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Army of the Dead : Le casse du siècle ?

Après s’être aventuré ces dernières années dans le genre super-héroïque, Zack Snyder revient au film de zombies, 17 ans après le brillant remake du Zombie de George A. Romero. Sa vie ayant été émaillée de déconvenues professionnelles et de tragédies personnelles, ce nouveau long-métrage, qui n’aurait pu être qu’un simple roller coaster truffé d’action, affiche les stigmates d’une vie récente n’ayant pas été de tout repos. Cependant, Army of the Dead, se situant à la croisée des chemins d’Aliens et d’Ocean’s Eleven, porte également en lui un douloureux constat : tout le mordant du cinéma de Snyder est ici inversement proportionnel à celui de ses macchabées.

Le problème principal de Army of the Dead ne vient pourtant pas de son scénario bien que celui-ci soit perclus d’incohérences. En effet, dès le départ, le projet se présente comme un réjouissant film de zombies dans lequel le personnage campé par Bautista va devoir former une équipe de choc pour aller effectuer un casse à Las Vegas, désormais no man’s land coupé du monde par une immense palissade afin que les milliers de zombies qui s’y terrent ne puissent en sortir. Pour rajouter un peu de piment, la ville, à l’instar de Raccoon City (Resident Evil 3), est promise à une destruction totale via un bombardement nucléaire imminent. Évoquant aussi bien New York 1997 (dans son pitch de départ) qu’Ocean’s Eleven ou Aliens, auquel il emprunte quantité d’éléments, tout laissait présager un spectacle bas du front mais oh combien jouissif d’autant que Snyder n’a plus à démontrer ses compétences lorsqu’il s’agit d’aligner plans iconiques et action démesurée. Sauf qu’ici, rien ne fonctionne vraiment. Le montage chaotique, la photo abominable du film (jonglant constamment entre flous et sous-exposition), des personnages stéréotypés au possible, rien ne va. Plus grave, alors que le film aurait gagné à jouer la carte du second degré du début à la fin, il se prend trop souvent au sérieux en intégrant notamment une histoire entre Scott Ward (Dave Bautista) et sa fille, ainsi qu’une ébauche de love story avec Geeta, jamais correctement développées et donc totalement dispensables, si ce n’est pour rallonger la durée du film qui aurait gagné à être écourté d’au moins trente bonnes minutes.

Questions sans réponses

Cet exemple ne fait que mettre en avant tout ce qui ne va pas dans le film, d’une écriture catastrophique à un agencement de séquences couvert d’ellipses et de maladresses. On retiendra à ce sujet un temps d’incubation très variable ou l’introduction avec ce convoi militaire, seul sur une route du Nevada et arrivant tout de même à se prendre l’unique voiture arrivant en sens inverse. Aussi involontairement drôle que la scène de Lori Grimes dans The Walking Dead, la séquence laisse ensuite sa place à un générique très réussi, rare moment où l’on retrouve les fulgurances visuelles auxquelles nous a habitué le réalisateur.

Malheureusement, aussi percutante soit-elle (dans tous le sens du terme), l’introduction pointe du doigt les innombrables blancs du scénario à commencer par les origines d’Alpha (la cargaison des militaires) jamais évoquées bien que centrales dans l’univers qu’on nous dépeint. Comment a-t-il été créé ? Qu’est ce que l’armée comptait en faire ? Existe-t-il d’autre foyers pandémiques dans le monde ? Aucune de ces questions ne sera finalement abordée. Il faudra simplement accepter cet état de faits, tout comme celui qu’il existe des zombies lambda (bêtes, méchants et affamés) et des zombies doués de raison, formant une meute coordonnée et menée par Alpha et sa reine, également sous-exploitée à l’image d’une autre piste scénaristique réjouissante renvoyant à Dawn of the Dead mais tombant très vite à plat.

Une équipe clichée mais soudée

En somme, bien qu’amenant plusieurs options originales, les morts-vivants restent finalement cantonnés à leur fonction première : courir, rugir et fondre sur notre groupe de braqueurs qui ne sont guère mieux lotis. Clichés au possible, chacun se voit réduit à sa plus simple expression : le perceur de coffres, sûr de lui mais un brin maladroit, le mercenaire à la solde de Tanaka (le commanditaire du casse) ne laissant planer aucun doute véritable sur sa nature, la latino badass, lointaine cousine de Vasquez (Aliens), la pilote d’hélicoptère fumant son cigare en faisant le plein de son appareil… Equipe disparate mais réunie autour de l’appât du gain, celle-ci n’arrive jamais à créer l’empathie, l’exposition des personnages, pourtant longue de 40 minutes, ne parvenant pas à offrir suffisamment d’épaisseur aux membres du groupe ou bien encore à créer l’étincelle à cause de scènes et dialogues mille fois vues et entendus. Que dire également de Kate Ward, enrôlée par son père pour une raison artificielle et ne perdant jamais une seconde pour prendre de mauvaises décisions en pleine action, et ce même si elles sont guidées par l’envie de retrouver une personne disparue. A l’inverse, on sera agréablement surpris par le personnage de Lily, plus travaillé que ses comparses et profitant du jeu énergique de la Française Nora Arnezeder.

Ni fun ni flippant

Bien que le film conserve quelques moments plaisants et de très beaux plans d’un Las Vegas post-apo, on trouvera frustrant qu’il n’use jamais véritablement de son décor pour jouer avec ou du moins varier les situations se déroulant la plupart du temps dans des intérieurs génériques. Dommage tout comme pour la plupart de ses idées peinant à générer les émotions censées être véhiculées. D’une séquence très convenue semblant issue de Silent Hill : Revelations et I Am Legend, à une scène d’action brouillonne dans le casino en passant par une ouverture de coffre beaucoup moins spectaculaire que celle de Die Hard pour ne citer que cette dernière, le film de Snyder échoue la plupart du temps à générer peur, excitation et rire. D’ailleurs, bien que le tout opère à certains moments des retournements à 180° afin de se la jouer un peu plus «fun and destroy», c’est également peine perdue à cause d’astuces aussi illogiques qu’improbables (le coup des zombies pour déjouer les pièges) ou de blagues (celle des macchabées portant des vêtements similaires à ceux du groupe) essayant de faire naître dans l’esprit du spectateur certains doutes pour mieux s’en amuser… A moins qu’il ne s’agisse ici de la première pièce d’un puzzle visant à développer l’univers du film de Snyder.

Blindé d’approximations et n’arrivant pas à créer l’empathie pour ses personnages, Army of the Dead n’use à aucun moment de ses meilleures idées (les zombies doués de raison) ainsi que de ses personnages les plus iconiques (le zombie Alpha et sa reine). Il préfère pendant plus de deux heures raconter une histoire qui aurait dû délaisser certains arcs narratifs ne faisant que court-circuiter son aspect B movie plus ou moins assumé. Jamais effrayant ni vraiment excitant dans son action, le film de Snyder se complaît dans ses références plutôt que d’user au mieux de ses éléments les plus notables qui, correctement mis à profit, auraient pu apporter un vent de fraîcheur au genre.

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Love, Death + Robots V02 : La technique a ses raisons que la raison ignore

Après une excellente première saison, l’anthologie Love, Death + Robots revient pour une Saison 2 plus courte, puisque simplement composée de 8 épisodes. Très aboutie artistiquement, la saison manque sans doute un peu de cœur, de fond et se voit souvent à la merci de ses durées très courtes ne permettant pas aux scénaristes de suffisamment développer leurs histoires. Pour autant, l’ensemble reste d’un bon niveau et propose un concentré d’humour, de tension et de technicité.

  • Episode 01 : Le Robot et la Vieille Dame
  • Durée : 12 minutes

On commence avec légèreté par un épisode se déroulant dans un futur non défini où la population se montre plus oisive que jamais en laissant toutes les tâches quotidiennes aux bons soins de robots. Evoquant, dans son contexte, la deuxième partie de l’excellent Wall-E, l’histoire se concentre sur les mésaventures d’une vieille dame et de son adorable petit chien en proie à leur robot domestique essayant de les tuer après un dysfonctionnement. L’épisode enchaîne les gags avec brio en usant des fonctions premières du robot ou bien encore de l’aspect très cute du toutou. Une mise en bouche exquise, bien rythmée et au character design très marqué.

  • Episode 02 : Le Témoin
  • Durée : 13 minutes

Bien que l’ensemble profite d’un très beau design (empruntant ici aussi au style de Peter Chung avec ces corps longilignes), l’épisode se focalise sur une course entre deux frangins et une bande de jeunes, parfaitement mise en scène mais ne parvenant pas à creuser les thématiques de la fraternité et du rejet de l’autre. Il est également frustrant que l’univers de l’épisode (un gigantesque avant-poste colonial terrien se trouvant sur une planète glacée) ne soit pas développé et que les personnages manquent d’épaisseur, ceci minimisant l’importance de la relation entre Fletcher et Sedgewick, le premier possédant des capacités augmentées (à l’image de la plupart des locaux) à l’inverse du second.

  • Episode 03 : Groupe d’intervention
  • Durée : 18 minutes

S’inspirant de Blade Runner pour une partie de son esthétique, l’épisode se situe dans un avenir lointain semblant avoir vécu plusieurs guerres comme en témoignent les vestiges d’une vie passée. Alors qu’on retrouve, à l’image de Metropolis, les différentes classes sociales vivant en hauteur pour les plus aisées, les pauvres étant cantonnés dans les bas-fonds de la société d’avant, l’idée la plus intéressante de ce segment vient du fait que n’importe-qui semble pouvoir prétendre à une vie meilleure ainsi qu’à l’immortalité, à condition de ne pas avoir d’enfants. La régulation se voulant drastique, les policiers, dont fait partie Briggs, le personnage principal, ont pour devoir de traquer non pas des Réplicants mais les enfants encore en vie. L’épisode réussit à dérouler son concept tout en s’attardant sur Briggs qui, pris de remords, cherchera à comprendre pourquoi certains humains s’évertuent à élever des bambins plutôt que de profiter d’une longue existence à l’abri du besoin. Intéressant mais frustrant puisque que le concept de départ aurait mérité un format long pour enrichir ses thématiques à commencer par l’idée même d’immortalité et tout ce que ça implique.

  • Episode 04 : Snow et le désert
  • Durée : 18 minutes

Après nous avoir offert l’un des épisodes les plus aboutis techniquement de la première saison, les frenchies de Unit Image remettent le couvert avec un second segment. Photoréaliste, Snow et le désert étonne grâce à son niveau de détails, son action rondement menée et sa galerie de créatures. Dommage toutefois qu’une fois de plus, le studio s’attarde davantage sur son rythme, son action plutôt que ses personnages à commencer par Snow qu’on ne situe pas vraiment au delà de ses capacités de régénération et sa pseudo immortalité. On retiendra cependant une magnifique scène intimiste, joliment mise en scène, très charnelle mais manquant, paradoxalement, d’âme.

  • Episode 05 : De si hautes herbes
  • Durée : 12 minutes

Renvoyant à l’adaptation du roman de Stephen King et de son fils Joe Hill, Dans les Hautes Herbes, le cinquième épisode de cette saison profite d’une atmosphère travaillée et d’un très beau character design au rendu aquarelle. Bien qu’entretenant un vrai suspens à travers son ambiance hors du temps, presque chimérique, la courte durée de l’épisode ne permet malheureusement pas de creuser le scénario. On devra se contenter dans les dernières secondes de quelques bribes d’informations évoquant tout aussi bien une malédiction qu’une légende urbaine.

  • Episode 06 : La surprise de Noël
  • Durée : 7 minutes

Une fois n’est pas coutume, La Surprise de Noël s’adapte parfaitement à son format (très) court. Simulant une animation en stop motion, l’épisode s’avère être une réjouissante variation autour du Père Noël et des comtes pour enfants. Une petite merveille, originale, astucieuse et délicieusement cynique, se payant le luxe de s’offrir un beau clin d’oeil au cinéma de Guillermo del Toro. L’un des meilleurs opus de cette Saison 02.

  • Episode 07 : Module de secours
  • Durée : 13 minutes

Se déroulant en huis clos (exception faite de quelques flashbacks), un pilote (Michael B. Jordan), doit échapper à la surveillance d’un robot dans une pièce minuscule. Pitch assez limité mais permettant à Module de secours d’aller droit au but en parvenant à maintenir une certaine tension. Bien que profitant d’une motion capture bluffante, l’épisode a toutefois du mal à aller au delà de son aspect technique et ce malgré un montage resserré afin d’accentuer la dangerosité de l’instant.

  • Episode 08 : Le Géant noyé
  • Durée : 13 minutes

Tournant autour d’un géant échoué sur une plage près d’une ville de pêcheurs, l’épisode, principalement narré en voix OFF, suit Steven, dépêché sur les lieux pour le compte des autorités. Témoin de la fascination des habitants pour la créature, Steven va suivre la lente décomposition de la créature et la désaffection progressive des riverains pour cette découverte. Mélancolique et métaphorique (on pensera ici au commerce abusif des baleines) Le Géant noyé (adaptation d’une nouvelle de JG Ballard) évoque le temps qui passe, la notion de vie et de mort tout en abordant la nature humaine, toujours prompte à exploiter un événement, aussi dramatique soit-il, pour son propre intérêt.

A l’inverse de la première saison qui maitrisait mieux son format tout en s’appuyant sur d’excellents twists se rapprochant de ceux d’une série comme The Twilight Zone, la S02 de Love, Death + Robots semble souvent prisonnière de ses durées. Alors que certains épisodes (Le Robot et la Vieille Dame, La surprise de Noël) s’en sortent avec brio, d’autres en revanche (Le Témoin, De si hautes herbes) esquissent leur sujet en laissant une impression d’inachevé.

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Castlevania S04 : Une fin sang pour sang magistrale

Après une Saison 03 désireuse de faire avancer tous les personnages afin de mettre en place le grand final, la Saison 04 se devait de conclure avec les honneurs l’épopée de Trevor, Syphas et Alucard. Toujours chapeautée par Warren Ellis et Adi Shankar, Castlevania aura peu à peu gagné ses galons en proposant une adaptation péchant parfois au niveau de son animation mais résolument sombre et adulte. Cette nouvelle saison ne déroge pas à la règle. Mieux, elle en reprend tous les éléments pour les compiler et en sortir une fin admirable en tout point.

Reprenant là où la précédente saison s’était arrêtée, la Saison 04 de Castlevania entreprend toutefois un retour en arrière, à rebours, en dévoilant ce qui s’est passé pour Trevor et Syphas ces quatre dernières semaines. A bout de souffle après avoir empêché la résurrection de Dracula à Lindenfeld, continuellement assaillis par les démons, nos deux héros trouvent refuge dans la ville de Targoviste également en proie aux forces du Mal commandées par le massif Ratko et le loquace Varney, l’un des suppôts de Dracula, doublé par le grand Malcolm McDowell (Orange Mécanique, Star Trek Générations), qui s’avérera plus important que le vantard qu’il donne l’impression d’être.

Plus travaillé que dans la Saison 3, le scénario d’Alucard revient sur le vampire mélancolique qui, après avoir été trahi par deux humains dont il s’était entiché, va ranger sa rancœur (sans doute un peu trop rapidement) et venir en aide aux habitants de Danesti où il rencontrera Greta, la chef du village. Tiraillé entre sa nature vampirique et humaine, Alucard n’aura de cesse se questionner sur ce à quoi il aspire et ce à quoi il peut réellement prétendre.

En plus de faire revenir tous les anciens protagonistes dont Saint Germain qui prend ici beaucoup plus d’importance, cette saison s’enrichit de nouveaux personnages auxquels on ajoutera à ceux déjà cités, Zamfir, Garde en chef de la cour Souterraine de Targoviste. Bien que tous ne soient pas traités sur un pied d’égalité, ce casting enrichi est notamment synonyme d’un joli trio de femmes fortes pour une saison bien plus généreuse en action.

En effet, là où les saisons précédentes avaient du mal à trouver le juste milieu, cette Saison 04 intègre dans chaque épisode un ou plusieurs affrontements, à l’animation, une fois encore, plus aboutie et aux chorégraphies virevoltantes faisant le jeu de mouvements stylés, à l’aide de la 3D, de déformations des corps et d’un gore omniprésent. Corps démembrés, décapitations, éviscérations, Castlevania n’hésite jamais à faire couler le sang en profitant au passage d’un bestiaire beaucoup plus varié à travers une galerie de démons à l’allure angélique ou au contraire bien plus sexualisés. On sent bien que les artistes et animateurs ont cherché à élever le niveau, ceci se ressentant notamment dans l’incroyable affrontement de l’épisode 3 avec Mirana, revêtue d’une superbe armure de combat. Femme à abattre, l’imposante guerrière, sorte de Brienne de Torth (Game of Thrones) vampirique, laissera parler sa rage durant une séquence d’action violente, sanglante et renvoyant à de nombreuses reprises à ce qu’a pu nous offrir Berserk. Ce combat trouvera d’ailleurs écho dans de nombreux autres mettant en scène nos trois héros et ce jusqu’à un final impressionnant et très influencé par la série vidéoludique.

Au terme des 10 épisodes, chaque intrigue trouve une conclusion plus ou moins convaincante, tout comme l’ensemble des destins de chaque protagoniste, qu’ils soient du bon ou du mauvais côté de la barrière. Isaac et Carmilla se feront face pour savoir quelle idéologie prévaut, Hector devra choisir son camp et Saint Germain démontrera que malgré le charlatan qu’il semble être, il sait se montrer ambitieux, guidé par son ego ou des motivations plus personnelles. Servis par de très bons dialogues, les personnages principaux profiteront chacun d’un moment privilégié, qu’il soit synonyme d’une scène d’action à couper le souffle ou d’un passage plus profond, plus intime, plus émouvant.

Distillant quelques rebondissements, saupoudrant le tout de diverses touches d’humour, profitant de superbes décors et de plans impactants (à l’image de cet escalier ruisselant de sang qu’emprunte Isaac pour parvenir à Carmellia, prologue à l’une des meilleurs scènes d’action de toute la série), cette saison s’avère supérieure aux précédentes grâce à son rythme trépidant allant crescendo jusqu’à son épisode 10, plus posé et offrant une fin baignée de lumière.

En renvoyant davantage à la série de Konami que par le passé (à travers des personnages, son bestiaire, certains lieux, les pouvoirs d’Alucard, une map holographique qu’on croirait issue d’un des jeux), l’ensemble des épisodes forme un tout plus homogène, référentiel et plus que jamais désireux de se poser comme l’adaptation de qualité que la série n’a jamais cessée d’être.

La quatrième saison de Castlevania réussit le pari de conclure toutes les intrigues en proposant quelques beaux rebondissements ainsi qu’une action omniprésente. Plus dynamique que jamais, plus profonde, servie par un design de haute volée, de très bons dialogues et un casting vocal anglais toujours aussi impeccable et accueillant, excusez du peu, Malcolm McDowell, cette ultime saison s’avère aussi énergique que posée, aussi généreuse qu’équilibrée, aussi brutale qu’émouvante. Une conclusion soignée pour une adaptation qui se sera montrée de plus en plus brillante au fil de ses saisons.

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Oxygène : Un voyage O2là du confinement

Sorte d’écho science-fictionnel de la pandémie qui sévit depuis plus d’un an et du confinement qui en découle, Oxygène nous enferme avec Mélanie Laurent pendant 1h40. Un trip suffocant où la prestation de l’actrice française rayonne alors que la caméra d’Alexandre Aja (Haute Tension, La Colline a des Yeux) multiplie les points de vue afin de faire monter notre jauge d’anxiété.

Huis clos dans le prolongement de l’excellent Buried de Rodrigo Cortés, Oxygène entreprend le difficile exercice de maintenir un suspens dans un lieu exigu en variant autant que faire se peut les situations pour retenir l’attention du spectateur. A ce petit jeu, Alexandre Aja y arrive plutôt bien en usant au mieux de son environnement, que ce soit à travers une administration automatique de sédatif pouvant s’avérer létal, des écrans présentant à intervalle régulier le pourcentage d’oxygène restant ou bien encore l’enchevêtrement de câbles et autres éléments entravant les mouvements de Liz. Optant pour des angles de caméra astucieux et des rebondissements bien amenés, Oxygène déroule son intrigue, se passant plus ou moins en temps réel, sans que l’intérêt ne faiblisse vraiment.

Toutefois, à l’inverse de Buried où la libération de Ryan Reynolds était plus centrale que la façon dont il s’était retrouvé enterré vivant, le script d’Oxygène opte pour un traitement plus personnel. Sujet à une sorte d’amnésie et répondant au tout départ au nom d’Omicron 267, Liz désire savoir qui elle est, afin de trouver la meilleure façon de sortir au plus vite de prison. Pour se faire, elle trouvera une aide précieuse en «la personne» de MILO, IA dans la grande tradition du HAL 9000 de L’Odyssée de l’Espace et dont la voix monocorde et reposante de Mathieu Amalric tranche radicalement avec l’urgence de la situation. Un jeu de pistes va alors s’opérer à travers la consultation de documents vidéos mais aussi de flashbacks renvoyant à la vie passée de Liz. Une façon classique de sortir du caisson tout en apportant quelques indices au fur et à mesure du récit. Sur ce point, on pourra d’ailleurs trouver dommageable qu’Aja et sa scénariste, Christie LeBlanc, aient un peu trop rapidement griller quelques cartouches, à travers certains plans relativement explicites sur la progression de l’histoire, ainsi qu’une ou deux approximations ne minimisant pas pour autant l’impact de la conclusion.

On pourra également déplorer que le caisson médical soit beaucoup moins anxiogène que le cercueil de Buried (simplement illuminé au briquet), les écrans de contrôle, les dialogues constants avec MILO ou bien encore la possibilité de passer des appels offrant au scénario davantage d’expirations que d’inspirations.

Cependant, grâce à son double enjeu, Oxygène tient la longueur en offrant une progression maîtrisée et immersive grâce au jeu de Mélanie Laurent parvenant à synthétiser les nombreuses émotions liées au trauma qu’elle subit. Son personnage et sa quête de la vérité étant à ce point centraux, on fermera les yeux sur le manque d’informations quant à l’époque où l’intrigue se déroule, jamais clairement précisée mais finalement peu utile à cette histoire jouant autant sur l’intimité de Liz que sa survie.

Après les crocos de Crawl, Alexandre Aja renoue avec la tension à travers un script recelant quelques invraisemblances mais proposant un rôle de composition à une Mélanie Laurent impliquée. Moins anxiogène que Buried, distillant sans doute un peu trop rapidement ses indices, le film réussit malgré tout le pari de nous maintenir en haleine pendant 1h40, à l’intérieur de ce caisson de survie qui n’aura jamais aussi bien porté son nom. Profitant d’une réalisation astucieuse, d’un casting intelligent et de plusieurs enjeux enrichissant la narration, Oxygène se montre aussi attentif à son environnement qu’à son actrice en lui offrant un voyage non sans défauts mais des plus haletants.

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Mortal Kombat : Finish him !

La carrière de Mortal Kombat au cinéma et à la télévision a été jalonnée de nombreuses déconvenues. Séries live sans le sou, anime expurgé de toute violence ou le désastreux Mortal Kombat Annihilation, les exemples ne manquent pas. Cependant, cette suite a au moins eu le mérite de fortement mettre en avant les qualités de la première adaptation de Paul W.S. Anderson, plutôt fidèle au matériau de base et joliment emballée. Après un très chouette Mortal Kombat Legends : Scorpion’s Revenge, gore, jouissif et destiné à la vidéo, la franchise revient au cinéma à travers un film plus ambitieux dont trois suites sont d’ores et déjà annoncées en cas de succès. Autant le dire tout de suite, si le film a fait de jolis scores outre-Atlantique, il en viendrait presque à nous faire regretter le film de 1995.

Dès l’introduction de Mortal Kombat, présentant le passé de Scorpion et de son ennemi de toujours, Sub-Zero, une sorte d’inachevé prévaut. Tout s’enchaîne rapidement et sonne faux, au point qu’il est difficile d’éprouver quoi que ce soit pour le combattant et ce même après qu’Hanzo Hasachi ait perdu sa femme et son fils, gelés par Sub-Zero. Le problème vient ici du fait qu’on débarque dans cet univers sans vraiment savoir ce qui lie les différents clans et le pourquoi de leur lutte. Un peu de contexte aurait sans doute aidé à s’immerger tout en vibrant lors du premier affrontement, efficace mais dénué de véritable émotion. Le constat est d’autant plus flagrant quand on compare cette séquence à ce qu’offrait Scorpion’s Revenge entièrement dédié à l’Origin-story du combattant et parvenant habilement à proposer de nombreuses scènes d’action, gore à souhait, tout en développant le fighter maudit.

Bien que plus secondaire que par le passé, le film s’articule à nouveau autour d’un tournoi devant empêcher Shang Tsung d’envahir la Terre. Cependant, Mortal Kombat enclenche la seconde, passée son introduction, afin de nous présenter le reste du casting. Si l’idée de revenir sur les événements ayant permis aux combattants d’obtenir leurs pouvoirs reste bonne, on doutera en revanche du traitement de certains d’entre-eux. Impossible par exemple d’éprouver la moindre sympathie pour Kano, mercenaire qui rejoint le rang des guerriers Terriens et n’ayant pas son pareil pour balancer vanne sur vanne en devenant de plus en plus insupportable à mesure que le temps défile. Les retournements de situation le concernant tombent alors à l’eau, la faute à une caractérisation forcée nous le présentant comme un gentil benêt puis comme une menace pour les héros. Difficile dans ce cas de le prendre au sérieux quelle que soit la situation.

Pour donner plus de corps à l’équipe, Simon McQuoid (ancien publicitaire dont c’est le premier long-métrage) s’évertue à tisser des liens entre Sonya Blade et son compagnon d’armes, le Major Jackson «Jax» Briggs ou bien encore Cole Young et le vénérable Liu Kang, l’une des figures incontournables de la série. Peine perdue puisque rien ne fonctionne tant les personnages manquent de consistance. L’objectif de Mortal Kombat n’est finalement pas tant de nous faire connaître ses héros que la façon dont ils sont devenus ces héros. Ceci passe bien entendu par les affrontements, parfois bien mis en valeur, parfois à côté de la plaque à cause d’un montage beaucoup trop cut minimisant la puissance des coups portés ainsi que la lisibilité des chorégraphies.

Pour minimiser cet état de faits, McQuoid n’a pas lésiné sur les Fatalities et un gore très prononcé, marque de fabrique de la saga et ici sorte caution de fidélité entre le studio et les fans de la franchise. Le problème de Mortal Kombat vient également du fait qu’il essaie d’apporter du sang neuf, via le personnage inédit de Cole Young, sans jamais y parvenir, ce dernier n’arrivant pas vraiment à trouver sa place à l’intérieur de l’intrigue. Le combattant se montre tellement effacé dans son caractère trop classique, son intégration est tellement forcée, qu’il ne fait que mettre en valeur Scorpion et Sub-Zero, dont l’histoire est le véritable fil rouge de ce reboot. Que dire également du jeu caricatural de Ludi Lin (Liu Kang), autant dans ses dialogues que sa gestuelle, ce Goro en CGI, certes moins statique que son incroyable homologue animatronique de 1995 mais aussi moins expressif, ou bien encore la présence de Raiden, secondaire malgré sa puissance divine et ne servant finalement que de «Monsieur loyal» expliquant les tenants et aboutissants du Mortal Kombat à sa clique de champions.

Bien que certains personnages soient plutôt réussis, du moins dans leur design (à l’image de Kung Lao) et qu’on ait droit à une galerie de méchants relativement variée, Kabal ou bien encore Reptile venant rejoindre ceux déjà mentionnés, difficile de plaider la défense de ce Mortal Kombat qui, malgré un budget et des ambitions bien supérieurs à ceux des deux premiers films, loupe le coche en se prenant sans doute un peu trop au sérieux. On en viendrait presque à entendre le rire moqueur de Christophe Lambert.

Mortal Kombat est d’autant plus frustrant qu’il était fébrilement attendu en tant que reboot ambitieux et fidèle aux jeux, ce qu’il arrive toutefois à être à travers ses débordements gores ou sa galerie de personnages. Malheureusement, entre un script paresseux, une réalisation très inégale, certains personnages insupportables et un jeu d’acteur peu convaincant, on a bien du mal à cacher sa déception malgré quelques empoignades parvenant à nous amuser à défaut de consolider la mythologie d’ensemble pour d’éventuelles suites.

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Castlevania S03 : Encore plus de mordant !

Depuis sa première saison en 2017, Castlevania n’aura cessé de gagner en qualité en gommant certains de ses défauts initiaux tout en affinant son scénario et ses personnages. Cette troisième saison se montre plus convaincante que son aînée en ayant réussi à prendre le meilleur de l’action et de la narration une fois encore renforcée par un casting vocal anglais impeccable. Récit d’une saison ayant les dents longues.

Après nous avoir présenté les Forces du Bien lors de la première saison puis celles des Ténèbres dans la deuxième, la Saison 03 suit logiquement l’un comme l’autre groupe en optant pour une narration découpée en quatre histoires se déroulant en parallèle les unes des autres. Une décision intéressante et permettant dès le départ à cette nouvelle salve d’épisodes de proposer des ambiances, lieux et intrigues différentes et complémentaires.

Puisant ses influences aussi bien dans Castlevania : Curse of Darkness que dans le folklore gothique, cette nouvelle saison marie les atmosphères en nous faisant passer d’un village recelant un bien étrange mystère au château de Dracula où Alucard entend bien découvrir, en compagnie de Taka et Sumi, ses deux récents protégés et accessoirement chasseurs de vampires, les trésors que le lieu abrite. Pendant ce temps, Isaac poursuit sa route en créant sa propre armée de démons afin de venir à bout de Carmilla et ses sœurs dont Leonore se montre sans doute le membre le plus intéressant, douce et compatissante en apparence, perverse et calculatrice dans le fond. Bien qu’on ne doute pas vraiment que tout ce beau monde se retrouvera pour le grand final, la Saison 03 s’accorde du temps pour creuser à nouveau les différents personnages à l’image de Trevor et Syphas formant un joyeux petit couple, aussi uni dans l’adversité que dans des moments de complicité saupoudrés d’humour. Evoluant à travers le village de Lindenfeld, nos deux héros ne tarderont pas à s’allier à Saint Germain, voyageur enquêtant lui aussi sur les agissements du Juge, «maire» du village et ceux de Sala, leader d’un groupe de moines dont la mission première ne semble pas des plus catholiques. Débutant de façon assez classique, l’intrigue de Lindenfeld ne tarde pas à prendre de l’ampleur en intégrant notamment un aspect inter-dimensionnel synonyme d’une séquence hallucinée plutôt réussie mélangeant animation traditionnelle et éléments 3D.

En marge de cette intrigue, cette saison n’en oublie pas pour autant d’avancer en jouant très souvent sur plusieurs tableaux afin de confronter ses protagonistes à des réflexions, des choix mais aussi et surtout des trahisons, un peu trop prévisibles il est vrai. Bien que l’histoire d’Alucard soit la plus faible, elle contribue à sa manière à affirmer la personnalité du personnage tout en nous faisant comprendre qu’on peut être un vampire séculaire ainsi qu’un grand naïf. Il n’en reste pas moins que la conclusion de son chapitre devrait avoir des répercussions intéressantes dans la Saison 04 si elles sont correctement traitées. Le forgeron Isaac de son côté ne tardera pas à faire une croix sur sa nature humaine et, telle une Daenerys en croisade, multipliera les tueries de ville en ville au nom de son « saint » objectif : se venger de Carmilla. Caution exotique de cette saison, le périple d’Isaac, débutant à Tunis, demeure également l’intrigue la plus profonde de par les questionnements qu’elle soulève, notamment autour des notions de Bien et de Mal. Occupée à se créer un petit garde-manger personnel, Carmilla, quant à elle, charge Leonore d’amadouer Hector, ancien compagnon d’Isaac et seul à même de créer une armée de monstres pour aider notre quatuor de vampires dans leurs sombres projets.

Plus dense, cette saison demeure forcément plus frustrante puisqu’il faudra attendre la prochaine pour découvrir la conclusion de certaines intrigues. Notons également que si l’animation gagne légèrement en fluidité, l’action se montre moins présente, principalement cantonnée à l’Episode 9 (le meilleur de la saison), mouvementé, comprenant quelques somptueux plans et faisant de l’intrigue d’Alucard et celle d’Hector un élégant jeu de miroirs. L’épisode 10 n’est pas en reste grâce à son impressionnant ballet sanglant entre Trevor, Sypha et une cohorte de créatures aux inspirations Lovecraftiennes, parfaitement découpé, usant de la 3D à travers certains travelings et se posant comme une superbe conclusion avant qu’une vérité morbide n’éclate. Une façon pour Castlevania de ne pas nous faire oublier qu’au delà de son statut d’adaptation, la série a réussi à s’approprier un univers afin de jongler entre grand spectacle, réflexions philosophiques et sombre atmosphère.

En découpant sa narration en quatre intrigues, la Saison 03 de Castlevania se montre plus efficace que la précédente. Ayant en partie gommé un certain manque de rythme, malgré sa dizaine d’épisodes, tout en ayant trouvé un bon équilibre entre horreur, humour et action (toutefois réservée aux derniers chapitres), Castlevania se montre plus que jamais une adaptation de qualité. Jouant davantage sur son aspect mystérieux tout en ayant travaillé les personnalités au sein de sa sororité de vampires, cette nouvelle saison répond à la plupart de nos attentes tout en préfigurant une quatrième et dernière saison fortement attendue.

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Jupiter’s Legacy S01 : plus boy-scouts que The Boys

Pensée, entre autres choses, pour concurrencer The Boys (Prime Video), Jupiter’s Legacy représente la première pierre du partenariat entre MillarWorld et Netflix, la plate-forme ayant d’ores et déjà acquis les droits de plusieurs autres comics de l’auteur Mark Millar (Kick-Ass, King’s Man, Superman Red Son). Après une réjouissante Saison 2 d’Umbrella Academy, c’est donc au tour de Jupiter’s Legacy de s’inviter au bal. Malheureusement, cette première saison comporte nombre de faux pas.

Le grand public étant de plus en plus coutumier des univers supers-héroïques, il est aujourd’hui de plus en plus difficile de se démarquer des autres productions. Délaissant le gore décomplexé de The Boys et le second degré d’Umbrella Academy, Jupiter’s Legacy choisit (sans doute à tord) un ton beaucoup plus sérieux à travers une galerie de personnages qu’on suit à travers deux époques différentes. Une idée qui a du sens afin de présenter l’univers et l’évolution de la première génération de héros sur une période assez vaste mais qui malheureusement pose plusieurs soucis.

Déjà, le rythme de la série en pâtit grandement en ne décollant jamais vraiment et en se heurtant à une construction mal pensée alternant constamment entre présent et Origin Story sous forme de flashbacks se situant dans les années 30. Prenant comme point de départ le krach boursier de 1929, ce dernier sert d’élément déclencheur à la quête de Sheldon Sampson, futur chef de file de l’Union, groupe de supers-héros dans la grande tradition des Avengers ou de la Justice League. Assailli de visions, celles-ci le mèneront vers le milieu de l’Océan Atlantique où il découvrira avec ses compagnons d’infortune, une vérité qui changera à jamais leurs destins. S’étalant sur les 8 épisodes que comporte la saison, ce passé aurait sans doute gagné à être condensé en un seul segment tant ces flashbacks perturbent l’avancée de l’histoire principale en amenant peu ou prou les mêmes dialogues d’une scène à l’autre. Le soupçon d’exotisme émanant de la traversée en bateau et de la visite d’une île évoquant celle de King Kong n’y changera pas grand chose. Cette alternance constante entre passé et présent ne fait finalement que mettre en lumière les carences d’un scénario n’ayant pas grand chose à raconter et ses nombreux personnages caricaturaux.

Il est d’ailleurs difficile d’apprécier n’importe lequel des membres de l’Union, régie par un code moral dont Utopian ne cesse de nous rappeler les préceptes toutes les dix minutes. Tu ne tueras point, tu n’interféreras pas dans les décisions politiques, ce sacerdoce sera continuellement au centre des thématiques, encore plus après que Brandon, le fils de Sheldon, ait tué un super-vilain sur le point d’anéantir l’Union au terme d’un affrontement ressemblant davantage à un fan-made friqué qu’à la conclusion supposément épique du premier épisode d’une super production. Ce problème d’écriture se retrouve d’ailleurs à travers l’ensemble des protagonistes. Lady Liberty, la femme d’Utopian, s’avère relativement effacée et principalement destinée à se retrouver entre son mari et son fils pendant que sa fille Chloe se montre à ce point destructrice qu’on nous le fera comprendre pendant les quatre premiers épisodes où dépravation et drogue formeront son quotidien. Walter, frère de Sheldon, réglera quant à lui, en l’espace de quelques secondes, ses querelles fraternelles afin d’obtenir ses pouvoirs lors d’un ultime flashback aussi expédié que peu convaincant.

Inutilement bavarde, bien trop lente malgré des épisodes oscillant entre 39 minutes et une heure, Jupiter’s Legacy ne parvient pas non plus à convaincre en terme de vfx, souvent disgracieux, ses maquillages pas toujours très heureux ou ses scènes d’action aux fonds verts trop apparents et dénotant d’un cruel manque de dynamisme. La galerie de héros ne forçant jamais l’empathie, à cause d’un jeu d’acteurs très souvent discutable, on a bien du mal à se passionner pour ces derniers tant ils évoluent tels des fantômes à l’intérieur de cette première saison manquant cruellement d’enjeux, de retournements voire tout simplement d’intérêt malgré un cliffhanger annonçant une suite plus intéressante.

Avec son Origin Story prenant trop d’importance au sein de la saison, cette dernière n’arrive jamais à avancer comme elle l’aurait dû, parasitée par d’innombrables flashbacks impactant directement son rythme. N’ayant finalement pas grand chose à raconter, Jupiter’s Legacy tourne en rond pendant 8 épisodes en répétant inlassablement la même rengaine à travers une galerie de personnages très caricaturaux, une action mollassonne jamais aidée par des effets spéciaux peu convaincants ou un design global inesthétique. La série se laisse toutefois suivre distraitement jusqu’à son cliffhanger annonçant une Saison 2 plus sombre mais a-t-on seulement envie de la suivre jusque là ?

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Resident Evil Village : Aussi classique que généreux

Resident Evil est prisonnier de son succès. Le constat est sans détours et démontre à quel point il est difficile de se renouveler, surtout actuellement alors que les coûts de développement d’un jeu ne cessent de grimper en flèche. Alors que Village aurait pu marquer une cassure, du moins mythologique, avec les autres épisodes, c’est plutôt le contraire qui se produit, malgré ce qu’évoque le magnifique opening du jeu, sorte de conte macabre animé dans la grande tradition du stop motion et fortement inspiré par l’univers de Tim Burton. Ce nouveau volet est-il mauvais pour autant ? Du tout mais il permet une analyse intéressante de la franchise plus que jamais désireuse de brosser le fan dans le sens du poil tout en essayant d’évoluer timidement sur différents aspects.

A l’annonce de Village, les rumeurs vont bon train. Les zombies se feraient fait la malle et seraient remplacés par des loups-garous et des vampires. Stupeur chez certains fans, excitation chez d’autres, la nouvelle a au moins le mérite de surprendre tout le monde tant la saga fait du surplace depuis des années en piochant allégrement dans différents types de virus, modifiés ou non par la société Umbrella. Le postulat de départ de Village est donc aguicheur pour qui aimerait un peu de sang neuf. Prolongement de Resident Evil VII, ce nouvel opus en reprend la vue subjective et son héros, Ethan Winters. S’ouvrant sur une introduction évoquant celle de Resident Evil 3 Remake (ou, au choix, Uncharted 4) en nous plongeant dans le quotidien d’Ethan, de sa femme Mia et leur fille, Rose, les premières minutes nous permettent de déambuler dans la maison familiale. Ce sera l’occasion de découvrir quelques bribes du récent passé d’Ethan à travers photos, objets et autres documents pour sacraliser sa nouvelle vie depuis la tragédie de la famille Baker.

Une dispute éclate alors entre Ethan et Mia afin de nous signaler que le couple n’est peut être pas si heureux que ça. C’est ce moment que choisit le réalisateur Morimasa Sato pour accélérer les choses via l’arrivée tonitruante de Chris Redfield qui, sans aucune explication, kidnappe Rose et fait prisonnier Ethan. A partir de là, les événements s’enchaînent à un rythme effréné. Accident du camion transportant Ethan, petite promenade nocturne dans une forêt peu accueillante et arrivée dans le village ne disposant même pas d’un seul Airbnb. L’horreur à l’état pur !

Village sans people

Les premiers instants dans le village donnent le La de la partition à venir autant dans le ton du jeu que sa structure calquée sur celle de Resident Evil VII. La visite des premières bâtisses mais aussi et surtout la rencontre avec les premiers villageois témoigne d’une ambiance sectaire offrant au jeu une tonalité aussi glauque que bienvenue. Photos d’une mystérieuse prophète, offrandes, animaux sacrifiés, l’ambiance culmine lors d’une efficace séance de prière avant de tomber, malheureusement , dans quelque chose de beaucoup plus convenu.

C’est sans doute l’un des principaux problèmes de Village qui semble rapidement baisser les bras dans son ambition initiale de proposer autre chose en préférant partir sur des sentiers balisés jusqu’à s’inspirer continuellement de Resident Evil 4, de son aspect rural à son action omniprésente. Ainsi, l’aspect «folk horror» du début ne débouche sur rien, les villageois étant rapidement décimés et totalement mis de côté pour céder leur place à des ribambelles de créatures. Décevant tant il y avait matière à jouer sur ce tableau en offrant à Village ce retour à l’horreur, brillamment initiée lors des premiers actes de Resident Evil VII, à travers des emprunts constants au slasher, ou le premier The Evil Within, véritable déclinaison Survival de RE4, tous les deux orchestrés par Shinji Mikami.

Kill me if you can

Resident Evil Village officie plutôt dans l’horreur gothique, de par le lieu de son action, les créatures mentionnées quelques lignes plus haut mais aussi certains personnages à l’image de la très médiatisée Lady Dimitrescu. On se demande d’ailleurs si Capcom n’a pas été pris de cours par les réactions de fans tant la damoiselle, importante dans la communication du jeu, est loin d’être aussi centrale qu’on aurait pu le penser dans l’histoire. Cet épisode propose donc à l’image du VII une imagerie très marquée mais qui prend rapidement l’effet d’une skin de luxe. Les lycans remplacent au pied levé les zombies (dans leur nombre conséquent mais aussi certains patterns) et les autres monstres, qu’ils soient gargouilles, «morts-vivants» armés d’épées ou abominations bio-mécaniques, n’arrivent pas à générer autant de frissons qu’un Hunter ou qu’un Licker.

Sato tente bien de reproduire la formule Mikami à l’aide de séquences guidées par la possibilité de se barricader dans des maisons pour accentuer le côté anxiogène mais n’y parvient que rarement, la faute à un épisode plus ouvert nous permettant de prendre plus facilement la tangente pour recharger et se reposer avant de repartir à l’assaut. Pour palier à cet état de faits, Village multiplie les affrontements faisant de cet opus l’un des plus «action» qui soit sans pour autant verser dans une difficulté excessive, bien au contraire, du moins en Normal. Il est d’ailleurs amusant de constater qu’autant dans son orientation que son écriture, le titre fleure bon l’actioner des années 80. Certaines répliques de Chris renvoient aux Stallone de la grande époque, le nombre de pétoires disponibles ferait rougir d’envie le réal de Commando et le scénario alterne avec une précision de métronome entre gunfights (parfois bien trop longs) contre des hordes de créatures, rencontres avec des monstres Alpha (plus grands, plus forts et souvent de gros sacs à PV) et combats de boss.

Who is the boss ?

Ironiquement, alors que le jeu permet de visiter plusieurs zones disparates, réparties autour du hub central qu’est le village, la notion de semi-liberté n’est finalement qu’illusion. Nous sommes à nouveau sur des rails et il n’est jamais possible d’aller à un endroit avant un autre, pour des besoins scénaristiques, aussi maigres soient-ils. En soi, ce n’est pas véritablement un problème d’autant que chaque lieu (associé à un l’un des 4 lieutenants de Miranda, la grande Méchante de cet épisode) correspond à un environnement différent à commencer par le somptueux château de départ. On notera à ce sujet que tout superbe soit-il, autant dans ses extérieurs enneigés que ses intérieurs sublimés par de très beaux éclairages, on a davantage le sentiment de visiter un immense manoir, l’impression de gigantisme n’étant jamais aussi efficace que dans la forteresse de Resident Evil 4. Saupoudrée de classiques énigmes et d’action, la visite n’en reste pas moins agréable bien que Lady Dimitrescu ne s’avère ni plus ni moins qu’une sorte de Némésis nous poursuivant jusqu’à l’inévitable affrontement final, assez décevant soit dit en passant. La méthode est éprouvée sauf qu’ici, les trois filles de Dimitrescu ont la même fonction. Un peu usant au bout du compte et mettant en avant certaines mécaniques de jeu pour les éliminer peu raccord avec le lore vampirique dont le titre s’inspire.

A mesure que l’impression de déjà-vu se fait de plus en plus ressentir dans les décors traversés ou certains adversaires à l’image de ces géants armés d’une hache renvoyant ici aussi à Resident Evil 4, Village opère un virage inattendu en se délivrant de ses chaînes le temps d’un niveau bien plus sombre qu’à l’accoutumée. Cette parenthèse, aux inspirations évidentes allant de Silent Hill à Outlast en passant par P.T. ou The Ring, s’avère très rafraîchissante bien que les ficelles ne soient pas originales. Pourtant, cela fonctionne parfaitement et permet au titre de trouver un second souffle. On regrettera que le reste de l’aventure ne suive pas le même chemin. Au contraire, on revient à une progression plus commune ponctuée de combats dans des arènes fermées se soldant la plupart du temps par la présence d’un adversaire plus puissant. Même les boss n’y échappent pas. Non pas qu’ils soient mauvais, certains se permettant même d’être plus originaux que d’autres (dans le bon ou mauvais sens du terme, c’est selon), mais la surprise n’est que rarement au rendez-vous.

Chasse et pêche

Quoi qu’il en soit, le plaisir de la découverte est bel et bien là et pas une seule fois, je n’ai eu envie de lâcher le jeu durant les 12 heures qu’il m’a fallu pour le terminer. Néanmoins, il est dommage que cet opus ait quelque peu sacrifié son ambiance sur l’autel d’une gamification parfois hors propos. On citera les nombreux trésors à dénicher dans tout le village pour obtenir des objets à revendre ou bien encore les animaux (poulets, cochons, poissons…) à tuer pour ramener leur chair au marchand afin d’avoir des buffs permanents. Cette sorte d’héritage de Monster Hunter s’avère aussi pratique (dès le mode Hard), pour gagner en résistance, qu’étrange tant elle démontre à quel point les développeurs ont d’abord pensé l’évolution de leur série en terme de gameplay plutôt que de scénario. Le marchand par exemple, nous fait comprendre qu’il n’est pas ce qu’il semble être, mais jamais nous n’avons de réponse quant à sa véritable implication dans l’histoire, le personnage étant ici aussi principalement vu comme un élément de gameplay plutôt qu’un véritable protagoniste à l’image de celui de RE4, simple boutique à forme humaine. Certes, Resident Evil n’a jamais vraiment brillé par son histoire mais la frustration reste bel et bien présente, surtout avec ce segment formant un diptyque autour d’Ethan mais se sentant obligé de raccrocher les wagons avec la série principale dans les toutes dernières minutes de façon pour le moins maladroite.

Toujours est-il que si le Duc (le petit nom dudit marchand) n’a finalement pas vocation à servir le scénario plus que ça, il conserve son intérêt puisque c’est lui qui vous fournira armes (et leurs upgrades), munitions (et schémas pour les confectionner vous-même) en plus de vous faire la popote pour créer les buffs dont je parlais tantôt. Comme je le précisais, l’action occupe plus que jamais une place de choix dans Village, au sens propre comme au sens figuré. En effet, outre les nombreux guns que vous pourrez acheter, vous aurez aussi à gérer votre inventaire (énième héritage de RE4) uniquement dédié à vos flingues et vos flacons de santé qu’il sera également possible de crafter en récupérant ici et là divers matériaux. En somme, tous les autres objets à ramasser (cristaux, trésors, matériaux) seront rangés dans d’autres slots ne requérant aucune gestion de votre part. Difficile d’être plus clair sur ce qui importe le plus dans Village.

En route VR le End Game

Le End Game du titre ne dévie pas non plus de cette voie en nous proposant en bonus le retour du mode Mercenaires datant de Resident Evil 3. Une excellente initiative d’autant que la vue FPS est plus adaptée à ce type de défi. Le concept ne change guère et vous demandera à nouveau d’éliminer le plus d’ennemis possibles en un temps limité en récupérant munitions et upgrades (de force, défense, dégâts) répartis sur la surface de jeu. On regrettera cependant que Village n’offre aucune expérience VR, à l’inverse de Resident Evil VII, quel que soit le support.

Cependant, le plus beau cadeau provient du making of de l’introduction animée, l’une des plus belles ouvertures de l’histoire de la saga, et des innombrables galeries à débloquer. Sur ce point, on ne peut que féliciter Capcom d’autant que chaque artwork s’accompagne d’une description sur la conception de tel décor, telle créature. Cerise sur la gâteau, vous aurez droit dès le départ, à un bonus similaire concernant Resident Evil VII avec pas moins d’une centaine d’artworks à disposition ainsi qu’un descriptif complet de l’aventure. Une bien belle initiative dont devraient s’inspirer la plupart des studios.

Malgré le riche potentiel lié à son univers, Resident Village s’enferme dans une construction très classique sans jamais vraiment chercher à en sortir. Visuellement superbe, très plaisant à parcourir, il lui manque néanmoins cette once de folie, d’originalité qui seyait à Resident Evil 4, l’une de ses références majeures, pour espérer autant marquer que son modèle ou même Resident Evil VII qui digérait bien mieux ses influences cinématographiques et vidéoludiques et proposait qui plus est l’expérience entière en VR, ici absente. Aussi subtil qu’un film d’action des eighties, ce nouvel épisode n’en reste pas moins difficile à lâcher une fois qu’on l’a débuté. Aucune raison de le bouder même si il démontre à son tour que la série aurait sans doute besoin de s’affranchir de ses aînés pour aller véritablement de l’avant.

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Invincible S01 : Entre adolescence et ultra violence

Alors qu’il n’a pas encore la renommée qu’il connaîtra en 2007 avec The Walking Dead, Robert kirkman nous offre une œuvre trash, excitante et profonde 5 ans auparavant. C’est en 2002 que sort le premier volume d’Invincible, sorte de déclinaison trash de Superman proposant moult débordements gores bien avant le comics de The Boys qui n’arrivera qu’en 2006. En 2019, nous arrive l’adaptation du comics de Garth Ennis qui connaît un succès autant public que critique. Irrévérencieux, violent et prenant le meilleur de la BD tout en modifiant quantité de détails, le show d’Eric Kripke est logiquement reconduit pour une deuxième puis troisième saison. Réfléchissant en parallèle à une sorte de pendant animé aux débordements gores de The Boys, Amazon lance la production d’Invincible en 2018 qui arrive sur la plate-forme trois ans plus tard. Une attente qui en valait largement la chandelle.

Avant d’être une fable s’étalant jusqu’au fin fond du cosmos, Invincible traite de l’adolescence, du douloureux passage à l’âge adulte et de ce que cela implique de décisions et de désillusions. Mark Grayson, jeune lycéen en sait quelque chose en tant que fils d’Omni-Man, le plus puissant des super-héros ayant débarqué sur Terre il y a de nombreuses années. Ayant tardivement acquis les mêmes capacités que son paternel, il devient du jour au lendemain un justicier en prenant le nom d’Invincible, ce qui nous donne d’entrée de jeu une idée de l’étendue de ses pouvoirs. Le jeune homme va alors devoir conjuguer vie amoureuse, études et son nouveau «job». Invincible alterne avec une étonnante fluidité entre le quotidien de tout adolescent et l’ampleur de la tâche qui attend Mark. A travers 8 épisodes d’une durée de 45 minutes, la série prend son temps pour développer ses personnages tout en y intégrant d’incroyables scènes d’action, bluffantes et d’une brutalité sans nom. La mise en scène compense ainsi une animation qui n’est pas toujours à la hauteur et le scénario fait le reste.

Le premier épisode par exemple se ponctue de façon inattendue voire choquante en faisant des actes d’Omni-Man un passionnant fil de rouge qui, on vous rassure, trouvera une explication (elle aussi tétanisante) dans le dernier épisode. La force de la série vient donc de sa propension à ne jamais oublier d’entretenir le mystère tout en faisant évoluer ses héros à commencer par Mark qui très rapidement sera confronté à de douloureuses prises de conscience en comprenant que malgré ses immenses pouvoirs, il ne peut sauver la Terre entière.

Sans jamais dévier de sa vision initiale, Invincible ajoute également une dynamique de groupe en construisant autour des compagnons de Mark des intrigues parallèles, pas toujours au niveau les unes des autres mais densifiant un peu plus l’histoire.

C’est aussi dans son ultra violence et son côté outrageusement gore que la série trouve son identité. Hollywoodiennes dans l’âme, les scènes d’action ne lésinent jamais sur les membres arrachés et les explosions (de véhicules, bâtiments mais aussi d’organes) tout en déployant une énergie folle. Chaque coup porté fait mal et qu’on soit Invincible ou non, la défaite n’est jamais loin si on n’y prend pas garde. C’est aussi en cela que la série est intéressante car si la base renvoie à moult sagas DC (Superman, Teen Titans), Kirkman malmène ses personnages en les confrontant à des sentiments et leur opposé : le courage et le doute, l’amour et la trahison, l’unité et l’individualisme. Invincible devient dès lors beaucoup plus qu’une simple série de supers-héros bien que ces derniers assurent continuellement le spectacle. Pour autant, le tout ne se prend pas au sérieux et distille plusieurs traits d’humour pour mieux rebondir sur une énucléation quelques minutes plus tard afin de surprendre le spectateur.

Nantie d’une réalisation efficace et parfois très inspirée (la scène du métro de l’épisode 8), l’adaptation d’Amazon prend également quelques distances avec le comics, à l’image de ce qui avait fait pour The Boys. Une sage décision car sans trahir le matériau original, elle le modifie intelligemment afin de pouvoir étonner les fans de la première heure. L’une des nombreuses qualités de la série dont deux autres saisons ont d’ores et déjà été commandées pour notre plus grand plaisir.

Époustouflante de son premier à son dernier épisode, Invincible culmine aussi bien dans ses scènes d’action anthologiques que dans ses dialogues à l’intérieur de la sphère familiale. Prenant soin de développer habilement ses intrigues tout en offrant des affrontements percutants, cette première saison est une totale réussite si l’on excepte une animation manquant souvent de fluidité ou des intrigues secondaires pas toujours au niveau. Un détail tant le plaisir de la découverte est là grâce à une incroyable galerie de personnages et un ton résolument adulte malgré son héros adolescent.

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Yasuke : Tout sauf historique

Dire que Yasuke était attendu tient de l’euphémisme. Fruit de la collaboration entre Netflix et le studio MAPPA (L’Attaque des Titans, Jujutsu Kaisen), cette série revient sur l’histoire, peu connue, de Yasuke, esclave africain ayant vécu au XVIe siècle. N’usant que de quelques éléments historiques, le réalisateur LeSean Thomas ancre sa série dans une sorte de Japon techno-féodal où guerriers usant de magie côtoient créatures démoniaques et autres mechas. Un parti pris original qui ne parvient malheureusement jamais à convaincre.

Marier Japon ancestral et fantastique est pour le moins courant dans le monde l’animation japonaise. Sorti en 1993, Ninja Scroll, le chef-d’oeuvre de Yoshiaki Kawajiri, faisant encore référence en la matière sera suivi par quantité d’œuvres de qualité, de Basilisk à Samouraï Deeper Kyo en passant par le très barré mais fort réjouissant Batman Ninja. Toutefois, l’idée de s’arrêter sur la vie de Yasuke aurait sans doute gagnée à être traitée de façon plus conventionnelle en se rapprochant davantage d’un Sword of the Stranger, afin de nous faire découvrir ce personnage. LeSean Thomas en a décidé autrement, entre autres pour palier au manque de matière narrative liée au peu d’informations qu’on connaît sur le samouraï. Toujours est-il que la transition entre historique et fantastique a du mal à passer d’autant que l’anime opte pour une construction à base de flash-backs nous renvoyant au passé de Yasuke (et sa rencontre avec Nobunaga) pour mieux revenir au présent afin de poursuivre une histoire manquant clairement d’enjeux.

Guère aidé par le court format (6 épisodes), Yasuke tente tant bien que mal de nous faire vibrer pour ce personnage aussi réservé que sabreur hors pair, en lui jetant en pâture une galerie de mercenaires et autres démons. Le problème est que dès son premier épisode, le scénario montre des signes évidents de faiblesse, du récit peut intéressant et extrêmement classique à ses personnages secondaires plus fades les uns que les autres. Les adversaires de Yasuke ne valent pas mieux tant ils manquent d’épaisseur et de charisme. A peine digne de la galerie de méchants de L’Homme aux poings de fer, à laquelle on rajoutera une sorte d’ancêtre de Bumblebee, les bad-guys dévoilent trop rapidement leurs cartes en usant dès le premier épisode de l’ensemble de leurs pouvoirs à travers un affrontement toutefois très impressionnant et parfaitement mis en scène.

Bien entendu, la vraie menace à venir ne tardera pas à faire surface mais ici aussi, rien que nous n’ayons jamais vu, l’ambition de la Daiymo locale étant qui plus est terriblement commun. Dès lors, difficile de s’immerger pleinement dans cet univers sous-exploité bien qu’harmonieusement dépeints via plusieurs paysages, Thomas étant a priori plus occupé à intégrer des mechas (provenant des invasions Mongoles) sur ses champs de bataille qu’à développer Yasuke condamné à ne jamais sortir de sa condition de guerrier monolithique hanté par son passé et son ancienne compagnonne d’armes Natsumaru.

De son côté, le studio MAPPA a fait du bon boulot, notamment lors des affrontements, tout en sublimant forêts et campagne japonaise via de très beaux panoramas mis en valeur par les compositions de Flying Lotus. Malheureusement, rien n’y fait, le format de la série est synonyme d’un énorme manque de dramatisation et ne parvient jamais à mettre en valeur héros comme ennemis de par une caractérisation, ces derniers étant simplement voués à servir de chair à canon. Les passes d’armes en pâtissent énormément au point qu’aucune d’entre elles ne marque vraiment à l’image de l’ensemble de l’anime ne pouvant tenir la comparaison avec Samuraï Champloo ou Afro Samuraï.

Malgré une animation de qualité, Yasuke accuse le coup sur quasiment tous les aspects. Scénario inexistant, galerie de personnages manquant d’épaisseur, absence de véritables enjeux, événements se précipitant sans une once de dramatisation, rien ne sauve vraiment la série de Netflix à l’exception de quelques séquences parfaitement chorégraphiées et animées. C’est bien peu compte tenu du potentiel qu’offrait le samouraï.