T. que ludique pour le spectateur. Trachtenberg construit ainsi son film en ayant en tête la courbe d’apprentissage du chasseur qui à peine débarqué se verra déjà confronté à toutes sortes de dangers. Dans son envie d’action soutenue, Badlands se montre donc impressionnant avec un enchaînement de séquences toutes plus folles les unes que les autres, d’une bataille contre une flore un brin envahissante à un affrontement contre des nuées de synthétiques au face-à-face avec le Kalisk.

En tant que blockbuster taillé sur mesure, Badlands ne cesse de balancer des shoots de dopamine à son public, qu’il connaisse ou non la franchise. De fait, n’espérez pas y retrouver l’aspect cru et poisseux du chef-d’œuvre de McTiernan, l’idée étant ici de découvrir un univers plus abordable avec un Predator aux traits plus doux que ceux de son aïeul de 1987. Bien que généreux, on pourra reprocher au film sa construction très classique, avec ce besoin absolu de créer du lien entre Dek et Thia jusqu’à un point presque ridicule, au détour d’une scène de feu de camp aussi poussive qu’un brin gênante, surtout lorsque le scénario tente de faire de même entre le chasseur et Bud pour consolider encore un peu plus cette notion de clan faisant presque passer le trio pour les nouveaux Gardiens de la Galaxie.

Pour autant, faut-il rejeter ce Predator : Badlands ? Non, car il est indéniable que la franchise avait besoin de se sentir revigorée et de ne pas réciter à nouveau la formule du film de McT. Trachtenberg lui-même l’avait mise à profit dans le très bon Prey avant de sortir des sentiers battus via l’animation. En l’état, Badlands a pour lui d’essayer quelque chose de neuf, d’original et si tout n’est pas du meilleur acabit, on se prendra déjà à imaginer pour le futur un mixe entre la violence de Killer of Killers et le grand spectacle de Badlands.

En troquant la violence crue et l’atmosphère suffocante du Predator original contre du grand spectacle made in Hollywood, Badlands tente d’exister au sein de la saga à qui il apporte du lore et un vent de fraîcheur. Difficile toutefois d’affirmer que c’est bien ce dont la franchise avait besoin même si il est indéniable que le film de Trachtenberg possède une vitalité et une générosité faisant plaisir à voir.

Yannick Le Fur

Yannick Le Fur

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