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Uncharted : Un film Nathan, un film intelligent ?

Fortement influencée par le cinéma, la saga Uncharted aura démontré à travers chacun de ses épisodes une science de la mise en scène, A Thief’s End parvenant même à conjuguer grand spectacle et forme plus intimiste en s’intéressant de plus près à la vie de ses héros. Il était donc logique que le cinéma s’empare à son tour de cette saga afin de la transposer sur grand écran. Nanti d’un budget conséquent et d’un duo de stars, le film Uncharted échoue pourtant lamentablement sur tous les niveaux en ne faisant que mettre en avant les immenses qualités de son inspiration de pixels.

Optant pour une origin story, afin d’introduire univers et personnages à celles et ceux n’ayant pas eu la chance de toucher aux jeux de Naughty Dog, le scénario d‘Uncharted assume dès les premières minutes ses liens de parenté avec la série vidéoludique en copiant/collant l’un des morceaux de bravoure d’Uncharted 3. Nathan (Tom Holland) se retrouve dans les airs, accroché par une simple sangle à un lot de caisses en perdition tombé d’un avion cargo. Le film opère alors un retour dans le temps afin de nous expliquer comment le jeune freluquet est arrivé dans cette fâcheuse situation. Une idée somme toute classique mais pas si bête que ça d’autant que le long métrage reprend également certains éléments des troisième et quatrièmes volets vidéoludiques en revenant sur l’enfance de Nathan et de son frère Sam, tous deux résidant alors dans un orphelinat tenu par des Soeurs suite à la perte de leurs parents. L’occasion de lier passé et présent via un MacGuffin sous forme de carte ancienne que les deux frères convoitent ardemment puisque supposé mener au trésor de Fernand de Magellan, estimé à cinq milliards de dollars. Alors que les deux frères sont obligés de se séparer, Nath. poursuit son petit bonhomme de chemin et se trouve un job de barman lui permettant de singer le Tom Cruise de Cocktail mais aussi et surtout de voler les bijoux de riches filles à papa un peu sottes. Il ne tarde pas à rencontrer Victor Sullivan (Sulli), lui même à la recherche du trésor de Magellan, avec qui il va former un duo digne des buddie movies qui pullulaient dans les années 80/90.

Vu sous cet angle, le film semble avoir de sérieux atouts pour séduire d’autant que Tom Holland fait montre d’une véritable énergie en effectuant d’ailleurs plusieurs cascades. Sauf qu’au delà de cette relative fidélité aux jeux, le film montre rapidement de gros problèmes de structure et de rythme. Déjà, l’action est très mal répartie sur l’ensemble du long-métrage d’1h56 d’autant que les 45 premières minutes se montrent extrêmement avares en péripéties, surtout si on les compare aux standards en date que sont les Mission Impossible ou, au hasard, un film comme Hobbs & Shaw mené tambour battant. Ballot pour un blockbuster. Conventionnelles et vite expédiées, les séquences d’action subissent également de plein fouet la comparaison avec leurs homologues vidéoludiques d’autant que les principaux antagonistes, à commencer par Braddock (Tati Gabrielle), sont soit très mal utilisés soit, à l’image de Santiago (Antonio Banderas), complètement sous-exploités.

D’ailleurs, pour palier à ce manque de méchants charismatiques et insuffler un peu plus de dynamisme aux deux premiers actes, les scénaristes ont rapidement intégré Chloé Frazer (Sophia Taylor Ali) afin d’offrir à Nathan et Sullivan un contrepoids féminin. Si le tout aura le mérite de faire plaisir aux fans, les frasques du trio ne sont malheureusement guère aidées par une écriture paresseuse et une intrigue cousue de fil blanc.

A ce sujet, bien que le voyage de Nath soit mû par les indices laissés par Sam, la présence fantomatique de celui-ci reste peu utile d’autant qu’on voit poindre à des kilomètres là où veut nous emmener le film.

Et c’est bien là le problème d’Uncharted qui ne réussit jamais à faire mieux que ses modèles vidéoludiques ou ses concurrents directs. Bien que le troisième acte (partiellement spoilé dans les trailers, chose de plus en plus fréquente à Hollywood) se veuille plus spectaculaire, la mise en scène de Ruben Fleischer (Bienvenue à Zombileland, Venom) s’avère tellement foutraque qu’on ne comprend pas grand chose à ce qui se passe sous nos yeux. Agitant frénétiquement sa caméra afin de filmer les cabrioles de son jeune héros, Fleisher en oublie complètement de soigner ses cadrages, préférant se reposer sur ses navires en CGI et des fonds verts pas toujours au niveau. Difficile dans ce cas d’être tendre avec cette adaptation qui, nantie d’un budget de 120 millions, ne parvient jamais vraiment à faire rêver et ne donne au final que l’envie de rallumer sa console pour retrouver le goût de l’aventure.

Malgré son acteur bankable et une fidélité aux jeux, Uncharted se casse les dents à cause d’un rythme bien trop décousu, une écriture paresseuse synonyme d’histoire prévisible et un humour forcé (coucou Nolan North). Renvoyant à ses illustres modèles, Indiana Jones et la Dernière Croisade en tête, sans jamais parvenir ne serait-ce qu’à le côtoyer, le film de Ruben Fleischer s’avère aussi convenu qu’oubliable.

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Uncharted : Legacy of Thieves Collection : Jusqu’au bout de l’extrême limite

Respectivement sortis sur PS4 en 2016 et 2017, Uncharted 4 : A Thief’s End et Uncharted : The Lost Legacy constituaient une sorte de pierre angulaire de l’action vidéoludique. Portés par de grandioses scènes d’action et des panoramas à couper le souffle, le 4ème volet des aventures de Nathan faisait office de conclusion alors que The Lost Legacy représentait une sorte de passage de flambeau. Cinq ans plus tard, les deux jeux n’ont rien perdu de leur puissance sur PS5.

Alors que j’évoquais il y a quelque temps la façon dont Naughty Dog avait fait évoluer le jeu d’action en offrant à la série Uncharted une qualité d’écriture héritée de celle de The Last of Us, Uncharted 4 : A Thief’s End aura également bénéficié des connaissances du studio américain qui avait réussi à pousser la PS4 dans ses derniers retranchements. Bluffant à bien des égards, ce volet se montrait aussi intelligent dans le traitement de ses personnages que généreux dans ses gunfights au point, même, des les étirer inutilement par moments.

Un an plus tard, The Lost Legacy mettait en avant Chloé Frazer (aperçue dans Uncharted 2 & 3) et l’une des antagonistes de Uncharted 4, Nadine Ross. Proposant un duo féminin, une aventure exotique à souhaits, une excellente durée de vie et un niveau en semi open world (construit sur les ruines de ce qui avait été réalisé pour le 4), le jeu avait réussi de façon très agréable à prolonger la série sans pour autant être au niveau de son plus proche parent.

Cependant, combinés, les deux titres forment toujours un incroyable diptyque qui, grâce aux capacités de la PS5 (4K, 120fps, audio 3D, temps de chargements réduits grâce au SSD ou prise en compte de la DualSense), retrouve une seconde jeunesse en se présentant plus que jamais comme un Must Have pour qui n’aurait pas eu la chance de croiser leur route.

Quand l’action n’est plus une option

Outre ses spécificités techniques, et une poignée de nouveaux Trophées, cette version PS5 a également l’avantage, comme je le disais plus haut, de transcender l’oeuvre de Naughty Dog qui n’a pas pris une ride. Uncharted 4 accumule les morceaux de bravoure et fait montre d’une parfaite maîtrise quand il s’agit de mettre en scène l’action, qu’elle soit synonyme de fusillades dantesques, de courses-poursuites éblouissantes ou même d’un duel au sabre évoquant les plus grands films de pirates. Replonger dans le costume de Nathan Drake fait un bien fou d’autant que cette aventure lui offre bien plus d’épaisseur que les autres épisodes, via sa relation avec son frère, Sam, parfaitement narrée via plusieurs flash-back renouant avec le passé de notre baroudeur, ou bien encore Elena, avec qui il mène une vie paisible de couple marié.

C’est donc à travers des remises en question, la réalité du quotidien ou son rapport à l’action que Nathan va traverser ce qui semble voué à être son dernier périple, du moins en tant qu’acteur principal. Et pour la peine, Naughty Dog a tout mis en œuvre pour flatter la rétine. Chaque tableau de jeu est plus beau que le précédent, la quantité d’armes à disposition permet de sans cesse renouveler les sensations et si le combat au corps à corps s’avère basique, l’infiltration, classique mais efficace, amène quelques légères variations dans les approches bien que le jeu reste malgré tout une ode à l’action hollywoodienne. Explosif, le rythme ne faiblit jamais et autant dans les lieux traversés que les joutes verbales entre Sam et Nath (formant un excellent duo dignes de ceux des meilleurs buddy movies), Uncharted 4 se montre éloquent.

Deux femmes ou rien

Si il était difficile de passer après Uncharted 4, The Lost Legacy se montre à la hauteur même si il va de soi que l’impression de déjà vu minimise un peu notre ressenti. Néanmoins, en optant pour une atmosphère plus homogène, proche de celle d’Uncharted 2, ce spin-off se laisse suivre même si on a un peu de mal au tout départ à croire à ce duo, pour qui on a de l’empathie mais qui sonne parfois un peu faux, surtout après avoir dépeint Nadine comme une mercenaire sans foi ni loi dans le précédent volet. Conscient de cet état de faits, les scénaristes ont donc essayé de créer une alchimie entre les deux super-women et il faut avouer que ça fonctionne plutôt bien passées quelques heures, les péripéties vécues cimentant le respect mutuel des deux femmes. A ce sujet, je ne saurai que vous enjoindre à écouter toutes les conversations optionnelles, souvent très drôles et offrant à Nadine un surplus d’humanité qui la rend plus attachante.

Visuellement, The Lost Legacy marche dans les pas d’Uncharted 4 et aligne les décors magnifiques synonyme de citées oubliées, de vastes étendues sauvages, d’une ancienne mine désaffectée ou de passages évoquant Tomb Raider, l’un des inspirations majeures de la saga. Optimisant son niveau en semi open world de façon moins artificielle que celui d’Uncharted 4, le titre alterne alors entre exploration (indispensable pour trouver l’ensemble des Trésors), énigmes bien pensées et, une fois de plus, de très bons gunfights. La formule est connue mais elle fonctionne toujours aussi bien qu’on soit en 2017 ou 2022. Mentionnons toutefois que le online d’Uncharted 4 pointe aux abonnés absents, ce qui pourra peut être faire grincer quelques dents bien que ce ne soit pas le plus important. De même, bien que leur jeu soit encore sublime aujourd’hui, Naughty Dog n’a apporté aucune amélioration graphique à son bébé qui, par exemple , ne gère pas le ray tracing. Mais ici aussi, ce n’est pas un vrai problème en soi tant les deux titres présents ont passé avec brio l’épreuve du temps.

Bien qu’on eut apprécié d’avoir droit à l’entièreté des épisodes dans une seule et même Collection, difficile de ne pas succomber une fois encore à l’appel de l’aventure tant Uncharted 4 et The Lost Legacy représentent ce qui se fait de mieux en matière d’action sur PS4 et PS5. On pourra reprocher l’absence du multi online ou de vraies améliorations graphiques mais vu que l’écrin est toujours aussi magnifique et que l’écriture offre à ces deux jeux des personnages drôles et vivants pour lesquels on ne cessera de vibrer, impossible de nier que le plaisir de jeu est toujours aussi fort.

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Togen Anki (T01) : Sang pour sang Shonen

Avec la profusion de shonen arrivant à intervalles réguliers, il est aujourd’hui difficile d’innover autant dans les personnages proposés que les intrigues racontées. De fait, à chaque nouvelle arrivée, la même question se pose : va-t-on enfin profiter d’une certaine once de fraîcheur et d’originalité ? Et bien, sachez que ce n’est pas Togen Anki qui brisera cette réflexion tant ce premier tome s’avère convenu et sans surprises.

Rappelant pèle-mêle les récents Jujutsu Kaisen ou Fire Force, ce premier volume met en scène le jeune Shiki, un adolescent recueilli par un père adoptif dont il n’a que faire. Fan d’armes à feu, il a quelque peu «upgradé» la supérette de son père afin de vendre ce qu’il affectionne le plus : les pétoires. Alors que Shiki et son père sont en train de se prendre la tête, un certain Samidare Momoya, membre du clan Momotaro, débarque à l’improviste et essaie d’éliminer son père. Celui-ci ne tardera à révéler à Shiki que ce dernier est en fait un Oni (une créature du folklore japonais) et que Samidare fait partie d’un clan visant à les éliminer, lui et ses pairs, de la surface de la Terre.

Si la contextualisation se fait en l’espace d’un chapitre, la suite va également très vite en se reposant malheureusement beaucoup trop sur la sacro-sainte formule du Shonen. Maito Mudano, un représentant de l’Oni Corp, qui comme son nom l’indique est une organisation composée de démons visant à éliminer le clan Momotaro, prend Shiki «sous son aile» et le met à l’épreuve pour savoir si il est digne de faire parie du groupe. Détenteur d’un énorme pouvoir qu’il ne maîtrise pas encore, Shiki fait montre de capacités étonnantes en matérialisant son sang afin que celui-ci prenne la forme d’un démon pouvant lui aussi matérialiser diverses armes à feu. Maito va alors le ramener à l’académie Rakshasa spécialisée dans la formation des Oni. Shiki y rencontrera ses futurs compagnons d’armes avec qui il va devoir faire équipe pour affronter Maito lors d’une épreuve si il ne veut pas être renvoyé de l’école.

Bien que nous n’ayons pas le temps de nous ennuyer dans ce premier volume, celui-ci demeure malheureusement extrêmement commun tant dans ses situations que ses personnages. Evoquant une sorte de mélange entre Deadman Wonderland (pour les pouvoirs liés au sang) et The Darkness de Top Cow (pour la créature protéiforme que Shiki peut matérialiser), Togen Anki ne cherche nullement pour l’instant à bousculer la formule du shonen et se borne à installer son univers de façon très conventionnelle. On ne sera donc pas étonnés devant cette galerie de personnages quelque peu stéréotypés (le héros impulsif, le mentor ténébreux, la jeune demoiselle au caractère exacerbé, un peu gauche mais recelant un immense pouvoir, le camarade badass avec qui Shiki finira sans doute par former le meilleur des duos…) et on imagine que la suite tournera autour des facultés des Oni afin d’amener un peu d’originalité, dans les affrontements notamment.

Sur ce point, ceux de ce premier tome témoignent d’une belle énergie et d’une certaine maîtrise de Yura Urushibara (dont il s’agit du premier manga) dans le découpage même si ici aussi, ils s’avèrent assez convenus. Il faudra donc attendre quelques tomes de plus pour voir si l’auteur a suffisamment d’idées pour se renouveler et ne pas s’enfermer dans une trop grande routine. C’est tout ce qu’on souhaite en espérant que Togen Anki parvienne également à se démarquer à travers son univers.

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Scream : A hurler de terreur ?!

Premier épisode de la franchise à ne pas être réalisé par le regretté Wes Craven, Scream se devait d’aller aussi loin que le quatrième épisode, imparfait mais qui avait réussi à faire oublier le troisième volet aussi timoré que poussif. C’est tout ce qu’on était en droit d’attendre d’autant que la gestation de ce volet aura pris autant que celle de Scream 4, autrement dit 11 ans. Malheureusement, fidélité ne rime pas toujours avec efficacité.

Dès sa première scène, calquée sur celle du premier volet, Scream assume pleinement son aspect référentiel tout en modernisant son approche à travers la technologie mais aussi et surtout ses références cinématographiques. Tout en citant des films comme It Follows ou Mister Babadook, le long métrage se positionne d’entrée de jeu comme leur parfait contraire afin de ne pas faire oublier aux spectateurs qu’ils sont toujours devant un slasher et non pas un film de «smart horror» possédant notamment plusieurs niveaux de lecture et des sous-textes sociétaux. Le message est donc clair : Scream est le digne héritier de la franchise et sera constitué de tout ce qui faisait le sel des précédents épisodes : des meurtres perpétrés par Ghostface et un aspect meta à travers ses personnages. Logique sauf qu’ici, le tout tourne vite au vinaigre.

Ce n’est pourtant pas tant le fait de retrouver un groupe d’adolescents (parmi lesquels se cache a priori le tueur) qui agace que l’impression que ce dernier ne soit finalement que le porte parole des scénaristes lorsqu’il s’agit de pointer du doigt les franchises et les attentes des fans. L’aspect meta, cher aux précédents films, prend ici une tournure très hautaine dès lors qu’il s’agit d’analyser le genre horrifique mais aussi la saga Scream. Ironiquement, alors que les scènes se suivent, ledit aspect meta passe de moins en moins bien. En effet, Scream n’est rien d’autre qu’un fac-similé du premier opus bien qu’il ne surprenne plus, si ce n’est dans le traitement des personnages récurrents qui survolent le film comme des âmes en peine. Sydney, Gale, Dwight représentent ainsi les gardiens de la série sauf que leur place au sein de l’intrigue est traitée par dessus la jambe. De femme forte, Syd devient ici un personnage quasiment secondaire tandis que Gale, toujours à la recherche d’une bonne histoire, revient à Woodsboro et tombe sur son ancien amour, Dewey. La rencontre des trois comparses s’avère forcée et les événements futurs consolident cet état de faits aussi bien dans les réactions des protagonistes que leurs attitudes.

Si Dwight fait office de sensei auprès du groupe d’adolescents en rappelant scrupuleusement les règles à suivre pour qui désire rester en vie, il rappelle aussi combien les personnages du premier volet étaient plus intéressants que ceux de cet opus voués à être trucidés les uns après les autres jusqu’à ce que la vérité éclate. Le côté mimétique de ce cinquième film se retourne alors contre lui, autant dans les apparitions de Ghostface, prévisibles ou jouant maladroitement sur un humour forcé lorsqu’il s’agit de «placer» les prochains jump scares, et les meurtres brutaux mais sans aucune originalité. Si on s’amusera à repérer tous les easter eggs et références (d’une musique du premier épisode passant ici à un élément diégétique pour renforcer l’aspect meta, au lieu du troisième acte, malheureusement spoilé dans les trailers), le fait est qu’on ne vibre jamais pour les nouveaux protagonistes, aussi plats que convenus. Oui, le côté whodunit est toujours présent et si l’excitation de découvrir qui se cache derrière le masque de Ghostface est là, la révélation finale sonne tellement faux qu’on en sera presque gêné.

Scream illustre donc à merveille le fait que la fidélité à une œuvre ne fait pas tout, surtout qu’ici, elle ressemble plus à une façade n’arrivant jamais à masquer l’ambition de ses auteurs plus occupés à pointer du doigt toutes leurs références en nous faisant un clin d’oeil pour être sûrs que nous avons bien compris où ils veulent en venir. Il n’en ressort au final qu’un épisode vide de sens parsemé de personnages pour lesquels nous n’avons jamais aucune empathie. Triste constat pour un opus à titre posthume.

Cherchant constamment à nous prendre de haut en jouant avec nos souvenirs et nos attentes, ce Scream se montre aussi lourdeau dans son aspect meta que peu imaginatif dans ses meurtres. N’assumant jamais vraiment ses prises de position et manquant au final de respect pour ses personnages, ce cinquième volet s’avère aussi référentiel que maladroit dans sa construction singeant celle des précédents volets au point de ne pouvoir assumer la comparaison.

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God of War : Il va nous falloir une plus grosse RAM

Réinventer une série n’est jamais chose aisée. Que conserver, qu’enlever ? Faire en sorte de ne pas froisser le fan tout en essayant de lui offrir quelque chose de neuf, de frais. Un pari osé, mais souvent nécessaire. God of War ose, mieux, il va au bout de sa vision quitte à s’attirer les foudres de certains qui ne voudraient absolument voir en lui qu’un nouvel épisode bâti autour des mêmes atouts : une mise en scène hollywoodienne, une action frénétique et un héros revanchard. Si par certains côtés, on trouve bien ces ingrédients dans God of War, le jeu de Santa Monica Studio va plus loin, beaucoup plus loin même. Tout ce qui avait été entrepris sur PS4 se retrouve désormais sur PC dans une version plus fluide, plus belle, plus parfaite tout simplement.

Pour arriver à ce résultat, cinq années auront été nécessaires. Cinq années durant lesquelles Cory Barlog et ses équipes auront tout remis à plat, du gameplay au scénario en passant par l’orientation du jeu. Cependant, tout dans God of War tient du numéro d’équilibriste tant il conserve l’essence même de la série tout en voyant plus loin. En effet, au-delà de la technique et de l’aspect artistique faisant de cet épisode l’un des plus beaux jeux de la PS4 et une franche réussite sur PC, le titre ne renie à aucun moment ses origines ni même ce qui s’est déroulé dans les précédents opus. Il aurait pourtant été plus simple de faire table rase du passé et de rebooter la saga sauf qu’ici, l’ingéniosité tient justement au fait que Barlog a intelligemment usé de la mythologie de la série pour la mixer avec celle nordique afin de faire de Kratos un acteur central, autant à Midgard que dans les huit autres mondes constituant le royaume d’Odin. Logique donc que les développeurs aient davantage voulu s’intéresser au personnage en développant sa personnalité.

THE LAST OF ZEUS

Malgré sa nature divine, il tombait sous le sens de s’intéresser au côté humain de Kratos tout comme l’envie de raconter une histoire plus profonde et tout aussi intense à travers la quête de rédemption du spartiate et le voyage initiatique qu’il va entreprendre avec son fils Atreus suite à la mort de sa femme. Si on pouvait craindre que cet aspect ne soit au final qu’une resucée maladroite de The Last of Us, la façon dont le scénario a été pensé étonne, ce dernier se laissant suivre naturellement même entrecoupé de très nombreux affrontements contre des ogres, trolls et autres créatures légendaires. Intelligente, la narration oscille à chaque instant entre émotion, brutalité et humour, à travers d’excellents dialogues jouant la plupart du temps sur les réactions enjouées d’Atreus contrastant avec celles plus contenues de Kratos. Toutefois, ce God of War ne verse jamais dans l’émotion facile (malgré certains passages obligés) et se trouve même une personnalité qui lui sied à merveille.

Et c’est là que se situe le génie des scénaristes qui ont su trouver le juste dosage entre dialogues savoureux, souvent très drôles, scènes poignantes, mais aussi passages épiques usants d’une mise en scène hallucinante, l’un des points forts de la série depuis ses débuts. De fait, durant un peu plus de 25 heures (nécessaires pour boucler l’histoire principale), on assiste à une aventure équilibrée dont le but n’est pas de redéfinir un personnage, mais bel et bien d’expliquer en quoi son passé ne doit pas influer sur son présent et le futur de son fils. Dès lors, la qualité du jeu tient aussi à ce que Cory Barlog a cherché coûte que coûte à se questionner sur une évolution crédible pour Kratos tout en se permettant certaines ellipses qui pourront en frustrer certains. Combien de temps s’est déroulé entre God of War III et God of War ? Comment Kratos a-t-il rencontré sa femme ? Comment a-t-elle pu réussir à calmer la fureur bouillonnante qu’il avait accumulé durant des années ? Rien de tout ceci ne nous est clairement expliqué sauf qu’à travers certaines réflexions de Kratos sur la douceur, l’intelligence et la force de caractère de sa femme, une image se crée chez le joueur et on finit par avoir l’impression de connaître sa moitié. Oui, l’histoire de God of War tranche avec celle des autres opus, car on parle ici d’une histoire de famille, d’éducation afin qu’Atreus ne reproduise pas les erreurs de son père. Si vous espérez y découvrir une histoire de dieux, passez votre chemin. Certes, ces derniers sont présents, cependant ils ne constituent pas l’élément central du récit malgré le voyage de nos héros ponctué d’affrontements contre certains d’entre-eux.

Non, God of War est bel et bien un épisode tout entier dédié au spartiate et à son fils, à sa nouvelle vie et avoir réussi à le rendre plus humain, malgré sa nature divine, n’était pas mince affaire. Luttant constamment contre cette rage et cette colère sommeillant en lui (symbolisées par des joutes homériques et violentes à souhait), Kratos cherche cette fois une sorte de rédemption à travers Atreus qu’il tentera de protéger en lui cachant son passé afin de le préserver d’un avenir qui l’a amené à l’homme qu’il est. Ici aussi, tout a du sens et on remarquera à ce sujet que les réactions de l’enfant restent crédibles, aussi bien dans ses accès de joie que de colère ou sa propension à tenir tête à son père et même à le chatouiller sur sa nature solitaire.

On saluera également la qualité des personnages secondaires à l’image de Brok et Sindri, deux nains à la personnalité opposée qui nous offriront leur talent de forgerons, mais aussi et surtout Mimir. Ce dernier apporte une véritable bouffée d’air frais et complète à merveille le duo de départ afin de le transformer en un trio à l’alchimie parfaite. Mentionnons d’ailleurs qu’en plus d’être la tête pensante (au sens propre comme au sens figuré) du groupe, Mimir ne sera jamais avare en petites réflexions bien senties à l’égard de Kratos avant de devenir un véritable guide en racontant plusieurs légendes nordiques afin de parfaire les connaissances d’Atreus, mais aussi du joueur. Malin et très représentatif de ce God of War où tout est lié, scénario comme gameplay.

UNE ÉVOLUTION QUI A DU SENS

C’est d’ailleurs la cohérence de l’univers qui force le respect. Tout dans God of War a du sens, tout est interconnecté et pensé dans le but de prolonger le plaisir de jeu. Ainsi, rien que le gigantesque hub que forme Le Lac des Neuf vous ouvrira la voie vers plusieurs quêtes annexes qui, sans être passionnantes, vous permettront de visiter des lieux inédits aussi sublimes que ceux entraperçus durant la quête principale. On saluera également la façon d’amener ces petits plus, soit par le biais des nains vous demandant des services, de cartes au trésor, de spectres réclamant notre aide ou d’Atreus poussant très souvent son père à aller explorer. Logique vu l’impétuosité du garçon et pratique pour rappeler au joueur que rien ne presse, qu’il a le temps d’aller à son rythme. Comme une sorte de leitmotiv, ce God of War aime prendre son temps grâce à un univers plus ouvert, plus contemplatif ou des combats plus ardus demandant aux joueurs d’user de toutes les subtilités de gameplay pour s’en sortir sans trop de heurts.

Ainsi, sans se présenter comme un open world (ce qu’il n’est pas), God of War offre un immense terrain de jeu qu’on adore découvrir, visiter, apprécier surtout lorsqu’au détour de quelques coups de rame, on pénètre dans une magnifique caverne ou qu’on accoste sur une plage cachée débouchant sur un port portant encore les stigmates de guerres passées. Bien que le système de portails dimensionnels aurait sans doute gagné à être un peu mieux pensé, reconnaissons que passer ou repasser par certains environnements ne gêne pas. En effet, outre la beauté des lieux ne cessant d’émerveiller, l’obtention de nouveaux pouvoirs et capacités nous permettra par la suite d’accéder à des endroits jusqu’alors inaccessibles. Un grand classique, mais qui se fait ici à l’intérieur d’un univers qu’on se plaît à (re)découvrir encore et encore offrant qui plus est une durée de vie bien plus grande que celle des précédents opus.

LA MYTHOLOGIE NORDIQUE VENUE DE L’OUEST

Il n’en fallait pas moins pour permettre aux artistes de Santa Monica de laisser libre court à leur imagination débordante. Si le bestiaire semble légèrement moins conséquent que ceux des autres opus, la plupart des créatures en impose, du troll en passant par le loup-garou ou les vagabonds, engoncés dans leurs armures et létaux au point de faire de chacune de ces rencontres des morceaux d’anthologie. Bien entendu, ceci passe également par les effets spéciaux et la mise en scène usant habilement de ralentis de manière à accentuer la fureur de Kratos et la puissance de ses coups.

Puisant dans tout ce que recèle la cosmogonie nordique, les développeurs ont façonné une toile de maître subjuguant par ses panoramas somptueux et ses intérieurs aux tonalités marquées embellis par de sublimes jeux de lumière. Que ce soit à Midgard, Helheim, Muspellheim, l’enchantement est constant et croiser le fer dans une étendue glacée devant un immense géant couché depuis des siècles a de quoi marquer les esprits. On retrouve ainsi toutes les forces de la saga qui se pare en sus d’une dimension bien plus contemplative allant à merveille au système de déplacement permettant de voyager à son rythme, principalement en barque, pour profiter de chaque lieu s’offrant à nos yeux ou attendant qu’on y accoste.

REPENSER UN GAMEPLAY

Si l’aspect artistique est donc difficilement critiquable et que l’histoire, logique et maîtrisée sera sûrement sujet à des débats enflammés, qu’en est-il du gameplay ? Ici aussi, les développeurs n’ont fait qu’améliorer ce qui existait déjà même s’il faudra accepter le système de caméras qui troque les plans d’ensemble contre un angle plus proche afin de plonger littéralement le joueur dans l’action. Néanmoins, s’il est indéniable que le choix a de quoi surprendre pour un God of War, le tout fonctionne parfaitement. Déjà grâce aux indications d’Atreus (puis de Mimir) qui nous renseignera vocalement sur la présence d’ennemis dans notre dos. En plus du retournement rapide qui sera l’une des solutions permettant de faire volte-face, l’esquive en sera une autre, tout comme le contre avec l’aide de notre bouclier. A ce sujet, ce mouvement devra être maîtrisé très rapidement car bien qu’il soit possible de bloquer la plupart des attaques, ledit contre permet de prendre l’ascendant sur son adversaire afin de placer des combos dévastateurs. On saluera aussi le système de flèches de couleurs jaune/rouge/violet (présence ennemie, attaque imminente et projectiles), toujours lisible et très pratique. Finalement, si l’impression de manquer de réactivité pourra nous étreindre les premières minutes, il suffira de quelques échauffourées pour se sentir à l’aise avec la jouabilité.

Toutefois, pour profiter pleinement du gameplay, il faudra savoir analyser les patterns des ennemis et surtout mettre à profit le combat à mains nues et à la hache en switchant constamment entre les deux pour utiliser les attaques associées ou pouvoir toucher certains ennemis insensibles à votre arme. Dès lors qu’on a compris ceci, les affrontements deviennent exquis, déroutants pour le vieux briscard rompu à la série, mais jouissifs, surtout après quelques heures de jeu lorsqu’on commence à débloquer les arbres de compétences à notre disposition.

Pour se faire, il faudra néanmoins bien assimiler le système dans lequel l’évolution des armes, de nos équipements (torse, bras et jambes) et l’acquisition des compétences de Kratos et Atreus sont ici aussi connectées. Dans un premier temps, vous devrez récupérer des matériaux et de l’argent dans des coffres, en accomplissant des quêtes ou en éliminant des ennemis. On déplorera tout de même que certains matériaux soient parfois difficiles à trouver faute d’indications, surtout lorsqu’il s’agit de crafter certains loots (trop nombreux), épiques et légendaires en tête. Ceci vous servira alors à améliorer le niveau de votre hache ou de l’arc d’Atreus. Une fois ceci fait, vous pourrez alors débloquer de plus en plus de compétences (requérant également des matériaux et de l’EXP) qui seront utilisables en combat. Je tiens ici à appuyer encore une fois sur l’utilité d’Atreus lors des rixes. En effet, votre fils vous secondera en débloquant certains passages au fil de l’aventure ou en récupérant de l’expérience grâce à sa capacité à déchiffrer des runes. Il pourra également en plein combat étourdir vos adversaires avec ses flèches ou carrément les attaquer en leur grimpant dessus. Très rapidement, sa présence devient indispensable d’autant que le jeu est bien plus difficile que par le passé même en Normal. Je vous laisse imaginer ce que cela peut donner en God of War, 4ème et dernier niveau de difficulté. Pari gagné pour Cory Barlog donc car en marge de l’histoire justifiant la présence de l’enfant sans jamais nous donner l’impression de nous l’imposer, son utilité en combat est réelle voire salvatrice, surtout lorsqu’il obtient la possibilité de nous ramener à la vie une fois achetée une pierre de résurrection.

De fait, Atreus ne bride en rien la bestialité des joutes, au contraire, il offre à la brutalité des finish moves et autres enchaînements de son père un soupçon de «tactique» toute proportion gardée. En nous obligeant à user correctement de chaque compétence, du mode Rage (montant progressivement en se battant à mains nues) et des capacités du rejeton, chaque affrontement devient une épreuve excitante voire parfois éprouvante tant certains ennemis (dont la couleur de la barre de vie est proportionnelle à leur résistance) nous mettent la pression. Alors oui, la jouabilité a évolué, elle aura du mal à rallier à sa cause tous les fans, néanmoins elle ne renie pas sa nature première, cette sauvagerie, cette férocité qui transparaît à chaque coup porté.

A THOR OU À RAISON ?

Bien que qualifier God of War de tous les superlatifs possibles et inimaginables soit tentant, et ce même en prenant en compte ses quelques défauts finalement peu importants, y jouer reste encore le meilleur moyen de se rendre compte du travail effectué par Sony Santa Monica. Qu’on soit en phase ou non avec l’orientation de ce nouveau volet, une chose semble certaine : il est impossible d’aimer le jeu vidéo et de réfuter entièrement (hormis sous des prétextes fallacieux) ce titre. Ne déviant à aucun moment de sa ligne directrice (et ce jusqu’à son incroyable fin), soutenant intelligemment chaque choix de gameplay, jouant avec les attentes des joueurs (en leur donnant ou non ce qu’ils attendent), ce God of War marque une étape majeure dans la série et pour le beat’em all en règle générale. Ne se sentant jamais bridé par le genre qui le définit, cet épisode s’affranchit des limitations que la série s’était imposées (pour des raisons techniques et de style) et ose nous raconter une histoire recouverte de sang, de culpabilité, mais aussi de tendresse et d’espoir. Le plus beau est qu’il y arrive et qu’une fois refermée la dernière page de cet incunable, l’envie de feuilleter sa suite nous étreint machinalement. Un signe des dieux assurément, mais avant tout de ceux qui ne trompent pas…

KRATOS VA DEVOIR RAMER ENCORE PLUS FORT

Quatre ans plus tard, God of War n’a rien perdu de sa fougue, de sa force et ses qualités sont même encore plus flagrantes sur PC. Ainsi, outre plusieurs options graphiques (ombres, reflets, effets atmosphériques…), le jeu profite bien entendu du combo 4K/60 fps déjà disponible sur PS5 via un patch et prend en charge les technos DLSS et Reflex de NVIDIA tout en étant compatible avec les écrans ultra-larges. Le rendu visuel est donc plus probant que jamais, autant dans les intérieurs et extérieurs fourmillant de détails, l’architecture du jeu ou les effets de lumière encore plus affinés.

De plus, notez qu’il est bien entendu possible de jouer avec le clavier/souris même si on lui préférera un pad d’autant que la DualSense et, bien sûr, les pad Xbox Elite Series sont compatibles. Bref, aucune de raison de passer à côté de ce monument du jeu d’action.

Kratos tranche, découpe, mais frappe avant tout en plein cœur du joueur. Tour à tour féroce, contemplatif, émouvant et drôle, God of War redéfinit la série éponyme sans pour autant réfuter son passé auquel il est intimement lié par son histoire. Nul doute que cet opus ne mettra pas tous les fans d’accord car en fonction des attentes, l’histoire de Kratos et d’Atreus vous parlera sans doute plus ou moins. Pourtant, au-delà des choix opérés à tous les niveaux par les développeurs, God of War respire la sincérité et reste un gigantesque morceau de bravoure mû par son étonnante narration et sa volonté farouche de faire évoluer son héros tout en proposant une aventure incroyablement généreuse. God of War avait marqué la PS2 et PS3 de son empreinte, ce nouveau volet s’impose de lui-même sur PS4 et PC comme le meilleur beat’em all de la machine et accessoirement le meilleur représentant actuel du genre, rien de moins.

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Kena : Bridge of Spirits – Classique mais charmant

S’inscrivant dans la lignée des premières grosses productions à destination de la Playstation 5, aux côtés de Returnal ou bien encore Demon’s Soul, Kena : Bridge of Spirits choisit justement de confronter un design à la limite de l’enfantin, semblant destiner le jeu aux plus jeunes, à une science du boss plus ou moins héritée des titres de From Software. Un mixe étonnant pour une production indépendante ne manquant pas de charme.

Horizon Forbidden West ayant décidé, cette année, de laisser le champ libre aux héroïnes guerrières, Kena saisit sa chance au vol en nous propulsant dans un monde enchanteur fortement influencé par les productions Ghibli, aussi bien dans ses environnements gorgés de couleurs que son ambiance oscillant entre le monde réel et celui des esprits.

Si l’ambition première de Kena n’est nullement de concurrencer le blockbuster de Guerilla Games, le titre ici présent peaufine néanmoins chaque aspect afin de proposer une aventure certes issue d’un moule très commun de plates-formes/action mais mettant en avant les capacités de la machine de Sony tout en s’appuyant sur une recette solide à laquelle on rajoutera une quantité impressionnante de boss fights tout au long de la progression.

C’est d’ailleurs sans doute la première chose qui pourra étonner, autrement dit ce paradoxe entre l’univers très coloré, mignon, tout en rondeurs et sa relative difficulté dès le mode Normal. On en viendrait presque à se demander si l’idée d’Ember Lab n’était pas de prouver à qui en doute que l’un n’empêche pas l’autre. Toujours est-il que vous allez souffrir dans Kena, principalement lors des rencontres contre les boss émaillant l’aventure, le reste de celle-ci ne présentant pas une grande difficulté autant grâce (à cause) au côté longitudinal de la progression qu’aux énigmes, agréables, mais se répétant rapidement dans leurs mécanismes. Non, ce qui pourrait se présenter comme un rouage grippé pour qui pense profiter d’une jolie promenade de santé (sans pour autant devoir passer par le mode Facile) sera donc synonyme de combats de boss puisque plus d’une quinzaine d’entre-eux viendront rythmer votre périple.

Who is the boss ?

Peut-on pour autant parler de «Soulsisation» de Kena ? Je n’irai pas jusque là bien que dans l’approche de certains boss, la connaissance des patterns associée à de bons réflexes puisse faire penser à du From Software. D’autant plus vrai que plusieurs boss font mal, très mal même, la moindre erreur étant souvent synonyme de gros dégâts. On pourra ainsi ranger ces adversaires en deux catégories, la plupart d’entre eux (abordables) devenant des ennemis communs une fois vaincus alors que les autres (moins nombreux, mais bien plus dangereux) pouvant être associés à des défis ultimes avant de changer de zone, le titre étant composé de plusieurs biomes, chacun gardé par un esprit que vous devrez libérer.

Dans ce cas, vous devrez scrupuleusement analyser le timing des attaques et user à bon escient de vos capacités pour avoir une chance de vaincre votre adversaire. A ce sujet, si on peut regretter une panoplie de mouvements assez restreinte, cet état de fait n’est jamais frustrant d’autant que les mouvements à disposition s’avèrent suffisants pour ce qu’on réclame de notre part. D’ailleurs, les combats de boss (encore eux) vous demanderont rapidement d’alterner entre l’utilisation de votre bouclier, votre arc ou l’usage de vos précieux Rot, d’adorables petites créatures qu’il conviendra de chercher dans les niveaux. Ces derniers vous permettront d’utiliser une magie afin de générer une créature pour accéder à certains endroits, des coups plus puissants ou vous redonner de la vie en plein affrontement. La méthode est éprouvée, mais force est de constater que ça fonctionne diablement bien dans le cas présent.

Qu’est ce que Kena vaut ?

En somme, bien qu’il soit indéniable que Kena : Bridge of Spirits ait profité d’une sortie sans véritables concurrents, il convient malgré tout de ne pas minimiser ses évidentes qualités, certes cachées derrière une grande impression de déjà-vu, mais cimentant un socle très solide. Mettant en avant un aspect écologique quelque peu naïf, mais s’inscrivant lui aussi dans un tout cohérent, à travers des cinématiques maîtrisées évoquant par moments un film d’animation, le jeu d’Ember Lab cherche simplement à faire du mieux qu’il peut (dans la limite de ses moyens) en offrant aux joueurs une aventure construite sur les bases de décennies de jeux d’action/plates-formes mais aussi et surtout mue par la volonté farouche de livrer un produit fignolé au plaisir de jeu immédiat. Une telle proposition ne se refuse pas.

Très classique dans sa structure, mais indéniablement peaufiné à tous les niveaux, le jeu d’Ember Lab se montre aussi superbe sur la forme que simple et agréable dans le fond. Si on pourra lui reprocher de ne jamais chercher à réinventer la roue ou un scénario assez simpliste, Kena comprend suffisamment d’atouts pour attirer le joueur dès ses premiers instants et ne plus le lâcher par la suite. La simplicité de la méthode joue de fait en sa faveur, tout comme ses boss demandant un minimum de skills pour être défaits, et si on regrettera une difficulté surhumaine au delà du mode Normal, l’aventure s’avère, dans tous les cas, attrayante et très rafraîchissante.

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Resident Evil : Bienvenue A Raccoon City – Plus mort que vivant

Lucrative bien que conspuée par les fans, la première série de films Resident Evil avait au moins le mérite, au plutôt l’audace, de s’affranchir assez rapidement de la série de jeux vidéo bien qu’y piochant régulièrement des passages cultes pour faire du gringue à la fanbase. Il était donc logique que ce reboot prenne le contre-pied de ce qui avait été fait avant en se présentant dès le départ comme le digne héritier cinématographique de la licence de Capcom. Intention louable malgré un cafouillage assez dérangeant.

Alors qu’on aurait pu imaginer ce reboot de Resident Evil prendre son temps, c’est tout le contraire qui a lieu. Passée, une introduction nous présentant les jeunes Chris et Claire Redfield dans l’orphelinat de Raccoon City, le film opère un rapide bond en avant pour se dérouler de nos jours. Outre le fait que l’origin story des Redfield ait été modifiée, ladite introduction choisit de faire la lumière sur la jeune Lisa Trevor, qu’on pouvait apercevoir dans le remake du jeu original. Idée intéressante sauf qu’au final, elle ne servira pas vraiment la narration, si ce n’est dans le troisième acte, et ce, de façon assez convenue pour ne pas dire naïve.

Pour autant, Johannes Roberts (les réussis 47 Meters et The Strangers : Prey at Night) soigne ses plans et parvient même à créer une certaine ambiance horrifique qu’on ne pensait pas retrouver dans cette nouvelle adaptation. Le constat est d’ailleurs similaire durant la première demi-heure de métrage, entre l’arrivée de Claire à Raccoon et l’exposition de la bourgade américaine (retrouvant taille humaine après la transformation en mégalopole dans le remake de Resident Evil 2), plutôt habilement emballées et laissant espérer une atmosphère beaucoup plus anxiogène que celles des précédents films. Malheureusement, c’est à partir de ce moment-là que rien ne va plus.

En effet, plutôt que d’adapter le premier jeu en prenant son temps pour présenter la situation et les enjeux (aussi bis soient-ils), le réalisateur, et scénariste, choisit de mixer les deux premiers titres, sans doute pour étendre sa narration à Raccoon, au delà du manoir Spencer. On ne sera donc pas surpris de retrouver Leon S. Kennedy côtoyant les Redfield, Albert Wesker, Jill Valentine ou bien encore le chef Brian Irons. Bien que l’idée ait du sens pour proposer davantage d’action, elle s’avère ici catastrophique tant le film ne prend jamais son temps pour vraiment creuser ses personnages. De fait, chacun d’entre eux survole le film, la palme revenant à Wesker dont les motivations ne justifient jamais son retournement de veste.

Dans sa globalité, Bienvenue A Raccoon City est donc un gigantesque gloubi-boulga d’idées écrites à la va-vite et de références aux jeux ne donnant jamais l’impression de vouloir réellement raconter quelque chose de cohérent. Pire, le long-métrage démontre durant toute sa durée qu’aussi référentiel soit-il, il ne semble pas avoir compris la série de Capcom. Les Cerbères, les corbeaux, les Lickers, la transformation de William Birkin, l’apparition du tout premier zombie, rien ne manque vraiment, mais tout s’avère fade et convenu, comme posé là, pour faire plaisir aux fans.

Si sur le fond, cette adaptation a donc du mal à convaincre, la forme n’est pas nécessairement mieux, le tout oscillant entre le bon (la représentation du manoir Spencer) et le navrant (l’explosion du camion-citerne devant le commissariat de Raccoon City). Une fois encore, il est étonnant de constater les différences entre le premier acte, soignant ses éclairages et l’apparition de certains zombies, et les suivants enchaînant les maladresses de réalisation. Difficile en effet de pardonner à Roberts les séquences d’action à l’intérieur du manoir, aussi désastreuses que dangereuses pour les épileptiques. Peu aidé par ses comédien.nes, le real choisit alors d’enclencher la seconde en bardant son métrage de jump scares, d’explosions et de gunfights. Maladroit, car autant sur le tableau de l’horreur que de l’action, le film se prend méchamment les pieds dans le tapis, et ce, jusqu’à son final d’une navrance et d’un kitch à toute épreuve bien qu’ici aussi directement inspiré de celui de Resident Evil 2. Pour la peine, on en viendrait presque à regretter Paul W.S. Anderson et Milla Jovovich.

En essayant de faire rentrer au chausse-pied le scénario des deux premiers jeux dans un film d’1h45, Bienvenue A Raccoon City échoue sur à peu près tous les tableaux malgré une première demi-heure plutôt efficace. Malheureusement, en survolant complètement son scénario, Johannes Roberts semble avoir baissé les bras dès le deuxième acte. Réalisation brouillonne, manque total d’empathie pour les personnages, easter eggs intégrés à la truelle, l’ensemble s’écroule comme un château de cartes, et ce, jusqu’à sa scène post-générique aussi référentielle que mal amenée. On aurait aimé frémir, au final, le film nous fait simplement hurler de dépit.

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Ghostbusters : Afterlife, les fantômes du passé reviennent nous sauver

En 2016, Sony Pictures Entertainment relançait la franchise Ghostbusters avec un épisode bancal, qui tentait tant bien que mal de rebooter la licence et de lui rendre hommage à travers des références intégrées au forceps et un humour bas de plafond. Cinq ans plus tard, les chasseurs de fantômes ressortent les packs de protons pour un opus cette fois aussi nostalgique que sincère…

Abandonnant les rues bondées de New-York, lieu de prédilection des précédents volets, Jason Reitman (Thank You for Smoking, Juno) choisit la petite ville américaine de Summerville pour planter son décor. Anachronisme bétonné, la bourgade semble s’être figée dans les années 80, auxquelles Reitman fait d’ailleurs constamment référence, par l’entremise du cinéma du coin, diffusant le Cannibal Girls du paternel, quantité de clins d’œil ou encore par l’architecture même du long-métrage qui évoque les grandes heures d’Amblin, la société de production de Steven Spielberg.

L’Héritage est donc un cri du cœur aux eighties, une lettre d’amour aux références cinématographiques du réalisateur quarantenaire, mais aussi, et surtout, une suite essayant de prendre le meilleur de son modèle tout en allant de l’avant. Respect et innovation, telle pourrait être la maxime de ce nouveau Ghostbusters.

La rupture de ton initiée, loin d’être anodine, permet dès le départ d’offrir à S.O.S. Fantômes : L’Héritage une dimension plus intimiste, qu’on retrouve également dans son synopsis. Callie (Carrie « Gone Girl » Coon), endettée jusqu’au cou, doit quitter son appartement et choisit de se mettre au vert avec ses deux enfants, Trevor (Finn « Stranger Things » Wolfhard) et Phoebe (l’excellente Mckenna Grace). Emménageant dans la demeure décrépie de son défunt père, Callie et sa petite famille ne vont pas tarder à découvrir que la charmante bourgade n’a rien à envier à la Big Apple en matière d’apparitions ectoplasmiques.


Une histoire de famille

S’articulant autour de la notion de parenté, L’Héritage troque le film de potes pour une histoire de famille, soudée dans l’adversité, et qui va devoir tout reprendre à zéro en s’acclimatant tant bien que mal à un nouvel environnement campagnard. Un point de départ original (pour la saga) même si on aurait pu s’attendre à ce que Jason Reitman approfondisse davantage les relations entre les protagonistes. À l’inverse, le réalisateur choisit d’éclater sa narration et de développer ses personnages en offrant à chaque membre de la famille un compagnon de route.

Sur ce point, on trouvera matière à redire, car si la jeune Phoebe, aussi à l’aise en sciences qu’en blagues vaseuses, forme avec Podcast (Logan Kim) un délicieux duo qui n’aurait nullement détoné dans les Goonies de Richard Donner, le reste de la famille n’a malheureusement pas autant de chance. Trevor, féru de mécanique un peu paumé, devra se contenter d’une amourette avec une jeune serveuse du drive-in où il travaille. Le personnage se trouve au final très effacé, à l’image de sa charmante et dynamique maman partagée entre le désir de reconstruire sa vie et celui de flirter avec Paul Rudd, parfait dans son rôle de professeur débonnaire à mi-temps, plus intéressé par ses études sismologiques que par ses cours, dont la finalité consiste à passer des VHS de Cujo et autres Chucky à ses élèves.

En cela la narration est quelque peu bancale, la plupart des personnages ne semblant destinés qu’à errer d’une scène à l’autre jusqu’à servir « la cause » de Phoebe. C’est elle, en effet, qui va entrer en contact avec l’Au-Delà pour éviter un chaos à venir.

Un hommage vibrant mais prévisible

Intimement lié au film de 1984, S.O.S. Fantômes : L’Héritage subit quelque peu le besoin de connecter son intrigue à celle du film d’Ivan Reitman. Cependant, bien que les Easter eggs et autres apparitions réelles ou fantomatiques (jusqu’à la scène post-générique) génèrent des sourires complices en ravivant d’agréables souvenirs (notamment au détour d’une séquence poétique des plus touchantes), la plupart servent aussi habilement l’intrigue. Revers de la médaille, ils ont également le défaut de rendre le scénario bien trop prévisible.

Nous nous garderons de trop vous en dévoiler, mais sachez que le film ne surprend jamais, ni dans son histoire, qui grille trop rapidement ses cartouches, ni dans les manifestations spectrales, finalement assez timorées et trop ancrées dans le passé de la saga. Certes, il est amusant de retrouver un Bouffe-tout grassouillet, mais il y avait sans doute matière à proposer une galerie de créatures plus réjouissantes, plus espiègles, tout en mettant à contribution Summerville pour de réjouissantes scènes de destruction à bord de l’Ecto-1. On retiendra néanmoins quelques excellentes idées, très « Gremlinsesques », malheureusement spoilées dans des extraits diffusés en amont de la sortie du film.

Reste que Jason Reitman emballe le tout avec une joie communicative, en usant d’élégants plans de caméra pour mettre en valeur les panoramas de l’Oklahoma (ou plutôt d’Alberta, au Canada, où a été tourné le film), embellis par la photo d’Eric Steelberg (un habitué du réalisateur). Le film profite aussi du respect infini que le réalisateur témoigne aux films de son papa, que l’on retrouve dans le jeu des acteurs et actrices, et on saluera le dernier arc, plus dynamique, qui doit beaucoup au mélange entre effets spéciaux dernier cri et animatroniques, pour un résultat à la fois moderne et joliment désuet.


911 raisons d’appeler qui vous savez…

Au-delà de sa prévisibilité, S.O.S. Fantômes : L’Héritage conjugue une touchante sincérité à un besoin d’aller de l’avant en passant le flambeau à une toute nouvelle génération de Chasseurs de fantômes. Mû par ses jeunes comédien·ne·s, parfaitement dans le ton, et propulsé par un revival de séries et films eighties, ce nouvel épisode réussit, malgré ses écueils, à trouver un certain équilibre : il saisit le meilleur de son illustre passé, aidé par le bonheur de retrouver une partie du casting de 1984, et referme les portes entrouvertes il y a 37 ans.

Mais c’est peut-être aussi ce qui donne l’impression que L’Héritage est bloqué dans une sorte d’entre-deux structurel, plus occupé à tisser des liens avec le Ghostbusters original qu’à développer ses propres personnages qui auraient sans doute mérité un peu plus d’épaisseur pour pleinement convaincre. Si d’un côté, on retombera donc avec un vrai plaisir dans la formule combinant humour, action et bons sentiments, on éprouvera de l’autre un sentiment étrange d’inachevé autant au niveau du spectacle proposé que de l’histoire racontée, sincère, drôle et émouvante, mais sans doute trop conventionnelle pour nous faire totalement retrouver notre âme d’adolescent.

Bien que très convenu et assez déséquilibré dans ses arcs narratifs, S.O.S. Fantômes : L’Héritage profite d’un véritable amour porté au film original (auquel il est intimement lié) dont il actualise la formule pour s’adresser aux nouvelles générations. Loin d’être parfait, il n’en reste pas moins une proposition vivifiante et sincère dans sa démarche, alliant un humour qui fait souvent mouche à une touchante et émouvante nostalgie.

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The Last of Us, Uncharted : comment Naughty Dog a imposé le blockbuster d’auteur

Naughty Dog est depuis longtemps l’exemple à suivre au sein des studios Sony et de manière plus générale, dans l’industrie du jeu vidéo. Reconnus pour leur sens du détail presque maladif, les californiens se sont forgés une solide réputation que des histoires de crunch ont à peine entamé. Au fil des années et séries, l’ambition du studio a toujours été de repousser les limites techniques mais aussi et surtout celles des genres abordés. Le fond a autant d’importance que la forme chez Naughty Dog. Leurs productions sont, certes, taillées pour se vendre à des millions d’exemplaires mais la volonté de bousculer les habitudes des joueurs à travers l’inattendu, des personnages marquants ou des thématiques fortes est omniprésente. Associer blockbuster et jeu d’auteur peut sembler farfelu voire casse-gueule mais la formule a pourtant réussi à ce studio pas comme les autres.

De débuts très «roots» à la consécration mondiale

Comme pour beaucoup de petits génies de l’informatique et du jeu vidéo, l’aventure Naughty Dog commence dans le garage d’Andy Gavin et Jason Rubin, les deux fondateurs de Jam Software. La société ne prendra son nom définitif que lors du développement de leur troisième jeu, Keef the Thief, un RPG édité par Electronic Arts. Nous sommes en 1989 et les deux jeunes programmeurs n’ont pas chômé puisqu’en parallèle de leurs études, ils développent en 1987 leur premier titre, Ski Crazed, puis leur deuxième, Dream Zone, en 1988. La passion est décidément moteur de création !

Délaissant les micro-ordinateurs pour les consoles, Naughty Dog ne va pas tarder à se faire une renommée mondiale, non pas avec leurs deux jeux suivants, Rings of Power (un RPG en vue isométrique) et Way of the Warrior, jeu de baston sur 3DO dans la veine d’un Mortal Kombat, mais plutôt avec Crash Bandicoot, premier titre d’une longue série qui perdure encore aujourd’hui. La société développera les trois premiers titres de la série, plus un excellent spin-off, Crash Team Racing, avant de partir sur une autre franchise, Jak and Daxter, sous l’impulsion de Sony qui rachète la firme en 2001.

Tout comme avec Crash Bandicoot, Naughty Dog développera trois Jak and Daxter puis un spin off officiant lui aussi dans la catégorie des Mario Kart-like. Notons que cette saga profitera de l’expérience d’Amy Henning qui s’était déjà illustrée à travers la saga Legacy of Kain et son spin-off, Soul Reaver, célèbres pour leur lore vampirique et leurs personnages hauts en couleurs. C’est donc en toute logique qu’elle travaillera en 2007 sur le premier Uncharted qui marque un tournant dans l’histoire de la société.

Uncharted ou l’idée même du blockbuster vidéoludique

Alors que Jason Rubin quitte son poste en 2004, suivi un an plus tard par Andy Gavin, ce sont le français Christophe Ballestra et Evan Wells, leurs successeurs, qui s’occupent du lancement d’Uncharted Drake’s Fortune, héritier des grands films d’aventure et autres Tomb Raider. S’inspirant du mélange d’action/plates-formes de Jak and Daxter, Uncharted opte toutefois pour un ton plus réaliste en posant les bases d’une nouvelle franchise misant aussi bien sur son action survoltée que le charisme de son héros, Nathan Drake, fils illégitime d’Indiana Jones et Lara Croft. Il est d’ailleurs intéressant de noter que Uncharted : Drake’s Fortune s’inspire autant de l’exotisme des premiers Tomb Raider que de Legend, reboot de la série qui proposait en 2006 des scènes d’action des plus hollywoodiennes. Le but de la nouvelle franchise de Naughty Dog est donc on ne peut plus simple : faire voyager le joueur en ne lui laissant aucune minute de répit grâce à une aventure au rythme frénétique.

Les gunfights se succèdent à la vitesse d’une balle, les péripéties se multiplient et Nath échappe toujours à la mort avec le sourire ou la punchline de rigueur. Le but n’est pas ici de le rendre crédible mais au contraire de l’iconiser à la manière d’un de ces héros de films d’action des années 80 à qui rien n’est impossible. Tel un Schwarzenegger, Drake dégomme, dessoude, il éparpille mais tout est fait pour le rendre sympathique via le duo qu’il forme avec Sully, roublard, baroudeur, pilote d’hydravion, le cigare au bec et jamais avare en bonnes histoires. Le duo est tellement central qu’on pourrait aisément qualifier ce Drake’s Fortune de buddy movie interactif saupoudré d’une touche de féminité en la personne d’Elena qui ne cessera de prendre de l’importance au fil des épisodes. L’écriture d’Amy Henning, (par ailleurs réalisatrice du jeu), de Josh Scherr et de Neil Druckmann (futur homme fort du studio), va droit au but et parvient à offrir à notre groupe d’aventuriers une bonne alchimie grâce à des personnalités marquées et complémentaires ainsi qu’un objectif à leur hauteur : la recherche de la mythique citée de l’Eldorado. Terreau à partir duquel germeront des relations plus poussées dans les opus suivants, le scénario de Drake’s Fortune définit les contours d’une saga pensée dès le départ pour accueillir de multiples suites. Car ne nous y trompons pas, tout dans ce jeu est calculé pour toucher une large cible grâce à un mélange d’humour, d’action et de légèreté en renvoyant aux Indiana Jones, A La Poursuite du Diamant Vert et consorts. Les bases étant à peine posées qu’il est donc déjà temps de penser à un deuxième volet voué à faire mieux que son prédécesseur et ce, à tous les niveaux.

Un premier trio de jeux entièrement dévolu au grand spectacle

En s’inspirant dès son ouverture d’une séquence du Monde Perdu : Jurassic Park, Uncharted 2 : Among Thieves annonce la couleur, il sera tout aussi spectaculaire que son aîné, auquel il emprunte sa structure, tout en densifiant son propos à travers plusieurs personnages inédits. Optant pour une narration non linéaire, notre trio de scénaristes s’amuse à laisser Nathan dans une situation des plus délicates, perdu en plein Himalaya après le déraillement d’un train, pour revenir quelques semaines auparavant aux abords d’une plage. On y découvre entre autres Chloé Frazer, l’ex de notre héros qui formera une sorte de triangle amoureux avec Elena et Nath avant de prendre du galon jusqu’à être la star du spin-off d’Uncharted 4, The Lost Legacy, en 2017. L’usage de flash-backs, qui sera également mis à profit dans les épisodes suivants, permet au jeu de multiplier rapidement les situations, les rebondissements, les lieux, avant de revenir à une progression longitudinale et donc au temps présent. Nous faisant voyager d’Istanbul à Bornéo en passant par le Népal, cet opus affiche comme son aïeul un esprit d’aventure où les vastes panoramas abritent de somptueuses cités et de magnifiques palais voués à être partiellement détruits et jonchés de cadavres. Le body count d’Uncharted 2 explose à l’image de la plupart des décors du jeu, théâtre d’une aventure aussi généreuse en action que référentielle dans ses situations.

Formant un véritable triptyque avec les deux premiers volets (dans le ton et les ambitions cinématographiques), Uncharted 3 : L’Illusion de Drake est rarement cité comme l’épisode préféré des fans en 2011. Pourtant, il transcende absolument tout ce qui a été fait jusqu’alors, autant dans le fond que dans la forme. La formule, très bien établie, permet une fois de plus de passer d’un continent à l’autre en l’espace de quelques séquences. Le Royaume-Uni, la Syrie, la France, le Yémen, Uncharted 3 ne lésine sur rien pour éblouir, nous sortir de notre quotidien. Il triple absolument tout afin que le joueur/spectacteur en ait pour son argent. Après Marco Polo dans Uncharted 2 et Francisco Vázquez de Coronado dans Golden Abyss (qui sortira également en 2011), Uncharted 3 évoque Thomas Edward Lawrence, autrement dit Lawrence d’Arabie. Si dans son inspiration première, renvoyant au film éponyme de 1962 réalisé par David Leane, cet épisode évoque l’aventure, le dépaysement, il ajoute davantage de Fantastique en intégrant notamment des djinns dans sa dernière ligne droite.

Bien que l’homogénéité du jeu en prenne un coup, autant dire que la promesse initiale est tenue ! De son introduction, dans un bar Londonien, que n’aurait pas renié Guy Ritchie, à une séquence virevoltante dans un avion en perdition en passant par une course-poursuite à cheval s’inspirant directement de celle des Aventuriers de l’Arche Perdue, L’Illusion de Drake allie l’épique au confidentiel lorsqu’il choisit de s’attarder sur le passé de Nathan encore adolescent. Ce passage est d’ailleurs symptomatique de l’envie des scénaristes d’approfondir les personnages pour mieux comprendre ce qui a forgé leurs caractères.

En se basant sur tous ces éléments auxquels on rajoutera une galerie de méchants toujours prompte à mettre des bâtons dans les roues et dont la Katherine Marlowe du troisième opus semble grandement influencée par la Jacqueline Natla du premier Tomb Raider, la saga Uncharted truste le box office vidéoludique.

Les chiffres de ventes sont excellents, le public est au rendez-vous mais chez Naughty Dog, le vent a tourné depuis la sortie de The Last of Us en 2011. Acclamé pour ses personnages, la finesse de son écriture et le ton plus réaliste de son aventure, The Last of Us démontre qu’on peut mélanger narration profonde et notion de blockbuster. Et si Uncharted 4 s’y essayait lui aussi ?…

Uncharted 4 : Bigger, better mais surtout plus humain

L’évolution entre ce premier trio de jeux et le quatrième dénote clairement d’une vraie maturité de la part du studio ne cherchant plus seulement à amuser mais aussi et surtout à s’investir beaucoup plus dans le vécu de ses personnages. On pourrait en cela positionner Neil Druckmann comme une sorte de Christopher Nolan qui a toujours cherché à aller plus loin que le genre auquel ses films sont associés. S’étant imposé à travers sa maîtrise de l’action, Naughty Dog a cette fois davantage de latitude pour expérimenter une autre façon de concevoir sa saga et ceci passe bien entendu par celui qu’elle a porté sur un piédestal pendant des années : Nathan Drake.

Tout en donnant de l’épaisseur à son héros, Uncharted 4 l’humanise, le rend plus fragile en l’ancrant davantage dans la réalité d’une vie plus rangée, aux côtés d’Elena avec qui il partage désormais sa vie. C’est tout le sujet de cet opus et comme à l’accoutumée, Naughty Dog amène ces réflexions avec beaucoup d’humour et d’auto-dérision. L’un des passages faisant office de véritable note d’intention de ce quatrième épisode, est sans doute la séquence sous-marine présentant Nathan à la recherche de quelque trésor millénaire. Classique en apparence, c’est seulement lorsque la caméra sort de l’eau qu’on se rend compte que notre baroudeur ne fait qu’effectuer un travail pour le compte d’une société récoltant des ordures dans une rivière. La scène, n’intervenant qu’après plusieurs heures de jeu, est pourtant la plus importante de A Thief’s End tant elle trace une ligne entre passé et présent pour bien nous faire comprendre à quel point rien ne sera plus jamais identique, du moins dans la tête de Nathan. Problème d’argent, difficulté à trouver du travail, l’aventurier se confronte cette fois au plus grand danger qui soit, celui-là même qu’il avait pris soin d’éviter jusqu’à présent : la vie active ! Il en vient même à se questionner sur la dangerosité des missions qu’on lui propose, parti-pris totalement inédit pour un jeu d’action.

Bien sûr, on pourra trouver tout ceci ironique dans le sens où les gunfights à 1 contre 100 pullulent à nouveau mais la réflexion n’en reste pas moins intéressante et totalement raccord avec le ton général du jeu et la prise de hauteur de cet épisode en forme de bilan, aspect qu’on retrouve en filigrane, de son très beau générique du titre, sous forme de crayonnés parcourant toute l’histoire de la saga, à sa conclusion. Tout comme les joueurs qui ont découvert la série, Nathan a vieilli et si il reste au fond de lui l’explorateur d’autrefois, il doit également pensé à ses proches, à sa famille. Le passage où le héros se retrouve dans son grenier rempli d’artefacts tirés des précédents épisodes illustre à merveille ce propos.

La scène, nostalgique et touchante à la fois, permet à Nathan (et donc au joueur) de replonger pendant un bref instant dans sa vie passée jusqu’à ce que la voix d’Elena, lui intimant de venir manger, retentisse comme un cinglant retour à la réalité. Une manière de nous rappeler ce que fut Nath et ce qu’il est devenu, à l’image du studio Naughty Dog, toujours désireux d’aller de l’avant sans pour autant renier son histoire. Afin d’appuyer ce parallèle, Nathan défie alors Elena sur Crash Bandicoot (premier titre ayant véritablement lancé le studio), en blaguant sur la lenteur avec laquelle le jeu se charge. Ce clin d’oeil, qu’on retrouvera de façon plus ou moins similaire dans le Metal Gear Solid 4 d’Hideo Kojima (lors du retour à Shadow Moses), sonne ici comme une belle réflexion autour du temps qui passe en mettant au même niveau avatar, développeur et joueur. Pour l’anecdote, quatre ans plus tard, pour les besoins promotionnels de Crash Bandicoot 4: It’s About Time, Activision (à qui appartient désormais la licence ) fera à son tour un clin d’oeil à Naughty Dog en faisant jouer Crash et Coco Bandicoot à Uncharted 4.

Là où les précédents épisodes se servaient principalement de leurs personnages pour amener leurs enjeux scénaristiques immédiats, Uncharted 4 : A Thief’s End prend du recul sur la série, son succès et, bien entendu, ses protagonistes. Ce qu’Uncharted 3 avait initié avec la séquence adolescente de Nath, Uncharted 4 le développe, l’approfondit et, technologie aidant, parvient à offrir beaucoup plus d’émotions à ses dialogues à travers des expressions faciales bluffantes de réalisme et le jeu de ses acteurs virtuels. Bien que débutant sur une impressionnante séquence d’action, le titre annonce rapidement la couleur en revenant plusieurs années en arrière, dans l’orphelinat de jeunes sœurs (celui-là même mentionné dans le troisième volet) où Nathan a trouvé «refuge». En l’espace d’une séquence, les réalisateurs Neil Druckmann et Bruce Straley donnent une dimension plus personnelle à ce nouveau volet, bien plus centré sur les relations unissant ses personnages que dans n’importe quel autre épisode. De fait, tout en présentant le personnage de Samuel Drake, central dans le jeu, ce passage réussit parfaitement à définir le lien entre les deux frères tout en renvoyant aux précédents épisodes. Notons par exemple que le tee-shirt que porte Sam est celui de Nathan dans le flash-back d’Uncharted 3. Un détail subtil complété par des dialogues brillamment écrits nous rappelant à quel point Sam reste un modèle pour Nath, en tant que grand frère bien sûr mais aussi via cette image de rebelle un peu casse-cou qui inspirera la future carrière du jeune garçon.

On sent donc que la volonté première derrière Uncharted 4, outre celle d’être l’un des meilleurs porte-étendards des capacités de la PS4, est d’apporter ce réalisme totalement absent des précédents volets. En accentuant l’idée de nostalgie, de mélancolie, Naughty Dog choisit clairement de casser cette sorte de «positive attitude» au centre de tous les autres volets. A l’inverse de The Last of Us dont l’univers se prêtait bien plus à cet exercice, Uncharted 4 s’imprègne pour la première fois de l’envie du studio de ne pas céder aux sirènes du blockbuster consistant à immerger le joueur/spectacteur dans un roller-coaster continu de sensations fortes. Exercice périlleux d’autant que comme nous le disions quelques lignes plus haut, les scènes d’action sont nombreuses. Pourtant, en crédibilisant son héros, en lui donnant des raisons beaucoup plus personnelles de se battre (outre sa propre excitation à l’idée de retourner «sur le terrain»), les gunfights, bien plus spectaculaires que par le passé, prennent une saveur particulière grâce à cette dramaturgie sous-jacente côtoyant le plaisir très régressif de mitrailler à tout-va dans des environnements d’une beauté renversante.

L’équilibre aurait pu être précaire mais c’était sans compter le talent du studio qui, sans faire fi des impératifs liés au genre, ne perd jamais de vue son histoire. Sorte d’hybride engoncé entre les attentes des joueurs et les ambitions artistiques de ses auteurs, A Thief’s End n’est pas qu’une simple suite. Tout en reprenant le meilleur de la saga, il donne de l’épaisseur et du cœur à son casting en sachant toujours où situer la réglette pour créer l’émotion, la surprise, l’enchantement. Ce n’est donc plus vraiment à travers ses prouesses athlétiques que Nathan se définit mais par le biais de cette humanité retrouvée, ses prises de conscience et son envie d’imaginer son futur non plus en solitaire mais avec ses proches. L’épilogue est d’ailleurs très significatif de cet état d’esprit et revient à l’une des morales de ce volet : savoir progresser sans pour autant renier qui on est. Sorte de passage de témoin d’une génération (de machines et de personnages) à l’autre, il nous présente Nathan, Elena et leur fille, Cassie, curieuse d’en apprendre un peu plus sur le passé pour le moins singulier de ses parents. Se clôturant sur une image de famille heureuse et sur la fin (présumée) de la carrière de Nathan Drake, impossible de ne pas imaginer une suite qui mettrait une toute dernière fois en vedette notre baroudeur de l’impossible assisté de la demoiselle ici âgée de 13 ans, soit à peine moins qu’une certaine Ellie…

The Last of Us : un véritable lieu d’Elliégature

Lorsque The Last of Us sort en 2013, le jeu fait l’effet d’un bombe. Alors qu’on pouvait imaginer une déclinaison «survival» d’Uncharted, le titre de Naughty Dog balaie d’un revers de la main cette éventualité en s’axant plus que jamais autour de ses deux personnages principaux, Joel et Ellie. Il est d’ailleurs bon de rappeler que ce n’est pas avec son gameplay mixant, sans grande originalité mais avec une vraie efficacité, infiltration et action, ni même son univers, renvoyant à celui du film Je Suis une Légende, que le jeu a acquis ses lettres de noblesse. Si le titre a autant marqué, c’est bel et bien grâce à son écriture, le développement de ses personnages, son couple d’acteurs vedette, Troy Baker et Ashley Johnson, ou bien encore les magnifiques compositions de Gustavao Santaolalla (21 Grammes, Le Secret de Brokeback Mountain) offrant au jeu une véritable identité musicale.

Chaque choix de Straley et Druckmann (également scénariste du jeu) est mûrement réfléchi. Chaque élément, chaque idée participent à la construction de l’histoire et au vécu des personnages qui va influer sur les décisions qu’ils seront amenés à prendre. Dès le départ, The Last of Us définit le personnage de Joel comme un homme prêt à tout pour protéger ceux qu’il aime. Avec son introduction menée tambour battant, les deux réalisateurs décrivent, dans un style proche d’un reportage de guerre, la fuite de Joel et de sa fille Sarah à travers une ville en proie aux flammes et à des attaques d’infectés. Passant d’une scène chaleureuse, afin de cimenter l’attachement du père pour sa fille, à une conclusion glaçante voyant la mort de Sarah, le jeu affiche rapidement ses ambitions : nous surprendre pour mieux nous retourner émotionnellement, en nous faisant comprendre à quel point tout peut arriver dans ce monde en friches, que personne n’est à l’abri.

En retrouvant le personnage 20 ans plus tard, alors que la pandémie a ravagé le monde entier, il est inutile de se perdre en explications superflues pour décrire l’état mental de Joel. Lorsqu’il accepte de conduire Ellie au groupe des Lucioles à l’autre bout des Etats-Unis, l’homme a perdu tout ce qui avait de l’importance pour lui et ne fait que survivre en acceptant des jobs à la morale douteuse. Ellie n’est rien pour lui et c’est via l’évolution de cette relation que The Last of Us va décrire le parcours mental de ses deux personnages. L’idée de Neil Druckman est ici de confronter ces deux êtres que tout oppose. Joel a connu la civilisation passée et ne voit plus rien de beau dans le monde actuel alors qu’Ellie le découvre et s’émerveille d’un rien. Elle demeure en cela très proche du joueur. Toute cette dualité, cette complémentarité, fait le charme de ce premier volet qui, à travers ce rapprochement, va progressivement amener Joel à redevenir l’homme qu’il était, même si cela doit impliquer des choix douloureux.

C’est d’ailleurs l’un des points intéressants de The Last of Us qui ne permet pas aux joueurs de prendre leurs propres décisions, à l’inverse d’autres titres proposant par là même de faire évoluer la morale du personnage. Le jeu de Naughty Dog est en quelque sorte l’antithèse des The Walking Dead de Telltale Games dont l’objectif était justement de nous laisser la possibilité de faire quantité de choix afin de changer, dans une certaine mesure, la fin des épisodes mais aussi et surtout de nous permettre d’être plus en accord avec les actions de Clémentine et donc de créer davantage d’empathie. Ici, le joueur n’a d’autre choix que d’accepter les réactions d’Ellie et de Joel. Lorsque ce dernier choisit de tuer des gens innocents dans l’hôpital pour sauver Ellie, on comprend son acte sans pour autant légitimer ses motivations égoïstes. Quand il ment à celle-ci car il sait que la jeune fille ne pourra accepter ce qu’il a fait, on éprouve un sentiment paradoxal de colère et de soulagement. The Last of Us est difficile à accepter dans ses prises de position mais nous fait comprendre que tout est une question de point de vue et que notre vécu nous définit et nous pousse à faire des choix qui peuvent nous sembler justes… Même lorsqu’il s’agit de sacrifier l’avenir de l’Humanité.

Ce n’est donc pas le joueur qui est maître du destin des personnages mais bel et bel et bien leurs créateurs. C’est en cela qu’on peut vraiment qualifier The Last of Us de blockbuster d’auteur. Tout en ne déviant nullement de sa narration initiale, le titre déploie en parallèle d’énormes moyens pour crédibiliser son univers. Sa production n’a rien à envier à celle des blockbusters cinématographiques auxquels il emprunte un compositeur, une direction d’acteurs et des montées d’adrénaline régulières synonyme de séquences d’action explosives ou de passages horrifiques chargés de tension. Prenant le meilleur du cinéma et du jeu vidéo, ce premier volet accentue qui plus est l’immersion et l’empathie à travers des idées intelligentes comme celle de nous faire incarner Sarah lors du prologue (et donc de multiplier l’impact émotionnel lors de sa mort) puis Ellie, en milieu de partie, soit les deux «filles» de Joel.

Usant au mieux de la narration environnementale pour affiner les sentiments des protagonistes, le jeu ne cesse de déployer des trésors d’ingéniosité pour dépeindre l’évolution de ses acteurs. Comme nous le disions quelques lignes plus haut, le choix de Troy Baker (comédien de doublage chevronné) et Ashley Johnson (ayant débuté en 1990 dans le Full Contact de JCVD) participe grandement à la réussite du titre. La performance physique et vocale des acteurs, aidée par des expressions faciales très réalistes, était essentielle pour provoquer l’émotion recherchée et sur ce point, c’est une totale réussite, aussi bien en VO qu’en VF grâce aux excellentes performances d’Adeline Chetail et Cyrille Monge.

On retrouvera d’ailleurs l’ensemble de ses qualités dans le DLC Left Behind, prélude à l’aventure originale se concentrant sur Ellie et Riley, meilleure amie et premier amour de la jeune fille. Reflet du jeu de base, Left Behind synthétise à merveille ses meilleurs aspects via une écriture soignée et quelques trouvailles des plus poétiques à l’image de la séquence du jeu d’arcade durant laquelle Riley décrit à une Ellie fermant les yeux et agrippée aux joysticks de la borne, une partie imaginaire.

Sans chercher à s’affranchir de son but premier, divertir, The Last of Us parvient à conjuguer l’action et le frisson à une vision d’auteur ne cédant jamais aux poncifs du genre. Bien que s’articulant autour d’une progression classique, le titre ne délaisse en aucun cas ses personnages à qui il offre une conclusion aussi poignante qu’ambiguë. S’inspirant à nouveau du cinéma, et plus particulièrement du film La Route de John Hillcoat, la fin sonne comme un véritable coup de massue lorsqu’Ellie demande à Joel ce qui s’est passé dans l’hôpital dont il l’a extirpé. Optant pour un simple dialogue en champ contre-champ, Druckmann et Straley misent à nouveau sur leur écriture et la prestation de leurs acteurs pour faire vivre la scène. Ellie écoute le récit de Joel et sans rien laisser paraître sur son visage, ne lui offre qu’un laconique «Ok» en guise de réponse. Plus puissante que n’importe quelle scène d’action, cette conclusion laisse ainsi aux joueurs le soin de l’apprécier comme ils l’entendent tout en remettant en avant les fondamentaux de The Last of Us : créer l’émotion et susciter la réflexion, choses dont très peu de blockbusters vidéoludiques peuvent se targuer.

En soi, The Last of Us s’apparente plus à un film, du point de vue narratif, et reflète les ambitions cinématographiques de Naughty Dog. Avec ce titre, le scénariste Neil Druckmann conçoit un jeu plus personnel à l’intérieur d’une structure de AAA. En choisissant un angle plein de noirceur, presque nihiliste, le jeu synthétise ce besoin d’aller plus loin, de prouver qu’il est possible de concilier grandes ambitions artistiques et écriture intimiste. Avec TLOU, les Californiens positionnent leur oeuvre au niveau de ses illustres modèles et cherchent en quelque sorte à anoblir le jeu vidéo qui n’a plus à rougir de la comparaison avec le septième art.

Après un tel voyage, difficile de faire mieux. Sept ans plus tard, The Last of Us Part II s’imposera pourtant à son tour comme un jeu d’exception malgré diverses polémiques liées au scénario ou bien encore aux conditions de travail du studio. Celles-ci, datant d’Uncharted 4, seront synonymes de longues périodes de crunch qui pousseront Bruce Straley au départ en 2017, soit la même année que Christophe Ballestra.

L’Abby ne fait pas le moine

Le développement de The Last of Us : Part II n’est donc pas de tout repos et si il porte en lui les stigmates d’un développement compliqué et harassant, le titre ne laissera à son tour pas une once de répit aux joueurs. Cette suite est sans doute le projet le plus personnel de Neil Druckmann qui, tout auréolé du succès de ses précédents jeux, choisit plus que jamais de raconter l’histoire qui lui tient à cœur en abordant des thématiques comme la vengeance ou bien encore la religion et ce qu’elle a de plus réconfortant comme de plus pernicieux. Epaulé par Hally Gross (Westworld), Druckmann va concevoir un jeu de miroirs entre l’histoire d’Ellie et celle d’Abby et ce jusqu’à appliquer méthodiquement des renvois entre les scènes des deux femmes, liées par la violence et l’aveuglement d’une quête obsessionnelle.

Généreux jusqu’au boutisme, le jeu traîne malheureusement en longueur lors de son dernier acte qui profite néanmoins d’une fin intéressante et clivante, à l’image de thèmes soulevés ou de la personnalité de plusieurs de ses personnages qui auront valu aux créateurs, critiques acerbes et review bombing. Impossible de cautionner cette façon de faire même si elle ne fait que mettre en avant la façon dont certains fans se sont appropriés la série au point de ne pouvoir imaginer qu’elle prenne un chemin diffèrent de celui qu’ils ont imaginé.

Et pourtant, c’est clairement l’idée de Naughty Dog. Plutôt que de capitaliser sur de multiples attentes, le studio opère un virage à 180° en désirant mettre le joueur mal à l’aise. Il entend ainsi le surprendre et ne souhaite nullement rallier tout le monde à sa cause. Cet épisode est à nouveau intimement lié à Neil Druckmann qui souhaite raconter ce qu’il a puisé au plus profond de son être et si pour aller au bout de ses convictions, il doit laisser en chemin de nombreuses personnes sur le bas-côté de la route, et bien soit !

Plus qu’aucun autre jeu du studio, The Last of Us : Part II assume donc ses choix au risque de décevoir et donc de voir ses ventes baisser. Alors qu’Uncharted faisait rêver avec son exotisme, ses femmes splendides et son héros cabotin, The Last Us : Part II en est son parfait opposé. Bien que militant chacun à leur manière pour cette vision d’auteur, Uncharted 4 et Part II n’en représentent pas moins le Yin et le Yang. Là où Uncharted accordait un avenir lumineux à ses personnages, The Part II leur offre un monde violent où la moindre trace d’espoir peut très vite se muer en désespoir. Druckmann va d’ailleurs jusqu’au bout de sa vision, aussi bien à travers son récit que ses héroïnes, très loin des standards qu’on a l’habitude de voir dans le jeu vidéo. Bien plus nuancées, devant combattre leurs pulsions, Ellie et Abby ne cesseront de souffrir physiquement et mentalement pour mener à bien leur quête.

Bien plus sombre que le premier volet, The Part II ose également l’impensable en tuant dès le départ Joel dans une scène qui aura marqué par sa violence et sa soudaineté. Si la mise en place des événements laisse à désirer, il faut reconnaître aux scénaristes l’idée brillante consistant à nous faire incarner en amont sa meurtrière, autrement dit Abby. Par ce procédé, le titre provoque un sentiment très fort de malaise, de colère, de rejet chez le joueur vis à vis de celle-ci d’autant que la mise à mort de Joel se fait alors qu’on incarne Ellie. Cette idée n’est bien entendu pas innocente et servira la structure du jeu nous proposant d’incarner à tour de rôle les deux femmes pour comprendre leurs motivations respectives et ne jamais positionner l’une ou l’autre comme la véritable héroïne de l’aventure. C’est sans doute l’une des forces de cette Part II qui nous fait à nouveau douter des choix d’Ellie dans sa volonté farouche de se venger coûte que coûte au point de sacrifier le bonheur que Dina lui offre.

Jouer à The Last of Us : Part II, c’est accepter de souffrir, chose plutôt inhabituelle quand on parle d’un jeu vidéo. Pourtant, ce ressenti est encore plus vrai qu’avec son prédécesseur puisque nous faisant incarner la proie qu’on aimerait traquer (et éliminer) sans avoir la possibilité de refuser l’invitation. Druckmann nous force à prendre la manette lorsqu’on incarne Abby, nous force à nous faire violence afin de nous offrir deux points de vue dont un qu’on souhaite ardemment éluder car allant à l’encontre de ce que le premier jeu a construit.

Rien n’est blanc ou noir dans The Last of Us : Part II, tout est nuances de gris et par là même sujet à caution, qu’on parle ici d’Ellie ou d’Abby. Au delà de son aspect ludique et sa technique impressionnante, ce deuxième épisode ne prend jamais le joueur par la main et l’invite à se questionner continuellement sur les actes des deux femmes. Si il est tentant et naturel de se ranger du côté d’Ellie, d’autant que le titre nous fait revivre de magnifiques moments d’émotions via des flash-backs mettant en scène la jeune femme et Joel, il en fera de même pour Abby afin de troubler le joueur en le faisant douter de ce qu’il croyait acquis. A nouveau, The Last of Us Part II ne cherche nullement la solution de facilité. Il préfère au contraire nous bousculer, nous faire réagir jusqu’à nous faire incarner un personnage qu’on ne peut que détester en tout premier lieu. Osé et dangereux au risque encore une fois de provoquer un rejet de la part des fans.

Portant bien haut l’étendard LGBT, du féminisme et l’envie d’inclusion, Druckmann et Gross manquent peut être parfois de subtilité mais parviennent à rendre très crédible la relation entre Ellie et Dina et à éviter qu’Abby ne soit qu’un antagoniste sans épaisseur. Si plusieurs joueurs trouveront cette approche un brin opportuniste voire racoleuse, n’oublions pas qu’elle s’inscrit dans la suite logique du premier volet, qu’Ellie a grandi et que le physique masculinisé d’Abby est représentatif de la carapace qu’elle a dû se forger pour affronter tout ce dont ce monde post-apo a de plus impitoyable. D’ailleurs, la violence qui en découle est intimement liée à l’univers de The Last of Us, dans ce qu’il a de plus abject, de plus cru. Qu’on tolère ou non, la violence a ici du sens, elle fait partie de ce monde où plus grand chose n’a de valeur, à commencer par la vie d’autrui.

A travers ce chaos ambiant, le jeu prend également le temps d’aborder certains sujets de société. Par le biais de Lev et son obligation de fuir la secte des Séraphites à cause de son identité transgenre, le titre met en avant la question de l’exclusion. Forcé de fuir, Lev ne remet pourtant jamais en cause les préceptes de sa Prophétesse, ceci nous incitant à réfléchir au rapport entre la religion et l’individu, la place qu’elle occupe dans nos vies. Bien entendu, libre au joueur de ne profiter que des phases de gameplay ou du somptueux visuel mis à disposition mais ce serait minimiser le fond d’un jeu désirant ardemment aller plus loin que ce que la plupart de ses homologues proposent la plupart du temps.

Politisé et engagé, Part II joue une fois de plus un jeu dangereux, surtout si on prend en compte les objectifs de vente qu’on imagine énormes. Il ne faut donc pas minimiser l’implication de Sony PlayStation qui a validé le projet en permettant à Naughty Dog de sortir le titre qu’ils avaient en tête. Accepter de revoir en partie la formule gagnante est une chose mais entériner un scénario qui prend le contre-pied de ce que beaucoup attendent de lui en est une autre.

Tout en faisant à nouveau appel à une brochette de comédiens confirmés, dont Shannon Woodward (Elsie Hughes dans Westworld), Laura Bailey et Jeffrey Wright (La Jeune Fille de l’Eau, Mourrir Peut Attendre, Westworld) complètent le casting, Neil Druckmann soigne à nouveau sa réalisation, son rythme, en s’amusant à déconstruire tout ce qu’on s’imaginait savoir afin qu’on puisse poser un regard neutre lors du dernier arc symbolisé par l’inévitable rencontre entre les deux femmes. Une épreuve douloureuse mais oh combien salutaire pour amener une conclusion à même de nous faire retenir notre souffle en espérant que le choix de l’auteur s’accorde cette fois avec notre propre ressenti.

A l’image du premier épisode, The Part II est un concentré d’émotions : la colère, la joie, le dégoût, la frustration. Impossible de ne pas vibrer au grès de sa progression, difficile de garder pour soi tout ce qu’on ressent. Ces réactions sont synonymes d’une véritable expérience qui va bien au delà de sa capacité technique à nous éblouir. Le jeu de Naughty Dog ne nous fait jamais de cadeau et c’est aussi pour ça qu’on l’aime ou qu’on le déteste et qu’encore aujourd’hui, on adore en discuter. La marque des grandes œuvres.

Naughty Dog s’est ainsi fait le chantre d’une autre façon de concevoir le jeu d’action, désireux de toucher le plus de monde sans pour autant sacrifier ses acteurs et leurs destins sur l’autel de la simplicité. Pour autant, on peut se demander de quoi sera fait l’avenir de la société et si cette uniformisation dans la narration, qu’on ressent déjà depuis plusieurs années au sein des Studios Playstation, est une bonne chose. Plus puissant que jamais, Neil Druckmann a certes énormément apporté à Naughty Dog mais sa vision n’est-elle pas en train de lentement phagocyter la créativité des autres studios ? Difficile de trancher d’autant que la méthode ne cesse de porter ses fruits, qu’on officie dans le post-apo (Days Gone) ou dans l’heroïc fantasy (God of War).

Mentionnons également qu’Uncharted et The Last of Us seront prochainement adaptés, au cinéma pour le premier, et sur HBO pour le second. Le film Uncharted, en gestation depuis presque 13 ans et mettant en vedette Tom Holland (Nathan) et Mark Walhberg (Sully), devrait logiquement se concentrer sur l’action. Présenté comme l’origin story de Nathan Drake, le long métrage de Ruben Fleischer (Bienvenue ZombieLand, Venom) s’émancipera toutefois des jeux afin de ne pas réciter à la lettre ce qui a déjà été vu et fait. De son côté, la Saison 01 de TLOU, chapeautée par Neil Druckmann et Craig Mazin (la mini-série Chernobyl), adaptera le premier volet tout en ne suivant pas l’intrigue à la lettre.

Les deux sagas phares du studio s’étant toujours nourries du cinéma, cette transposition à l’écran n’est qu’un juste retour des choses, surtout au regard de leurs univers on ne peut plus visuels ne demandant qu’à s’épanouir sur d’autre supports. Cette expérience influera-t-elle à son tour sur les prochaines productions de Naughty Dog ? Possible et bien qu’il y ait peu de chances que le studio opte, à l’image de Remedy, pour un format cross-media (timidement initié dans Alan Wake puis approfondi avec Quantum Break) alliant le live action et le jeu vidéo, on ne peut qu’espérer que cette volonté de mêler entertainment et vision d’auteur débouche sur de nouvelles franchises, de nouvelles façons de raconter des histoires et le souhait de sortir le joueur de sa zone de confort. Vaste projet, bâti sur des prises de risques peu appréciées des financiers, mais dont le jeu vidéo ne peut que ressortir grandi.

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Outlaw Players (T11) : C’est l’heure des duels !

Si le Tome 10 d’Outlaw Players était déjà très chargé en action, le Tome 11 va encore plus loin. Le trait de Shonen explose dans tous les sens du terme et l’auteur laisse libre cours à son talent en terme de mise en scène et de lisibilité. Le résultat est ébouriffant et témoigne une fois encore de l’évolution du trait de l’auteur et de ses influences mangas/animes parfaitement digérées quand il s’agit d’opposer à nos héros des adversaires de taille.

Faisant suite à l’affrontement avec Daihknov et Leeban, Taargis, l’un des trois généraux au service de l’impératrice Elica, ne perd pas de temps et affronte Leni dans la foulée. S’étalant sur deux chapitres entiers, le combat est d’une brutalité et d’une beauté à couper le souffle. Shonen déploie tout son talent pour mettre en valeur les techniques des deux combattants et c’est à travers de pleines pages que les passes d’armes se suivent, engendrant destruction à grande échelle et pouvoirs démesurés. Leni déploie ainsi son plein potentiel tout en restant toujours aussi mystérieuse quant à son véritable rôle au sein de cette histoire. A peine a-t-on le temps de souffler, qu’on retrouve Sakuu qui de son côté, va également avoir fort à faire avec une créature semblant toute droite issue de l’univers de Berserk : Abel. Le démon, armé d’une gigantesque épée, s’avère aussi massif que rapide et ici aussi, les planches du manga semblent trembler tant la chorégraphie sacralise la puissance des deux adversaires, Sakuu semblant au passage maîtriser de plus en plus les atouts de sa relique.

Sans révéler la fin de l’affrontement, voyant intervenir un allié des plus précieux, précisons que ce tome amène rapidement au détour d’un dialogue entre Ju-bei et Jen, le fait que cette dernière aura elle aussi un rôle plus important à jouer que ne laisse supposer son apparence et son statut de relique. On espère d’ailleurs à ce sujet que toutes les pistes entrouvertes serviront vraiment l’intrigue, ou que l’aspect géopolitique, fugacement survolé en évoquant le royaume de Genopol devant faire face à un nid d’Abominations, sera plus développé par la suite. Ce n’est toutefois ici pas le sujet même si ce Tome 11, entièrement dévolu à l’action, ajoute par petites touches certains éléments narratifs liés au monde de Thera et à d’étranges capacités de joueurs qu’ils soient humains ou contrôlés par le jeu. Une façon d’étirer ce fil rouge qui devra toutefois être correctement traité par Shonen. Laissons lui le temps de la réflexion et de notre côté, savourons ce onzième tome aussi impressionnant dans ses découpages, ses designs de créatures que son rythme effréné.