Faisant directement suite à Resident Evil Village, Shadows of Rose remet le couvert en nous replongeant dans une aventure horrifique ayant un «petit» air de déjà-vu. C’est d’ailleurs le principal (et énorme) défaut de ce DLC aussi prompte à recycler l’ensemble des décors du jeu de base qu’à boucler son aventure en un temps record.
Evoquant dans ses (très) grandes lignes le pitch de The Cell, Shadows of Rose convie Rose, la fille d’Ethan Winters, à plonger dans la «conscience» d’un Megamycète afin d’y trouver un moyen de se débarrasser de ses pouvoirs. Se faisant, elle va rencontrer des visages familiers, et un paquet de créatures inhospitalières, qui constitueront autant de problèmes à affronter ou à contourner. Bien que la première cinématique nous fasse espérer une histoire un peu plus profonde, voire psychologique (avec tous les guillemets du monde), la désillusion intervient très rapidement, ne serait-ce qu’à cause d’un scénario très cliché dès lors qu’il doit aborder les relations entre Ethan et sa fille.
Plutôt que d’écrire une conclusion satisfaisante à l’histoire d’Ethan, Capcom semble avoir opté pour la solution de facilité en piochant dans les bases de la série afin de proposer une progression aussi classique que moyennement stimulante, l’architecture étant peu ou prou la même que celle du jeu original, de façon condensée certes mais nous faisant passer par le château de Lady Dimitrescu, la maison de poupée ou bien encore le village. Si l’effet de surprise n’est donc plus là, nos objectifs accentuent ce ressenti puisque synonymes de quelques énigmes typiques de la saga nous demandant au préalable de récupérer masques et autres clés pour y accéder. Afin de saupoudrer le tout d’une once d’originalité, Rose pourra toutefois user de ses pouvoirs qui, de façon graduelle, lui permettront de détruire des sortes de nœuds organiques afin de débloquer le passage ou obtenir différents items. Sur ce point, il est dommage que l’évolution des capacités de l’adolescente (lui permettant de bloquer des ennemis puis d’attaquer dans le dernier acte) n’ait pas été davantage au centre de l’expérience afin de proposer un gameplay diffèrent qui nous aurait évité de rechercher et/ou crafter des munitions ou des fleurs de sauge (pour remplir notre jauge de pouvoirs) tout au long des 4 heures nécessaires pour boucler la première run.
En somme, les développeurs ont préféré rester dans leur zone de confort sans jamais vraiment en sortir, exception faite lors du passage de la maison de poupées, encore plus ingénieux, macabre et réussi que dans le jeu de base, en se permettant même l’une des meilleures idées jamais vues dans un survival-horror afin de susciter l’effroi. Frustrant donc que l’ensemble du DLC ne soit pas au niveau de cette excellente séquence et que le tout reparte après coup sur un tracé plat en privilégiant l’action contre des hordes de créatures et l’obligatoire affrontement contre le boogey-man de service, mixe entre le «chainsaw man» de Resident Evil 4 et l’Urias de Resident Evil Village. Tout n’est donc pas à jeter dans Shadows of Rose mais on était en droit d’en attendre un peu plus de cette extension proposant par ailleurs une vue à la troisième personne et deux nouvelles maps pour le mode Mercenaires.
Aussi dispensable soit-il, ce contenu pourrait être une sorte d’esquisse pour les futurs épisodes canoniques qui mixeraient encore plus action et fantastique en offrant à notre personnage des capacités surhumaines. Un mélange intéressant mais aussi dangereux tant Resident Evil a toujours fait le jeu des personnages humains (toute proportion gardée) confrontés à des abominations de plus en plus démesurées afin de générer un sentiment de panique. Il faudra donc attendre le prochain volet pour savoir si Rose viendra officiellement grossir les rangs de l’équipe de Chris Redfield ou si ce coup d’essai n’était destiné qu’à alimenter (et légitimer) l’Edition Gold de Resident Evil Village.
Conclusion
DLC anecdotique, Shadows of Rose déçoit autant dans les lieux traversés, provenant quasiment tous du jeu de base, que dans son évolution timide de gameplay ou même son scénario des plus faméliques. Dommage d’autant qu’au détour d’une séquence fabuleuse, le jeu exploite pleinement le concept de l’horreur anxiogène en enchaînant des idées toutes plus brillantes les unes que les autres. Malheureusement, ce court instant ne fait que mettre en exergue le reste du contenu prompte à recycler les mêmes schémas encore et encore et ce jusqu’à sa dernière ligne droite aussi généreuse en action qu’avare en effroi à l’image du contenu Not A Hero de Resident Evil VII.
Alors que le retour de The Twilight Zone orchestré par Jordan Peele s’était montré plutôt décevant et pendant que les deux saisons d’American Horror Stories sombraient dans des abysses de médiocrité, Guillermo del Toro annonçait de son côté sa propre anthologie horrifique à destination de Netflix. Une aubaine pour les amateurs de frissons quand on connaît la passion de l’homme pour le genre et toutes les créatures qui s’y tapissent. Si on retrouve dans cette Saison 01 plusieurs des univers de prédilection du maître (à commencer par Lovecraft), que valent les huit épisodes de ce Cabinet des Curiosités ?
Retrouver Guillermo del Toro à travers une anthologie n’est pas vraiment surprenant quand on connait son intérêt pour le genre et les avantages qu’offre ce format permettant de raconter des histoires distinctes en profitant d’univers différents. Bien que cette première saison respire la passion du maître pour Lovecraft (deux épisodes adaptent directement une nouvelle et plusieurs autres s’en inspirent grandement dans leurs ambiances et/ou thématiques), del Toro s’est entouré de réalisateurs(trices) de renom afin de légitimer son projet. Le résultat, si il n’est pas exempt de défauts, n’en reste pas moins très intéressant à suivre. Le revers de la médaille est que cette pluralité de cinéastes engendre forcément des disparités entre les épisodes qui sont loin d’être au même niveau. Ainsi, les trois premiers épisodes s’avèrent être les plus faibles. Lot 36 semble plutôt passer à côté de son sujet en expédiant sa fin tout en occultant certaines idées de son scénario alors que Rats du Cimetière se perd un peu entre ses influences en ne sachant jamais vraiment sur quel pied danser.
Si L’Autopsie manque également de bases suffisamment solides et peine à convaincre malgré une chouette référence et un final on ne peut plus gore, c’est surtout La Prison des Apparences qui subjugue grâce à sa réalisation et son actrice principale parvenant à sublimer un thème somme toute classique (la recherche de la beauté à tout prix afin de briller en société) pour en faire quelque chose de dérangeant et de marquant. Suivent les deux histoires les plus lovecraftiennes du lot qui représentent aussi parfaitement les qualités et défauts de cette S01. Alors que Le Modèle soigne aussi bien son esthétique que son acting ou bien encore son histoire en proposant une fin des plus glaçantes, le suivant (Cauchemars de Passage) se montre peu inventif dans sa construction et nous laisse sur notre faim malgré une belle créature et la présence de Rupert « Ron Weasley» Grint. Toutefois, l’anthologie se reprend en main dans sa dernière ligne droite avec deux excellents épisodes, l’un se reposant quasi entièrement sur la prestation de ses acteurs (L‘Exposition) alors que le deuxième (Murmuration) parvient à conjuguer habilement histoire de fantômes et histoire d’amour. Le résultat navigue constamment entre frissons et émotion et offre à cette saison 01 une bien belle conclusion. Vivement la suite !
Episode 01 : Le Lot 36
Durée : 45 minutes
Nick, un vétéran de guerre, rachète le contenu d’un container (le fameux Lot 36) afin de trouver la perle rare pour la revendre au plus offrant. Comme vous vous en doutez, ce qu’il va dénicher va aller au-delà de ses espérances, et cauchemars les plus fous. Le premier épisode de l’anthologie n’arrive pas à pleinement convaincre, la faute à diverses idées intéressantes (la danse du précédent occupant avant de rentrer dans son box ne résultant sur rien de concret et demeurant inexpliquée) jamais exploitées, certains personnages laissés à l’abandon (Emilia) ou une fin bien trop expédiée pour véritablement marquer. La créature elle-même (pourtant imaginée par del Toro) s’avère plutôt classique pour un monstre « lovecraftien » et ne parvient pas à rehausser le niveau de ce premier segment réalisé par Guillermo Navarro (la série Hannibal, Narcos).
Episode 02 : Rats de Cimetière
Durée : 37 minutes
Masson, gardien de cimetière, prend son travail très à cœur, au point de déterrer les cadavres les plus richement « décorés » afin de leur voler leurs objets de valeur. Il va très vite découvrir que des rats (dont il a une sainte horreur) procèdent de même en emportant les cadavres dans les profondeurs souterraines. Ne sachant jamais vraiment sur quel pied danser (horrifique, comique, histoire Lovecraftienne, monster movie), Rats de Cimetière a bien du mal à condenser son propos en l’espace de 40 minutes. Si certains passages sont réussis (le cauchemar de Masson), le dernier acte saute trop rapidement d’une ambiance à l’autre pour offrir à cet épisode une vraie personnalité, engoncée entre des références qu’elle digère moyennement, et auxquelles elle n’arrive jamais vraiment à la hauteur, ou un aspect anxiogène, accentué par la phobie de Masson mais atténuée par l’approche grand-guignolesque de la créature.
Episode 03 : L’autopsie
Durée : 57 minutes
Une nouvelle occasion loupée pour cet épisode se situant pourtant à la croisée (très intéressante) des chemin de films comme Hidden et l’Autopsie de Jane Doe. A l’image du précédent épisode, celui-ci semble constamment se chercher en optant pour une sorte d’entre-eux entre enquête, « thriller » et invasion extraterrestre. Malheureusement, le scénario peine à approfondir son histoire en ne mettant jamais vraiment en avant de véritables thématiques ou même la maladie du docteur Carl Winters incarné par F. Murray Abraham (Le Nom de la Rose, Last Action Hero, Mimic) pourtant à l’aise dans le rôle de ce légiste attendant que la mort l’emporte. La fin s’enferme alors d’elle-même dans une sorte de salmigondis gore, parfaitement orchestré mais déversant sa substance narrative en même temps que les intestins de ses personnages.
Episode 04 : La Prison des Apparences
Durée : 63 minutes
Sans doute l’un des épisodes les plus forts et marquants devant autant à sa réalisation jouant le jeu de focales déformées pour accentuer ce sentiment de malaise et surtout son actrice principale, sorte de canard boiteux désirant se transformer en cygne pour briller au sein de son groupe de collègues aussi superficielles qu’addict à une crème censée les rendre plus belles. A mesure que les minutes passent, la réalité de Stacey s’effondre et rien ne semble plus avoir d’importance si ce n’est ce produit miracle censé la rendre plus belle et par la même occasion plus populaire. Pouvant être vu comme un brulot envers le diktat de la « beauté à tout prix », voire du télé-achat, cet épisode évolue en même temps que son héroïne en transformant l’espoir d’un remède miracle en folie bien réelle de laquelle ne peut résulter rien de bon.
Episode 05 : Le Modèle
Durée : 62 minutes
Embrassant entièrement son thème lovecraftien, Le Modèle doit autant à sa période gothique, synonyme de décors et costumes réussis, qu’à son duo d’acteurs vedettes à commencer par l’excentrique et toujours excellent Crispin Glover (même dans un nanar comme Charlie et ses drôles de dames). S’axant autour de peintures macabres provoquant la folie chez ceux les ayant admiré, l’épisode parvient à maintenir une sorte de malaise constant tant dans la relation qu’entretient l’étudiant William Thurber (le très convaincant Ben Barnes) et l’artiste Richard Pickman (Glover) surtout lorsque le second va refaire irruption dans la vie du premier et mettre en péril la famille qu’il a fondé des années après avoir coupé les ponts avec son «mentor». Esthétique et prenant, Le Modèle doit autant à ses acteurs, son production design qu’à sa fin, glaçante à souhait.
Episode 06 : Cauchemars de passage
Durée : 61 minutes
Si il est toujours agréable de retrouver Rupert Grint (excellent dans la série Servant), Cauchemars de passage s’avère malheureusement beaucoup trop classique pour surprendre. Si il réalise un sans faute d’un point de vue visuel (aussi bien dans ses décors, costumes ou sa créature principale), cette adaptation de La Maison de la Sorcière de H.P. Lovecraft se montre quelque peu redondante dans ses effets horrifiques ou même la façon de raconter la relation entre Walter Gilman (Grint) et Epperley, sa défunte sœur jumelle qu’il va tenter de ramener du monde des morts. En résulte un épisode semblant évoluer en pilotage automatique et dont ne résulte pas l’émotion, ou même l’effroi, qu’on aurait pu en attendre.
Episode 07 : L’Exposition
Durée : 56 minutes
Un épisode à deux vitesses qui se repose durant son premier acte sur l’ensemble de ses comédiens, à commencer par Peter Weller jouant le rôle de Lionel, l’un de plus riches hommes de la planète qui invite quatre experts dans leurs domaines respectifs afin de l’aider à percer un mystère qui le taraude depuis des années. Jouant avec la curiosité (des spectateurs et des personnages) désirant ardemment savoir pourquoi les invités ont été conviés, L’Exposition fait monter la pression à travers sa réalisation très posée à laquelle la musique et le grain de l’image ajoutent une touche étrange héritée des eighties. La seconde partie de l’épisode nous confronte au pourquoi du comment (que je vous laisse découvrir par vous même) et ce à travers de réjouissants débordements gores ou une fin des plus nihilistes. Délectable.
Episode 08 : Murmuration
Durée : 63 minutes
Cette première saison de l’anthologie de del Toro se termine de la plus belle des façons via un épisode réalisé par la talentueuse Jennifer Kent (Mister Babadook, The Nightingale). Il met en scène deux ornithologues, Nancy et Edgar Bradley, parfaitement interprétés par Essie Davis (Mister Babadook) et Andrew Lincoln (The Walking Dead, Love Actually), qui s’isolent sur une île afin d’étudier les dindons de Virginie. La force de l’épisode réside dans la faculté de Kent à mélanger l’histoire personnelle de ses personnages, dont l’amour a dû faire face à une terrible perte, et celle des anciens habitants de la maison dans laquelle ils résident. A l’image de ce qu’elle avait déjà fait dans Mister Babadook, la réalisatrice australienne réussit aussi bien sur le tableau de l’émotion, grâce à ses deux acteurs, que sur celui de l’horreur à travers des cadrages maîtrisés et une utilisation parfaite des zones d’ombre pour susciter l’effroi.
Conclusion
Bien que certains segments déçoivent à cause d’un manque d’homogénéité ou d’un scénario trop faible, cette première saison du Cabinet des Curiosités s’en sort avec les honneurs et se montre surtout bien au dessus des deux saisons de la catastrophique anthologie American Horror Stories. Si on notera quelques épisodes maladroits, on pourra tout de même louer les efforts concernant la réalisation, les décors et les effets de maquillage. On retiendra surtout quatre fabuleux épisodes qui nous font espérer une Saison 02 aussi riche et variée avec, pourquoi pas, le maître de cérémonie lui-même derrière la caméra.
Après une première saison qui n’avait nullement réussi à faire aussi bien que sa proche parente, American Horror Story, American Horror Stories se devait de redresser la barre pour cette deuxième saison. Reprenant le concept d’anthologie, cette deuxième salve d’épisodes s’avère malheureusement aussi peu inspirée qu’exempte de la moindre frayeur. Un comble pour une série placée sous le signe de l’horreur.
Alors que la première saison d’American Horror Stories n’avait pas réussi à suffisamment s’émanciper de sa grande sœur, American Horror Story, afin de proposer quelque chose d’attrayant, la Saison 02 évite cet écueil en proposant 8 nouvelles histoires décorrélées de la série originale (à une exception près). Toutefois, si il y avait donc matière à voler de ses propres ailes en arpentant les différentes voies qu’offre le genre horrifique, cette saison ne décolle jamais vraiment quel que soit le sujet, le lieu ou la mise en scène. En effet, si le tout aborde aussi bien la technologie (Aura), les légendes urbaines (Drive & Bloody Mary) ou le refus de vieillir (Le Lifting), la plupart des histoires bifurquent la plupart du temps vers un Fantastique aussi classique qu’éculé, aussi barbant que peu effrayant.
Tout dans cette saison offre une impression de déjà-vu. Rien ne surprend, rien ne donne matière à réflexion. Le plus ironique vient sans doute du fait que le meilleur épisode (La Nécro) est celui qui ne comporte pas une once de Fantastique et qui s’intéresse le plus à ses personnages même si ici, le tout aurait mérité un meilleur traitement à travers deux épisodes pour approfondir la psychologie de Sam. Il est donc frustrant de constater à quel point cette saison se complaît dans des histoires sans nuances ne se rattrapant même pas par leurs ambiances ou, a minima, quelques effets gores ou autres jump scares. Ceci est particulièrement visible dans le dernier épisode, Le Lac, très inspiré de Creepshow, mais préférant nous conter une histoire lisse et mal jouée plutôt que de verser dans un bis rigolo à la manière du segment Le Radeau de Creepshow 2. Une nouvelle déception donc pour une série qui aura bien du mal à sortir de l’ombre de sa grande soeur qui débarque ce mois-ci avec sa onzième saison.
Episode 01 : Dollhouse
Durée : 42 minutes
Alors qu’on aurait pu imaginer une sorte de mixe entre La Maison de Cire et Puppet Master, le premier épisode de la S02 d’American Horror Stories se montre peu dérangeant et inventif. La jeune Coby Dellum, prisonnière du très select (et dérangé) Mr. Van Wirt qui s’est construit une maison de poupées à échelle humaine, va devoir passer plusieurs épreuves en compagnie de ses infortunées camarades (elles-mêmes kidnappées) afin de prouver à leur geôlier qui est la meilleure candidate pour s’occuper du jeune Otis. Trop long pour ce qu’il a à raconter, l’épisode s’avère peu intéressant en ne sortant jamais des sentiers battus afin de surprendre le spectateur. Le résultat est assez laborieux à l’image de sa conclusion une fois encore plus occupée à intégrer le récit dans la mythologie AHS qu’à proposer un véritable twist.
Episode 02 : Aura
Durée : 43 minutes
Venant d’emménager dans leur nouveau quartier, les Taylor achètent un système de sécurité du nom d’Aura. Peu de temps après, Jasylyn va recevoir la visite d’un étrange personnage venant toquer à sa porte la nuit venue. Egalement trop long pour son sujet, l’épisode tourne en boucle en se reposant sur les mêmes gimmicks horrifiques tout en essayant d’entretenir un certain suspens grâce à son «boogeyman». Malheureusement, cette histoire de fantômes est tellement classique que le scénario fait du surplace pendant plus de 40 minutes, là où il aurait été judicieux de diviser la durée par deux pour davantage d’efficacité. La conclusion s’avère elle-même brouillonne, expédiée et un tantinet ridicule. Next !
Episode 03 : Drive
Durée : 39 minutes
A mi-chemin entre Urban Legend et Duel, Drive nous conte les mésaventures de Marci qui vit une union libre avec son époux Chaz. Un soir, alors qu’elle vient de s’envoyer en l’air à la sortie d’un night club, elle est poursuivie par une voiture lui faisant des appels de phare. Après l’avoir semé, elle rentre chez elle et sent une sorte de présence dans sa demeure en pleine nuit. Afin de ne pas vous gâcher de la surprise, je n’en dirais pas plus si ce n’est que l’épisode s’avère être le meilleur de ce début de saison. Optant pour une approche intéressante entre tension et suspens, Drive bifurque à un moment pour mieux surprendre le spectateur. Si il y avait sans doute matière à un peu plus creuser la personnalité des protagonistes, l’ensemble fonctionne plutôt bien jusqu’à sa révélation finale.
Episode 04 : Les Laitières
Durée : 48 minutes
Direction l’année 1765 pour cet épisode s’intéressant davantage aux dérives religieuses et la place des femmes à cette époque qu’à l’horreur pure qui n’existe ici que par le biais des réactions de ses personnages confrontés à la variole sévissant dans le village où se déroule l’action. Confrontant la science à la religion, l’épisode se perd malheureusement dans ce qu’il souhaite raconter, en se focalisant sur les relations entre le révérend Walters et le dénommé Thomas puis entre Celeste et Deliah dont l’histoire d’amour n’est jamais vraiment correctement traitée. Bien que les éléments s’assemblent afin que tout ce beau monde s’oppose dans la façon de traiter la maladie, ce segment peine à creuser sa thématique centrale (le mensonge sous couvert de message divin légitimant tout acte, aussi horrible soit-il) et si certains plans renvoient au pur cinéma d’horreur gothique (à l’image de la profanation du cimetière par l’ensemble des villageois), le message, aussi intéressant soit-il, finit par se diluer d’autant qu’on note plusieurs longueurs peu aidées par des dialogues redondants.
Episode 05 : Bloody Mary
Durée : 46 minutes
A l’image de Drive, Boody Mary prend comme point d’ancrage une légende urbaine voulant qu’en récitant trois fois devant un miroir le nom de Bloody Mary, on la fait apparaître. Bien entendu, c’est ce que vont réaliser quatre copines. Se faisant, la bien nommé Mary apparaît aux adolescentes et leur demande à chacune d’effectuer une mauvaise action afin d’obtenir ce qu’elles désirent le plus. S’en suit alors une suite d’apparitions (jamais effrayantes) de Bloody Mary et de vagues réflexions morales sur la notion de bien et de mal, quitte à punir (ou non) une cheerleader agressive, dénoncer une personne cocufiant une amie, etc. Vous l’aurez sans doute compris, l’épisode se déroulant dans un milieu estudiantin, on est loin de l’ambiance salle et poisseuse d’un Candyman (qui reprend un type similaire de légende urbaine) et sorti d’un twist acceptable, même si il aurait gagné à être bien plus pervers, ce nouvel épisode d’American Horror Stories roule sur des rails bien huilés sans jamais chercher à changer d’aiguillage pour surprendre son audience.
Episode 06 : Le Lifting
Durée : 39 minutes
Alors qu’il avait déjà largement abordé le thème de la chirurgie esthétique à travers sa série Nip/Tuck, Ryan Murphy y plonge à nouveau à travers un scénario de Manny Coto, omniprésent dans cette saison. Virginia Mallow , une riche veuve qui refuse de vieillir, va voir le docteur Perle qui lui propose, moyennant finances, une méthode révolutionnaire pour retrouver sa peau d’antan. L’épisode aborde ici une thématique somme toute classique synonyme d’éternelle jeunesse (Le Portrait de Dorian Gray y faisait déjà référence en 1891) qui s’avère également être un sujet d’actualité, surtout aux Etats-Unis où la chirurgie est quasiment une religion. Malheureusement, là où il y avait sans doute moyen de rebondir sur les dérives du bistouri, l’épisode opte pour la facilité en se reposant principalement sur le moment où les bandages de Virgina seront enlevés, nous révélant ainsi le résultat de son opération. D’ailleurs, si le twist oscille entre Get Out et l’épisode Eye of the Beholder de The Twilight Zone, celui-ci ne conserve ni la critique sociale du premier ni l’ironie du second. A la place, Coto préfère une conclusion sans âme, facile et dénotant d’un message quelque peu naïf.
Episode 07 : La Nécro
Durée : 44 minutes
Paradoxalement, alors que La Nécro est l’un des seuls épisodes de cette saison à ne pas intégrer de fantastique, c’est celui qui fonctionne le mieux en s’intéressant au cas de Sam, jeune femme travaillant dans une morgue et entretenant un rapport à la mort assez singulier après avoir vécu le meurtre de sa mère alors qu’elle était plus jeune. Tiraillée entre sa vie amoureuse qu’elle juge morne et fade et son travail dans lequel elle s’épanouit, elle va néanmoins se retrouver face à une nouvelle tragédie résultant d’un choix malencontreux. Sans jamais atteindre (ni même rechercher) le côté anxiogène d’un film comme L’Autopsie de Jane Doe, l’épisode se revendiquerait davantage d’une série comme Six Feet Under dans l’approche de son thème qui aurait mérité un épisode un peu plus long pour éviter un certain empressement pour arriver à son twist. Néanmoins, La Nécro reste un épisode intéressant qui se hisse sans peine au dessus de la mêlée.
Episode 08 : Le Lac
Durée : 40 minutes
Alors Jake et sa sœur Finn plongent dans un lac censé abriter une ville immergée, Jake se noie, emporté par une curieuse apparition. S’en suit alors de mystérieux événements qui vont forcer Finn et sa mère Erin à enquêter sur la construction d’un barrage et les zones d’ombre entourant ce dernier. Cette deuxième saison de l’anthologie se termine par une histoire de fantômes fortement inspirée par les pages de Creepshow. Malheureusement, le tout est encore une fois d’un classicisme éhonté. La révélation finale tombe à plat et le twist est si prévisible qu’on se demande pourquoi il a fallu plus de 40 minutes pour en arriver là. Aucun frisson, des actrices assurant le strict minimum, à commencer par Alicia Silverstone (Souviens-toi l’Eté Dernier), un scénario paresseux, triste constat pour une conclusion de saison.
Conclusion
La principale erreur de cette deuxième saison d’American Horror Stories vient sans doute du fait d’avoir laissé la plupart des scénarios à un Manny Coto peu inspiré voire paresseux. Trop sage, trop classique, jamais surprenante ni effrayante, cette saison s’avère encore plus dispensable que la précédente et nous fait dire que Ryan Murphy et Brad Falchuck feraient bien de s’investir un peu plus dans la potentielle Saison 03 si ils ne veulent pas que leur création ne perde définitivement pied.
Deuxième opus de The Dark Pictures Anthology, Little Hope s’aventure cette fois dans le domaine de la sorcellerie en mettant en avant Will Poulter (Detroit, Midsommar), son nouvel acteur vedette. Sans grandes surprises, et ce malgré quelques ajustements de gameplay, on retrouve les mêmes qualités et défauts que le précédent volet, Man of Medan.
S’ouvrant sur une introduction semblant savourer le confort d’un modeste foyer américain, Little Hope nous dépeint une famille composée de membres aussi étranges que tordus voués à passer de vie à trépas en une fraction de seconde. Brûlés, empalés, défenestrés, il ne faut pas longtemps à ce second épisode pour enchaîner les morts brutales en nous laissant à nouveau l’impression que la plupart des nos choix sont illusoires et ne servent finalement qu’à amener des scènes plus violentes les unes que les autres. Quoi qu’il en soit, passée cette ouverture, le jeu bifurque vers une ambiance plus intangible en nous propulsant, à la manière de Silent Hill : Downpour, sur une route de campagne où l’on retrouve un bus scolaire. La route étant bloquée par un convoi de police, le chauffeur doit alors faire un détour, ce qui, vous l’imaginez bien, va les conduire, lui et ses passagers, droit en Enfer. Evitant de justesse une fillette au milieu de la route, le bus fait une embardée avant de terminer sa course sur le flanc. Fort heureusement, les cinq protagonistes principaux s’en sortent indemnes et décident alors d’explorer les lieux pour retrouver la civilisation.
A l’instar de Man of Medan, Little Hope s’appuie sur un groupe disparate composé de personnages à la personnalité marquée. Cette fois, il y est question d’Andrew (Will Poulter), Angela, (Ellen David), Taylor (Caitlyn Sponheimer) et Daniel (Kyle Bailey), quatre étudiants accompagnés de John (Alex Ivanovici), leur professeur. Bien entendu, tout ce petit monde va devoir se serrer les coudes pour espérer sortir vivants de la sordide Little Hope. Le tableau étant dépeint, l’intrigue peut débuter avant de rapidement décevoir toutes nos attentes. Sans surprises, et malgré les illustres références citées par les auteurs (The Witch, Projet Blair Witch, Hellraiser, It Follows, The Omen), Little Hope semble, tout comme son prédécesseur, totalement prisonnier de son format court (environ 4h pour terminer une run) et de ses multiples fins impactant la cohérence du récit, la personnalité des personnages ou plus globalement la qualité de l’histoire.
Ainsi, autant dans leurs réactions face au danger que lors de séquences plus banales, nombre d’entre elles sont peu crédibles et desservent l’immersion et l’empathie pour les personnages. Difficile toutefois de dire si cela vient de l’écriture ou du jeu des acteurs (sûrement un peu des deux) devant également supporter un important effet «uncanny valley» qui donne aux personnages des expressions involontairement drôles lorsqu’ils affichent des sentiments comme la colère ou le dédain. Même en faisant abstraction de ce constat, le scénario s’avère brouillon d’autant que deux temporalités (présent et passé) se confrontent. L’idée d’opposer les protagonistes à leurs doubles lors d’une chasse aux sorcières (influence, entre autres, de la pièce de théâtre The Crucible) aurait pu s’avérer bonne si Supermassive Games n’avait pas commis plusieurs erreurs.
La première d’entre-elle vient du surplus de jump scares (une constante chez le studio depuis Until Dawn) servant la plupart du temps à faire la passerelle entre les deux époques. Si le premier d’entre-eux peut surprendre, le tour de passe-passe perd de sa force à mesure qu’on avance au point de devenir un gimmick facile et irritant. La seconde erreur est de ne pas avoir véritablement réussi à imbriquer cette chasse aux sorcières au sein de l’histoire globale, même en connaissant le twist final. Problématique d’autant que la thématique est centrale et qu’elle nourrit le récit du début à la fin au point que les courses-poursuites (mollassonnes et sans intérêt malgré un système de QTE légèrement remanié) avec les croquemitaines de cet opus deviennent secondaires en ne servant qu’à dynamiser un chouilla une exploration de Little Hope subissant de plein fouet une mise en situation maladroite nous donnant l’impression de tourner en rond à cause d’un nombre restreint d’environnements. On reprochera également à ce volet de proposer des séquences parfois trop longues dont la réussite (ou non) des QTE n’impacte pas nécessairement la conclusion. Idiot tout comme le fait de nous laisser à certains moments le choix entre deux voies pour mieux nous faire comprendre qu’on va de toute façon devoir vivre (subir) l’option A puis l’option B. Une manière artificielle et maladroite pour rallonger la durée de vie.
S’embourbant à nouveau dans un niveau technique inégal, avec, certes, moins de freeze que dans Man of Medan mais comprenant toujours des hauts (certains décors, gestion des lumières) et des bas (des NPC d’arrière-plan sans visage et même pas animés lors des flash-back, de multiples soucis techniques comme des données corrompues, des cinématiques ne se lançant pas, des textures apparaissant tardivement…), Little Hope se montre à ce point cousu de fil blanc que le joueur attentif pourra dès le départ glaner de gros indices sur le pourquoi du comment. Reste au final la possibilité de jouer avec quatre ami.e.s et de récupérer l’ensemble des collectibles pour profiter de quelques making-of et bonus intéressants. Un deuxième essai à peine plus intéressant que le premier qui n’arrive jamais à la hauteur de ses influences et qui aura bien du mal à surprendre si ce n’est dans sa propension à ne jamais réussir à imposer son ambiance (pourtant primordiale) ici parasitée par l’envie viscérale de nous faire sursauter à tout prix.
Conclusion
Bien que s’inspirant de Silent Hill et des classiques de la folk horror, Little Hope ne semble avoir rien retenu des erreurs de Man of Medan ni même avoir compris ses modèles. Cherchant à tout prix à caser les mêmes jump scares à intervalle régulier, au détriment de l’ambiance terrifiante et malsaine qui aurait dû résulter d’une telle histoire, le deuxième volet de Dark Pictures Anthology se montre aussi peu concluant que le précédent en ne parvenant jamais à trouver le juste milieu entre toutes ses influences, son envie de faire frémir et celle de raconter une bonne histoire.
35 années après sa sortie, le premier Predator n’a toujours pas été égalé en terme d’intensité et de real. Si les suites ont eu le mérite d’essayer diverses choses (guérilla urbaine, face à face sur une planète lointaine), ces films se sont avérés, au mieux distrayants, au pire totalement inutiles. De fait, malgré la proposition initiale plutôt originale se déroulant en 1719 au sein d’une tribu de Comanches, Prey ne suscitait pas particulièrement de grandes attentes. La surprise n’en est donc que plus délectable.
Une rencontre entre l’alien et un groupe de combattants dont les ¾ des membres vont passer l’arme à gauche avant la victoire finale… Chaque nouveau Predator semble vouer à raconter la même chose, encore et encore. Prey ne change pas fondamentalement les règles car si on évolue dans une époque plus lointaine, Naru, la jeune Comanche au centre de l’histoire, va affronter le Predator avec l’aide de son frère. De fait, la trame centrale du film de Dan «10 Cloverfield Lane» Trachtenberg reste classique mais solide d’autant qu’elle met au même niveau l’extraterrestre et la jeune guerrière qui, chacun de leurs côtés, vont devoir faire leurs preuves pour prouver à leur tribu respective qu’ils sont dignes d’être considérés comme de véritables chasseurs. Si il ne révolutionne pas la donne, ce postulat de départ offre pourtant à Prey un équilibre que nous n’avions pas connu depuis le film de McTiernan.
Ainsi, en troquant les grosses pétoires pour des arcs et des armes plus rudimentaires, Prey s’éloigne du film original, tout en échangeant la testostérone qui inondait littéralement le film de McT contre un aspect «girl power» lui apportant un vrai plus sans toutefois tomber dans des clichés féministes. Naru va ainsi devoir se battre (au sens propre comme au sens figuré) contre des traditions en s’affirmant comme une véritable guerrière et ainsi se montrer à la hauteur de son frère Taabe, chasseur émérite qui peu à peu va épauler sa soeur dans la voie qu’elle a choisi. C’est d’ailleurs la jeune femme qui va se rendre compte qu’une puissante créature venue d’ailleurs foule les terres des Comanches et qu’elle risque d’être autrement plus dangereuse que n’importe quel animal sauvage.
Va alors s’en suivre une traque aussi bien du côté de Naru, aidé de son chien Sarii, que de celle du Predator qui petit à petit va faire connaissance avec la faune locale en s’attaquant à des proies de plus en plus grosses, d’un serpent à un loup en passant par un ours. Un bon moyen pour nous dévoiler graduellement les capacités de l’extraterrestre prompte à utiliser son invisibilité et quelques gadgets létaux. Sur ce point, on pourra toutefois trouver étrange que les armes de ce Predator soient à peine moins évoluées que celle du Predator original malgré les 268 ans séparant les deux intrigues. Un problème de perception qu’avait également connu Prometheus vis à vis de l’Alien original. Un détail cependant au vu du travail réalisé, de la photo à la réalisation en passant par le superbe creature design.
Jouant habilement avec certains clins d’oeil au premier volet, pour mieux surprendre le spectateur, Prey use également de son époque lorsqu’il confronte Naru à une bande de colons Français armés de mousquetons et donc adversaires privilégiés pour notre créature. Au delà de la réjouissante scène d’action qui s’en suit, gore et parfaitement maîtrisée par Trachtenberg, l’apparition des colons sert aussi à nous rappeler que le Predator recherche avant toute chose des opposants dignes d’intérêt pour mettre à l’épreuve ses talents de chasseur, à l’inverse du groupe de colonisateurs décimant un troupeau entier de bisons pour le simple plaisir de tuer. Cette façon de faire met donc encore plus en avant le parallèle entre le Predator et Naru irrémédiablement voués à s’affronter. Sur ce point, la jeune (25 ans) Amber Midthunder s’en sort avec les honneurs et s’avère parfaitement crédible dans son rôle de chasseuse, aussi athlétique qu’intelligente, aussi agile qu’intrépide. Une adversaire à la mesure du Predator, bien loin des bidasses de Schwarzenegger, et insufflant justement à Prey ce dont la série avait besoin : un vrai renouveau ne perdant pourtant jamais de vue ce qui fait la force de la saga. Une excellente surprise au final alors qu’on était en droit de frémir de tout notre être après que la licence fut tombée dans l’escarcelle de Disney.
Conclusion
En faisant du Predator et de Naru deux faces d’une même pièce, Dan Trachtenberg propose un film revenant aux fondamentaux de la saga à travers l’initiation des deux guerriers et le thème de la chasse. Parfaitement équilibré, usant au mieux de son environnement, et articulant son récit autour de l’affrontement de ses deux personnages et de leur traque respective, Prey réhabilite la création de John et Jim Thomas tout en offrant à Amber Midthunder un magnifique rôle de femme forte. Sans jamais renier son passé (à travers quelques clins d’oeil subtiles), cette suite s’impose d’elle même comme le meilleur volet de la saga, à quelques encablures du chef-d’oeuvre de John McTiernan.
Bien que sorti dans plusieurs éditions sur diverses machines, The Last of Us procure toujours cette même fascination malgré les années qui passent. Récit poignant et violent de deux personnes liées par le destin dans une Amérique post-apo ne laissant aucune chance aux plus faibles, le titre de Naughty Dog sacralise comme aucun autre jeu sa narration au service d’une aventure sans concession. Logique que toutes ces qualités se retrouvent dans ce remake portant les fruits de Part II dont il se rapproche d’un point de vue visuel. Une bonne occasion pour le (re)découvrir sur PS5 à travers la magnifique restauration effectuée par les équipes de développement.
Si vous aimez les jeux d’action/aventure, il y a de fortes chances que vous ayez déjà parcouru en long et en large le premier The Last Of Us, que ce soit sur PS3, PS4 ou PC. Dès lors, compte tenu du prix de 80 euros, y’a-t-il un intérêt à racheter cette version synonyme de restauration complète, de gameplay légèrement retouché, de bonus concernant la création de Part I et Part II mais aussi du magnifique DLC The Left Behind ?
Sur ce point, je vous laisserai seul juge d’autant qu’il me semble plus judicieux de faire abstraction du prix pour parler d’une œuvre aussi forte sachant qu’un prix de vente ne reflète pas nécessairement la qualité d’un jeu, qu’il soit bon ou mauvais. Le débat est bien entendu ouvert, il existe plusieurs façons de penser la chose, surtout dans le cadre d’une review, mais retenez qu’en lisant les lignes ci-dessous, vous aurez quelques éléments de réponse pour savoir si le titre vous paraît suffisamment intéressant pour repasser à la caisse. Une fois sorti de ces considérations pécuniaires, l’important est de savoir si aujourd’hui encore, le premier volet de la saga de Naughty Dog est toujours aussi indispensable pour, entre autres, celles et ceux qui voudraient se forger une culture vidéoludique.
ATTENTION toutefois, puisque pour les besoins de cet article, j’évoque l’ensemble des événements du jeu, fin comprise. De fait, si seule la restauration vous intéresse, veuillez vous reporter au paragraphe dédié.
Des personnages que tout oppose au service du drame à venir
Formant désormais un véritable dyptique jusque dans son nom avec The Part II, The Part I s’axe plus que jamais autour de ses deux personnages principaux, Joel et Ellie. Il est d’ailleurs bon de rappeler que ce n’est pas avec son gameplay mixant, sans grande originalité mais avec une vraie efficacité, infiltration et action, ni même son univers, renvoyant à celui du film Je Suis une Légende, que le jeu a acquis ses lettres de noblesse. Si le titre a autant marqué, c’est bel et bien grâce à son écriture, le développement de ses personnages, son couple d’acteurs vedette, Troy Baker et Ashley Johnson, ou bien encore les magnifiques compositions de Gustavao Santaolalla (21 Grammes, Le Secret de Brokeback Mountain) offrant au jeu une véritable identité musicale.
Chaque choix de Straley et Druckmann (également scénariste du jeu) est mûrement réfléchi. Chaque élément, chaque idée participent à la construction de l’histoire et au vécu des personnages qui va influer sur les décisions qu’ils seront amenés à prendre. Dès le départ, The Last of Us définit le personnage de Joel comme un homme prêt à tout pour protéger ceux qu’il aime. Avec son introduction menée tambour battant, les deux réalisateurs décrivent, dans un style proche d’un reportage de guerre, la fuite de Joel et de sa fille Sarah à travers une ville en proie aux flammes et à des attaques d’infectés. Passant d’une scène chaleureuse, afin de cimenter l’attachement du père pour sa fille, à une conclusion glaçante voyant la mort de Sarah, le jeu affiche rapidement ses ambitions : nous surprendre pour mieux nous retourner émotionnellement, en nous faisant comprendre à quel point tout peut arriver dans ce monde en friches, que personne n’est à l’abri.
En retrouvant le personnage 20 ans plus tard, alors que la pandémie a ravagé le monde entier, il est inutile de se perdre en explications superflues pour décrire l’état mental de Joel. Lorsqu’il accepte de conduire Ellie au groupe des Lucioles à l’autre bout des Etats-Unis, l’homme a perdu tout ce qui avait de l’importance pour lui et ne fait que survivre en acceptant des jobs à la morale douteuse. Ellie n’est rien pour lui et c’est via l’évolution de cette relation que The Last of Us va décrire le parcours mental de ses deux personnages. L’idée de Neil Druckman est ici de confronter ces deux êtres que tout oppose. Joel a connu la civilisation passée et ne voit plus rien de beau dans le monde actuel alors qu’Ellie le découvre et s’émerveille d’un rien. Elle demeure en cela très proche du joueur, ceci étant plus vrai pour cette Part I. Toute cette dualité, cette complémentarité, fait le charme de ce premier volet qui, à travers ce rapprochement, va progressivement amener Joel à redevenir l’homme qu’il était, même si cela doit impliquer des choix douloureux.
Assister et subir émotionnellement pour le bien de l’histoire
C’est d’ailleurs l’un des points intéressants de The Last of Us qui ne permet pas aux joueurs de prendre leurs propres décisions, à l’inverse d’autres titres proposant par là même de faire évoluer la morale du personnage. Le jeu de Naughty Dog est en quelque sorte l’antithèse des The Walking Dead de Telltale Games dont l’objectif était justement de nous laisser la possibilité de faire quantité de choix afin de changer, dans une certaine mesure, la fin des épisodes mais aussi et surtout de nous permettre d’être plus en accord avec les actions de Clémentine et donc de créer davantage d’empathie. Ici, le joueur n’a d’autre choix que d’accepter les réactions d’Ellie et de Joel. Lorsque ce dernier choisit de tuer des gens innocents dans l’hôpital pour sauver Ellie, on comprend son acte sans pour autant légitimer ses motivations égoïstes. Quand il ment à celle-ci car il sait que la jeune fille ne pourra accepter ce qu’il a fait, on éprouve un sentiment paradoxal de colère et de soulagement. The Last of Us est difficile à accepter dans ses prises de position mais nous fait comprendre que tout est une question de point de vue et que notre vécu nous définit et nous pousse à faire des choix qui peuvent nous sembler justes… Même lorsqu’il s’agit de sacrifier l’avenir de l’Humanité.
Ce n’est donc pas le joueur qui est maître du destin des personnages mais bel et bel et bien leurs créateurs. C’est en cela qu’on peut vraiment qualifier The Last of Us de blockbuster d’auteur. Tout en ne déviant nullement de sa narration initiale, le titre déploie en parallèle d’énormes moyens pour crédibiliser son univers. Sa production n’a rien à envier à celle des blockbusters cinématographiques auxquels il emprunte un compositeur, une direction d’acteurs et des montées d’adrénaline régulières synonyme de séquences d’action explosives ou de passages horrifiques chargés de tension. Prenant le meilleur du cinéma et du jeu vidéo, ce premier volet accentue qui plus est l’immersion et l’empathie à travers des idées intelligentes comme celle de nous faire incarner Sarah lors du prologue (et donc de multiplier l’impact émotionnel lors de sa mort) puis Ellie, en milieu de partie, soit les deux «filles» de Joel.
Une réalisation au diapason…
Usant au mieux de la narration environnementale pour affiner les sentiments des protagonistes, le jeu ne cesse de déployer des trésors d’ingéniosité pour dépeindre l’évolution de ses acteurs. Comme nous le disions quelques lignes plus haut, le choix de Troy Baker (comédien de doublage chevronné) et Ashley Johnson (ayant débuté en 1990 dans le Full Contact de JCVD) participe grandement à la réussite du titre. La performance physique et vocale des acteurs était essentielle pour provoquer l’émotion recherchée et sur ce point, c’est une totale réussite, aussi bien en VO qu’en VF grâce aux excellentes performances d’Adeline Chetail et Cyrille Monge.
On retrouvera d’ailleurs l’ensemble de ses qualités dans le DLC Left Behind, prélude à l’aventure originale se concentrant sur Ellie et Riley, meilleure amie et premier amour de la jeune fille. Reflet du jeu de base, Left Behind synthétise à merveille ses meilleurs aspects via une écriture soignée et quelques trouvailles des plus poétiques à l’image de la séquence du jeu d’arcade durant laquelle Riley décrit à une Ellie fermant les yeux et agrippée aux joysticks de la borne, une partie imaginaire.
… Sublimée par la restauration
Tous ces atouts sont ici magnifiés par la forme synonyme d’un incroyable travail de restauration de la part des équipes de Naughty Dog. A travers les jeux de lumière, les expressions faciales, des effets gore accentuant la brutalité des gunfights, les décors, on redécouvre le titre se rapprochant du niveau technique de The Part II. Dès lors, la forme se met comme jamais au service de l’écriture en créant encore plus de compassion pour les personnages qu’ils soient issus du jeu original ou de Left Behind, tout en magnifiant l’émotion inhérente à certains dialogues. Au delà de la gestion de la DualSense (gachettes adaptatives et retour haptique), de multiples options d’accessibilité, déjà présentes dans la Part II, et d’un (totalement anecdotique) mode Speedrun, on saluera également l’idée d’avoir intégré plusieurs making-of du jeu ainsi qu’une série de podcasts, déjà publiée sur Spotify, revenant sur la création des deux titres en compagnie des acteurs, scénaristes et réalisateurs. Un excellent moyen pour plonger au cœur de l’aspect créatif.
Quand le jeu vidéo fait son cinéma
Sans chercher à s’affranchir de son but premier, divertir, The Last of Us parvient à conjuguer l’action et le frisson à une vision d’auteur ne cédant jamais aux poncifs du genre. Bien que s’articulant autour d’une progression classique, le titre ne délaisse en aucun cas ses personnages à qui il offre une conclusion aussi poignante qu’ambiguë. S’inspirant à nouveau du cinéma, et plus particulièrement du film La Route de John Hillcoat, la fin sonne comme un véritable coup de massue lorsqu’Ellie demande à Joel ce qui s’est passé dans l’hôpital dont il l’a extirpé. Optant pour un simple dialogue en champ contre-champ, Druckmann et Straley misent à nouveau sur leur écriture et la prestation de leurs acteurs pour faire vivre la scène. Ellie écoute le récit de Joel et sans rien laisser paraître sur son visage, ne lui offre qu’un laconique «Ok» en guise de réponse. Plus puissante que n’importe quelle scène d’action, cette conclusion laisse ainsi aux joueurs le soin de l’apprécier comme ils l’entendent tout en remettant en avant les fondamentaux de The Last of Us : créer l’émotion et susciter la réflexion, choses dont très peu de blockbusters vidéoludiques peuvent se targuer.
En soi, The Last of Us s’apparente plus à un film, du point de vue narratif, et reflète les ambitions cinématographiques de Naughty Dog. Avec ce titre, le scénariste Neil Druckmann conçoit un jeu plus personnel à l’intérieur d’une structure de AAA. En choisissant un angle plein de noirceur, presque nihiliste, le jeu synthétise ce besoin d’aller plus loin, de prouver qu’il est possible de concilier grandes ambitions artistiques et écriture intimiste. Avec TLOU, les Californiens positionnent leur oeuvre au niveau de ses illustres modèles et cherchent en quelque sorte à anoblir le jeu vidéo qui n’a plus à rougir de la comparaison avec le septième art.
Conclusion
Encore plus fascinant que par le passé grâce à la restauration de Naughty Dog, The Last of Us Part I procure tout un flot de sentiments (peine, effroi, colère) nourrissant un récit toujours aussi poignant, surtout lorsqu’on sait vers quoi les événements vont inextricablement nous amener. Proposant de multiples bonus permettant de mieux cerner la création de ce jeu iconique, cette version s’avère indispensable dans ce qu’elle apporte de plus et ce qu’elle entretient à commencer par une histoire puissante dans un univers plus brutal que jamais.
Créée en 1996, Resident Evil aura connu nombre de titres de plus ou moins bonne qualité, en fonction des orientations et des projets divers. Malgré les déconvenues, elle a toujours conservé la même aura auprès des fans au point que chaque annonce d’un nouvel épisode suscite une attente démesurée. Ironiquement, alors qu’il aurait p(d)û en être de même sur grand et petit écran, ça n’a jamais été le cas avec ses adaptations qu’elles soient pavées (ou non) des meilleures intentions. Malheureusement, la série de Netflix s’inscrit elle aussi dans cette vague d’adaptations maudites aussi inutiles que décevantes.
En regardant dans le rétroviseur, il est étrange de constater que Resident Evil n’a jamais vraiment eu droit à une adaptation à la hauteur du matériau de base. Bien que la matière narrative de la série n’ait jamais été des plus riches, il y a pourtant de quoi faire ne serait-ce qu’en creusant le passé des émissaires d’Umbrella, en s’attardant sur les opus les plus intéressants (à commencer par Code Veronica) tout en offrant les clés de la maison à des réalisateurs chevronnés à l’image du talentueux Christophe Gans qui a réussi à proposer l’une des meilleures adaptations de jeux vidéo à l’heure actuelle : Silent Hill. Au lieu de ça, la saga a préféré jouer la carte de l’action hollywoodienne à travers plusieurs films en CGI. Si il est vrai que RE Degeneration, Damnation et Vendetta se laissent voir d’autant qu’ils s’avèrent fidèles à la série tout en poursuivant les aventures des protagonistes principaux, il est également vrai que l’horreur est relativement mise de côté au profit d’un rythme frénétique, de chorégraphies devant autant à John Woo qu’à John Wick et de scénarii quasi inexistants. Un parti pris que ne suivra pas la désastreuse série animée, RE : Infinite Darkness, véritable maelstrom de mauvaises idées, de choix douteux servis par une animation datée.
Si les films chapeautés par Paul W. S. Anderson ont de leur côté rapporté plusieurs centaines de millions de dollars aux box office, le fait de se focaliser entièrement sur Alice, personnage inédit, tout en optant, dès le troisième opus, Extinction, pour un côté «Mad Maxien», desservait ces adaptations, chiches, plutôt ringardes et se bornant à intégrer créatures et personnages de la saga pour respecter le cahier des charges et ainsi multiplier les clins d’oeil aux fans de plus en plus désemparés à mesure que les films se suivaient. La série de Netflix avait donc de quoi intriguer puisque se basant sur Albert Wesker, «officiellement» décédé à la fin de Resident Evil 5, tout en se déroulant dans un futur proche. Toutefois, le fait de s’attarder sur ses deux filles (jamais mentionnées dans les jeux) avait mis la puce à l’oreille sur la nature un peu hors propos de cette nouvelle adaptation qui entendait bien, à l’image des films d’Anderson, ne pas adapter la saga à la lettre à l’inverse du récent (et désastreux) Bienvenue à Raccoon City. Une note d’intention certes originale mais qui confine une fois de plus au mauvais goût absolu.
Les problèmes de Resident Evil sont multiples. Déjà, la série ne semble jamais vraiment savoir sur quel pied danser en se positionnant comme une alternative à l’histoire que nous connaissons. Alors qu’elle débute dans un monde post-apo en nous présentant Jade Wesker aux prises avec un gigantesque ver en CGI moyennement convaincant mais dans la grande tradition des expérimentations d’Umbrella, le show opère rapidement un retour an arrière pour nous raconter l’adolescence de Jade et de sa sœur Billie. Une astuce ayant fait ses preuves dans la série, grandement surcotée, Yellow Jackets et qui aurait pu ici porter ses fruits si les personnages avaient eu un tant soit peu de charisme. Le problème est que ces flashbacks, très teenagers dans l’âme, sont d’un ennui profond tant ils n’ont rien d’intéressant à raconter. Qui plus est, ils cassent le rythme de la série qui ne semble jamais embrasser l’aspect série B du matériau de base autrement qu’à travers quelques séquences, pourtant réussies, mettant en avant Likers, Araignées et autres Cerbères.
Le reste n’est qu’une longue litanie faite de personnages caricaturaux au possible à commencer par Evelyn Marcus, la dirigeante d’Umbrella. Si il y avait ici aussi des pistes intéressantes à mener de par la parenté avec James Marcus, la série de Netflix préfère capitaliser sur la personnalité de la jeune femme prompte à opter pour les pires décisions possibles et à prendre tout le monde de haut afin de nous rappeler à quel point elle est machiavélique. De son côté, Wesker (incarné par un Lance «Fringe» Reddick complètement paumé) ère de scène en scène tel un fantôme sans personnalité jusqu’au terrible épisode 7 où il arbore un cosplay de Blade aussi navrant que ridicule. L’estocade finale serait-on tenté de dire tant rien ne pousse véritablement à aller au bout des 8 épisodes du show, annulé après une saison par Netflix. Manquant de rythme, n’ayant aucune fulgurance (si ce n’est à travers ses moments les plus cringe à commencer par le passage musical avec Evelyn) et n’essayant jamais de faire peur ni même de mettre mal à l’aise, Resident Evil loupe complètement le coche. Triste constat qui tend à prouver qu’adapter la saga de Capcom semble encore aujourd’hui des plus compliqué.
Conclusion
Resident Evil est-il victime d’une malédiction dès lors qu’on entend l’adapter en films ou en série ? C’est ce qu’on serait tenté de se dire tant la série de Netflix est une ode au mauvais goût. Nantie de personnages fades, sans relief ou clichés, de moments gênants au possible et d’une intrigue totalement inintéressante, cette Saison 01 se montre à ce point maladroite dans sa narration ou l’intégration à la truelle de son fan service, qu’elle ferait passer les films de Paul W. S Anderson pour des adaptations des plus respectables. Une nouvelle preuve qu’il est plus que temps d’engager les bonnes personnes pour rendre hommage au monument vidéoludique de Capcom.
Poursuivant sa politique d’adaptations, Sony continue de proposer ses plus grands crus aux joueurs PC. Après l’exceptionnel God of War, c’est au tour de l’étourdissant Marvel’s Spider-Man de débarquer sur nos machines, quatre ans après son arrivée sur PS4. Nanti de quelques améliorations et profitant de l’ensemble des DLCs du jeu de base, le titre d’Insomniac Games (Ratchet & Clank) fait encore figure de mètre étalon en matière de jeux de supers-héros, juste derrière un certain Batman Arkham City. Une occasion à ne surtout pas manquer.
Si on se hasardait à faire un parallèle entre la franchise vidéoludique et cinématographique, on pourrait comparer ce nouveau Spider-Man aux deux premiers films de la trilogie de Sam Raimi sortis en 2002 puis 2004. En effet, les deux œuvres entretiennent de nombreux points communs à commencer par la vision des réalisateurs, ancrée dans les origines du héros à travers le traitement du personnage mais aussi celui de ses ennemis. De fait, si les deux longs-métrages de Raimi respiraient la passion pour l’âge d’or du Tisseur, le jeu d’Insomniac prend lui aussi le pari de miser sur les icônes qui ont alimenté les premières aventures de Spidey tout en actualisant le propos. En s’imprégnant de la formule Sony à travers une histoire forte, des personnages creusés et une mise en scène léchée, Marvel’s Spider-Man dépoussière le personnage sans pour autant singer ce qui se fait actuellement au cinéma. Et c’est là que le projet devient intéressant car au-delà du fait que le jeu fasse partie du canon officiel des comics, Insomniac propose sa propre vision du personnage. Sans renier les traits de caractère du personnage, ce Spider-Man parvient malgré tout à surprendre, à émouvoir tout en véhiculant un incroyable sentiment de puissance et de liberté. N’est-ce pas là ce qu’on attend d’un tel jeu ? Assurément.
S’inspirer, imiter, améliorer
Comme nous le disions un peu plus haut, Spider-Man s’appuie sur la charte de qualité Sony en respectant à la lettre ce qui a fait le succès d’Uncharted 4 : A Thief’s End, d’Horizon : Zero Dawn ou bien encore God of War. En résulte un jeu qui cherche à aller plus loin qu’un simple Open World truffé de missions secondaires destinées à rallonger artificiellement la durée de vie.
Attardons-nous cependant sur ce point ou plutôt cet écueil commun à beaucoup de jeux du même genre, qu’ils soient bons ou mauvais.
Dans ses grandes lignes, Spider-Man ne réinvente pas la roue et opte même pour une structure classique architecturée autour d’une histoire principale, de quêtes annexes et autres collectibles à récupérer. Néanmoins, le titre a pour lui de s’appuyer sur un gameplay parfaitement huilé et surtout un système de jeu savamment pensé afin de minimiser le côté redondant de l’ensemble tout en préservant intact le plaisir de jeu. Sur ce point, Spider-Man étonne, autant dans son ingéniosité que dans sa finition. De fait, à l’image d’un certain God of War, tout est lié dans Spider-Man et incite constamment à alterner entre les multiples quêtes annexes pour récupérer différents types de jetons indispensables pour obtenir de nouvelles capacités, des gadgets ainsi que des costumes. On ne se fera donc pas prier d’autant que le jeu propose un bon challenge en Normal, le mode Difficile réclamant pour sa part une maîtrise parfaite du gameplay.
En somme, en soumettant suffisamment d’activités tournant autour des combats, de l’infiltration et des déplacements dans la ville, Spider-Man trouve un équilibre très agréable en évitant le piège d’une trop grande répétition. D’autant plus vrai qu’au sein d’un même type de quêtes, les objectifs peuvent varier ainsi que la méthode pour les boucler. On retrouve également ce degré de finition dans les items à récupérer, ici des sacs à dos, puisque chaque baluchon sera synonyme d’un objet lié à la vie Peter Parker avec un petit commentaire audio de l’intéressé à la clé. Certes, il s’agit ici d’un élément récurrent des Open World mais il faut avouer que l’envie de découvrir tous ces objets est bel et bien réelle grâce à «ces petites carottes mythologiques». On appréciera aussi d’avoir quelques missions secondaires renvoyant à d’autres personnages gravitant autour de Spidey à l’image de ce qui avait été fait dans les Batman Arkham, l’une des références évidentes du jeu d’Insomniac. Spider-Man reprend donc le meilleur de plusieurs jeux en peaufinant quantité de petites choses afin de proposer le quartier de Manhattan dans laquelle on aime se balader de building en building tout en arpentant les rues au détour desquelles on pourra assister à un braquage, un vol de voiture, des tentatives d’intimidation, bref, autant de raisons de sauver la veuve et l’orphelin.
Quand Spider-Man fait son cinéma
Au-delà de son monde ouvert, vivant et incitant à la découverte, Spider-Man peut également compter sur sa mise en scène. Diablement dynamique et fortement inspirée par le cinéma hollywoodien, autant dans son obsession à embellir chacun des mouvements de Spidey que dans ses cadrages impossibles, la réalisation joue constamment avec les lieux de l’action et ses protagonistes pour offrir au spectateur une dimension cinématographique très immersive. On retrouve d’ailleurs cette volonté lors de certaines séquences en QTE ponctuant des passages de gameplay quand il s’agit d’accentuer diverses émotions. Sans être intrusives, ces phases s’imbriquent bien dans l’ensemble et portent à bout de bras cette volonté de proposer quelque chose d’impressionnant et de marquant pour le joueur.
En marge de l’action, Spider-Man n’oublie pas de développer ses personnages pour les rendre plus attachants. Pari réussi et si après God of War, on était curieux de voir ce que le jeu d’Insomniac allait donner à ce niveau, force est de constater qu’on est surpris par certains passages touchants et des dialogues étonnamment bien écrits, surtout entre Peter Parker et Otto Octavius. Mentionnons aussi les interventions radiophoniques de JJ Jameson, audibles lorsqu’on se balade dans NY, délectables dans leur mauvaise fois et souvent très drôles à cause du cynisme éhonté du personnage qui n’est plus à présenter. A ce sujet, attardons-nous quelques secondes sur le doublage français, en tout point excellent, mené de bout en bout par un Donald Reignoux en très grande forme et soutenu par une équipe de doubleurs parfaitement à l’aise dans leurs rôles respectifs. On trouvera toutefois étrange de ne pas pouvoir profiter du doublage original pour le moment, autrement qu’en passant la console en anglais.
Combattre, s’infiltrer
Artistiquement parlant, Spider-Man est donc une franche réussite. La bonne nouvelle est que son gameplay s’avère tout aussi bon et délectable. Les développeurs ont également saisi le besoin de concevoir un système imbriquant tous les éléments afin de minimiser le côté répétitif en incitant le joueur à varier les plaisirs. Et ça marche ! Le tout est pourtant d’une simplicité assez évidente. Ainsi, bien que Spider-Man s’appuie sur un système conventionnel de gain d’expérience avec montée de niveaux, ces passages vous rapporteront des points de compétence indispensables pour débloquer des skills parmi trois arbres, chacun associé à une façon de combattre et/ou de se mouvoir. Vous êtes davantage porté sur les attaques silencieuses et les projections ? Optez pour Innovateur ! Vous misez plutôt sur les combos et l’esquive ? Défenseur est fait pour vous. Vous ne manquez pas une occasion de bondir, de combattre dans les airs et d’effectuer des mouvements gracieux ? Que diriez-vous de l’arbre Tisseur ? A vous de voir même si en jouant normalement, vous devriez tout débloquer sans trop d’efforts et ainsi avoir une bonne panoplie de coups à disposition.
Sur ce point, Spider-Man est d’ailleurs un modèle du genre et bien que les mouvements soient nombreux, la jouabilité s’avère accessible en combinant la plupart du temps deux boutons, l’appui prolongé sur l’un d’eux ou le martelage d’une touche pour les combos de base. Le sentiment de puissance est d’ailleurs bien présent au fur et à mesure qu’on progresse dans le jeu et procure une excitation certaine lorsque face à des vagues d’ennemis, on parvient sans peine à user de toutes nos capacités pour en venir à bout avec classeet aisance. Effectuer une esquive parfaite en aveuglant avec un jet de toile un ennemi qui vient de nous tirer dessus au bazooka, balancer plusieurs éléments du décor pour affaiblir l’adversaire, les entoiler au mur, désarmer des bad-guys en leur lançant leur arme à la figure, effectuer des combos de 50 coups tout en usant de vos pouvoirs deviendra rapidement une seconde nature. Toutefois, si vous avez encore des problèmes, vous aurez la possibilité d’utiliser plusieurs gadgets (rechargeables après un certain temps) et une capacité liée à chaque costume débloqué.
A ce sujet, on en note pas moins de 26 et presque autant de pouvoirs ici aussi rechargeables après quelques minutes. Outre l’aspect esthétique et pas mal de fan service, vous aurez la possibilité de choisir le vêtement le plus seyant et d’y associer n’importe quel pouvoir pour peu que vous ayez débloqué au préalable le costume associé. Sachant que chaque acquisition de costume, gadget ou mod de tenues (pour des améliorations passives) vous réclamera différents types de jetons, vous comprendrez vite qu’il vous faudra varier les plaisirs en switchant constamment entre les bases de Kingpin à nettoyer, les crimes de rues à résoudre, les recherches d’Harry Osborn, les pigeons d’Harold à récupérer, etc. Le tout s’appuyant encore une fois sur un gameplay en tout point excellent, le sentiment de lassitude s’avère finalement très peu présent, même après avoir bouclé l’aventure, lorsque vous pourrez errer dans New York pour terminer l’ensemble des quêtes à disposition.
Nuançons tout de même ce tableau idyllique par quelques défauts qui auraient pu être facilement gommés. En premier lieu, si les combats de boss ont bénéficié de beaucoup de soin à l’image de certains passages totalement inspirés par les Batman Arkham, on aurait apprécié qu’Insomniac rajoute un peu plus de bad-guys dans les missions annexes. Certes, on a bien droit à une quête de Black Cat mais on ne l’aperçoit même pas une seule seconde afin de préserver la surprise pour le DLC à venir. Très maladroit. De même, une autre quête liée à un ancien membre des Sinister Six (ça vous laisse pas mal de possibilités !), est une bonne surprise même si le combat de boss qui en résulte est malheureusement en deçà des autres. On aurait apprécié un peu plus de générosité à ce niveau-là. Heureusement, les défis (course, combat, infiltration) de Taskmaster s’avèrent sympathiques et nous permettent même de croiser le fer avec l’anti-héros à plusieurs reprises.
On reprochera aussi aux développeurs d’avoir un peu trop abusé de deux mini-jeux nous demandant de raccorder des circuits et d’associer des échantillons pour trouver une séquence spécifique. Bien que ces mini-jeux (de plus en plus difficiles), d’abord présents dans le labo de Doc Ock, ne soient pas obligatoires, on devra en parallèle se les coltiner à de nombreuses reprises au cours de l’aventure. Si ces derniers ne sont pas désagréables, on ressent rapidement leur manque de variété.
Enfin, si Spider-Man offre en sus des phases d’infiltration, on sent bien qu’à l’inverse d’un Batman Arkham qui s’articulait parfaitement autour de ces deux axes que sont l’action et la furtivité, le jeu d’Insomniac a davantage été pensé à travers son système de combat et ses déplacements. Certes, on peut effectuer des attaques silencieuses, éliminer des gardes en les entoilant au plafond mais le peu de gadgets directement associés à ces séquences et la façon de procéder fait qu’on rentre vite dans une certaine routine. Le tout fonctionne mais lasse assez vite et ce ne sont pas les passages avec Mary Jane qui y changeront quelque chose, ceux-ci étant trop scriptés et faciles pour vraiment plaire malgré une bonne idée de départ afin d’apporter quelques changements de ton à la progression et au récit.
Des (é)toiles plein les yeux
Bien entendu, tout ceci ne serait rien sans un terrain de jeu à la hauteur. On vous rassure, Manhattan est au niveau de tout le reste. Mieux, après plus de 25 heures, on éprouve toujours du plaisir à la parcourir de long en large, sans utiliser le Fast Travel pourtant disponible après un petit moment. Il faut dire que le système de déplacement est extrêmement souple, fluide et crédible, Spidey ne pouvant par exemple pas se servir d’un nuage pour accrocher ses toiles. Le combo Swing/Parkour se révèle exquis et procure un vrai sentiment de liberté aussi bien quand il s’agit de se balancer de building en building, de courir sur une façade de bâtiment ou en marchant dans des rues animées à divers moments de la journée. On appréciera alors de se poser quelques instants en scrutant des plans dignes d’une carte postale sur le rebord d’un immeuble, entouré de pigeons picorant quelques graines.
Ce niveau de finition se retrouve en outre dans les divers effets spéciaux, les plans de caméra (lors des finish moves) et aussi et surtout les animations de Spider-Man, plus élastique que jamais. Les artistes d’Insomniac s’en sont donné à coeur joie et cela se ressent dans chaque acrobatie nous donnant véritablement l’impression d’incarner Spider-Man, celui-là même qu’on a connu dans les pages de Strange, à la télévision ou au cinéma. Et c’est bien ça finalement qui fait de Spider-Man un jeu aussi excellent malgré ses défauts. Tout comme Rocksteady avec le Dark Knight, Insomniac Games s’est complètement approprié le super-héros et a réussi à proposer sa vision du New-Yorkais, toujours aussi blagueur mais plus humain et incroyable que jamais quand il s’agit de passer à l’action.
Super PC pour super-héros ?
Concernant cette nouvelle version, sans surprise, Sony a effectué du bon boulot. Déjà d’un point de vue du contenu, vous aurez le droit aux DLCs sortis à l’époque. Au nombre de trois (Le Casse, La Guerre des Gangs et Le Retour de Silver), ils forment une histoire complète mettant en scène de nouveaux personnages à l’image de La Chatte Noire, Silver Sable, Hammerhead, etc. Si on y trouve des costumes supplémentaires, le tout s’avère malheureusement assez limité avec trop de longueurs inutiles et une courbe de difficulté plutôt mal gérée. Reste que l’ensemble rajoute malgré tout quelques heures au compteur, ce qui n’est pas négligeable tant le gameplay reste agréable.
D’un point de vue technique, même si j’ai constaté quelques bugs graphiques ici et là (testé sur un PC i7-9700K 3,6 Ghz, GeForce GTX 1070, 16 Go de RAM), l’ensemble s’avère extrêmement fluide (avec des réglages en Élevés, résolution 3440×1440, 60fps sans Ray Tracing) même si il conviendra d’avoir, selon les recos de PlayStation, une GeForce RTX 3080 ou une Radeon RX 6950XT pour avoir une expérience optimale (4K/60 avec Ray Tracing). On appréciera également à l’image de God of War la gestion des écrans ultra wide (21:9), du DLSS d’Nvidia ou bien encore de la manette DualSense.
Quoi qu’il en soit, si vous avez une configuration qui, à l’image de la mienne, commence un peu à dater, vous pourrez malgré tout profiter de ce titre trônant toujours dans le trio de tête des meilleures adaptations de supers-héros de tous les temps aux côtés des Batman Arkham.
Conclusion
Aussi indispensable sur PC que consoles et s’intégrant parfaitement dans le moule des productions Sony, le titre des Californiens fait sensation à tous les niveaux. Beau, jouable, excitant, surprenant, émouvant même, Spider-Man s’avère être le jeu que tous les fans attendaient. A partir d’une formule qu’on aurait pu penser érodée, les développeurs ont en effet conçu un jeu équilibré, jouissif et dispensant un immense sentiment de liberté et de puissance. Force est de constater que croquer la Grosse Pomme n’aura jamais été aussi succulent et si plusieurs pépins sont bel et bien visibles, on attend déjà avec impatience la nouvelle cueillette qui devra se montrer encore plus savoureuse. On fait confiance à Insomniac qui semble avoir tout compris du personnage, en en ayant saisi toute l’essence comme ce fut le cas il y a quelques années avec Rocksteady et un certain Batman.
Déjà à l’honneur dans Ghost of Tsushima, Akira Kurosawa s’offre un nouvel hommage via le petit monde du jeu vidéo. Outre un somptueux écrin en Noir & Blanc, Trek to Yomi s’inspire en effet des thématiques chères au maître japonais et nous offre un voyage, superbe visuellement mais qui aurait sans doute mérité d’être un peu plus travaillé dans le fond. Récit d’un voyage aux confins du monde des morts.
Tout débute par un flash-back mettant en scène le jeune Hiroki et son maître Sanjuro. Comme dans toute bonne tragédie à venir, une menace, ici synonyme de bandits, pointe le bout de son sabre et s’en prend aux habitants du village bordant le temple de Sanjuro. Ce dernier se charge alors de mettre un terme à l’invasion mais ploiera sous les coups des assaillants, et le regard impuissant du jeune garçon. Quelques années plus tard, nous retrouvons l’élève devenu adulte qui va devoir faire face à une nouvelle attaque planant sur le village voisin de Kamikawa. Ceci marque le début de l’épopée à venir durant laquelle Hiroki se battra pour retrouver Aiko, la fille de Sanjuro mais aussi et surtout son amour de toujours qu’il entend bien sauver, en arpentant les enfers si il le faut.
Tout en se parant d’une trame somme toute classique, Trek to Yomi expose ses enjeux en l’espace de quelques minutes afin de mieux définir son concept : un jeu en scrolling horizontal, simple dans son approche mais à l’esthétique somptueuse rendant de vibrants hommages à Akira Kurosawa tout au long de son aventure, autant dans la forme (via divers clins d’oeil allant de certains noms aux drapeaux entrevus dans Les 7 Samouraïs…) que dans le fond en brassant des thèmes abordés par Kurosawa à commencer par la relation entre le maître et l’élève, la souffrance d’un peuple (ici les habitants des villages assiégés) ou bien encore le héros solitaire devant braver d’innombrables dangers au péril de sa vie. Par ailleurs, ce dernier point est ici exacerbé puisque Hiroki ira jusque dans le monde des morts (le Yomi du titre) pour retrouver Aiko.
En soi, Trek To Yomi conserve un côté esthétiquement fascinant du début à la fin de par son habileté à jouer avec les ombres (via des contre-jours pour donner plus de profondeur -dans tous les sens du terme- aux duels à venir, des formes se découpant derrière des paravents, etc), et les choix de ses angles de vue parvenant très souvent à surprendre le spectateur/joueur tout en mettant en avant la minutie de ses décors allant de la campagne japonaise aux forêts noyées dans la brume en passant par le monde des morts peuplé de créatures cauchemardesques. Si le titre subjugue dans la forme (surtout si l’on excepte la modélisation simpliste des personnages), il est malheureusement déjà plus critiquable quand on s’attarde sur son histoire, trop classique pour surprendre. Certes, les développeurs ont voulu rendre un hommage à Kurosawa en brassant ses centres d’intérêt mais le revers de la médaille est qu’à aucun moment, le titre des Polonais ne cherche à aller plus loin que ses modèles. Bien que l’histoire de vengeance soit le moteur parfait pour un beat’em up auréolé de la philosophie du samouraï, il y avait sans doute matière à développer un peu plus la personnalité d’Hiroki et ce malgré les diverses fins à disposition synonyme de quelques choix moraux à réaliser à divers moments de l’aventure.
Le constat est d’ailleurs similaire quand on aborde le gameplay, riche en apparence mais limité par quelques errances de game design. De fait, si on récupérera la plupart des techniques d’attaque et de défense en progressant (certaines étant uniquement disponibles en fouillant chaque recoin des différents niveaux), Trek to Yomi souffre d’un énorme sentiment de redondance tout au long des six heures nécessaires pour boucler l’aventure. Le bestiaire étant très limité, les ennemis ne font que se succéder au fur et à mesure de notre avancée, seul leur nombre, de plus en plus grand, constituant une évolution dans le challenge proposé. Constat terriblement frustrant car comme mentionné plus avant, la panoplie d’attaques au sabre s’avère conséquente d’autant que combinée à diverses armes (arc, kunais, fusil), il y avait moyen de proposer des situations plus variées.
Malheureusement, à l’exception de quelques tentatives (destruction d’éléments du décor pour éliminer des grappes d’adversaires, énigmes) aussi limitées que vaines, le jeu s’enferme dans une redite de laquelle quelques combats de boss et une ou deux séquences en temps limité ne sauraient l’en sortir. Il est également dommage que l’art du combat lui même soit mal calibré. En effet, bien que la panoplie de coups soit conséquente, le fait que les ennemis aient la mauvaise habitude de casser nos combos, ceci nous obligera à anticiper l’arrivée des adversaires et à frapper dans le vide afin que le coup étourdissant l’adversaire fasse mouche avant de pouvoir l’occire proprement. Peu raccord avec la philosophie du samouraï où chaque coup compte et incitant surtout le joueur à n’utiliser que deux ou trois coups, cette technique marchant avec quasiment tous les ennemis.
Certes, la possibilité de jouer en mode Kensei (dans lequel chaque coup s’avère mortel) pourra légitimer une deuxième ou troisième run (pour qui souhaiterait voir toutes les fins) mais même ici, nous n’atteignons jamais l’effet escompté que le pourtant très ancien Bushido Blade avait, lui, parfaitement réussi à capter. En résulte un sentiment de frustration tant Trek to Yomi aurait pu proposer une expérience bien plus convaincante si il avait pris le temps de peaufiner divers aspects de sa personnalité tout en maîtrisant davantage son rythme. Au final, un coup de sabre dans l’eau provoquant autant de remous qui s’estomperont aussi rapidement qu’ils sont apparus.
Conclusion
Aussi inspiré soit-il dans ses décors, Trek to Yomi manque malheureusement d’inventivité dans sa narration ou même ses situations pour durablement marquer. Somptueux dans la forme mais diablement limité dans le fond, le jeu de Flying Wild Dog hypnotise dans ses premiers instants et la plupart de ses plans, aussi travaillés dans leur composition que le placement de la caméra, mais finit par perdre de sa puissance à mesure qu’on avance, la faute à des combats se ressemblant tous malgré la panoplie de coups et l’histoire, trop peu développée pour pleinement convaincre.
Après un Volume 02 décevant malgré quelques pépites, l’anthologie de David Fincher et Tim Miller, Love, Death + Robots, aura cette fois pris le temps de murir ses sujets et thématiques via 9 nouveaux épisodes. Bien que ce Volume 03 n’échappe pas encore totalement au piège des scénarii qui auraient mérité d’être plus approfondis, cette nouvelle salve d’épisodes évite la plupart des errances du précédent volume et se montre des plus enthousiasmantes.
Episode 01 : Les Trois Robots : Stratégies de sortie
Durée : 10 minutes
Alors que nous avions déjà croisé leur route dans un excellent épisode du Volume 1, nos trois robots reviennent une nouvelle fois pour contempler (et apprécier à sa juste valeur) les vestiges fumants de la civilisation humaine. Drôle, cynique et intégrant au passage un message politique, social et écologique sous-jacent, ce premier épisode est une franche réussite qui en l’espace de moins de 10 minutes brosse un portrait peu reluisant de l’humanité (qu’elle soit imaginaire ou réelle) dépassée par ce qu’elle a engendrée. Une délicieuse introduction jusqu’à son plan final aussi drôle que bien vu.
Episode 02 : Mauvais voyage
Durée : 22 minutes
Retrouver David Fincher à la réalisation justifie à lui tout seul le visionnage de cet épisode. Attendu que l’homme n’a rien réalisé depuis Mank (2020), il est plaisant de voir qu’il n’a rien perdu de sa minutie, même dans un format court en full 3D, support qu’il aborde pour la toute première fois. Nanti d’un scénario simple mais qui va droit au but, épaulé par une réalisation terriblement efficace et d’excellentes idées visuelles dont sa magnifique créature qui aurait autant sa place chez Lovecraft que Jules Verne, Mauvais Voyage nous comte l’histoire de marins pris en otage par un crabe géant désirant accoster sur une île pour contenter son insatiable faim. Gore, entretenant du début à la fin cette atmosphère anxiogène, jouant sur les rapports entre les marins et la paranoïa qui s’installe à mesure que les morts s’accumulent, ce sketch tient en haleine jusqu’à la toute dernière minute. Une petite merveille.
Episode 03 : Le Pouls Brutal de la Machine
Durée : 17 minutes
Profitant d’un design s’inspirant dans ses tons de l’œuvre de Moebius, ce court s’avère assez décevant dans sa narration et son rythme trop lent voyant une astronaute tentant de survivre en transportant le corps de son copilote. Survival science-fictionnel oscillant entre rêve (résultant d’un shoot de médicaments) et réalité, l’épisode vaut principalement pour sa direction artistique (synonyme de très beaux décors évoluant au fil des hallucinations de l’astronaute) mais se montre trop basique pour susciter un véritable intérêt malgré sa dimension philosophique autour de la vie et de la mort.
Episode 04 : La Nuit des Petits Morts
Durée : 7 minutes
Evoquant le twin stick shooter Dead Nation, La Nuit des Petits Morts condense en l’espace de 7 minutes une invasion zombie à l’échelle mondiale, de son point de départ jusqu’à sa conclusion. Ce n’est donc nullement dans le fond qu’il impressionne mais plutôt dans la forme avec ces êtres minuscules nous donnant l’impression d’assister au microscope à la destruction d’un peuple de lilliputiens. Drôle, charmant et profitant d’une superbe animation en stop-motion, cet épisode s’amuse qui plus est à parodier les codes du genre avec beaucoup de brio.
Episode 05 : Allez, Feu !
Durée : 13 minutes
Sorte de mixe entre Predator et le comics Weapon X, Allez, Feu ! ne s’embarrasse nullement d’un scénario et préfère se concentrer sur l’action. Une excellente chose d’autant que celle-ci s’avère gore à souhait. Classique dans son pitch (une escouade de mercenaires aux prises avec une créature génétiquement modifiée par la CIA), l’épisode profite d’une animation très dynamique et d’un design marqué (renvoyant par certains côtés à l’excellente série Lastman) et se montre aussi jouissif que ses modèles issus des films d’action des eighties dopés à la testostérone.
Episode 06 : L’essaim
Durée : 17 minutes
Et si l’humanité pouvait utiliser un essaim de créatures millénaires pour résoudre les problèmes de famine et de maladies ? C’est le point de départ de L’essaim, inspiré de la nouvelle Swarm de Bruce Sterling, qui plonge deux scientifiques dans un environnement extraterrestre, au sein d’une ruche géante peuplée de créatures connectées entre elles. Adoptant la notion de conquête et de survie d’un point de vue philosophique, l’épisode se perd dans des dialogues quelque peu boursouflés et profite malheureusement d’un design assez inégal. Malgré sa fin possédant un second niveau de lecture, ce segment aurait sans doute gagné à plus se concentrer sur son idée première (mettre à profit les capacités de la ruche pour sauver l’humanité) plutôt que de naviguer entre plusieurs thématiques difficiles à développer en si peu de temps.
Episode 07 : Les Rats de Mason
Durée : 10 minutes
Mason, un fermier voyant sa grange envahie par des rats, fait appel à une compagnie pour lui vendre un robot spécialisé dans l’extermination des rongeurs. Va s’en suivre une véritable boucherie entre la machine et les mammifères. Les Rats de Mason se montre particulièrement efficace grâce à son humour, son aspect gore et son histoire critiquant l’escalade militaire ou tout simplement la dépendance de l’homme vis à vis de la technologie. Une chouette pastille, ironique et comique à souhait.
Episode 08 : Dans l’Obscurité des Profondeurs
Durée : 14 minutes
Faisant écho au récent The Dark Pictures Anthology : House of Ashes, Dans l’Obscurité des Profondeurs démarre par un postulat somme toute classique (des marines traquant des insurgés dans des montagnes afghanes afin de délivrer des otages) avant de basculer rapidement dans une horreur lovecraftienne. On passera rapidement sur la bêtise des bidasses lors de leur progression dans les tunnels pour profiter d’un excellent niveau technique, d’une ambiance extrêmement gore, sombre, d’une tension savamment entretenue, d’un monster design particulièrement réussi et d’une fin glaçante.
Episode 09 : Jibaro
Durée : 17 minutes
Sans doute l’épisode le plus étrange et fascinant de ce Volume 03 qui, logiquement, ne mettra pas tout le monde d’accord. Variation du mythe de la Sirène, Jibaro met constamment mal à l’aise à travers ses corps longilignes, ses focales déformées, ses images semblant parfois issues d’un found footage bizarroïdeet sa créature aussi envoûtante que dérangeante à même d’entrainer une escouade de chevaliers au fond d’un lac grâce à ses chants et sa danse hypnotique. Un exercice de style possédant, comme le mythe qui l’inspire, un fort pouvoir d’attraction.
Conclusion
Sans égaler le Volume 01, ce Volume 03 de l’anthologie gomme les quelques errances de la précédente saison. Aussi disparate dans ses thématiques que ses univers, ce Volume profite, qui plus est, de réalisations de haute volée et de durées plus longues permettant aux épisodes de mieux approfondir leurs idées motrices. Bien qu’on échappe pas encore à quelques épisodes trop classiques ou ambitieux pour le format, Love, Death + Robots conserve cet imaginaire, cette folie et cet humour lui offrant un indéniable cachet artistique.