Après quatre films, il est temps pour les Warren de plier bagages. Si le Conjuringverse n’est pas prêt de se refermer pour autant (moult séquelles et une série TV sont à l’étude), le célèbre couple de chasseurs de démons tire ici sa révérence avec le cas le plus terrifiant qu’ils aient jamais connu. C’est du moins ce que suggère le carton introductif car dans les faits, ce sont plutôt quelques sursauts qui attendent les spectateurs rompus à la franchise.
Réalisé par Michael Chaves (le médiocre Conjuring : Sous L’Emprise du Mal, le peu recommandable La Nonne 2), Conjuring : L’Heure Du Jugement revient sur l’impact de ces innombrables enquêtes paranormales au sein de la cellule familiale. L’introduction est le moyen de revenir sur le tout premier cas des Warren alors que Lauren s’apprête à accoucher. Le parallèle entre le quotidien du couple et la naissance de l’enfant prend ici une autre dimension, en confrontant le malin (les forces maléfiques qu’ils affrontent pour leur travail) au divin (le fait de donner la vie). Les deux étant intimement liés, la mort du nourrisson suivie de sa «résurrection» résonne encore plus comme un signe. Outre le fait de poser les bases d’une histoire davantage centrée sur la foi (en sa famille, son travail), le scénario permet dès le départ de mettre Judy et son boyfriend au centre du récit. L’idée a du sens (d’autant plus qu’on peut voir dans cet opus une sorte de passage de flambeau) mais se retrouve malheureusement asphyxiée par un scénario hésitant souvent entre son envie d’intime et d’effroi.
En résulte dans la construction un film très similaire à Sous l’Emprise du Mal, autant dans ses qualités que ses défauts. Oui, le tout est joliment emballé par Chaves mais le film échoue la plupart du temps à créer l’effroi à cause de subterfuges usés jusqu’à la corde ou d’amples mouvements de caméra minimisant l’aspect anxiogène. Le réal s’évertue une fois encore à reproduire la formule à travers les mêmes figures horrifiques. Ici le visage blanchâtre d’une femme renvoyant à celui de La Nonne, là, l’utilisation totalement gratuite d’Annabelle dans une « version » renvoyant au Crooked Man de Conjuring 2. L’heure du Jugement paraît usé ou du moins ne semble jamais vouloir trifouiller dans sa mythologie pour en sortir une quelconque originalité. Ce ressenti est accentué par le fait qu’une fois de plus, l’ensemble tourne autour d’une prétendue histoire vraie (l’un des fameux cas Warren) mettant en scène une énième famille aux prises avec un démon cette fois prisonnier d’un miroir, celui-là même qu’avait affronté Ed et Lorraine au début de leur carrière de démonologues.
Et c’est que le bât blesse car en voulant rattacher le cas aux Warren, le film n’arrive jamais à trouver un équilibre entre son envie de rentrer dans l’intimité du couple et de leur fille et le besoin de présenter les membres de la famille Smurl qui n’ont jamais suffisamment de place pour exister par eux-mêmes. De fait, l’empathie est faible et la famille devient un simple cas de plus à résoudre dans la longue liste du couple vedette. Même son de cloches pour le démon n’ayant pas véritablement de présence bien définie si ce n’est à travers ledit miroir qui donne à cette histoire un aspect «Kingesque» n’allant pas nécessairement avec l’ADN de la franchise.
L’Heure du Jugement tâtonne alors dans le ton à employer. Traits d’humour entre le père et son futur gendre, jump scares peu efficaces puisque s’appuyant souvent sur les mêmes mécaniques (silences, obscurité, lent travelling), message sur la foi manquant de subtilité, le mélange peine à convaincre dans un sens comme dans l’autre. Le frisson est rarement au rendez-vous, l’histoire entre Judy et Tony ne fonctionne pas comme elle le devrait et le tout s’étire péniblement sur plus de 2h15 jusqu’à un final quelque peu poussif. Problématique dans le sens où ce film est censé être le dernier bien que Judy et Tony soient destinés à prendre la relève. C’est du moins ce que suggère le film, à travers la scène où Ed offre les clés de la «réserve» à Tony et par extension celle de la franchise.

On sent que les producteurs ne comptent pas en rester là, quand bien même ils rappelleraient à demi mots lors du générique de fin qu’ils ont mis pendant des années sur un piédestal deux démonologues qualifiés par beaucoup de charlatans. Mais qu’à cela ne tienne, l’annonce récente de La Malédiction de la Dame Blanche 2 témoigne du besoin de James Wan et de Warner Bors de remettre le couvert pour capitaliser sur un Conjuringverse répondant rarement aux attentes mais pourtant toujours aussi rentable. C’est peut-être ça l’ultime frisson.





Dans la droite lignée de Sous L’Emprise du Mal, Conjuring : L’Heure Du Jugement se perd dans son envie d’approfondir le lore de la franchise, les relations entre Ed, Lorraine et leur fille tout en présentant la famille au centre du drame. En résulte un film jamais effrayant et n’arrivant pas à caractériser les victimes et le démon. Un comble.