Barry : Tuer n’est pas jouer

Créée et interprété par Billy Halder en 2018, Barry est une série qui marque, autant qu’un Breaking Bad avec qui elle entretient quelques points communs, à commencer par la double nature du personnage ou ce mélange entre légèreté et dureté. Si Barry a tiré sa révérence en 2023, elle s’avère encore aujourd’hui l’un des shows les plus marquants de ces dernières années.

Ancien marine, Barry Berkman (Billy Halder) s’est reconverti en tueur à gages une fois rentré au pays, en s’associant à un certain Monroe Fuches (Stephen Root). Alors qu’il poursuit sa cible réfugiée dans un cours de théâtre lors d’un contrat, il se fait passer pour l’un des étudiants afin d’atteindre son objectif et échapper aux flics. Se faisant, Barry rencontre la dénommée Sally Reed (Sarah Goldberg) dont il tombe amoureux et commence à se questionner sur son avenir en se demandant si sa vocation n’est pas plutôt d’être sur les planches.

Après avoir posé le contexte, Barry n’a de cesse d’approfondir ses personnages tout au long de ses épisodes en ne lésinant jamais sur les faux-semblants afin de rebattre constamment les cartes pour mieux surprendre le spectateur. C’est sans doute cet aspect qui en fait une série aussi exceptionnelle d’autant que l’ensemble de son casting participe à la tragédie à venir parsemée de passages purement comiques, autant dans leur écriture que leur subtilité.

Cette qualité d’écriture, alternant constamment entre satire, drame et comédie, doit autant au talent de ses auteurs (dont Billy Hader) que celui de ses interprètes, du génial Henry « Fonzie » Walker dans le rôle de Gene Cousineau, l’un des personnages ayant sans doute le plus de facettes avec Monroe Fuches, Sarah Goldberg, terriblement attachante dans le rôle de Sally, ou même des rôles a priori secondaires à l’image de NoHO Hank (Anthony Carrigan, absolument parfait), petite frappe qui va peu à peu contrôler le gang tchétchène avec lequel Barry aura fort à faire.

A travers ses saisons, Barry développe son univers de façon méticuleuse en ne laissant jamais de côté certains personnages. Cet état de faits est particulièrement visible avec NohO qui parvient très souvent à voler la vedette aux rôles plus consistants. Chaque épisode participe à la construction de la saison en cours, ça va vite, on ne s’ennuie jamais, les situations et dialogues savoureux se succèdent et les retournements de situation sont nombreux et bien amenés.

Quatre saisons aussi exquises l’une que l’autre (leurs notes de 96 à 100% sur Rotten Tomatoes parlent d’elles mêmes) qui chacune à leur façon permettent à Barry d’évoluer, en alternant entre ses réussites et les erreurs qu’il commettra malgré toute sa bonne volonté. Avec son physique de jeune premier un peu désœuvré, Billy Halder porte en grande partie le show sur ses épaules et nous gratifie d’une interprétation multi-facettes, aussi à l’aise en tueur professionnel qu’en qu’acteur un peu gauche. Tout au long des saisons, Barry ne cessera d’être confronté à des retournements de vestes, qu’ils viennent de Cousineau ou Fusches, ce dernier se montrant tour à tour protecteur puis destructeur. Rien n’est vraiment blanc ou noir dans la série et si les sentiments de Barry pour Sally sont sans doute ce qu’il y a de plus honnête, on se questionnera plus d’une fois sur les motivations de certains, faussement sincères vis-à-vis de leurs proches et d’eux-mêmes.

Ne se privant jamais d’aborder de front les concepts de vie, de mort et de rédemption, la série prend aussi son temps pour multiplier les sujets, qu’il s’agisse de maltraitance, de stress post traumatique ou de la place des algorithmes sur les plates-formes de streaming. Barry ne se refuse rien et parvient à tout imbriquer de manière étonnamment fluide afin d’offrir au récit cet aspect protéiforme.

Touchant, réservé mais aussi et surtout radical quand il doit honorer un contrat ou protéger ceux qu’il aime, Barry est un personnage complexe autant dans sa personnalité que l’interprétation tout en nuances de son interprète. On ne sera donc pas surpris de le voir se questionner continuellement sur les choix à faire, son ambivalence trouvant écho chez la plupart des autres personnages, à l’image de Sally confrontée à son envie de célébrité, son besoin de reconnaissance et son attachement à Barry qui la mènera plus d’une fois à marcher au bord du gouffre. La série brode ainsi au fil des épisodes un canevas qui n’est pas sans rappeler celui de Breaking Bad (une histoire qui bascule rapidement, le jeu de dupes, le héros devant constamment mentir pour protéger son entourage…) bien qu’à l’inverse de Walter White, Barry soit principalement porté par l’amour plus que par l’ambition.

Chaque moment servant à densifier l’intrigue, qu’elle soit posée ou rythmée à l’image de la course-poursuite en moto de la Saison 03 quasiment en plan séquence, on ne regarde pas Barry, on la dévore. Tout ceci concourt à en faire une série exceptionnelle, aussi bien dans la (dé)construction de ses personnages que cette faculté à aller là où on ne l’attend pas, l’aspect dramatique se substituant souvent à des moments plus drôles, voire complétement décalés avec ce qu’on vient de voir juste avant. Référentielle mais en même temps unique, Barry est un bijou de plus à mettre au crédit de HBO mais aussi et surtout de son créateur/acteur Billy Hader.

Barry est une série que vous devez absolument voir. Tour à tour drôle, émouvante et violente, elle bénéfice d’une écriture admirable tout en étant servi par un casting totalement impliqué. Sous ses airs de « faux Breaking Bad », se cache un show n’ayant jamais peur de mélanger les genres en alternant dialogues ciselés, retournements de situation, scènes d’action et évolution fascinante de ses personnages. Indispensable.

Yannick Le Fur

Yannick Le Fur

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