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Silent Hill The Short Message : L’appel en absence ?

Sans doute galvanisé par les excellentes ventes des remakes des Resident Evil, Konami est sortie de sa retraite léthargique en annonçant quantité de projets autour d’une de ses licences cultes, Silent Hill. Après Silent Hill Ascension et en attendant le remake du magnum opus de la saga, Silent Hill 2, la société japonaise nous offre un jeu entièrement gratuit fortement influencé par le Silent Hills avorté de Kojima et la série des Layers of Fear. Un galop d’essai intéressant à défaut d’être passionnant.

Tournant autour du thème du suicide adolescent (malheureusement très présent au Japon), The Short Message ne choisit pas la voie de la facilité pour relancer la saga Silent Hill. Se déroulant en vue subjective (à l’image d’une partie de The Room, le 4ème épisode de la série), le titre n’entretient pourtant aucun véritable rapport avec les autres jeux, hormis quelques références (un panneau par ci, une coupure de journal mentionnant la bourgade par là) et les compositions, plus nuancées, moins marquées, du grand Akira Yamaoka. Pour marquer cette différence, le titre se déroule sur le vieux continent, en Allemagne plus précisément, dans la ville de Kettenstadt. Pour autant, on ne ressent jamais l’influence de la vieille Europe puisqu’au delà d’utiliser les gimmicks de la saga, The Short Message se déroule entièrement dans un complexe d’appartements abandonnés, lieu de villégiature de graffeurs, également célèbre pour ses nombreux suicides d’adolescentes.

Mal dans sa peau, Anita est l’une d’entre elles, paumée se complaisant dans une sorte de marasme duquel elle ne semble pas vouloir sortir. Piégée aussi bien mentalement que physiquement dans cet immeuble décrépi, elle semble errer sans but jusqu’à ce qu’elle reçoive un SMS de son amie Maya, artiste renommée sur les réseaux sociaux qui s’est récemment suicidée en sautant du toit dudit immeuble. Le point de départ de The Short Message donne le ton et durant les deux heures qu’il vous faudra pour traverser cette aventure, il n’en changera pas, du moins jusqu’à son final teinté d’espoir. En premier lieu, on pourra cependant se demander si le titre, essayant vaille que vaille d’y inclure l’ensemble des poncifs de la série (le brouillard, l’univers altéré, les grésillements annonciateurs d’un danger à venir…), en reprend bien les fondements à travers la quête de son personnage central.

Il est compliqué de répondre à cette question tant le personnage d’Anita ne génère pas vraiment l’empathie qu’on pouvait avoir pour James Sunderland ou Harry Mason désireux de braver l’inconnu afin de retrouver un être cher disparu. Dans le cas de The Short Message, l’impression d’avoir affaire à une sorte de persona représentant toute une jeunesse désabusée prévaut et il sera donc difficile de s’identifier au personnage d’autant qu’Anita semble constamment perdue en se bornant à répondre aux messages de Maya et d’Amélie, sa meilleure amie. D’ailleurs, les conversations avec cette dernière dénotent avec l’ambiance générale puisque tournant autour de sujets plus « communs ». On trouvera donc étrange qu’Anita ne fasse jamais mention de sa situation et réponde à son amie sans prendre le temps de lui expliquer ce qui lui arrive. D’autant plus étrange qu’à l’instar de P.T., Anita vivra plusieurs fois les mêmes boucles en s’enfonçant plus profondément dans sa psyché mais aussi le passé de Maya, via des flash-back en live action, plutôt cheap il faut le dire, autant dans le jeu tout relatif de l’actrice que son doublage américain. Le parti pris est plutôt étrange, certes atypique mais n’aidant pas nécessairement à s’immerger dans l’histoire.

L’immersion, l’empathie, c’est sans doute ce qui manque à The Short Message pour briller au sein de la galaxie Silent Hill. Difficile de dire si des personnes ayant été un jour dans cet état d’esprit seront plus impliquées mais en l’état, au-delà de personnages sans vrai background, la structure même du jeu, nous demandant d’errer d’appartement en appartement, de résoudre une ou deux «énigmes» des plus basiques tout en récupérant divers documents nous renseignant sur la situation de la ville et le passé des protagonistes, a du mal à mettre dans le mille. Pourtant, certaines idées plus subtiles (le fait de baisser la caméra lors du flash-back durant lequel Anita se rappelle de son enfance) sont intéressantes, la créature nous pourchassant à intervalles réguliers est plutôt réussie mais ici aussi, le tout s’inscrit dans une logique davantage mue par la série, ses codes, que l’envie de voir plus loin en nous proposant une vraie profondeur narrative. Tout n’est pas à jeter dans The Short Message, loin de là, mais l’impression de voir une toile inachevée ne sachant jamais vraiment ce qu’elle doit représenter lui colle à la peau.

Jamais effrayant, manquant de profondeur, malgré la pléthore de documents à récupérer, lardé par d’innombrables et peu intéressants échanges SMS, The Short Message finit par se saborder de lui-même en ne parvenant jamais à nous inclure dans son univers, qu’on soit ou non familier de Silent Hill. Ne reste plus qu’à attendre les autres itérations de la saga en espérant qu’elles côtoient la qualité des trois premiers opus à commencer par le sacro-saint Silent Hill 2 dont le remake en préparation peine pour l’instant à convaincre autant dans sa technique que l’axe choisi pour communiquer. Pour l’heure, l’avenir de la saga de Konami semble aussi brumeux que la bourgade américaine…

Etrange exercice de style que ce Short Message essayant de cocher toutes les cases pour rentrer dans le moule Silent Hill sans jamais vraiment réussir à convaincre. La faute à l’incapacité de condenser son récit se perdant ici en redites inutiles à l’image des boucles qu’on demandera au joueur de refaire à plusieurs reprises. Si son sujet est intéressant, on ne peut pas en dire autant d’Anita qui ne parvient malheureusement pas suffisamment à créer l’empathie, sans doute à cause d’une écriture maladroite lorgnant par moments vers l’occultisme tout en se raccrochant aux branches pour lier le tout à la saga. Un parti pris fragile pour un jeu loin d’être catastrophique mais jamais au niveau de ses illustres modèles.

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The Last of Us Part II Remastered : Le point de non retour ?

Suivant le précepte qu’un remaster en cache toujours un autre, PlayStation continue sur sa lancée et nous offre celui de The Last of Us Part II après l’excellent remake de la Part I. Certains argueront du fait (à raison) que la société tire peut être un peu trop sur la corde sauf qu’au-delà du léger lifting graphique (et ainsi le préparer à une sortie PC), Naughty Dog y a apporté plusieurs ajouts. Reste à savoir si ces derniers apportent un surplus de valeur ajoutée. Mais pour l’heure, revenons sur le jeu original…

Sept ans, c’est le temps qu’il nous aura fallu attendre pour enfin découvrir de quoi a été fait la vie de Joël et Ellie après les atrocités qu’ils ont vécu et enduré. Sept ans à imaginer comment Naughty Dog allait pouvoir concrétiser (ou non) les fantasmes de millions de joueurs restés pantois face à ce plan final de The Last of Us, chargé d’une émotion intense, mais surtout d’une multitude de questions. La réponse est enfin là et comme nous pouvions nous en douter, elle sera synonyme de tendresse, d’émerveillement, mais aussi de beaucoup de souffrance.

The Last of Us fut un jeu aux influences ouvertement cinématographiques et nourri par son envie de raconter une histoire poignante entre un homme et une jeune fille sur fond de pandémie ayant décimé la plupart des êtres humains. Quand on y regarde de plus près, le titre de Naughty Dog n’innovait pas vraiment dans son gameplay (correct, mais loin d’être exempt de tout reproche) ni même ses références, le tout se situant à la croisée des chemins de I am Legend et de La Route. Pourtant, The Last of Us est aujourd’hui considéré comme un chef-d’oeuvre. Comment expliquer cet état de faits ? S’il tient tout d’abord au ressenti personnel de l’histoire, il passe également par le travail sur ses personnages principaux dont la relation évoluera tout au long du jeu jusqu’à faire naître des émotions perdues chez Joël à l’égard d’Ellie, passant de simple «colis» à un substitut de sa fille perdue.

Dès lors, le réalisateur Neil Druckmann, aidé de la scénariste Halley Gross, n’auront de cesse de jouer sur cette corde sensible en confrontant son duo aux atrocités d’un monde où la barbarie omniprésente a entraîné une notion cruciale de survie ayant depuis longtemps modifié les comportements humains. Emouvant et sanglant, The Last of Us aura marqué les joueurs par la justesse de ses situations et la subtilité de sa narration. Reprenant le récit quatre ans après la fin du premier volet, Part II va tout au long de son intrigue s’attacher à nous décrire ce qui s’est passé durant cette ellipse temporelle afin de mieux nous faire comprendre le parcours d’Ellie et de Joël tout en introduisant le fantastique personnage d’Abby, nouvelle antagoniste de cette seconde partie, aussi déterminée dans sa quête vengeresse qu’Ellie, aussi meurtrie par ce monde impitoyable.

Humaniser son ennemi

A l’image de ce monde post-apocalyptique ayant redéfini les fondements mêmes des rapports entre individus, les différents protagonistes de cette suite ont dû s’adapter, changer, parfois au delà de leurs propres convictions, pour survivre. Alors que le premier The Last of Us s’articulait autour de l’affrontement entre la milice des Lucioles et les forces militaires de la FEDRA, Part II rabat les cartes en intégrant deux autres groupuscules, le Front de Libération de Washington (WLF) et les Scars menés par une mystérieuse prophète. Posant une toile de fond plus ample, ce second épisode ne cessera d’alimenter nos réflexions en créant des jeux de miroirs entre les vies d’Ellie et d’Abby. Si Druckmann et Gross n’arrivent pas toujours à offrir une véritable légitimité à certains personnages secondaires en les creusant suffisamment, ils parviennent une fois de plus à humaniser nos ennemis en ne les présentant nullement comme de vulgaires cibles à abattre mais au contraire, en leur offrant une véritable épaisseur, un passé, des convictions et une raison d’être. A l’image de David dans The Last of Us, Abby n’est pas qu’une simple guerrière mue par un désir irréfléchi de violence. Ainsi, tout au long de l’aventure, on apprendra à la connaître, à l’apprécier même, ceci étant sans doute la plus grande force du jeu mettant constamment en perspective ce qu’ont vécu ses personnages pour mieux nous amener à réfléchir au sens de nos actions.

Misant à nouveau sur un aspect road movie, Part II use des ressorts propres au genre pour développer une histoire d’amour tout en conservant ce qui a cimenté le premier épisode : la relation entre Ellie et Joël. A l’image de ce qu’avait déjà fait le DLC Left Behind, The Last of Us Part II nous replongera à plusieurs reprises dans le passé via différents flash-back. Tantôt terrifiants, tantôt émouvants, ces passages servent parfaitement la narration en se posant comme autant de moments de vie ayant (dé)construit une relation basée sur l’amour d’un père qui ira jusqu’à se transformer en mensonge, en égoïsme, afin de prolonger ce bonheur quitte à sacrifier une nouvelle fois l’humanité. Tout en évoquant le passé, Part II offre également un présent à son casting, Ellie notamment, éprise de Dina, un très beau personnage féminin campé par Shannon Woodward (Raising Hope, Westworld), toujours juste dans son interprétation. La relation unissant les deux jeunes femmes sert ainsi de contre-poids à une réalité bien plus dure synonyme d’affrontements brutaux qui émailleront le voyage des jeunes femmes, de Jackson à Seattle.

What a painful world

L’occasion pour Naughty Dog de nous offrir l’un des plus beaux jeux de la PS4, par le biais de décors semi ouverts proprement majestueux et de scènes plus claustrophobiques noyées dans une obscurité chargée de spores et des teintes rougeâtres des plus anxiogènes. Bien plus éclectique que le premier volet, The Last of Us Part II accumule les lieux dépeignant avec maestria un univers exsangue à travers villes dévastées, immeubles en ruines ou sous-sols suintants. Profitant de magnifiques jeux de lumière, le titre se complaît dans une variété environnementale étonnante nous poussant à nous arrêter constamment pour admirer le travail des artistes. Si d’un point de vue macro, cette suite ne souffre quasiment d’aucun défaut, elle étonne également au niveau des animations faciales. Les expressions, criantes de réalisme, simulent l’effort, la joie mais aussi la souffrance qui se lisent sur le visage des protagonistes, qu’ils soient centraux ou non, et ce aussi bien à travers un dialogue qu’une stealth kill.

La technique sert ainsi la narration en offrant aux moments intimistes, ou aux excès de rage, une crédibilité de chaque instant renforçant parfaitement l’immersion. Sur ce point, mentionnons aussi la gestion des dégâts, les ennemis pouvant être démembrés ou perdre une moitié de leurs visages en fonction de l’impact des balles. Les animations corporelles ne sont pas en reste et si on décèle quelques imperfections (la «marche arrière» trop mécanique ou les sauts manquant d’amplitude), la grosse majorité font montre d’une véritable souplesse rendant les empoignades ou gestes plus communs (enjambement d’un muret, rechargement d’une arme) parfaitement réalistes.

Le sens du détail

D’un strict point de vue de la construction, Part II n’innove pas vraiment et une impression de déjà-vu se fera forcément ressentir d’autant que durant la trentaine d’heures qui vous seront nécessaires pour boucler l’aventure, le schéma restera identique. On naviguera donc constamment entre séquences faisant évoluer l’histoire et traversée d’un lieu donné, l’objectif à atteindre passant automatiquement par la découverte d’innombrables lieux propices à des échauffourées avec des infectés, des Scars ou les Wolfs. Comme il y a sept ans, la façon d’opérer sera sensiblement différente en fonction des ennemis bien que le jeu nous enjoigne à utiliser l’infiltration plutôt que l’approche directe tant on aura tôt fait d’être rapidement débordé. Si le tout fonctionnait plutôt bien dans The Last of Us, malgré un vrai classicisme, l’IA ennemie n’était pas au diapason et notre compagnon, invisible aux yeux de nos ennemis, provoquait parfois des situations des plus cocasses. Bien que toujours imparfait, Part II fait grandement évoluer les choses. Ainsi, lorsque nous sommes épaulés par un partenaire, ce dernier se placera de façon plus réaliste et se montrera bien plus utile en blessant ou en achevant nos adversaires au moment opportun. Ca n’a l’air de rien, mais croyez bien que ceci ajoute une dimension plus convaincante à ces phases de gameplay. Il faut aussi comprendre que Naughty Dog a travaillé sur quasiment tous les aspects de ces séquences afin de leur insuffler une tension constante, aidées en cela par les compositions de Santaolalla servant régulièrement de pouls à l’action.

L’aspect sonore, en plus de marquer la mesure, nous renseignera aussi sur le degré de menace, la musique, discrète mais omniprésente tant que nous ne sommes pas repérés, s’emballant prestement dès lors qu’un ennemi nous voit. Une fois encore, l’immersion s’avère incroyable d’autant que les gardes ne manqueront pas de communiquer entre eux, de siffler pour marquer leur présence, ou d’hurler le nom d’un de leurs camarades abattus. Dès lors, le chassé deviendra le chasseur, ceci nous poussant à varier les plaisirs en utilisant tous les moyens mis à disposition pour écrémer les rangs ennemis. On n’aura alors de cesse de jongler entre les différentes armes disponibles, de se cacher dans les hautes herbes pour surprendre nos adversaires ou même de retourner à certains moments les infectés contre les miliciens, à l’image de ce que Days Gone proposait déjà. Jouissif.

On reprochera malgré tout que la technique consistant à jeter un objet vers un ennemi pour le déstabiliser afin de l’éliminer d’un seul coup, soit toujours trop efficace, même dans les niveaux plus avancés où les adversaires seront mieux équipés. Anecdotique cependant puisque cette fois, les ennemis seront plus difficiles à contourner ou à appréhender grâce à des routines plus évoluées ou bien encore les chiens de garde pouvant nous flairer et nous suivre sur de longues distances. Il conviendra alors de les éliminer en premier et ce même, si à l’image de votre serviteur, cela vous fendra à chaque fois le cœur. Difficile également de ne pas encenser le travail sur le level-design. Que ce soit en usant des différents étages des bâtiments ou des zones plus ouvertes, propices au retrait pour mettre en place une stratégie, Part II offre toujours au joueur une pluralité de chemins. On regrettera tout de même que les passages sous-marins (très réussis au demeurant, notamment grâce à une très bonne gestion de la lumière et des particules) n’aient pas été davantage mis à profit.

Ce soucis du détail se retrouve également dans une mécanique issue du premier volet nous demandant de trouver des matériaux pour améliorer nos armes, que ce soit dans des coffres (dont il faudra dénicher la combinaison) ou bien encore des zones accessibles en résolvant quelques «énigmes» basées sur la physique. En effet, pour upgrader notre équipement, il nous faudra trouver des établis synonymes d’une multitude d’animations associées. Ici aussi, cela peut sembler secondaire, mais voir Ellie allumer une lampe avant de commencer à bricoler ou changer chaque pièce de l’arme qu’elle améliore rend ces passages communs bien plus vrais. Le système d’upgrades, justement, a été légèrement repensé. Désormais, vous ne pourrez améliorer qu’une seule fois chacun des éléments de vos armes en utilisant un unique type de ressources.

Bien entendu, on pourra encore crafter divers items (cocktails molotov, mines, surins, kits de soins…) via un système hérité du précédent volet. Le switch rapide d’armes/objets lié à la croix directionnelle n’a, lui, pas évolué et pour peu que vous trouviez des holsters, il sera possible de le faire plus rapidement. Enfin, il conviendra d’améliorer vos capacités. Ici aussi, peu de changements par rapport à ce que proposait The Last of Us puisqu’il vous faudra trouver des magazines synonymes d’arbres de compétences puis utiliser des pilules pour débloquer les skills afin de gagner en résistance, d’affiner la perception de vos ennemis, etc.

The Last of Us

Tout efficace qu’est le gameplay, on reprochera toutefois quelques gunfights parfois confus, à cause d’une absence de lock, ou des affrontements contre des ennemis plus imposants, assez quelconques à cause de patterns trop faciles à analyser. Pour autant, chaque combat sera l’occasion de ressentir une excitation certaine d’autant que le jeu s’avère rarement punitif grâce à un système de check point bien pensé.

La survie passera donc aussi bien par l’exploration, indispensable pour améliorer ses attributs et son équipement, que l’affrontement face à des ennemis plus intelligents ou des infectés dont les nouveaux venus vous procureront quelques montées d’adrénaline. Haletantes, les rixes se ponctueront parfois par des choix moraux n’ayant finalement aucun impact. En effet, de façon aléatoire, le dernier membre d’une escouade en vie nous suppliera de l’épargner, le choix de l’éliminer ou non se soldant de toute façon par sa mort. Une idée pour le moins étrange, fragilisée par l’obligation constante de tuer et devenant d’elle-même caduque dans la destinée de nos héros régulièrement poussés dans leurs derniers retranchements.

Au delà de cette façon un peu superflue de nous rappeler que le concept de moralité est ici central (du moins au sein de l’histoire), The Last of Us Part II met constamment dans le mille, que ce soit à travers son scénario, ses thématiques ou son gameplay. Piochant dans divers genres cinématographiques, du film d’horreur à celui d’aventure en passant par le film de guerre, le titre de Naughty Dog fait montre d’une créativité sans faille afin de maintenir l’intérêt du joueur du début à la fin. Généreux de bout en bout (au point d’étirer peut-être un peu trop sa narration dans le dernier tiers), trouvant un équilibre, pourtant précaire, entre sauvagerie et tendresse infinie, cette suite se laisse savourer jusqu’à son plan final, simple, mélancolique et d’une véritable justesse.

Jouant du début à la fin avec nos émotions, cette suite oscille constamment entre rêve éveillé, où la tendresse d’un échange figé à jamais dans un lointain passé suffira à nous émouvoir, et brutalité du temps présent indissociable d’un chemin de croix mû par un implacable sentiment de vengeance. Faisant de l’imprévisible une norme, débordant de créativité à travers des instants empreints de délicatesse, cette suite surprend et nous fera réfléchir à la conséquence de nos actes tout en nous malmenant émotionnellement. Ayant peaufiné son gameplay, désormais bien plus immersif, cette Part II s’impose comme un fabuleux titre d’action/infiltration mais aussi et surtout comme un récit, se perdant parfois dans quelques étirements narratifs et autres scènes superflues mais ne déviant jamais de sa ligne directrice vouée à offrir à ses personnages une conclusion, qu’elle soit heureuse ou non. Comme toutes les créations portant la marque de leurs auteurs, The Last of Us Part II suscitera des débats, des réactions, ce qui, à l’image de ses protagonistes, reste terriblement humain. Qu’on apprécie ou non, il reste ici une œuvre majeure qui nous hantera plusieurs jours après l’avoir terminé et qu’on évoquera désormais comme le nouvel exemple à suivre dans son domaine ou plus simplement comme une histoire époustouflante, déchirante et magnifique à la fois.

Un Remaster indispensable ?

Avant de s’attarder sur son contenu, entendons nous bien. Malgré son statut de jeu PS4, The Last of Us Part II avait atteint un tel niveau visuel qu’il mettait à l’amende quasiment tous ses concurrents. En partant de ce postulat de départ, deux réflexions s’imposent. Premièrement, le jeu a incroyablement bien vieilli et s’impose encore aujourd’hui comme un mètre étalon visuel, même en comparaison de certains jeux PS5. De ceci découle la seconde réflexion voulant que ce n’est donc pas tant les quelques améliorations graphiques qui impressionnent que le travail effectué par Naughty Dog il y a quatre ans. Ainsi, au-delà de permettre à un nouveau public de découvrir le jeu, c’est bel et bien par le biais de ses contenus supplémentaires que Part II Remastered arrivera à faire du gringue à qui l’aura déjà acheté précédemment d’autant qu’il n’en coûtera que 10 euros dans ce cas de figure.

Débutons par le mode Guitare Libre qui, comme son nom l’indique, vous permettra de reproduire de magnifiques cover de vos morceaux préférés à la guitare en « incarnant » Joël, Ellie ou le compositeur Guistavao Santaolalla qu’on pouvait voir dans le jeu, à Jackson. Rien de plus à ajouter sachant qu’on pouvait déjà profiter de cette feature dans le jeu de base et y revenir à souhait pour peu qu’on ait une save dédiée.

Plus original, les Lost levels. Au nombre de trois, ces niveaux coupés, inachevés, s’avèrent particulièrement intéressants pour qui aime le process créatif derrière la façade polie du jeu terminé. Ainsi, passée une introduction de Neill Druckman, nous avons la possibilité d’explorer une fête à Jackson, une version étendue des égouts et de participer à une chasse au sanglier. Parsemée de commentaires audio des développeurs, cette découverte a ce quelque chose de fascinant dans ce qu’elle nous apprend, autant sur la façon de rythmer un jeu, des choix de level design ou même de narration. En un mot : passionnant.

Toutefois, pour beaucoup, la plus grosse cerise sur ce gâteau déjà savoureux sera le mode No Return, autrement dit un roguelite dans lequel il sera possible d’incarner plusieurs personnages en enchaînant une succession de niveaux générés aléatoirement. Ainsi, après God of War Ragnarok et son extension Valhalla, c’est au tour de TloU de s’y mettre. Très complet, ce mode s’articule autour de 4 chapitres + un affrontement contre un boss se déroulant dans des environnements fermés issus de l’histoire principale dans lesquels divers adversaires (humains et créatures) viendront vous titiller. Ici, pas de secret, soit vous privilégierez l’approche furtive soit il vous faudra viser juste et enchainer les kills afin d’obtenir un meilleur score et donc davantage de matériaux afin d’améliorer vos compétences ou acheter de nouvelles armes entre deux sessions. De plus, en fonction de certains pré-requis, vous débloquerez 10 personnages (Jesse, Tommy, Yara, Manny….) et une multitude de skins pour la plupart d’entre eux. Pensé autour de trois types d’affrontements (Attaque, Proie et Boss), No Return s’avère plutôt intéressant et généreux même si il ne déroge pas à la sacro-sainte règle du Die and Retry amenant une frustration auréolée d’un fort sentiment de redondance d’autant qu’à l’inverse de l’extension Valhalla de GoW, No Return ne profite d’aucun aspect scénaristique puisque nullement intégré à l’histoire de base.

Si dans la forme, ce Remaster ne marquera pas les esprits puisque n’étant finalement qu’une version embellie d’un jeu somptueux qui semblait déjà appartenir à la Gen 9, il n’en conserve pas moins toutes les qualités initiales du titre original le rendant encore plus indispensable pour celles et ceux n’y ayant pas encore touché. Pour tous les autres, les quelques ajouts n’en restent pas moins intéressants puisque s’attardant sur l’aspect créatif, la façon dont on conçoit un jeu, tout en proposant un sympathique mode Roguelite. De quoi se laisser tenter sachant qu’en possédant l’original, il ne vous en coûtera qu’une dizaine d’euros.

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Mario et Les lapins Crétins : Kingdom Battle – Mario se la joue fin tacticien

Associer Mario, Les Lapins Crétins et le X-Com like sonne comme une blague un peu étrange tant ces éléments ne semblent rien avoir en commun. Pourtant, force est de constater que pour un galop d’essai, Ubisoft a trouvé la formule magique afin de créer un tout cohérent, imparfait, mais diablement prenant.

Malgré certains traits d’humour réussis ou quelques passages forts bien mis en scène (la délicieuse apparition musicale de Phantom, boss sous forme de Lapin baryton), éludons sciemment le scénario prétexte (synonyme de royaume à sauver d’une menace répondant au nom de Bowser) pour nous pencher directement sur le contenu du titre. Découpé en 4 mondes joliment génériques (fleuri, sablonneux, glacial et industriel), Kingdom Battle va nous demander de les visiter les uns à la suite des autres pour faire avancer le scénario (logique) mais aussi et surtout pour récupérer certains personnages de notre équipe qu’on pourrait scinder en deux : les versions normales et celles «Lapins Crétinisées». L’un dans l’autre, ça peut paraître anodin mais le gameplay s’articule pourtant autour de cette complémentarité entre les différents persos afin de composer des équipes capables d’affronter n’importe quelle situation. Cependant, avant de tous les obtenir, vous devrez arpenter de vastes niveaux truffés d’énigmes plutôt sympathiques bien que subissant un léger manque de précision lorsque notre groupe doit pousser des blocs. On notera également certains passages inutilement longs avec moult interrupteurs à actionner pour créer le chemin nous menant vers la prochaine bataille.

Quoiqu’il en soit, vous aurez ainsi à votre disposition les 8 personnages suivants : Mario, Luigi, Peach, Yoshi et leurs équivalents en Lapins Crétins. Outre une arme principale et secondaire spécifiques, chacun d’entre eux auront également des caractéristiques (PV, déplacement, dash, jump…) propres mais aussi et surtout un arbre de compétences qu’il faudra débloquer en récupérant des orbes de puissance disséminés un peu partout ou en obtenant le meilleur rang possible à l’issue de chaque bataille. Si dans l’absolu, il sera possible de garder la même team du début à la fin, dans les faits, vous devrez souvent en changer pour ne pas bloquer d’autant qu’au fur et à mesure de notre avancée, le challenge se corsera bien que tournant toujours autour de trois types de défis : escorte, atteinte de zones précises ou élimination de l’ensemble des cibles. Le score obtenu à la fin de chaque combat (de Bon à Parfait) dépendra alors du nombre d’unités en vie mais aussi du nombre de tours nécessaires pour boucler le challenge.

Bien entendu, en fonction des mondes, vos ennemis évolueront également. On passera alors d’adversaires assez faiblards et peu dangereux à des fantômes ayant la capacité de se téléporter sur de longues distances, des mastodontes, lents et puissants, des adversaires en armure et bien d’autres encore. De plus, les inévitables boss seront de la partie et demanderont un peu plus de concentration de votre part.

Si on excepte son univers mélangeant deux franchises n’ayant de prime abord rien en commun, ce premier Mario et Les lapins Crétins s’avère assez classique dans sa proposition puisque basé sur du tour par tour. Pourtant, il est grisant d’enchaîner les affrontements en testant des combinaisons de personnages pour venir à bout de défis semblant parfois impossibles, surtout lorsqu’on se lance dans le 100% et ses challenges Hyper Difficile et Ultime. De fait, à mesure qu’on progresse, on se prendra d’affection pour tel ou tel trio en privilégiant une approche subtile tenant compte des capacités de chacun : Possibilité de faire venir plusieurs adversaires vers soi pour les frapper en une seule fois, double tacle, génération d’un bouclier… les possibilités s’avèrent nombreuses.

Certes, certaines combinaisons s’avèrent tellement puissantes (Triple Tir de Luigi + Puissance accrue de Mario + Healing de Rabbid Peach) qu’on aura tendance à utiliser de plus en plus le même groupe en fonction de son style de jeu mais Ubi a prévu le coup et a également intégré une notion de déplacement très importante. Ainsi, certains personnages pourront couvrir plus de distance (en sautant, en sortant d’un tuyau) et ainsi se placer pour aider les autres membres à mieux se positionner à leur tour sur la surface de combat via un saut assisté. Ceci n’a l’air de rien mais compte tenu du fait qu’un tir en hauteur pourra engendrer (ici aussi en fonction des personnages) beaucoup plus de dégâts, vous comprendrez que votre positionnement sur la surface de combat sera une donnée à ne pas négliger. Cependant, on pourra trouver étrange que les développeurs n’aient pas davantage développé cet aspect en optant pour des dégâts accrus en fonction de notre position (devant, derrière, sur les côtés) par rapport à l’ennemi.

Le reste de la stratégie consistera à user au mieux des armes des combattants (lance-roquettes, gatling, bombes sur roulettes…) associées à une spécificité (Rebond, Miel, Ténèbres) pour maximiser les dégâts, ralentir ou aveugler ses adversaires voire créer des combos en se reposant sur les capacités décrites plus avant.

Mentionnons également le DLC centré autour de Donkey Kong qui vient compléter le contenu déjà très riche de l’aventure principale. S’il ne rabat pas les cartes, il intègre deux personnages supplémentaires (DK donc mais aussi Rabbid Cranky Kong) disposant chacun de capacités spécifiques (DK peut lancer un perso ou un objet présent sur la surface de combat, Cranky peut endormir les ennemis, etc) et nous oblige à jouer avec un groupe uniquement composé des deux persos précités ainsi que Rabbid Peach. Rien de très original en soi mais le nouvel environnement (un archipel d’îles où il faudra retrouver des pièces de la machine à laver pour retourner au Royaume de Peach), le bestiaire en partie renouvelé (avec entre autres les très ennuyants Collectionneurs ayant la désagréable habitude de tout le temps nous fuir) et certaines mécaniques supplémentaires suffisent à nous retenir pour quelques combats de plus.

Au final, Kingdom Battle réussit l’exploit de conjuguer un gameplay très accessible à un ensemble de possibilités rendant les combats de plus en plus tactiques et intéressants. Rarement frustrant (sorti de quelques check points mal placés) et réclamant une bonne connaissance des adversaires pour anticiper leurs réactions, le titre se montre passionnant à mesure qu’on enchaîne les parties. On retiendra toutefois quelques travers de certains jeux Ubisoft avec une exploration principalement basée sur des Collectibles à récupérer (illustrations, modèles 3D, musiques) ou un surplus d’armes à disposition (plus de 25 par personnages dont les ¾ inintéressantes et/ou trop similaires entre elles hormis un skin différent) mais rien qui ne vienne minimiser l’aspect tactique du jeu, et c’est bien là le principal.

Etonnant jeu que ce Mario et Les lapins Crétins : Kingdom Battle parvenant à concrétiser une proposition de base qui avait tout à prouver. Si on pourra lui reprocher une exploration peu intéressante, un surplus inutile d’armes ou certains combats agaçants à cause de check points mal placés, impossible de ne pas louer les mérites d’Ubi. qui est parvenu à démocratiser un genre assez austère en mixant deux univers aussi colorés et déjantés. Construit autour d’un excellent système de combat et d’une difficulté parfaitement dosée destinant le jeu à un large public, Kingdom Battle s’avère prenant de bout en bout en parvenant à suffisamment se réinventer à travers ses défis mettant en exergue la complémentarité de ses personnages. Très beau tour de force !

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Dead Island 2 – Haus : Un DLC à en perdre la tête ?

Prêts à retourner dans l’univers très Bis de Dead Island 2 ? Ca tombe bien puisque les développeurs ont d’ores et déjà préparé deux DLC dont le premier, Haus, est désormais disponible. Encore plus déjanté que le jeu original, ce premier contenu, jouable en Solo ou jusqu’à 4, se veut aussi court qu’intense en nous transportant dans un étrange univers gouverné par un triumvirat sans têtes.

Bien qu’ayant à cœur de développer une histoire, Dead Island 2 reste avant tout un jeu complètement barré prenant le meilleur des titres originaux tout en s’amusant avec les codes régissant Hollywood pour mieux s’en moquer à travers ses personnages et la plupart de ses quêtes. Violente, gore, résolument fun, cette suite s’inscrit totalement dans la lignée des précédents volets et c’est tout naturellement que Haus poursuit dans cette voie. Difficile de s’attarder sur le scénario de ce contenu tant le tout s’engouffre avec délectation dans les entrailles du film d’horreur de série B avec ce que ça implique de corps sans tête, de gourou sado-maso, de ribambelle de morts-vivants et d’immense machine à détruire pour éviter la fin du monde.

Non, le principal intérêt de Haus se situe plutôt, non pas dans son gameplay qui n’évolue pas d’un iota (hormis une possibilité de recharger en un clin d’oeil la Rage Sanguinaire à certains endroits), mais dans sa nouvelle zone, autrement dit une immense propriété en bord de mer qu’il sera possible d’atteindre depuis la demeure d’Emma. Rien de bien nouveau me direz-vous sauf que dans le cas qui nous intéresse, ladite propriété, elle-même divisée en trois grandes zones, profite d’une très belle direction artistique synonyme de lieux disparates. Vous devrez alors naviguer entre une sorte de banlieue américaine très propre sur elle (tellement propre qu’en marchant sur la pelouse, vous ferez apparaître automatiquement des zombies), une forêt lugubre débouchant sur un Diner des années 50 puis une base «rétro-futuriste» qu’on croirait issue d’un des premiers James Bond. Bien entendu, la visite des lieux sera ponctuée d’incessants affrontements contre des macchabées pour laisser libre cours à vos envies de démembrements et autres explosions de tripailles.

A ce sujet, notons l’apparition de l’arbalète, nouvelle arme indispensable pour détruire des cerveaux bloquant certains accès mais peu pratique dans les faits à cause d’un viseur trop imposant entravant quelque peu la lisibilité et un rechargement très lent. On lui préférera une bonne vieille épée légendaire ou un hachoir customisé pour faire place nette bien que l’arbalète puisse éliminer le zombie lambda en une flèche dans la caboche. Pas de nouveau adversaire à se mettre sous la dent si ce n’est des versions skinées d’anciens morts-vivants et si la durée de vie reste un critère d’achat pour vous, sachez qu’il vous faudra entre 2 et 3h pour boucler ce DLC. Relativement court oui mais diablement intense à l’image du jeu de base.

Nanti d’une très belle direction artistique, Haus se complaît dans un délire absurde sous couvert d’un univers sado-maso ne se prenant jamais au sérieux. En résulte un premier DLC dans la droite lignée du jeu original qui prolonge parfaitement, seul ou à plusieurs, ces débordements gores aussi régressifs que jouissifs.

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WHAT IF… S02 : Un petit pas pour l’originalité, un bond de géant pour le MCU

Faisant suite à une très bonne, bien qu’inégale, première saison, What If… revient avec une nouvelle salve d’épisodes. Poursuivant certaines histoires tout en intégrant de nouveaux personnages, cette nouvelle saison reste sur ses acquis tout en altérant le concept même de l’anthologie pour le meilleur … et pour le pire ?

Après une première saison qui modifiait joyeusement les événements du MCU tout en usant de certains arcs moins connus du grand public (Marvel Zombies), What If… réitère le concept tout en étant prisonnier de ce que Marvel construit depuis des années grâce à ses multiples phases. En effet, là où il aurait été excitant d’explorer ce que la société américaine nous a offert en comics depuis les années 60/70, la firme doit se restreindre à son MCU pour parler au plus grand nombre afin que les spectateurs connaissent la version originale de l’histoire. Logique mais terriblement frustrant à l’image de l’absence de Spider-Man ou des X-Men pour des questions de droits ou d’entrée officielle dans ledit MCU.

Pour palier à ces contraintes, What If… doit donc se raccrocher à ses figures connues les plus populaires. Le résultat est synonyme d’une certaine redite car si les univers, styles et époques changent, revoir encore et encore les Avengers ou une partie des Gardiens a tendance à lasser. Pire, on sent bien que Marvel n’a pas «osé» taper dans ses séries moins appréciées (Miss Hulk, Moonknight, Miss Marvel) pour apporter un peu de sang neuf à cette nouvelle saison. En résulte un entre-deux étrange, très agréable à regarder mais n’exploitant jamais totalement ce qu’une anthologie permet de plus fou. Frustrant surtout qu’au détour de quelques épisodes, la série s’aventure vers des chemins moins balisés (Et si… Les Avengers se rassemblaient en 1602 ?), ou référentiels (Et si… Happy Hogan avait sauvé Noël ?) avec une bonne humeur communicative.

Malheureusement, le multivers étant au centre de la nouvelle Phase, on imagine également la volonté de Marvel de progressivement construire quelque chose de plus cohérent en racontant une histoire sur plusieurs épisodes. Ici aussi, le concept initial de l’anthologie est amoindri et bien que l’agent Carter soit un excellent personnage, créer un fil rouge autour d’elle (elle intervient dans 6 des 18 épisodes des deux saisons) n’était sans doute pas la meilleure idée en termes d’originalité. Compte tenu de la fin ouverte de cette saison faisant penser à une sorte de rencontre entre Code Quantum et le MCU, on imagine déjà que la Saison 03 continuera dans ce sens. Espérons que cela n’entrave en rien la fantaisie et l’excentricité dont devrait faire preuve la série qui a également du travail devant elle en termes d’animation pour faire jeu égal avec les canons du genre.

  • Episode 01 : Et si… Nebula avait rejoint les Nova ?
  • Durée : 28 minutes

Cette nouvelle saison débute par un épisode très cyberpunk puisque se déroulant uniquement dans la patrie des Nova corp, Xandar. Suite au meurtre de Yondu, Nebula va devoir enquêter dans une citée vivant en autarcie depuis qu’un gigantesque bouclier l’entoure afin d’assurer sa sécurité vis à vis de Rohan, plus puissant que jamais après avoir éliminé Thanos. Bien que l’ambiance s’accorde avec la personnalité ténébreuse et renfermée de Nebula, l’histoire s’avère un peu trop classique en nous amenant vers un dénouement plutôt quelconque, tout comme l’apparition un peu gratuite de Howard The Duck en tenancier de bar clandestin. On citera également un manque d’action assez flagrant ou bien l’absence de Nova (car non encore introduit dans le MCU ?) bien que la promesse de l’épisode ne soit pas là.

  • Episode 02 : Et si… Peter Quill avait attaqué les plus grands héros de la Terre ?
  • Durée : 29 minutes

S’inspirant de l’intrigue des Gardiens de la Galaxie Vol. 2, l’épisode 2 débute comme une sorte de Brightburn mettant en scène un jeune Peter Quill qui débarque sur Terre pour tout détruire. Il va alors affronter une partie des Avengers essayant de contenir sa puissance nucléaire. Si on soupirera de retrouver une énième fois l’équipe des supers-héros, ce segment subit de plein fouet l’orientation grand public de Marvel. Tout est absolument prévisible et convenu, on ne doute jamais que certains personnages (Le Soldat de l’Hiver notamment) n’iront jamais au bout de leur mission et la grande bataille entre Nego et les Avengers s’avère plutôt ennuyeuse car bien trop générique.

  • Episode 03 : Et si… Happy Hogan avait sauvé Noël ?
  • Durée : 27 minutes

Bien que le pitch de départ n’ait pas grand chose d’excitant (Justin Hammer prenant en otage la tour des Avengers), cet épisode de Noël s’avère être le meilleur de ce début de saison. Déjà, en mettant en scène Happy Hogan, le chef de la sécurité de Tony Stark, ce segment l’oriente implicitement vers un ton plus léger bien que non dénué d’action, surtout après que Justin ait piraté plusieurs robots de sécurité qui vont servir de défouloir à Happy s’étant injecté un sérum qui va le rendre aussi fort que Hulk. Ensuite, en s’inspirant de la trame de Die Hard, auquel il reprend les scènes les plus iconiques (tout en le citant pour celles et ceux qui n’auraient pas compris les références), l’épisode s’engouffre dans une délicieuse parodie, rythmée et bon enfant, qui ne cherche rien de plus qu’à amuser tout en offrant un hommage au plus beau film de Noël. Difficile de résister !

  • Episode 04 : Et si… Iron Man avait rencontré le Grand Maître ?
  • Durée : 31 minutes

L’histoire tournant autour du Grand Maître, préparez-vous à un show non stop de Jeff Goldblum qui reprend ici son rôle en cabotinant comme jamais. Même en appréciant l’acteur, difficile de valider cet épisode à l’humour incroyablement poussif et peu recherché, la marque de fabrique de la plupart des Marvel en quelque sorte. Le scénario n’ayant quasiment rien à raconter, on devra donc se contenter de blagues déjà entendues avec un Tony Stark en roues libres, un rapport de force entre celui-ci et Gamora ou bien encore l’humour d’écolier de Korg. Notons tout de même une course, se situant entre celle des Pods de Star Wars et le jeu Rollcage, pour nous tenir éveillé bien qu’on soit très loin, sans mauvais jeu de mots, des sensations véhiculées par celles de l’excellent film Redline.

  • Episode 05 : Et si… Captain Carter avait combattu l’Écraseur d’Hydra ?
  • Durée : 30 minutes

Directement lié au premier épisode de la S01, l’épisode 05 de la S02 de What If.. remet en scène le Captain Carter aux côtés de Black Widow. Chacune d’entre elles va devoir affronter son passé répondant au nom d’Hydra. Très bien rythmé grâce à plusieurs scènes d’action très efficaces, l’épisode se montre moins ambitieux d’un point de vue scénaristique malgré le sacrifice de circonstance ou bien encore une fin ouverte afin de construire un fil rouge sur plusieurs épisodes. On en ressort donc plutôt satisfaits car si l’histoire aurait peut être gagné à mieux intégrer certains personnages à l’image de James «Buck» Barnes, l’ensemble s’avère complémentaire de l’épisode de la S01 en troquant l’esprit pulp pour une histoire d’amour tragique.

  • Episode 06 : Et si… Kahhori avait refait le monde ?
  • Durée : 32 minutes

Après Prey sorti en langue Comanche, What If… reprend cette idée en proposant un épisode entièrement doublé en langue Mohawk et en Espagnol. Prenant comme point de départ l’arrivée du Tesseract sur Terre dans un lac non loin d’un village indien, l’épisode se veut rafraîchissant en se présentant comme une sorte de What If… Pocahontas avait rencontré le MCU ? Cette fois, c’est la dénommée Kahhori qui, investie du pouvoir de l’objet, va affronter les envahisseurs espagnols. S’appuyant sur un aspect historique tout en jouant avec les légendes du peuple Mohawk, cette origin story est malheureusement très classique en renvoyant davantage à du Disney que du Marvel. Cependant, si la personnalité de Kahhori s’avère trop lisse, elle n’en reste pas moins un personnage plutôt réussi, digne représentante d’un peuple décidé à chasser l’ennemi de ses terres tout en prônant la paix.

  • Episode 07 : Et si… Hela avait trouvé les Dix Anneaux ?
  • Durée : 28 minutes

Après avoir été exilée sur Terre par Odin, Hela se retrouve en Chine où elle va rencontrer le possesseur des Dix Anneaux. Désirant s’affranchir de son père et retrouver sa liberté de choix, elle va passer par une quête initiatique afin de récupérer ses pouvoirs. Ici encore, un très bon épisode parfaitement équilibré. Mélangeant un léger côté spirituel à une action hollywoodienne (le combat final est excellent), ce segment met en avant la déesse de la mort, personnage malheureusement sous-exploité dans le MCU qui trouve ici une sorte de rédemption via de grandes ambitions.

  • Episode 08 : Et si… Les Avengers se rassemblaient en 1602 ?
  • Durée : 32 minutes

Suite de l’épisode 05, l’épisode 08 transporte les Avengers en 1602. Idée sympathique mais qui donne lieu à un épisode un peu brouillon quant aux motivations de certains, Thor notamment qui se rend compte du bien fondé de ce que fait Carter quelques secondes après l’avoir combattu. On passera également sur le non-sens voulant que Hogan se transforme à nouveau pour profiter de l’énergie de ce segment oscillant entre Robin des Bois et Le Masque de Fer, aussi joli qu’excitant grâce à son lot d’action profitant d’une réalisation à la hauteur ou bien encore de l’utilisation astucieuse de l’ensemble des protagonistes dans des rôles liés à leurs personnalités.

  • Episode 09 : Et si… Le Strange Suprême était intervenu ?
  • Durée : 31 minutes

Terminant l’histoire débutée dans la Saison 01 (en attendant la suite dans la déjà annoncée Saison 03), cette conclusion de saison est aussi spectaculaire que peu crédible, surtout lorsqu’on s’attarde sur la puissance des protagonistes qui n’a plus aucun sens. Mais qu’importe, l’épisode fait la part belle au face à face entre Carter et le Docteur Strange qui au fil des épisodes devient un personnage de plus en plus fascinant. Ponctuant ici aussi son épisode d’un énorme aspect fan service, Marvel ne surprend guère et mise sur la surenchère sans parvenir à développer convenablement le personnage de Kahhori faisant «simplement» office de sidekick de luxe à Carter.

Moins éclectique que la S01, la S02 de What If… parvient toutefois à retenir l’attention grâce à plusieurs épisodes de très bonne qualité. Affichant néanmoins un manque d’originalité dans les idées motrices et une frilosité dans l’utilisation de personnages moins connus du grand public, la série s’enferme d’elle-même dans une sorte de redite, guère aidée par une animation toujours rigide, ou la volonté de créer un fil rouge à travers les épisodes. On appréciera ou non et si la perspective de voir la série se transformer en sorte de Code Quantum a de quoi étonner, on pourra aussi se questionner sur les capacités de Marvel à réellement embrasser le concept d’anthologie qu’ils avaient pourtant eux-mêmes lancés à la fin des années 70.

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Spider-Man 2 : Scolaire et spectaculaire

Insomniac Games commence à bien connaître Spider-Man puisqu’en comptant Miles Morales, nous en sommes déjà à trois épisodes. Trois opus qui, certes, se ressemblent mais qui témoignent malgré tout d’une évolution significative de la saga autant dans la mise en scène que dans la volonté de s’intéresser à ses personnages. Spider-Man 2 ne déroge pas à la règle en se montrant une fois encore très juste dans les rapports entre ses divers protagonistes et le plaisir de jeu qu’il procure.

Tout comme avec Miles Morales, certains ne verront rien d’autre en Spider-Man 2 qu’une version 1.5 de l’original sorti en 2018. L’un dans l’autre, difficile de leur en vouloir voire même de leur donner complétement tort. Pourtant, lorsqu’on s’investit dans le titre, il en ressort une maîtrise totale de la mise en scène, du rythme et d’un gameplay entièrement dévolu au plaisir de la découverte. C’est un fait, si arpenter la Big Apple a des airs de déjà-vu (malgré l’ajout des quartiers de Brooklyn et du Queens), difficile de refréner un sourire tant tous les éléments s’imbriquent parfaitement les uns dans les autres, tant l’homogénéité de l’ensemble se veut synonyme d’émerveillement continu. Oui, Spider-Man 2 ne cherche jamais à réinventer la roue mais il serait hypocrite de minimiser ses nombreuses qualités et son envie d’améliorer la formule.

Ceci passe tout d’abord par un amour pour son personnage ou plutôt ses personnages, qu’il s’agisse de Peter, Miles, Mary Jane ou bien encore New-York, à la fois lieu de l’action et protagoniste à part entière de l’histoire qui ne sera pas tendre avec elle tant les scènes de destruction seront nombreuses et de plus en plus impressionnantes au fil du récit. D’ailleurs, dans la grande tradition du studio, le jeu débute par une introduction dynamique devant autant à son aspect hollywoodien qu’à la façon de nous prendre par la main en y injectant au fur et à mesure d’une course poursuite avec L’Homme Sable les bases du gameplay à venir. Parfaitement calibrée, cette séquence est annonciatrice de tout ce qui va suivre : un point de vue hollywoodien, un rythme millimétré et un aspect seamless entre cinématiques et gameplay synonyme de fluidité continue.

Spider-Man 2 est un blockbuster et si il renvoie à tout ce qui englobe ce terme (en bien comme en mal), il a également pour lui de poursuivre de façon logique l’histoire débutée en 2018. Ainsi, si le premier jeu s’articulait autour de Peter et son entourage, à travers sa Tante, ses amis et Otto Octavius, son mentor et futur Nemesis, le deuxième jeu intégrait de façon bien plus franche Miles Morales dont le destin tragique trouvera écho à celui de Peter. Logique donc que le titre fasse autant la part belle à l’un et à l’autre, du moins dans son gameplay nous permettant de switcher à la volée d’un personnage à l’autre. Outre les capacités (et très nombreux costumes) propres à chaque héros, c’est aussi à travers leur récit respectif qu’Insomniac entend créer la connexion entre personnages et joueurs tout en insufflant cette empathie indispensable pour un titre misant autant sur sa narration car oui, au-delà de sa dimension de super production, Spider-Man 2 est plus que jamais un jeu PlayStation.

En empruntant la voix tracée par Uncharted 4, The Last of Us et le premier Spider-Man, cette suite se veut aussi désireuse que son aînée d’insuffler de l’émotion en parallèle d’impressionnantes scènes d’action et d’excellents combats de boss. Pour ce faire, les scénaristes ont jeté leur dévolu sur Harry Osborn, ami d’enfance de Peter, qu’on voyait en fâcheuse condition physique à la fin de l’opus de 2018. L’idée a du sens mais il faut avouer que le tout s’avère moins réussi que l’histoire de Tante May, peut-être à cause de cette volonté d’imbriquer toutes les intrigues dans un tout se voulant homogène. Malheureusement, entre la maladie d’Harry, l’apparition de Kraven et le désir de vengeance de Miles désirant en découdre avec Mister Negative, le tout a parfois des allures de patchwork et à mesure qu’on progresse, l’émotion s’étiole malgré plusieurs passages très réussis à l’image de flashbacks revenant sur les débuts professionnels de Pete. Il faut aussi reconnaître à Insomniac cette volonté de proposer des intrigues matures et des personnages plus proches des comics que ne l’ont jamais été ceux du MCU. On retiendra également du scénario un traitement de Venom bien plus intelligent et respectueux que celui des déplorables films également sortis sous la bannière de Sony.

En parallèle de ces trames principales, il convient également de saluer le travail du studio qui est parvenu à proposer certaines quêtes annexes très bien écrites en abordant l’héritage musical des afro américains, en nous faisant incarner Hayley, l’amie sourde et muette de Miles, tout en teasant certaines choses excitantes pour le futur de la série. Si certains pourront sans doute lui reprocher son excès d’inclusivité, l’ensemble des protagonistes reste parfaitement intégré dans le récit, aussi bien à travers l’aspect estudiantin propre à Miles ou l’histoire plus adulte de Peter confronté à la maladie de son ami ou à travers sa relation avec Mary Jane Watson.

Pour cimenter l’ensemble, les développeurs californiens ont repris les bases de leur gameplay, déjà excellent, tout en l’améliorant afin d’accentuer les déplacements, les affrontements et l’infiltration. Si le dernier point évoqué reste encore trop anecdotique (surtout avec la possibilité de tisser des filins où bon nous semble pour se défaire des ennemis en silence), on retiendra des séquences de stealth avec Mary Jane plus intéressantes que celles de Spidey. Paradoxal mais témoignant du soin abordé à cet aspect qui n’était pas folichon dans le premier volet. En permettant cette fois à la belle de taser ses ennemis, en plus de détourner leur attention ou de les entoiler (si si), on prendra étonnamment du plaisir lors de ces passages.

La jouabilité, elle, se veut aussi intuitive que par le passé, autant lorsqu’il s’agit de survoler les grattes ciels de New-York que lorsqu’on doit combattre les Chasseurs de Kraven, gangs new-yorkais et autres ennemis robotisés. S’articulant autour de délits, challenges et autres missions, Spider-Man 2 déploie à nouveau des trésors de gameplay afin de maximiser l’expérience de jeu. OK, on retrouve la plupart des missions des précédents volets (poursuites de véhicules, affrontements en pagaille -parfois inutilement longs-) mais Insomniac a toutefois tenté d’apporter plusieurs nouveautés afin d’éviter que le tout ne s’enferme trop vite dans une action redondante, bien que jouissive. Outre des puzzles trop simplistes pour être vraiment intéressants, on retiendra les challenges en wingsuit mettant en avant cet élément de gameplay rendant encore plus virevoltants les déplacements en ville. Les challenges de Mysterio, bien qu’également centrés sur l’action, permettent de leur côté d’obtenir des jetons (indispensables pour débloquer des compétences ou booster nos gadgets) tout en profitant de très belles idées visuelles à l’image de celle du dernier défi aussi impressionnante qu’onirique.

Se reposant toujours sur la complémentarité des styles de Pete et Miles, le titre maximise cette idée en nous allouant à intervalles réguliers (lors de défis et/ou l’histoire principale) un compagnon synonyme de combos intervenants aléatoirement. Une façon de donner un coup de fouet aux affrontements toujours aussi énergiques grâce à un système de combat riche (easy to learn, hard to master) et une mise en scène bluffante. Ne nous y trompons pas, si Spider-Man 2 fonctionne aussi bien, c’est aussi et surtout grâce à la capacité du studio à mixer tous les éléments composant un jeu vidéo et ce de façon parfaitement huilée pour en sortir le meilleur. Maîtrisant à la perfection la montée en puissance de son histoire, de l’évolution de ses héros et de son terrain de jeu, le titre d’Insomniac sacralise ses protagonistes en prenant le meilleur du 7ème et 10ème art. Le résultat, non sans défauts (grosse impression de déjà-vu, histoire moins émouvante que celle de l’opus de 2018, certains ennemis sont de vrais sacs à PV) témoigne avant toute chose d’une véritable passion pour le Tisseur et de la volonté d’offrir aux joueurs un jeu bien calibré (trop diront certains), hollywoodien, et étonnamment mature dans sa narration.

Continuant ce qu’ils avaient entrepris avec les deux précédents volets, tout en teasant fortement le prochain, Insomniac nous offre un Spider-Man 2 qui perd en spontanéité ce qu’il gagne en intensivité, autant dans son gameplay que sa mise en scène. Le tout pourra sans doute diviser en fonction de ce que vous attendez d’une suite mais difficile de remettre en question le savoir-faire du studio, l’amour pour ses personnages et le plaisir généré par ce nouveau volet.

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Alan Wake II : Le Dormeur doit se réveiller

13 ans que nous avions laissé Alan bloqué dans l’Antre Noire, 13 ans que l’écrivain s’était sacrifié pour sauver sa femme en se condamnant lui-même à errer dans une vie de solitude et de création afin de réécrire la réalité… sa réalité. Si le cauchemar aura perduré via deux DLC (Le Signal, L’Ecrivain) et le stand-alone American Nightmare, c’est plus récemment, à travers l’extension AWE de Control, que le personnage avait à nouveau donné des signes de vie puisque faisant directement intervenir le romancier tout en teasant le second jeu qui nous intéresse aujourd’hui. Une renaissance attendue qui se devait de nous offrir un univers aussi torturé et maîtrisé que son aïeul et ses illustres références.

Commençons par le commencement en nous posant une question légitime : Faut-il avoir terminé Alan Wake, et accessoirement Control, pour pleinement profiter de cette suite ? Clairement, oui. C’est un fait, si vous n’avez pas fini ces deux jeux (et dans une certaine mesure les contenus évoqués en introduction), vous n’aurez pas toutes les cartes en mains pour appréhender et surtout comprendre cette suite. Thomas Zane, l’Ombre Noire, Monsieur Grincement… Si au fil de l’histoire, les pièces du puzzle se mettront en place, on regrettera que Remedy n’ait pas intégré un Previously d’autant que certains éléments ne sont jamais clairement expliqués à commencer par le rôle d’Ahti, omniprésent dans Control, ou bien encore Le Bureau de contrôle. A l’inverse, les fans seront aux anges tant le studio finlandais continue à étoffer son WakeVerse en imbriquant personnages et concepts alambiqués afin de donner du corps à cet univers à mi-chemin entre l’œuvre de Stephen King et celle de David Lynch.

Alors que le premier Alan Wake officiait principalement du côté du maître de l’horreur américain, autant dans la représentation de ses environnements évoquant Castle Rock que son histoire inspirée en partie de La Part des Ténèbres (The Dark Half), Alan Wake II opte davantage pour l’œuvre de David Lynch et plus particulièrement Twin Peaks tout en louvoyant du côté du In the Mouth of Madness de John Carpenter. Ses agents du FBI accros au café, l’Antre Noire évoquant en substance la Red Room, les habitants de Bright Falls semblant étrangement posés comme autant d’acteurs d’une pièce de théâtre, les références à la série de Lynch abondent. Jouant du début à la fin avec le concept de réalité et de fiction, Alan Wake II brouille les pistes tout en ne perdant jamais de vue sa ligne directrice : la libération d’Alan. Pour y parvenir, nous pouvons cette fois switcher à notre convenance entre Alan et Saga, agent du FBI fraîchement débarquée pour enquêter sur les agissements d’une mystérieuse secte. La proposition est intéressante, permet des aérations au récit tout en présentant à mon sens plusieurs défauts d’écriture.

En effet, bien qu’Alan soit désormais coutumier de cet univers après 13 ans d’emprisonnement, le plus logique aurait été de présenter Saga comme son opposé, une sorte de «contre-poids» découvrant peu à peu les règles régissant cet étrange univers. Malheureusement, ce n’est nullement le cas puisque Saga se montre incroyablement enthousiaste à l’idée d’enquêter sur sa première affaire sectaire (pourquoi pas) tout en semblant complètement déconnectée des événements voire de son équipier, Casey, avec qui elle aura de moins en moins d’interactions au fur et à mesure qu’elle progresse dans l’histoire. Etrangement, Bright Falls manque également de vie et le fait de ne pouvoir parler avec les habitants, en dehors de quelques passages imposés par le jeu, n’arrange pas les choses. Une scène du début illustre parfaitement ce ressenti. Après avoir vu un adjoint (campé par Shawn Ashmore, Jack Joyce dans Quantum Break, qui lui-même teasait déjà en 2016 le retour d’Alan Wake) disparaître sous ses yeux, Saga affronte son premier Possédé, féroce, le teint livide, un trou à la place du cœur. Les balles pleuvent, l’horreur s’installe et… rien, la vie du commissariat de Bright Falls reprend son cours alors que des corps de flics jonchent le sol de la morgue et qu’un des policiers est porté disparu.

A ce stade, deux façons de réagir : Soit l’absence de réaction de Saga Anderson (posée, détachée de l’horreur qui ferait vriller Dana Scully en moins d’une minute) pourra minimiser l’immersion, soit on embrassera cet aspect du récit faisant finalement le jeu des histoires imbriquées les unes dans les autres avec cet amalgame de réel et fiction.

C’est effectivement une manière d’accepter la chose, d’autant que la capacité de Wake à réécrire la réalité est à nouveau au centre de l’histoire. Certes, sauf qu’à mon sens, ça peut aussi vouloir dire qu’Alan est un piètre écrivain, incapable de décrire correctement les réactions d’une ville face au surnaturel.

Malgré tout, l’histoire d’Alan Wake II reste intéressante à suivre, notamment grâce à la mise en scène aussi élaborée que celle du premier volet. Perclus d’éclairs de génie synonymes de scènes éblouissantes, faisant à nouveau le jeu du transmedia via des scènes live directement intégrées dans la narration (avec toutefois un énorme bémol sur le jeu très approximatif de plusieurs acteurs à commencer par celui de Ilkka Villi dans le rôle principal), l’ensemble captive dans sa propension à prendre le meilleur du cinéma et des séries TV (le découpage en chapitres ponctués de cliffhangers, l’utilisation d’une bande-son éclectique composée de très nombreuses chansons) tout en peaufinant la forme. Sur ce point, ce deuxième épisode soigne ses ambiances à travers de somptueux jeux de lumière, aussi réussis que ceux du mètre étalon Red Dead Redemption II. Oscillant entre une New-York sordide, crasseuse issue d’un polar, et Bright Falls et ses alentours (lieu de « villégiature » de Saga), le jeu alterne entre des atmosphères crépusculaires du plus bel effet et les classiques de l’horreur (un hôpital, un parc d’attractions désaffecté, un manoir ou bien encore ces cabanes au charme finnois perdues dans les bois). Si le titre est inattaquable sur ses choix de DA, il l’est en revanche beaucoup plus sur sa stabilité et ses bugs, nombreux sur PS5, encore aujourd’hui malgré les patchs sortis.

Bien que la plupart des soucis techniques soient communs à de nombreux jeux (personnages en T-pose, ambiances lumineuses changeant promptement en passant d’une zone à l’autre, problèmes de sous-titres, synchro labiale FR…), d’autres en revanche sont déjà plus critiquables concernant un projet de cet acabit. Si la quasi intégralité des bugs bloquants est aujourd’hui du passé grâce à la série de patchs sortis rapidement, plusieurs agacent toujours, à l’image de certains objets inaccessibles à cause de contenants mal placés. Au rayon des quelques défauts de l’œuvre, on citera également la difficulté un peu étrange surtout qu’à l’image du premier volet, le rationnement des munitions et autres piles (indispensables pour affaiblir les Possédés) sera primordiale. Si vous pourrez à loisir explorer en retournant dans les zones où on vous fera de toute façon revenir pour la bonne marche de l’aventure, plusieurs ennemis vous y attendront. En somme, vous devrez utiliser vos ressources…pour aller en récupérer d’autres ! Alan Wake II proposant une difficulté bien plus élevée en début qu’en fin de partie, vous apprendrez à savoir quand fuir ou recharger une partie dans un des abris, disséminés ici et là, ceci faisant généralement disparaître vos adversaires dont la présence est très souvent aléatoire.

D’ailleurs, comme on pouvait s’y attendre, ce n’est pas tant dans son gameplay que son ambiance qu’Alan Wake II fascine et façonne son intrigue. On retrouvera donc plusieurs types d’adversaires qu’il faudra affaiblir grâce à des sources lumineuses avant de leur loger une balle en pleine caboche, ainsi que la sempiternelle collecte d’objets pour progresser. Mentionnons toutefois quelques énigmes intéressantes requérant de la jugeote ou une analyse de son environnement. L’idée de pouvoir également alterner à tout moment entre Saga et Alan apporte de la variété tout en suivant l’intrigue du point de vue des deux protagonistes qui finiront par se croiser. C’est d’autant plus vrai que chaque personnage profite de quelques subtilités de gameplay à commencer par Alan qui devra switcher entre plusieurs réalités au sein d’une scène pour avancer. Une astuce intelligente permettant d’apporter une pluralité d’ambiances au sein d’un même lieu.

Comme je le précisais, Alan Wake II brille par le traitement de son histoire, sujette à discussion mais conjuguant néanmoins les thèmes de la création, de la célébrité et de tout ce que ça peut engendrer de bon comme de mauvais. Il n’est donc pas surprenant qu’il nous fasse voyager dans les méandres tortueuses de l’esprit d’Alan qui prendront la forme d’une émission télévisée ou d’un vieux cinéma à l’image de ce que proposait déjà La Fin Absolue du Monde, autre œuvre de John Carpenter abordant également la notion de création et de destruction (d’une œuvre, d’un individu, de la Terre entière). Si Alan Wake II se restreint à l’univers de son «main character», il le fait cependant par l’entremise des autres personnages, qu’ils émanent ou non de son imaginaire. Pour autant, on aurait apprécié que la réflexion autour des thèmes énoncés plus haut soit davantage poussée, que ce soit à travers son rapport avec sa femme Alice ou la relation entre Saga et sa famille, à peine esquissée.

Plutôt que de creuser ces pistes, les développeurs ont préféré se réfugier la plupart du temps dans une sorte de délire Lynchien sans toutefois aller aussi loin que la dernière saison de Twin Peaks, et c’est assurément une bonne chose. En soit, ce n’est pas tant un défaut qu’un regret (de ne pas avoir l’un ET l’autre) même si à mesure que l’histoire puise sa force dans le fantastique ou l’étrangeté joyeusement barrée de ses situations, le plaisir de la découverte va de pair. Moins anxiogène que le premier volet, sa suite maximise tout ce qui avait été entrepris en 2010 grâce à la puissance de calcul actuelle des consoles/PC permettant de donner vie à des délires plus graphiques et davantage d’expérimentations, aussi bien visuelles, auditives que structurelles. Remedy n’a plus grand-chose à prouver sur ce point et leur savoir-faire se retrouve aussi bien dans la narration environnementale guidant intelligemment le joueur, un show musical qui fera date dans l’histoire du jeu vidéo ou bien encore ces couches de narration alimentant un récit finalement très kafkaïen.

Aussi maîtrisé soit-il, Alan Wake II ne cherche jamais à bousculer la formule établie par le premier volet. Si beaucoup d’éléments de gameplay sonnent juste, ils ne sont finalement que l’écho de choses vues dans d’autres oeuvres. Ainsi, le Palais mental de Saga et Alan n’est qu’une sorte de hub où on pourra recouper des informations sur les différents protagonistes, faire du profilage, réécouter/revoir les documents audio et vidéo ou améliorer ses armes. Rien de vraiment original mais tout ceci fonctionne grâce à la matérialisation de l’ensemble sous forme d’une pièce en renvoyant notamment à ce qu’on pouvait voir dans la série Sherlock Holmes de 2010. L’idée, simple en apparence, s’imbrique parfaitement dans l’ambiance générale et permet de littéralement plonger dans la psyché des personnages. Dans le même ordre d’idées, la capacité d’Alan à modifier son environnement à des endroits précis est une astuce ayant des airs de déjà-vu puisqu’en 1999, Soul Reaver permettait déjà de passer d’une dimension à l’autre (synonyme de morphing particulièrement impressionnant pour l’époque) afin de progresser. Néanmoins, à l’image du Palais mental, cet élément de gameplay trouve sa place dans l’histoire tout en multipliant les atmosphères plutôt que les jump scares, facilité malheureusement surexploitée durant un tronçon de jeu.

Si Alan Wake II aurait gagné à resserrer son intrigue autour d’une ou deux thématiques fortes plutôt qu’à alimenter constamment son histoire avec le jeu du «Qui est qui ?», il n’en reste pas moins un titre précieux appartenant autant à ses auteurs qu’aux joueurs qui pourront s’amuser à creuser la surface pour y trouver une deuxième lecture s’axant autour de la folie voire des violences conjugales. C’est ce qui rend intéressante cette suite qui n’est jamais aussi terrifiante qu’en nous montrant une horreur simple, à travers une succession de photos aussi triste que glaçante. Sans toujours réussir à offrir ce qu’on attendait d’elle et bien qu’étirant sa fin en usant jusqu’à l’épuisement de certains concepts de gameplay, ce second opus se montre suffisamment créatif, original et atypique pour qu’on s’y plonge à corps perdu afin d’aider Alan à trouver la lumière au bout du chemin.

Bien qu’inspiré et parsemé de moments uniques, Alan Wake II n’est sans doute pas la suite parfaite qu’on était en droit d’attendre. La faute à une écriture pas toujours au niveau, quelques effets faciles, une quantité non négligeable de bugs et une fin s’étirant inutilement jusqu’à abuser des concepts de profilage et d’enquête. Pourtant, au-delà de ses imperfections, le titre comporte tout comme son aîné, une volonté de mélanger les médias pour en sortir une œuvre singulière, référentielle et désireuse de densifier le «RemedyVerse». Perfectible mais joyeusement barrée et suffisamment profonde pour nous happer avec délectation.

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Scream VI : A hurler d’ennui

Plutôt que de se réinventer, Scream préfère tracer sa route et poursuivre dans la voie qu’il avait emprunté avec le précédent volet en se reposant une fois encore sur la mythologie de Woodsborough sous couvert d’un aspect meta. Toutefois, cet opus troque le charme des petites villes américaines contre celui de la Big Apple. Une idée forcément excitante pour un résultat d’autant plus décevant.

Après cinq films et une série annulée au bout de trois saisons, la saga Scream se doit de voir plus loin, autant dans l’inventivité de ses meurtres que dans ce qu’elle raconte, condition sine qua none pour perdurer et éviter de lasser son public. Si Wes Craven avait réussi à faire évoluer ses personnages tout en se questionnant sur la notion de suites et le cinéma de genre, Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett n’étaient pas parvenus avec Scream 5 à perpétuer cette tradition bien qu’accentuant davantage cette réflexion autour du slasher. La faute à des personnages agaçants (existants plus à travers les anciens personnages que par eux-mêmes), des dialogues pompeux et des meurtres certes plus sauvages mais manquant diablement d’inventivité. Scream VI avait donc la lourde tâche de s’inscrire dans la lignée des opus de Craven. Quoi de mieux pour ce faire qu’un tout nouvel environnement plus urbain, un nouveau cheptel de teenagers prêts à passer de vie à trépas en un claquement de doigts et une envie de repenser le slasher, ce que le premier épisode avait brillamment initié en 1996.

Le plus ironique est que l’introduction de Scream VI parvient à surprendre en se montrant terriblement originale surtout si on excepte les réactions, comme souvent, saugrenues des victimes toujours promptes à se jeter dans la gueule du loup. En effet, en choisissant sciemment de montrer dès le premier meurtre le visage du tueur, on pouvait penser que les scénaristes allaient redéfinir tout ce qui constituait la saga, quitte à marcher sur les plates-bandes de Columbo. Malheureusement, cette originalité va rapidement s’estomper au profit d’une structure des plus conventionnelles, le GhostFace démasqué se faisant prestement trucider par un autre tueur, celui-là même que vont devoir affronter notre groupe d’étudiants.

A partir de là, Scream VI ne quittera jamais ce chemin balisé par des meurtres manquant d’inventivité malgré l’environnement urbain qui aurait pourtant pu offrir cette bouffée d’air frais dont avait besoin la saga habituée à un cadre plus rural. Malheureusement, Scream VI ne semble jamais vraiment savoir comment mettre à profit New York même si le temps d’une séquence dans le métro en plein Halloween, on sent le potentiel du lieu. Cependant, au lieu de creuser la chose, Bettinelli-Olpin et Gillett préfèrent nous abreuver de dialogues meta ne parvenant même plus à alimenter de vraies réflexions tout en essayant vaguement d’expliquer l’absence de Sidney, écartée de cet opus pour cause de salaire jugé trop bas par Neve Campbell. On aura beau y retrouver Gale Weather, guère convaincante dans son traitement et peu aidé par l’interprétation de Courtney Cox semblant de moins en moins habitée par le rôle, ou le personnage de Sam plus que jamais hanté par son défunt père Billy Loomis (le Ghostface original), le scénario patine.

D’ailleurs, il y avait sans doute matière à approfondir cet aspect plutôt que de revenir une énième fois sur l’héritage de Woodsborough ici sacralisé par une sorte de musée macabre à la gloire des tueurs précédents. L’ironie de la chose est que cette volonté de vouloir raccrocher les wagons, de construire une gigantesque toile d’araignée afin de relier les motivations des tueurs joue contre ce sixième volet, finalement assez pataud en flanquant un Ghostface pas très débrouillard et toujours prompte à se prendre les pieds dans le tapis.

Manquant de tension (malgré une certaine sauvagerie) et d’enjeux, Scream VI se paye même le luxe de s’offrir une durée accrue (plus de deux heures) alors qu’il aurait été bien inspiré, au contraire, de faire l’inverse en se concentrant sur son rythme via des meurtres plus créatifs et une histoire davantage centrée sur ses personnages à commencer par Sam et Tara, campées par les convaincantes Melissa Barrera et Jenna Ortega. Au lieu de ça, cet épisode se complaît dans un flot de références tout en poursuivant le travail (médiocre) débuté dans Scream 5. Rien de nouveau ni de surprenant donc même si on aurait cette fois aimé être bousculés surtout après une entrée en matière aussi réussie.

Dans la droite lignée de Scream 5, Scream VI continue de travailler ses personnages sans pour autant le faire franchement et préfère une nouvelle fois abuser de la mythologie de Woodsborough alors qu’il n’y a définitivement plus rien à chercher de ce côté-là. Reste un épisode plus urbain, parfois sympathique (la scène du métro), souvent trop classique (la supérette, l’appartement) et n’arrivant jamais à concrétiser tout ce que son excellente introduction semblait promettre de terriblement excitant.

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Resident Evil 4 Remake : Separate Ways – Nouvelle voie pour nouveau DLC

Vous avez terminé Resident Evil 4 en long, en large et en travers mais vous en voulez encore ? Votre attente prend fin puisque Capcom a répondu à vos sollicitations (et probablement à celles de leurs actionnaires) via ce contenu supplémentaire. Sorti initialement sur PS2 pour la ressortie du jeu sur cette machine, Separate Ways (version 2023) met toujours en scène la charismatique Ada pour le plaisir de tous.

Pour bien comprendre Separate Ways, il faut revenir en 2005, date à laquelle arrive Resident Evil 4 sur PlayStation 2. Le jeu, initialement sorti en début d’année sur GameCube, débarque plusieurs mois après sur PlayStation 2. Afin de marquer le coup (et pour atténuer la différence visuelle à l’avantage de la machine de Nintendo), Capcom agrémente cette version d’un contenu inédit, Separate Ways. Une excellente idée d’autant qu’il permet de diriger Ada Wong, l’un des personnages préférés des fans aux côtés de Wesker qui, oh surprise, officie également dans ce contenu aux côtés de la dame.

Se déroulant en parallèle de l’aventure principale, Separate Ways, au-delà de son aspect recyclage, propose une aventure relativement courte (environ 3h) mais permet de profiter de Resident Evil 4 sous un nouvel angle en découvrant plusieurs passages clés d’un autre point de vue. Ainsi, on apprendra par exemple que c’est Ada elle-même qui sonne la cloche salvatrice lors de l’affrontement entre Leon et les villageois en début de jeu ou ce qui s’est passé juste avant que la belle donne le lance-missiles au beau gosse lors du combat final. Un parti pris intéressant qui permet à Capcom de réutiliser nombre d’assets.

Pour autant, le travail effectué sur ce contenu est très intéressant puisque proposant aux joueurs de survoler l’ensemble du jeu base en visitant des lieux connus mais suffisamment modifiés (via de nouveaux éclairages, un nouvel agencement des meubles, de nouvelles salles) pour ne pas se sentir lésé. D’autant plus vrai que le tout profite d’une verticalité accrue grâce au grappin d’Ada lui permettant d’emprunter des chemins inaccessibles à Leon. Une façon comme une autre de repasser par le village, le château et l’île sans avoir une impression de déjà-vu trop prononcée. Toujours dans un souci d’atténuer cette impression, les développeurs ont également bardé l’aventure d’action en mélangeant moments de panique et combats de boss prenant en compte les capacités d’Ada. Ainsi, le retour d’El Gigante intègre ladite verticalité dans l’affrontement et celui contre Saddler est abordé de manière différente. On profitera également de la présence du second Verdugo, entraperçu dans le jeu de base et qui reviendra affronter Ada à trois reprises en usant notamment de subterfuges hallucinogènes.

En soi, Separate Ways ne semble toutefois pas plus indispensable que cela, surtout si on considère son contenu ou cette façon qu’il a de nous faire repasser par des lieux connus. Pourtant, on ne peut que louer, au-delà du niveau technique aussi maîtrisé que celui du remake, la façon qu’il a d’utiliser ses éléments et ses personnages pour créer l’illusion d’une toute nouvelle aventure tout en densifiant l’histoire de l’original. Sur ce point, c’est brillant, le charme et les capacités d’Ada faisant le reste. De plus, le dernier tiers de l’aventure se montre plus généreux en enchaînant des séquences un peu plus originales, en mettant notamment en avant un dispositif digne de Batman afin de découvrir des indices pour progresser. Rien d’incroyable mais raccord avec la qualité d’espionne d’Ada et sa nature calculatrice. A ce sujet, il est d’ailleurs amusant de noter que la version 2023 de l’espionne a troquée sa robe de soirée (qu’il est toutefois possible de débloquer) contre un justaucorps moulant à souhait et qu’elle évolue toujours sur le terrain en talons aiguilles. Cocasse oui mais accentuant l’aspect sexy du personnage étant toujours aussi à l’aise quand il s’agit de balancer des coups de pieds aériens ou d’utiliser son grappin pour arracher le bouclier des ennemis.

Ce DLC sait donc y faire pour brosser le fan dans le sens du poil et ce ne sont pas les apparitions de Wesker qui me feront dire le contraire. Pour autant, Separate Ways n’est pas seulement constitué de fan service et sait même entretenir une vraie tension en nous mettant en danger, face à des pièges pervers ou deux Regenerators dans un couloir étriqué sans possibilité de fuite. Dans ce cas, une seule solution : ne pas paniquer, viser juste, et prier pour ne pas être à court de munitions. Une sorte de métaphore de toute la saga pour l’un des épisodes qui l’aura pourtant fait le plus progresser.

Légitimant à lui seul l’achat de la version PS2 en 2005, Separate Ways se veut tout aussi indispensable 18 ans plus tard. Embelli, amélioré, plus rythmé, le contenu propose une vision alternative et complémentaire de Resident Evil 4 tout en nous faisant incarner l’un des personnages les plus charismatiques de la série. Sachant que celui-ci s’accompagne d’une map supplémentaire pour le Mode Mercenaires et de la possibilité d’incarner Wesker, il serait dommage de refuser l’invitation.

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One Piece : Une adaptation des plus animées ?

106 volumes, 1074 épisodes, 15 films, One Piece est une œuvre fleuve, l’un des fleurons du genre shonen qu’Eiichirō Oda porte à bout de bras depuis 1997 afin de satisfaire une gigantesque fan base. Adapter un tel monument en live semblait une opération risquée autant d’un point de vue artistique que financier. Après la déconvenue Cowboy Bebop, Netflix s’est donc attelée à la tâche en prônant un respect absolu pour l’œuvre grâce, notamment, à la participation du mangaka. Le résultat, accumulant plusieurs défauts, n’en reste pas moins efficace, frais et au final complémentaire de l’anime en se présentant comme une vraie porte d’entrée sur ce monde foisonnant.

Alors que la série animée arrive dans sa dernière et longue ligne droite en multipliant moments épiques et révélations en cascade, l’adaptation live de Netflix reprend tout à zéro. Un vrai cours de rattrapage en accéléré pour celles et ceux ne connaissant rien à l’aventure de Luffy et ses Mugiwara. Vu le gigantisme du lore synonyme de centaines de personnages et créatures toutes plus folles/farfelues/charismatiques les unes que les autres, l’adaptation de One Piece semblait a priori très casse gueule, ne serait-ce que vis-à-vis des fans souvent très méfiants à l’égard des versions live de leurs franchises cultes. On ne peut pas nécessairement leur en tenir rigueur, surtout si on se fie aux adaptations de Dragon Ball ou bien encore Saint Seiya. Toutefois, de nombreux contre-exemples (Edge of Tomorrow, Gantz, Kenshin) sont là pour nous rappeler que tout est possible et, oh surprise, on serait tenté de ranger One Piece dans la catégorie des réussites malgré ses divers problèmes.

Histoire de pirates

Comme précisé quelques lignes plus haut, adapter One Piece relève de la véritable gageure tant l’histoire regorge d’arcs et de personnages ayant droit, pour la plupart, à de nombreux flash-back afin de leur donner de la profondeur. Si l’anime en abuse parfois, la série de Netflix prend le contre-pied de ceci afin de mieux rythmer ses 8 épisodes adaptant les 45 premiers de la série animée. Bien entendu, vu l’ampleur de la tâche, les scénaristes ont dû faire des concessions, pour le meilleur et pas nécessairement pour le pire bien qu’il y ait plusieurs choses à redire. En premier lieu, l’histoire reste la même et profite d’une trame claire et limpide : Luffy, jeune garçon avide d’aventures, rêve de devenir le Roi des Pirates. Après avoir mangé un Fruit du démon qui a transformé ses membres en caoutchouc, il prend la mer et au grès de diverses péripéties, va se constituer un équipage. Les thèmes du shonen (le dépassement de soi, l’amitié, l’esprit de groupe) sont bel et bien présents, le budget alloué à chaque épisode (18 millions de dollars) permet de donner vie à cet univers de façon étonnante et les easter eggs pullulent en réussissant pourtant à ne jamais être envahissants tout en annonçant le futur de la série dont la Saison 02 est d’ores et déjà assurée.

Cette Saison 01 a donc la lourde tâche d’introduire les membres de l’équipage tout en faisant avancer l’intrigue. Sur ce point, le pari est aux 3/4 réussi car si la présentation des Mugiwara est ici aussi extrêmement fidèle à son homologue animé, plusieurs partis-pris minimisent certaines révélations scénaristiques à commencer par la relation entre Garp et Luffy. Dans le même ordre d’idées, on a un peu de mal à comprendre le choix de montrer la violence en frontal (Zoro découpant un adversaire en deux) et parfois de façon beaucoup plus pudique en minimisant de facto l’aspect dramatique bien plus présent dans l’anime. A l’inverse, certains passages particulièrement intenses de l’anime (le discours entre Nami et Luffy avant d’aller affronter Arlong) trouvent un formidable écho en live. Le show de Netflix choisit ses combats (scénaristiques et au sens premier du terme) et si la comparaison anime/live n’est pas toujours à l’avantage de cette dernière, celle-ci se montre parfois à la hauteur de son héritage.

Le jeu des différences

Outre le besoin de presser le pas, on note certaines libertés prises pour les besoins du show. Si d’un côté, certaines sont légères et modifient habilement la structure initiale du récit (Mihawk battant Don Krieg pour affronter plus rapidement Zoro), certaines en revanche (l’affrontement Sanji/Zoro contre Kuroobi), altèrent la nature chevaleresque des combats voire la philosophie guerrière prônée par Zoro, de par l’absence d’antagonistes (Hachi en l’occurrence). Il est d’ailleurs intéressant de s’attarder sur la singularité de One Piece, point fort du manga mais accentuant en live un aspect un peu cringe. On citera par exemple les Den Den Mushi (des escargophones servant à communiquer), aussi drôles dans la série animée qu’ils sont dérangeants dans celle de Netflix. Les personnages anthropomorphes n’échappent pas non plus à ce constat, à commencer par les Hommes Poissons, dont certains (Arlong en tête) peinent à être crédibles. Pourtant, ici aussi, on sent la volonté de bien faire, de s’approcher au plus près du design de l’anime (il suffit de voir Baggy pour s’en convaincre) mais même avec la meilleure volonté, certaines choses semblent compliquées et me font dire que l’apparition de Chopper risque d’être un vrai casse-tête à moins de viser la qualité d’un Sonic ou Pikachu.

Il est également dommage que les combats ne côtoient jamais l’aspect épique de ceux de l’anime, l’affrontement contre Kuro, rapide, brutal et sanglant dans la série originale, s’avérant par exemple très quelconque en live. On ressentira aussi beaucoup moins la montée en puissance de Luffy et la maîtrise de ses pouvoirs pourtant centrale dans le manga d’Oda. Que dire également de certains choix hasardeux de casting (Shanks notamment) ou bien encore de la différence séparant les très riches plans d’ensemble en CGI et les décors beaucoup plus étriqués voire un peu fake par moments. Bref, il y a à boire et à manger dans cette première saison aussi étonnante que déroutante, aussi énergique que perfectible, et si le voyage ne fait que commencer (le producteur du show, Marty Adelstein, déclarait il y a peu qu’il espérait produire 12 saisons), on en vient déjà à se demander par quel miracle les producteurs vont bien pouvoir donner vie au reste de l’épopée, autrement plus ambitieuse et fantasmagorique.

Décalque de l’œuvre originale, One Piece remplit son contrat tout en souffrant de son besoin de brûler les étapes afin de faire avancer l’histoire pour dynamiser son récit ou bien encore de son incapacité à retranscrire la force et l’émotion inhérentes à l’anime. En résulte un entre deux intéressant, surprenant même, mais manquant d’âme et d’épique malgré la bonne humeur communicative de Iñaki Godoy (Luffy), l’énergie des comédiens et les moyens alloués au show.