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Dead Island 2 : La morsure du soleil

Dire que Dead Island 2 nous aura fait mariner tient du doux euphémisme. Retardé maintes et maintes fois, la suite du premier volet sorti en 2011 sera passé par moult étapes avoir de voir le jour. Notre patience a-t-elle été récompensée ? Plutôt, oui, car derrière l’impression de déjà-vu se cache bel et bien le défouloir qu’on était en droit d’attendre.

En 2011, Dead Island voit le jour. Développé par Techland (le sympatoche Call of Juarez, Xpand Rally), le jeu propose de se balader sur l’île fictive de Banoi infestée de zombies. Gigantesque bac à sable tournant autour de son aspect coconut mais aussi et surtout son gore outrancier, son craft d’armes et ses combats au cac, le titre trouve son public au point que son éditeur, Deep Silver, va rapidement étendre le lore de sa franchise à travers divers épisodes, principaux comme annexes. C’est du moins l’idée sauf que ça ne va pas être aussi simple que ça.

Dès le départ, Deep Silver voit grand en offrant à Dead Island la possibilité de se décliner via plusieurs genres : Aventure/Action (Escape From Dead Island), MOBA (Dead Island Epidemic), Beat’em All (Dead Island : Retro Revenge) et même Tower Defense (Dead Island Survivors). Bien que tous ces titres soient sortis sur une période allant de 2014 à 2018, la série principale fait du surplace puisqu’on compte simplement une suite 1.5 (Dead Island Riptide) qui arrivera en 2013. Si Dead Island 2 est annoncé dès 2014, il mettra pas moins de neuf ans à arriver sur nos machines. En 2015, Yager se verra retirer le projet par Deep Silver, après avoir travaillé dessus pendant trois ans. Le Directeur général de Yager, Timo Ullmann, précisera plus tard que le départ du studio a eu lieu pour divergences d’opinions concernant l’orientation du projet. Aujourd’hui, il reste néanmoins, pour les plus curieux, quelques vidéos de la version de Yager diffusées sur YouTube. Du côté du développement, ce sont les Anglais de Sumo Digital qui le reprendront en 2016.

Ne manquant pas de rappeler chaque année que le jeu n’a pas été annulé, Deep Silver annonce en 2019 que le projet a encore une fois changé de mains. Bye bye Sumo Digital, hello Dambuster, anciennement Free Radical Design (TimeSplitters) puis Crytek UK (Crysis 3, Ryse : Son of Rome). Si on ne saura jamais pourquoi Sumo Digital s’est vu dépossédé du titre (l’ampleur du projet, des retards dans le développement, des différences de point de vue ?) Dead Island 2 voit finalement vu le jour en 2023 après avoir été à deux doigts d’obtenir le titre de plus grand vaporware de la décennie.

Entre respect et ambitions mesurées

Comme on pouvait l’imaginer compte tenu du parcours du combattant décrit plus haut, Dambuster Studios a conçu son titre sur les bases de l’épisode original en reprenant tout ce qui avait fait son succès. Toutefois, en cours de développement, les ambitions seront revues à la baisse, notamment en ce qui concerne le Multijoueur (initialement pensé pour 8 joueurs, il passera finalement à 3) ou bien encore la taille de la map. En effet, les développeurs avaient tout d’abord songé à permettre aux joueurs de sillonner la Californie à bord de véhicules avant d’opter pour quelque chose de plus « réaliste ». Au final, je pense que revenir à des ambitions plus mesurées est un mal pour un bien, et ce, pour trois raisons. Déjà, en choisissant cette voie, le studio s’est assuré de mieux maîtriser son sujet, de s’attarder sur ce qui compte vraiment dans Dead Island et donc d’éviter de s’éparpiller, chose que les développeurs n’avaient pas réussi à faire avec Homefront : The Revolution.

Ensuite, en resserrant la zone de jeu, cela permet également de proposer une histoire moins diluée qui, sans être éblouissante, n’en demeure pas moins intéressante en essayant de naviguer entre l’aspect délirant, induit par le gameplay et le ton d’ensemble, et quelque chose de plus sérieux. Enfin, les open world sont bien suffisamment nombreux de nos jours (qu’ils proposent ou non un univers mâtiné d’horreur) pour qu’on ne se sente pas lésés. D’autant plus vrai que l’aspect ouvert du jeu original (et les balades en véhicules associées) n’était déjà pas sa plus grande force. Néanmoins, pour palier à cette map plus étriquée ici découpée en dix zones nous faisant visiter les lieux les plus iconiques de Los Angeles (Venice Beach, Hollywood Boulevard, Beverly Hills, Bel-Air…), Dambuster s’est évertué à intégrer tous les éléments (ou presque) de Dead Island.

On a ainsi le choix entre six personnages, chacun avec des caractéristiques (de résistance, d’endurance, de santé max…) différentes, en plus de leur personnalité marquée. Cerise sur le gâteau, si les quêtes ne changeront pas en fonction du personnage choisi, la fin du jeu évoluera suivant le héros. Mentionnons également la présence de Sam B (comme NPC) afin de faire le lien avec Dead Island. Le bougre ne sert pas à grand chose mais on notera l’effort ou du moins le clin d’oeil.

Bien entendu, l’exploration se fera une fois encore sous couvert d’affrontements extrêmement gores. Cet aspect, ici poussé jusqu’à son paroxysme, bénéficie qui plus est du F.L.E.S.H. system (Fully Locational Evisceration System for Humanoids) synonyme de démembrements réagissant à l’arme utilisée et aux mouvements effectués. En somme, que vous tiriez à l’arme à feu ou utilisiez une arme coupante ou contondante, cela aura un impact direct sur la mort des zombies. Autant dire que les développeurs se sont fait plaisir puisqu’en plus d’avoir opté pour un démembrement réaliste (les mâchoires volent, chaque membre peut être découpé, il est possible de défoncer la tête d’un zombie en lui enfonçant son poing dans la caboche…), le fait d’utiliser des armes enflammées, électriques ou acides auront également un impact sur les chairs des ennemis.

Pour autant, Dead Island 2 reste, tout comme son modèle, un jeu complètement décalé et extrêmement fun, son aspect déjanté désamorçant cette ultra violence presque cartoonesque. Il est aussi intéressant de noter que Dambuster a choisi de rendre le tout moins punitif, chaque mort ne nous faisant plus perdre d’argent (indispensable pour les achats de matériaux notamment) à l’inverse de Dead Island et Riptide. D’un autre coté, ce parti pris minimise la difficulté générale et la tension qui aurait pu résulter de certains affrontements, contre des hordes notamment. Certes, on roulera la plupart du temps sur le jeu (encore plus lorsqu’on récupérera la Colère Sanguinaire boostant momentanément nos capacités) mais difficile malgré tout de refréner ce sourire en dégommant ces zombies de toutes sortes, qu’ils nous crachent de l’acide, nous foncent dessus toutes griffes dehors ou essaient de nous écraser en faisant jouer leurs muscles putrides et atrophiés.

Craft me if you can

Démembrer, c’est une chose, mais pour que ce soit bien fait, il vous faudra donc du matériel de qualité et des capacités hors normes. Ca tombe bien, Dead Island 2 propose tout un attirail ainsi qu’un système permettant de customiser sa façon de jouer de manière plutôt poussée. Déjà au coeur de l’expérience de l’épisode original, le craft refait ici surface dans une version plus poussée. La façon de procéder reste toutefois la même : On passe son temps à fouiller le moindre meuble, les valises qui traînent ou dépouilles de zombies, on récupère des matériaux et ne restera plus ensuite qu’à les utiliser pour créer des mods pour les armes que vous aurez au préalable acquis en explorant ou en résolvant des quêtes. Sauf que cette fois, les mods sont bien plus nombreux (trop sans doute) et vous permettront d’affiner votre customisation, certaines armes pouvant accueillir jusqu’à 5 mods/perks.

En substance, vous pourrez donc créer vous même les meilleures armes du jeu mais dans les faits, c’est surtout leur niveau de rareté (Inhabituelle, Rare, Supérieure, Légendaire) qui impactera sur les statistiques de base que vous pourrez améliorer en usant des mods. Certes, nous n’atteignons pas le degré de «loufoquerie» d’un Dead Rising mais il y a de quoi avoir de beaux joujoux. On pourra donc s’amuser à expérimenter mais c’est surtout la pléthore d’armes disponibles qui fera la différence : batte de baseball, épée, masse, pistolet à clous, poing américain, fusil à canon scié, hache, les armes se comptent par dizaines et on aura de cesse de switcher entre elles (grâce à un menu radial) pour une meilleure efficacité en fonction des adversaires. Bien qu’on puisse déplorer l’absence de tronçonneuses et autres scies électriques, Dead Island 2 se montre particulièrement généreux dans les moyens de répandre tripailles et viscères.

Au craft, s’ajoute également un système de cartes offrant des bonus passifs ou des mouvements supplémentaires. Si on s’y perd un peu à cause de leur nombre très élevé, il faut noter qu’en examinant les effets de chacune d’entre elles, il sera possible de se créer un deck sur mesures afin d’affiner les capacités de son personnage pour l’orienter davantage vers le cac, le combat à distance, l’usage de la Colère Sanguinaire, etc.

Plutôt complet dans ce qu’il met à disposition, Dead Island 2 propose finalement tout ce qu’on pouvait attendre de lui à commencer par une expérience primaire mais oh combien réjouissante. Offrant par ailleurs de très jolis environnements, mixant classique (égouts, métro), clinquant (maisons de stars) et touristique (la jetée, des studios de cinéma), le tout incite à l’exploration, qu’elle soit ou non pragmatique, tout au long des 35 heures qu’il vous faudra pour retourner entièrement le jeu. Une conclusion positive pour un titre enfanté dans la douleur.

Dead Island 2 revient de loin et on ne peut que féliciter Dambuster Studios d’avoir réussi à conserver l’ADN de l’original tout en proposant à son tour une aventure aussi fun et décomplexée que celle de son modèle. Bien que l’impression de déjà-vu soit forcément là, Los Angeles offre un terrain de jeu suffisamment vaste et intéressant pour qu’on y passe un long moment à démembrer du zombie dans une débauche de gore aussi ridicule qu’enthousiasmante. Sans avoir la profondeur d’un Dying Light 2 ou l’ambition du premier Dead Island, cette suite se nourrit de son concept basique mais oh combien jubilatoire tout en soignant son scénario, de série B mais pas si inintéressant que ça.

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Outlaw Players (T12) : Retour vers le passé

Alors que l’attente entre chaque volume de Outlaw Players se fait de plus en plus longue, le plaisir de retrouver notre troupe d’aventuriers l’est tout autant. Le tome 12 de la saga de SHONEN ne déroge pas à la règle en trouvant une fois encore un excellent équilibre entre action démesurée et scènes plus proches de ses personnages.

S’ouvrant sur la suite du combat entre Sakuu et une gigantesque Abomination ayant la désagréable habitude de se régénérer, le dernier tome d’Outlaw Players ne laisse pas une seconde au lecteur pour respirer. Bien que présentant plusieurs affrontements en parallèle, l’auteur prend néanmoins le temps pour s’attarder sur le passé desdites Abominations et leur relation avec Nekro, leur créatrice. Si le tout aurait sans doute mérité d’être plus approfondi, il est intéressant de replonger, même fugacement, dans le passé de ces monstres, autrefois humains, qu’ils furent rongés par l’envie, la gourmandise ou tout simplement la soif de conquêtes. D’ailleurs le T12 revient tout au long de ses planches sur divers éléments narratifs pour rappeler que la guerre entre le royaume de Genopol et les Abominations continue, ou, plus intéressant, sur le passé de Lyséa et d’une de ses amies. On pourra d’ailleurs être étonné que SHONEN ait opté pour une tuerie de masse, événement malheureusement encore très présent aux Etats-Unis, comme tragédie ayant défini la femme qu’elle deviendra plus tard tout en influençant sa classe (Gunner) dans le jeu. De fait, bien que parsemé d’action, ce tome réussit à entretenir l’intérêt et le suspens et ce à plusieurs niveaux, que ce soit dans les rangs des alliés comme celui des ennemis. A ce titre, Taargis, étrangement lié à Leni, devrait logiquement montrer une personnalité beaucoup plus profonde dans les prochains volumes et ce n’est pas la fin du T12 qui nous incitera à penser le contraire.

Laissant Sakuu essayer de maîtriser ses pouvoirs et sa relique afin de venir à bout de son redoutable adversaire, l’auteur prend le temps pour apposer par petites touches quelques renseignements afin de mieux cerner les compagnons de notre héros. Séparés depuis un petit moment, les membres du groupe ne devraient cependant pas tarder à se retrouver pour faire face aux menaces grandissantes pesant sur le royaume de Thera. En attendant, la lecture d’Outlaw Players s’avère toujours aussi passionnante, notamment grâce à cette façon impériale de mettre en scène l’action, toujours lisible qu’elle soit synonyme de gigantesques explosions d’énergie ou de combats au corps à corps. Précisons enfin pour l’anecdote que la série a débuté sa parution au Japon (dans le magazine Shonen Sirius) et qu’il sera très intéressant de connaître l’accueil de ce manga aussi maîtrisé qu’influencé par moult œuvres émanant de tous les continents.

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Resident Evil 4 : Vamos a la plaga

Rien n’arrête Capcom dans sa frénésie de remakes, encore moins lorsqu’il s’agit de sa poule aux œufs d’or, Resident Evil. Continuant de revisiter l’ensemble de sa saga, la société japonaise inscrit logiquement le 4ème épisode dans le sillon des 2ème et 3ème opus. Resident Evil 4 est un monument, de ceux qui ont fait insufflé un nouvel élan à l’action/horreur mais qu’en est-il aujourd’hui face à cette concurrence acharnée, qu’elle émane du même créateur (The Evil Within) ou bien de ses disciples (Dead Space, The Callisto Protocol) ?

Episode charnière, Resident Evil 4 est souvent pointé du doigt par nombre de membres de la communauté RE pour sa dimension action ou bien encore son ambiance à mille lieux de celles des précédents volets. Si on oublie aussi parfois que Mikami n’a finalement fait qu’accentuer certains traits de la série initiale, il convient toutefois de rappeler certaines choses le concernant. Ainsi, Resident Evil 4 est sans aucun doute l’épisode de la série possédant l’UX design le plus recherché. La collecte des trésors, l’achat d’armes, la modification de ces dernières, les quêtes du marchand, tout participe au plaisir de l’aventure, la plus longue de la série. Au delà de son envie de casser certains codes établis, Shinji Mikami mettra tout en œuvre afin que le joueur se sente de plus telle une arme vivante et ce malgré les nuées de Plagas, créatures bien plus résistantes et vicieuses que le simple mort-vivant puisqu’ayant la capacité d’utiliser des objets, de nous traquer n’importe où en ouvrant des portes, en utilisant des échelles, bref…de penser. L’horreur !

Le résultat, qui nécessitera le reboot du projet à un stade avancé, tracera les grandes lignes de la saga pour les années à venir et ce jusqu’à ce que Capcom en redéfinisse à nouveau les contours à travers l’horreur de Resident Evil VII. De son côté, Resident Evil 4, en plus de «gamifier» son propos, ira chercher ses influences du côté du cinéma hollywoodien où se côtoient pêle-mêle, Le Projet Blair Witch, Jaws, The Thing Massacre à la Tronçonneuse. Une myriade de références lui donnant ce cachet unique ici mis en exergue par le RE Engine.

Votre mission, monsieur Kennedy…

Comme souvent prétexte à toutes les excentricités, le scénario de Resident Evil 4 ne déroge pas à la règle. La fille du président des Etats-Unis, Ashley Graham, vient d’être kidnappée et serait détenue dans un village en Espagne. Un échange d’étudiants qui a mal tourné ? Un kidnapping fomenté par le programme Erasmus ? On ne le saura jamais vraiment mais toujours est-il que sur les 331 millions d’Américains, c’est Leon S. Kennedy qui est choisi pour aller la sauver. Le hasard fait bien les choses d’autant que le bellâtre a pris de la bouteille depuis les tragiques événements de Raccoon City, six ans auparavant.

N’y allons pas par quatre chemins, le reste de l’histoire n’a ni queue, ni tête et nous transporte d’un village, où résident Leatherface, un troll échappé du Seigneur des Anneaux et un poisson géant, à un château, habité par un nabot aristocrate flanqué de deux gardes du corps, proches parents du Xenomorphe, en passant par une île cachant un gigantesque complexe. Ajoutez de nombreux traits d’humour, saupoudrez d’une sorte de nonchalance immanente de monsieur Kennedy et vous obtenez le scénario le plus fantasque, et fantastique, de la saga.

Bien que toute cette excentricité aille parfois jusqu’à parodier la série, l’ensemble fonctionne. Ainsi, on acceptera implicitement cette narration qui part dans tous les sens afin de profiter de la générosité d’un jeu cherchant autant à faire évoluer le lore de la saga qu’à dérouler une succession de morceaux de bravoure. Et qu’importe que les bad-guys (Mendez, Salazar, Krauser et Sadler) aient une écriture aussi mince qu’un top-modèle anorexique ! Au diable qu’Ada, ici objet de désir jusqu’au boutisme, porte des talons aiguilles lors d’une mission de terrain ! Chaque élément scénaristique concourt à créer l’excitation, à nous immerger pleinement dans cette aventure mue par son besoin de s’affranchir de ses prédécesseurs tout en cherchant à ne jamais dépasser un point de rupture grâce à des personnages familiers ou ces histoires d’expérimentations prenant ici une tournure sectaire ne reflétant au final que la nature profonde d’Umbrella sous couvert d’enrobage marketing et de beaux discours.

(RE)découverte d’un univers

A l’image de ce qui avait été fait dans le remake du premier épisode ou plus récemment avec Resident Evil 2, celui de RE4 modifie, transforme et embellit le matériau de base. Bien que le RE Engine commence à montrer des signes de faiblesse face à la concurrence, le moteur maison de Capcom assure encore en 2023 et permet au bébé de Shinji Mikami de s’offrir une vraie cure de jouvence. Plus sombre, plus organique, plus ouvert également, Resident Evil 4 impressionne à travers le talent d’artistes ayant trouvé le juste milieu entre récupération, adaptation et ajouts afin que la découverte passe plus que jamais par la forme mais aussi par le fond. De fait, sans totalement chambouler nos acquis, ce remake prend parfois des chemins de traverse pour approfondir la trame originale ou tout simplement offrir aux joueurs davantage d’heures de jeu via une exploration plus poussée. L’un des exemples les plus significatifs est sans doute la zone du lac, sorte de mini hub explorable à l’envie et disposant de davantage de lieux accostables que par le passé.

Tout pousse à crapahuter, à explorer et à écumer la map, ne serait-ce que pour trouver des pierres précieuses afin de les combiner avec des objets de valeur pour les revendre au prix fort chez le marchand possédant de nombreux items inédits permettant de booster les capacités de nos flingues. Bien sûr, on y retrouve le stand de tir où, en plus d’améliorer notre visée, il sera possible d’obtenir de petites figurines synonymes de différents bonus (améliorations d’armes moins coûteuses, craft plus généreux…). Le système est rodé et fait encore recette aujourd’hui, la refonte graphique incitant à visiter tandis que l’excellent feeling des armes nous pousse à aller au devant du danger ou à opter pour l’infiltration en poignardant nos ennemis dans le dos afin d’économiser quelques chargeurs.

Tout en accentuant l’aspect ludique du matériau original, Capcom s’est également efforcé de rendre ce remake plus moderne dans sa construction. Ainsi, bien que l’histoire soit toujours aussi nonsensique, la place de Luis, Krauser et Ada a été revue, plusieurs séquences ont été entièrement repensées (le passage avec Ashley), voire enlevés (le couloir des lasers, la poursuite avec la statue de Ramon Salazar, l’affrontement contre l’U3…) et on dénombre bien moins de QTE. A contrario, on y retrouve le German Suplex, bien pratique pour éliminer avec grâce et légèreté les ennemis groggy.

Malheureusement, Ashley s’avère toujours aussi pataude et on aura souvent envie de la laisser en plan tant elle possède la faculté de se faire kidnapper à la moindre occasion. La dure vie d’un personnage à protéger contrôlé par l’IA. Les développeurs se sont d’ailleurs amusés avec cet aspect du personnage puisqu’en plus du lance-missiles infini et quantité d’items à débloquer en mixant New Game + et PC à accumuler (indispensables pour obtenir concept arts, models 3D…), il sera possible d’affubler Ashley d’une armure afin de l’empêcher de se faire enlever. Un clin d’oeil aussi savoureux qu’efficace à l’image des oreilles de chat ou du masque de coq nous conférant des atouts bien pratiques pour atteindre le Rang S dans des parties dédiées au speedrun.

Le diable se cache dans les détails

Résonance d’un parti pris plus ludique, Resident Evil 4 intègre également quantité d’astuces. Il faudra ainsi prendre le temps d’analyser son environnement pour se simplifier la vie tout en mettant à profit l’excellent level design. Par exemple, le fait de pouvoir faire monter directement le premier canon dans le château (en tirant à travers une grille) vous permettra d’éliminer bien plus rapidement les catapultes. Dans la même veine, et avant qu’un récent patch ne corrige cette possibilité, nous pouvions tirer au sniper dans le clocher du village et ainsi écourter la scène d’action au tout début du jeu. Certains documents nous renseigneront également sur les faiblesses de certains ennemis à commencer par les Plagas transformés particulièrement sensibles à une lumière vive et donc à nos grenades Flash. Garder deux œufs dorés vous permettra de zapper l’un des combats de boss les plus ardus. Switcher rapidement entre le pompe et un autre gun contre les ennemis armés de boucliers s’avérera aussi particulièrement efficace, encore plus dans ce remake proposant une sélection rapide d’armes via la croix de direction. Le titre regorgeant d’ingéniosité, on appréciera d’enchaîner les runs afin de découvrir l’intégralité de ce qu’il a à nous offrir.

Dans la force de l’âge

Après le remake du deuxième épisode, Capcom s’est fendu d’une adaptation de grande qualité avec ce quatrième épisode profitant par ailleurs de l’iconique mode Mercenaires fort de trois maps, quatre personnages jouables (Leon, Luis, Krauser et Hunk) et d’une difficulté beaucoup plus abordable que celle du mode éponyme de Village. On pourra toutefois lui reprocher de ne pas avoir intégré le segment Separate Ways (ajouté à l’époque pour la version PlayStation 2 du jeu) bien qu’on ne doute pas qu’il fasse prochainement son apparition sous la forme d’un DLC, payant ou non.

Moins viscéral que le remake de Dead Space ou The Callisto Protocol, traînant divers problèmes (le maniement du bateau, l’impossibilité de changer d’épaule quand on vise, le fait de ne pas pouvoir mettre les munitions dans le coffre…), le remake de Resident Evil 4 compense ses faiblesses par une progression plus efficace que par le passé, un incroyable sound design ou une direction artistique rendant un hommage encore plus vibrant à ses modèles cinématographiques. Une (re)découverte passionnante nous rappelant à quel point cet épisode a élevé la série tout en marquant au fer rouge l’industrie.

Bien qu’accusant un retard technique face à ses concurrents directs, Resident Evil 4 produit toujours la même fascination, 18 ans après sa sortie initiale. Evolution logique d’une saga copiée mais rarement égalée, le quatrième épisode s’offre avec ce remake une nouvelle vitalité, aussi bien dans ses passages inédits que la réinterprétation de certaines de ses séquences. Passionnant à redécouvrir, le chef-d’oeuvre de Shinji Mikami fait parfois montre de mécaniques datées mais c’est pour mieux se reprendre dans une débauche d’action et de tension, héritière du cinéma de John McTiernam, Ridley Scott et Tobe Hooper.

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Horizon Forbidden West – A l’Ouest rien de nouveau ?

L’histoire d’Aloy ne fait que débuter. La fin d’Horizon Zero Dawn le laissait présager, Forbidden West nous le confirme. Pour en connaître davantage sur son histoire, et accessoirement sauver une nouvelle fois son peuple, notre chasseuse part pour l’Ouest des Etats-Unis. Le début d’une nouvelle et très longue aventure… trop sans doute.

Cinq ans après nous avoir étonné avec leur premier open world aussi maîtrisé techniquement que plaisant à décourir, le studio néerlandais Guerrilla Games remet le couvert avec une suite bien plus généreuse que son aîné. Fondé sur les bases de leur précédent titre, Forbidden West nous plonge à nouveau dans un univers post-apo peuplé de machines robotiques. Si la surprise s’en est allée, le gigantisme de la zone de jeu et ce qu’il y a à y faire a de quoi donner le tournis. Une façon de faire popularisée par les open world d’Ubisoft mais générant un ressenti étrange, entre fascination et monotonie s’installant à mesure de la progression.

Un jeu qui a du coffre

Il est ainsi intéressant de revenir sur la structure de Horizon Fordidden West, reflet de ce qui se fait dans la quasi intégralité des jeux du même genre axant leur déroulé autour d’une exploration entièrement pensée à travers le loot. Toutefois, cet aspect prend une dimension plus importante dans Forbidden West réclamant beaucoup de craft afin d’obtenir différents types de flèches, les pièges indispensables en vue des affrontements à venir, etc. A cela, on ajoutera également bobines et autres matériaux pour booster les nombreuses armures à disposition. Si passées quelques heures, on a un peu de mal à s’y retrouver dans ce fourre-tout d’équipements (malgré un menu plutôt ergonomique), ouvrir les coffres disséminés un peu partout deviendra un automatisme.

C’est, à mon sens, un vrai problème (il ne se passe pas deux minutes sans que vous ramassiez quelque chose) d’autant que les développeurs l’assument pleinement en allant jusqu’à parsemer les zones de boss fights desdits coffres. Idéal pour casser l’immersion prisonnière de ce parti pris quelque peu agaçant d’autant qu’il faut y rajouter la collecte de branches, de baies et des innombrables logs écrits et audio venant enrichir le lore. Un problème du précédent jeu qui n’a malheureusement pas été résolu. D’ailleurs, si Forbidden West a agrémenté son histoire de quantité de dialogues synonymes d’une grande variété de quêtes, principales comme annexes, la mise en scène, elle, est toujours aussi statique. Ainsi, au-delà de quelques passages référentiels (dont un reprenant au plan près une scène du Predator de John McTiernan), les champs-contrechamps de Zero Dawn reprennent du service auréolés d’à peine plus de mouvements. En résulte une narration assez figée alors qu’elle s’avère plus ambitieuse que par le passé via, notamment, l’intégration de nouveaux personnages venant consolider le scénario du précédent volet.

Sur ce point, on appréciera ou non la dimension encore plus science-fictionnelle de l’ensemble évoquant par moments le passé de Superman. Malheureusement, tous les protagonistes ne sont pas tous aussi réussis et Guerrilla Games a semble t-il vu trop grand en essayant de raconter l’histoire d’Aloy sur fond de guerre entre plusieurs tribus. Tout ceci participe néanmoins à la construction de l’univers du jeu qui demandera une véritable implication du joueur afin d’en capter toutes les nuances.

Un monde de possibilités

Si l’histoire de Forbidden West sert de fil rouge à sa progression, elle s’avère finalement presque secondaire par rapport à son gameplay offrant une fois de plus un contenu gargantuesque. Alors que les quêtes principales feront avancer le scénario, vous pourrez à loisir obtenir des quêtes secondaires en discutant avec les NPC traînant dans les villages et aux abords. En plus d’être scénarisées, lesdites quêtes vous apporteront la plupart du temps de précieux matériaux ainsi que de l’équipement. A l’inverse, les Services personnels, Tâches et autres Contrats de récupération vous pousseront à éliminer diverses créatures, trouver tel objet, etc. En somme, l’objectif sera le même (obtenir des ressources et/ou du stuff) mais sans enrobage scénaristique.

En parallèle de ces quêtes qui jalonneront votre parcours, vous pourrez aussi affronter des guerriers lors de courses. Celles-ci vous réclameront une bonne connaissance des parcours (s’étalant sur trois tours) et un certain skill, l’usage de l’arc étant fortement recommandé pour ralentir vos adversaires. Poursuivons avec l’Attakth, sorte de jeu d’échecs dans lequel vous devrez déplacer des pièces afin de prendre l’ascendant sur votre adversaire. L’idée d’intégrer un jeu dans le jeu avait déjà fait ses preuves (Final Fantasy IX, The Witcher 3…) et si l’Attakth n’a pas l’intérêt du Triple Triad de Final Fantasy VIII, le tout a le mérite d’offrir un peu d’originalité et de fraîcheur. De fait, de village en village, vous rencontrerez des joueurs de plus en plus forts mais aussi des règles différentes, basées, entre autres, sur plusieurs types de surfaces infligeant bonus ou malus à vos pièces.

Mentionnons enfin les fosses de combat permettant de débloquer de nouveaux mouvements, les camps de rebelles à cleaner ou bien encore les zones de chasse, déjà présentes dans le précédent volet et qui, en plus d’aiguiser vos talents de chasseuse à travers différents défis, vous permettront d’obtenir matériaux et équipements de qualité.

Chasse gardée

Embrayons par une fantastique pirouette sur la chasse, au centre du gameplay de la saga Horizon. Si le premier épisode était perfectible sur bien des points, ses phases d’action permettant aussi bien l’approche furtive (recommandée) que bourrine, fonctionnaient parfaitement grâce à une multitude de bonnes idées et d’excellents choix de game design tout en demandant aux joueurs de passer par une phase d’apprentissage afin de ne pas finir embroché par la première machine venue, surtout dans les plus hauts niveaux de difficulté. Tout ceci est bien entendu repris dans Forbidden West et enrichi de quelques nouveautés. On appréciera donc toujours autant le ressenti arc en mains, tant Guerrilla Games est parvenu au juste équilibre entre précision et sensation de puissance.

Malgré la résistance des machines les plus imposantes, on se sent véritablement à la place du chasseur et non de la proie. La satisfaction d’échafauder une tactique en truffant la zone de pièges est toujours là, scanner les ennemis afin de découvrir leurs points faibles, choisir nos armes (arcs, lances…) afin de gagner en efficacité fera aussi partie du plaisir. Si le combat au corps à corps profite lui aussi de quelques mouvements inédits, on privilégiera toujours les attaques à distance contre les machines. On prendra alors son temps pour débloquer les compétences dont on a besoin parmi six arbres distincts (Guerrier, Trappeur, Infiltré, Chef des machines…), analyser son environnement, préparer le terrain et assister au résultat tapis dans les hautes herbes.

Les affrontements contre les rebelles ont eux aussi gagné en intensité même si ils ont toujours moins d’intérêt que les parties de chasse profitant d’un bestiaire étoffé (mammouths, ptérodactyles…). Toutefois, afin de varier les approches, on usera au mieux des bonbonnes explosives pour affaiblir les guerriers adverses, on ne se priera pas pour retourner les machines captives contre leurs agresseurs et on mettra à profit les nouvelles possibilités (voile ascensionnelle, plongée) pour surprendre tout ce beau monde.

Bigger and better ?

Dans l’absolu, Horizon : Forbidden West coche toutes les cases de la suite réussie en additionnant nouveaux environnements dont une magnifique San Francisco délabrée, les restes de la forêt de Yosemite ou la visite des fonds marins, gameplay amélioré, direction artistique somptueuse (impliquant à elle seule le fait de passer des heures dans le mode Photo pour mitrailler chaque nouveau biome) et technique au diapason. Certes, on pourra toujours lui reprocher une certaine forme d’immobilisme dans tout ce qui touche à sa narration (autant dans la mise en scène statique de ses dialogues que la façon laborieuse de développer son lore autrement que par le biais de centaines de collectibles) mais rien qui n’empêche véritablement de profiter de l’aventure, de s’y plonger à corps perdu.

Cependant, à y regarder de plus près, et au risque de me répéter, on sera aussi très souvent confrontés à l’ambition gigantesque des développeurs synonyme d’un open world sans doute trop vaste, trop dense, trop bourratif, ceci pouvant minimiser par moments, non pas la crédibilité du monde de Forbidden West, mais l’implication du joueur dans la quête principale noyée sous d‘épaisses couches d’activités annexes. Ressenti très personnel, j’en conviens, mais légitimant sans doute une réflexion sur le devenir d’un genre prisonnier de son besoin de toujours proposer davantage que le concurrent. Ghost of Tsushima nous a démontré qu’un open world pouvait vivre grâce à la magie insufflée à travers sa direction artistique, plus que par son contenu à proprement dit, on espère que le prochain volet d’Horizon saura tirer profit de cette leçon. En attendant le premier DLC qui devrait nous ouvrir les portes d’une nouvelle zone, cette suite n’en reste pas moins un grand jeu, imparfaite dans sa générosité (aussi paradoxal que cela puisse paraître) mais très souvent mue par des éclairs de génie, son incroyable gameplay et le charisme de son héroïne.

Profitant de fondations solides, Forbidden West améliore son gameplay, agrandit la taille de sa map et se pare d’ambitions revues à la hausse. Le point positif de tout ceci est qu’il en ressort une fois encore un grand jeu. Le revers de la médaille est que ce monde est justement trop vaste et qu’on a souvent l’impression de retomber dans les travers d’un Assassin’s Creed et cette volonté absolue d’offrir toujours plus de contenu quitte à noyer complètement le joueur sous des excès de loot, des dizaines de quêtes et ce jusqu’à saturation. Malgré tout, la découverte de l’univers s’avère toujours aussi passionnante même si on aurait apprécié un scénario et une narration plus maîtrisés à même de supporter l’exploration de ce monde en friches aussi superbe visuellement que dangereux à arpenter.

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The Last of Us S01 – Le speedrun de HBO

Les bonnes adaptations de jeux vidéo se font rares, très rares même et ce n’est certainement pas Resident Evil qui nous dira le contraire. Chapeautée par Craig Mazin (l’excellente mini-série Chernobyl) et Neil Druckmann (cocréateur de la licence), produite par HBO, The Last of Us avait de sérieux atouts dans sa manche. Après avoir abattu ses cartes, un constat s’impose au terme des neuf épisodes constituant cette première saison : la franchise de Naughty Dog a réussi son examen de passage tout en semblant étrangement pressée d’en finir.

Plébiscitée par des millions de joueurs pour sa qualité d’écriture, la franchise The Last of Us n’aura jamais caché ses liens de parenté avec le cinéma, de par, notamment, son envie de proposer une réalisation inspirée servant aussi bien la progression de l’histoire que le traitement de ses personnages. Si on pouvait donc se questionner sur l’intérêt d’une adaptation d’un jeu aussi cinématographique, l’envie de toucher un nouveau public était en soi une réponse suffisante. En revanche, difficile, quand on a plusieurs heures de jeu au compteur, de ne pas comparer la série avec le matériau original, qu’on soit enclin ou non à se laisser porter par une histoire qu’on connait déjà sur le bout des doigts.

The Last of Us Part I

Si l’exercice consistant à trouver le point d’équilibre entre le besoin de reprendre le cheminement du jeu et l’envie d’aller de l’avant en modifiant certaines choses était délicat, les showrunners s’en sont brillamment sortis. En effet, alors que les passages obligés (l’introduction, le flash-back d’Ellie & Riley, l’apparition du Colosse…) sont bel et bien présents, les scénaristes ont modifié certaines choses afin d’apporter un peu de sang neuf. On pensera notamment aux courts passages pré-pandémie afin de présenter la situation à travers les yeux des médias et autres virologues. Astucieux puisque permettant de dépeindre le tableau de cette humanité désemparée face à ce mal qu’elle sait ne pas pouvoir contrôler et trouvant écho dans la récente pandémie de Covid. Au fur et à mesure des épisodes, Mazin et Druckmann vont ainsi affiner leur univers tout en faisant progresser Joel et Ellie à travers une partie des Etats-Unis, le premier devant toujours ramener à bon port la seconde, seul espoir de l’humanité pour lutter contre le virus. D’ailleurs, on notera ici une autre modification du script initial voulant que les Clickers, créatures infectées par le Cordyceps, soient psychiquement reliés entre eux. Idée intrigante qui ne sera malheureusement que rarement utilisée, hormis lors de la mort d’un personnage luttant contre l’infection galopante qui parcoure ses veines et l’enjoint à rejoindre le groupe d’infectés et celle d’en finir.

Alignant les plans post-apo de villes en friche, présentant les rapports entre la FEDRA (les restes d’un gouvernement devenu totalitaire n’hésitant jamais à tirer sur des individus, infectés ou non) et le groupe des Lucioles, survivants croyant coûte que coûte à un vaccin et dont Ellie représente une sorte de Saint Graal, la série presse le pas pour arriver à sa conclusion mais prend néanmoins le temps, à travers un fantastique Episode 3, de s’attarder sur la relation entre Frank et Bill. Esquissée dans le jeu, elle sert dans la série à montrer une autre facette du monde d’après, à rappeler que le bonheur peut encore subsister tout en renvoyant à une sorte de version fantasmée (et tragique) de l’histoire d’Ellie. Brillamment interprété par Nick Offerman et Murray Bartlett, l’épisode aura fait couler beaucoup d’encre sur la toile tout en se montrant puissant et représentatif de cette envie de s’affranchir, dans une certaine mesure, de la série.

Bien entendu, tout ceci n’aurait pas été possible sans un casting à la hauteur et bien que le choix de Bella Ramsey ait été vivement critiqué par une partie des fans, la jeune femme (qui nous avait déjà livré une prestation époustouflante dans Game of Thrones) s’en sort avec les honneurs grâce à un jeu évoluant au fil des épisodes à l’image de sa relation avec Joel campé par un solide Pedro Pascal. Si on ne peut tout de même s’empêcher de se demander ce qu’aurait pu donner dans le rôle Maisie Williams (la Arya Stark de GoT), un temps pressentie pour le rôle d’Ellie dans une première tentative d’adaptation de la série en film (produit par Sam Raimi) en 2015, difficile de rester de marbre face au jeu des acteurs, qu’ils soient principaux ou plus fugaces à l’image de Scott Shepherd incarnant parfaitement le controversé David qui gagne ici en spiritualité afin de cacher ses pulsions derrière le masque de la foi. Pour autant, cet arc est très représentatif de ce qui ne va pas dans la série semblant constamment dans l’urgence afin de pouvoir faire rentrer l’ensemble du premier jeu dans cette unique saison composée de neuf épisodes à la durée variable.

The Last of Us Part IX

Ainsi, si il y avait matière à développer l’intrigue de David sur deux épisodes, il est vrai que la série aurait gagné à globalement être rallongée voire couvrir le premier jeu sur deux saisons. Difficile de savoir pourquoi les showrunners se sont sentis obligés de prendre le chemin inverse tant le succès était pressenti. Ce dernier sera d’ailleurs au rendez-vous avec des audiences croissantes. De fait, si le visionnage de la série reste agréable et qu’il est plaisant de constater que HBO a mis les petits plats dans les grands (bien que certains plans à vfx soient peu convaincants), l’évolution de la relation entre Ellie et Joel semble parfois factice, la faute à un monde manquant cruellement de danger alors que c’est ce qui cimente pourtant dans le jeu les rapports entre les deux personnages qui, plus d’une fois, se sauvent mutuellement.

Dans la série de HBO, la violence se fait bien plus timorée, se déroulant souvent hors champ, les humains sont moins vicieux (hormis lors de la présentation de la FEDRA), les infectés sont beaucoup moins présents et semblent presque faire de la figuration en dehors de deux épisodes, l’un les présentant lors d’une séquence dans un musée calquée sur celle du jeu et l’autre à travers une scène d’action épique mais semblant presque posée là pour atteindre le quota minimum de créatures massacrant alliés comme ennemis à commencer par Kathleen, l’un des rares personnages inédits du show n’apportant rien à l’intrigue et finissant d’ailleurs de façon insignifiante. En somme, là où il aurait fallu davantage de moments de tension (synonyme de phases de gameplay dans le jeu) pour crédibiliser l’état de Joel, d’indifférent vis à vis d’Ellie à quelqu’un prêt à sacrifier le monde pour sauver la jeune fille, la série aura préféré miser sur une construction plus posée (et donc moins couteuse), passant par le jeu d’acteur mentionné plus avant, de bons dialogues et les musiques discrètes mais oh combien importantes de Gustavo Santaolalla, mais ne parvenant pas totalement à camoufler les manques par rapport au matériau d’origine.

Bien que la série soit une adaptation convaincante de The Last of Us, votre ressenti différera probablement si vous avez touché ou non au jeu. Alors que Druckmann et Mazin se sont évertués à plaire aux profanes comme aux fans en truffant (habilement) cette saison de références au titre tout en soignant les dialogues et le casting, difficile d’être totalement convaincu, la faute à un empressement constant, des créatures finalement peu présentes et un univers manquant parfois de substance, de danger pourtant indispensable pour légitimer l’évolution de la relation entre Ellie et Joel.

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The Lazarus Project S01 : Composer avec le passé

Une boucle temporelle, une fin du monde, une agence gouvernementale garante du devenir de l’humanité. Tout ceci aurait pu donner une série à mi-chemin entre Demain à la Une et Timeless et se terminer au bout d’une saison en passant totalement inaperçue. Sauf qu’il n’en est rien. The Lazarus Project (initialement diffusée en 2022 sur la chaîne anglaise Sky) brille à tous les niveaux et traite son sujet avec originalité et intelligence. Retour sur l’une des meilleures séries de genre du moment.

Très usité dans le milieu cinématographique et télévisuel, le voyage temporel est un élément qui a été abordé de façons diverses et variées par nombre de réalisateurs. De fait, difficile aujourd’hui d’utiliser ce concept sans tomber dans une certaine redite. Si The Lazarus Project ne réinvente pas la roue, il embrasse parfaitement son sujet en jouant avec ses codes à travers moult idées toutes plus intéressantes les unes que les autres. Cependant, les deux premiers épisodes, aussi bons soient-ils, ne laissent pas vraiment présager d’une telle qualité d’écriture émanant de la plume anglaise de Joe Barton n’ayant à son actif (notable) que la série Giri/Haji annulée après une seule saison.

Un air de déjà-vu ?

George est un gars sans encombre. Il vient d’obtenir un prêt bancaire pour l’application qu’il développe, il a une copine, Sarah, qui va avoir un enfant et qu’il compte bien épouser. Bref tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais un jour, George se réveille et tout lui semble familier. Vous savez, cette fameuse impression de déjà-vu. Si pour beaucoup d’entre nous, ceci s’arrête à l’état de sensation, chez George, le tout prend une tournure plus étonnante puisqu’il vient bel et bien de se réveiller six mois plus tôt. Ce postulat de départ, tout le monde ou presque le connaît tant il a été utilisé maintes et maintes fois. The Lazarus Project ne déroge pas à la règle en usant de prime abord des mêmes codes et si le premier épisode pose les bases avec un délicieux humour anglais (la blague du COVID), le deuxième verse davantage du côté de l’action à travers une course poursuite en plein Paris reconstitué (tant bien que mal) du côté de la République Tchèque.

En effet, George ne tarde pas à rejoindre l’agence Lazarus Project, une sorte de garant de l’ordre mondial qui après avoir découvert le moyen de revenir dans le passé, l’utilise pour empêcher des catastrophes de se produire. Une attaque terroriste meurtrière qui a fait des milliers de morts ? Une bombe nucléaire qui explose ? Un virus qui décime les populations ? Pas de souci, une fois le problème identifié, les équipes de Lazarus Project vont tout mettre en œuvre pour le résoudre et si ils échouent, retour à la case départ, il y a six mois. Jouissive bien qu’assez classique dans ce qu’elle propose au tout départ, la série passe la seconde dès son fantastique troisième épisode aussi intelligent que profond, aussi passionnant que dramatique.

Une seconde chance

Cet état de faits tient tout d’abord à un élément qui n’a l’air de rien dans la conceptualisation du retour dans le temps mais qui va pourtant prendre tout son sens dans la structure narrative de certains épisodes. Ainsi, dès le premier d’entre eux, la série intègre un concept original synonyme de sauvegarde. Tous les six mois, l’agence en effectue une à minuit, de sorte que si une catastrophe se passe après ladite sauvegarde et nécessite un retour dans le temps, les personnes conscientes de ce retour (en somme toutes le personnes du Project Lazarus) ne revivront «que» les derniers six mois. De ce postulat très inspiré des jeux vidéo, la série va en tirer de multiples possibilités en l’abordant de façon aussi bien comique que dramatique. Sans tout vous dévoiler, l’épisode 3 est un modèle du genre. Ainsi, tout en revenant sur le passé commun de deux agents, le scénario se concentre sur un heureux événement qui va vite devenir un effroyable cauchemar à mesure qu’on le revit encore et encore. Profond, émouvant, soutenu par des comédiens habités par leurs rôles, l’épisode s’évertue à décrire le long processus de remise en question des individus, ce qui importe pour eux, ce qui constitue leur vie future. Jouant avec la douleur psychique que peut engendrer ces multiples retours dans le passé, l’épisode est une véritable claque et s’inscrit dans une progression de saison parvenant avec une grande facilité à aborder plusieurs genres.

Certes, quelques plans à sfx ou décors censés représenter différents lieux pourront faire tiquer mais rien de suffisant pour sortir de l’intrigue d’autant que la série propose un fil rouge intéressant mettant en scène un ex agent dissident dont les motivations auront un impact certain sur George brillamment interprété par Paapa Essiedu à l’aise dans toutes les situations et qui déploiera toute une palette d’émotions dans l’épisode 5. Ici aussi, je me garderais bien de trop en révéler mais la série creuse son sujet en abordant des questions de fond et des choix moraux dont personne ne peut sortir indemne. Tour à tour drôle, étonnante et intense, cette première saison mixe tous ses atouts dans un final trouvant un subtile équilibre entre tragédie et second degré, comme pour nous rappeler ses origines tout en ouvrant la porte à une deuxième saison qui aura la lourde tâche d’aborder des pistes aussi originales tout en faisant évoluer ses personnages. On serait par exemple intéressé d’en connaître un peu plus sur l’agence en elle même ou bien encore la façon de retourner dans le temps, bien que ceci soit esquissé dans le dernier épisode. Gageons que Joe Barton saura trouver les réponses à ces questions et à bien d’autres.

Aussi brillante qu’étonnante, cette première saison de The Lazarus Project réussit un sans fautes (du moins sur le fond) en abordant le voyage dans le temps de manière intelligente et terriblement excitante. Servi par un excellent casting, une écriture précise oscillant entre humour, drame et action, le show de Joe Barton est un savoureux mélange de genres ayant l’envie de questionner son auditoire tout en lui servant une intrigue palpitante. Il y arrive haut la main, ses ambitions ne desservant jamais l’avancée de l’intrigue et le développement de ses personnages, bien au contraire.

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Dead Space Remake : Retour vers l’enfer

S’inscrivant dans cette grande vague de remakes sévissant depuis quelques années, Dead Space fait peau neuve. A la charge des artistes de Motive Studios (Star Wars : Squadrons) de remettre au goût du jour ce monument du survival-horror qui avait fait vaciller Capcom à l’époque de sa sortie et qui a récemment servi de décalque au déséquilibré The Callisto Protocol. Si Dead Space a acquis ses galons d’indispensable dès sa sortie tout en densifiant son lore au grès de ses suites, ce qu’il proposait à l’époque fonctionne-t-il toujours aujourd’hui ?

Plutôt que de nous attarder sur le sujet quasi philosophique consistant à se questionner sur l’intérêt du remake d’un jeu qui a extrêmement bien vieilli, revenons justement sur les immenses qualités de l’œuvre originale. En 2008, lorsque sort Dead Space, le jeu de Visceral Games peut être vu comme une simple contre-proposition spatiale à la saga Resident Evil, le 4ème épisode étant d’ailleurs l’une des nombreuses influences de Glen Schofield, le Game Director du titre. Pourtant, dès ses premières minutes, grâce à son aspect hautement anxiogène, ses créatures difformes pouvant surgir de partout, sa violence exacerbée et un travail exceptionnel sur le son, Dead Space marque instantanément les esprits. Tout en étant plus souple qu’un Resident Evil, le jeu prend le contrepied de RE4 (plus porté sur l’action que ses prédécesseurs) en accentuant son aspect horrifique jusqu’au boutisme. En ressort un jeu extraordinaire mêlant parfaitement les deux éléments. Ce concept sera encore amélioré dans le deuxième épisode et malheureusement en partie sacrifié sur l’autel du multijoueur et autres évolutions maladroites de la formule dans Dead Space 3. Il n’en reste pas moins que le premier volet reste culte et que ce remake accentue encore plus ses immenses qualités, notamment à travers un lore approfondi.

L’expérience Interdite

Bien que l’idée ne soit pas de repenser entièrement l’histoire de Dead Space tournant autour du brise-surface USG Ishimura qui ne donne plus signe de vie, les développeurs de Motive Studios ont plutôt choisi la solution consistant à enrichir le matériau d’origine afin de densifier la narration. Le moins qu’on puisse dire est que le tout fait son petit effet grâce à plusieurs niveaux d’amélioration. Déjà, on retiendra le fait qu’Isaac puisse enfin parler, ceci lui permettant d’interagir avec les autres personnages. Ainsi, en lui donnant plus d’humanité, ces échanges apportent davantage de fluidité à la narration se reposant toujours sur un ensemble de logs audio/vidéo et autres textes afin de nous faire découvrir ce qui s’est précédemment passé sur l’immense vaisseau. On notera également l’idée assez intéressante consistant à intégrer l’Unitologie (la religion fictive de Dead Space et critique pas vraiment masquée de la Scientologie et autres religions sectaires) dans la vie d’Isaac à travers ses parents. Dommage toutefois que l’idée n’ait pas été plus développée à l’image des quêtes secondaires, peu nombreuses (trois seulement) dont une uniquement liée à la récupération de RIGs pour ouvrir des portes recélant moult munitions et argent.

A contrario, on appréciera les nombreux hologrammes de scènes passées ou certaines cinématiques supplémentaires dynamisant le récit tout en donnant un peu plus d’épaisseur à certains personnages. Il conviendra aussi de ne pas oublier la fin alternative, disponible en New Game + après avoir récupéré 12 fragments du Monolithe. Pas vraiment raccord avec ce que racontera Dead Space 2, elle se présente davantage comme une petite cerise sur un énorme gâteau bien copieux. Toute cette matière inédite crédibilise encore un peu plus cet univers fortement influencé par quantité de jeux et autres films à commencer par l’Event Horizon de Paul W. S. Anderson. Ainsi, en offrant à Dead Space un cadre et des personnages plus crédibles (toute proportion gardée) ou du moins plus vivants, on vibre davantage pour eux et ce jusqu’à l’ultime compte à rebours.

Beauté macabre

Pour appuyer cette narration, il fallait une forme à la hauteur et sur ce point, le jeu réalise un quasi sans fautes. Certes, on pourra pester sur des animations toujours un peu rigides (surtout en comparaison du récent The Callisto Protocol) mais ce constat est contrebalancé par une très belle gestion des lumières et effets de particules. Cet aspect, qui offrait déjà un caractère très marqué à l’original, prend ici une autre dimension grâce aux avancées techniques, au travail accompli en 2008 mais aussi au talent des équipes de Motive Studios. L’exploration du brise-surface en devient une fois encore fascinante d’autant que le travail sur les surfaces métalliques et organiques, amène une évolution de l’habitacle aussi glauque à parcourir que fascinante à découvrir. Le remake conservant bien entendu le gore outrancier de l’original, on appréciera encore plus de démembrer, découper ou empaler le moindre Nécromorphe. Un prérequis indispensable pour progresser et synonyme du fameux démembrement tactique au cœur de la communication initiale du jeu.

Il convient en parallèle de rappeler que ce remake améliore également l’un des aspects fondamentaux du jeu original : sa bande-son. Moins que ses musiques, sobres mais efficaces grâce, notamment, à des violons stridents grinçant dès que le danger se fait trop pressant, ce sont surtout les bruitages du jeu qui accentuent l’immersion. En jouant avec cet aspect, en optant volontairement pour des silences afin de rendre le danger plus effrayant, les développeurs ont ainsi réussi à créer l’effroi avec un simple son aussi terrifiant dans sa régularité que son écho se répercutant dans les coursives du vaisseau, les râles de Nécromorphes ou le bruit de gigantesques turbines assourdissantes masquant les sons des créatures alentours. En alternant les types d’environnements (les sections du vaisseau allant des quartiers de l’équipage aux bas-fonds du vaisseau réservés au forage et à l’activité minière) et les différents lieux (intérieurs de l’Ishimura mais aussi passages dans l’espace avec ces sons sourds créant instantanément une sensation d’étouffement accentuée par la respiration haletante d’Isaac au fur et à mesure que son air diminue), Dead Space Remake se montre aussi viscéral dans ses créatures difformes que son environnement sonore, une composante essentielle de tout bon survival-horror.

Mort ou vif

Le gameplay, lui, ne s’offre aucune réelle nouveauté et profite au mieux d’une plus grande liberté permettant de visiter à sa guise l’Ishimura. Ainsi, bien que l’aventure soit toujours découpée en chapitres, rien ne vous empêchera de revenir dans n’importe quelle section du vaisseau pour récupérer les collectibles manquants ou boucler les quêtes secondaires mentionnées plus haut. On saluera toutefois quelques passages repensés à l’image de la séquence des météorites à intercepter se déroulant ici à l’extérieur et demandant au joueur de recalibrer trois canons en visant les débris spatiaux. La possibilité de voler en Zéro G, ici plus centrale, permet également de se sentir plus libre, autant dans la façon d’explorer que lors des affrontements afin de prendre la tangente pour mieux anticiper une attaque de Nécromorphes voire l’intercepter grâce à la Stase ou les nombreuses armes à disposition toujours aussi complémentaires et délicieuses à manier grâce un excellent feeling ici aussi renforcé par un traitement sonore de haute volée.

On pourra cependant déplorer que Motive Studios n’ait pas intégré un retournement rapide qui aurait été bien utile lorsqu’on se retrouve submergé de tous les côtés. Il faudra alors user au mieux de ladite Stase pour ralentir ses adversaires et faire le ménage grâce aux tirs secondaires de nos armes, particulièrement efficaces. Au rayon des reproches, mentionnons également le fait que les coffres et armoires nécessitant un pass de level supérieur n’apparaissent pas sur la map, à l’inverses des portes nécessitant ce système d’ouverture. On pourra d’ailleurs trouver cette évolution de gameplay toute relative (le jeu original ne demandant que des points de force pour accéder aux endroits les plus intéressants) puisque nous forçant à faire plusieurs allers-retours au fil de la progression. Néanmoins, cet état de faits profite du SSD minimisant drastiquement les temps de chargements. Au final, bien que Dead Space Remake concerne un petit côté suranné dans sa jouabilité, celle-ci se montre suffisamment probante pour se retrouver complètement immergé d’autant qu’en jouant sur la propension des Nécromoprhes à surgir de n’importe quel conduit ou avec certains hologrammes se déclenchant automatiquement, le sentiment d’inconfort se montre omniprésent.

Le piédestal du monolithe

A l’instar de certains remakes sortis ces dernières années, à commencer par l’excellent Resident Evil 2, Dead Space revient sur le devant de la scène grâce à sa propre réactualisation en rappelant à quel point il est un jeu extrêmement important pour le genre survival-horror. En magnifiant la forme et en affinant le fond, Motive Studios rend désormais accessible au plus grand nombre le premier opus d’une saga qui aurait pu perdurer si elle ne s’était pas confrontée aux objectifs financiers de l’époque d’Electronic Arts. Socle solide, ce premier volet ouvrira la voie à une trilogie généreuse qui, certes, se perdra dans un troisième épisode quelque peu maladroit sans pour autant remettre en question l’avenir de la série et dont les fondations d’un quatrième épisode avorté peuvent se trouver sur le Net.

On ne peut donc qu’espérer que cette version 2023 de Dead Space trouve son public pour rappeler à EA les incroyables propriétés du diamant noir qu’elle a laissé couver pendant près de 10 ans et ne demandant qu’à être à nouveau mises à profit à travers le remake des deux autres opus et un prolongement de l’histoire. L’espace est infini et les terreurs qu’il recèle sont indicibles…qu’elles émanent ou non de l’Unitologie.

Intelligent dans son approche, le remake de Dead Space use des dernières avancées technologiques pour actualiser un jeu déjà exceptionnel à la base. Si on pourra lui reprocher quelques animations rigides (encore plus en comparaison du récent The Callisto Protocol), la forme de Dead Space est d’une précision chirurgicale, des effets de lumière ou de particules en passant par son impressionnant travail sonore. Mais c’est aussi sur le fond que ce remake étonne, que ce soit à travers l’approfondissement de son lore ou une plus grande liberté nous permettant d’explorer à l’envie l’Ishimura. Tout ceci contribue à faire de Dead Space Remake un jeu fascinant tout en confirmant, si besoin est, son statut d’œuvre culte.

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Gotham Knights : Loin d’être bat !

Orphelins depuis la fin (définitive ?) de la série des Batman Arkham, les fans de DC attendaient le jeu qui aurait pu à nouveau leur permettre de survoler Gotham afin de baffer du malfrat à tout va. Alors que Rocksteady s’en était allé voir du côté de Suicide Squad, c’est chez Warner Bros Games Montréal qu’avait échu l’univers du Dark Knight. Pour autant, point de Batman dans Gotham Knights puisqu’entièrement dédié aux élèves du Chevalier Noir que sont Nightwing, Robin, Batgirl et Red Hood. Un parti pris plutôt osé mais pour autant pas dénué de sens pour qui chercherait un peu d’originalité.

Le Dark Knight n’est pas étranger à Warner Bros Games Montréal. En 2013, alors que le studio anglais Rocksteady s’attelle au développement du troisième opus de la saga des Batman Arkham, les Québécois se chargent de leur côté d’un nouvel épisode afin de combler le vide jusqu’à la sortie d’Arkham Knight. L’idée est alors de concevoir un préquel à Asylum bâti sur les (excellentes) bases des jeux de Rocksteady. C’est ainsi que Batman Arkham Origins voit le jour. Présenté comme un opus centré autour de ses combats de boss, le titre intègre également du multijoueur (anecdotique) à la charge du studio Splash Damage. Se parant d’une ambiance hivernale, Origins profite du travail de Rocksteady, le système de combat Free Flow ou bien encore la modélisation de Gotham issue d’Arkham City. Toutes les planètes semblent alignées pour que le titre rencontre autant de succès que ses prédécesseurs sauf que…le tout fonctionne moins bien dans sa globalité, la faute à une mise en scène sans inventivité, des combats de boss peu inspirés (un comble) ou bien encore une forte impression de déjà-vu. Si le studio redressera la tête via un excellent DLC se déroulant dans le manoir Wayne investi par Mister Freeze, cette histoire nous montre que le studio avait à l’époque les épaules moins solides que celles de Rocksteady. Neuf ans plus tard, leur nouvelle incursion à Gotham a donc de quoi intriguer d’autant qu’en lieu et place de Batman, ce sont ses protégés qui lui volent la vedette.

Gotham nous fait la cour

Optant à nouveau pour du semi open world, on ne sera pas vraiment surpris par le fait d’évoluer dans une Gotham blindée d’activités, bien que manquant de vie. En premier lieu, on sera étonnés que techniquement et visuellement, le tout soit moins beau et maîtrisé qu’Arkham Knight bien que celui-ci date de 2015. Difficile dans ce cas de comprendre et d’accepter l’absence de 60fps. S’articulant autour de la mort de Bruce Wayne et du fameux arc de La Cour des Hiboux, Gotham Knights tente, tant bien que mal, de nous narrer une version alternative de cette histoire en remplaçant Batman par nos quatre héros interchangeables qui vont devoir ramener l’ordre en ville tout en faisant la lumière sur une conspiration aux ramifications étendues. Afin de densifier sa narration, Gotham Knights intègre en parallèle trois autres arcs secondaires mettant en scène Harley Quinn, ClayFace et Mister Freeze. Libre à vous de naviguer entre chacune de ses intrigues au fil de votre progression d’autant que chacune d’entre elles s’avère réussie. Cependant, c’est dans sa construction que le jeu pèche énormément malgré une impression de contenu gargantuesque et un florilège de missions diverses et variées. Kidnapping, attaque de fourgons, piratage de données, vol d’ADN, Gotham Knights semble généreux même si passées quelques heures, on se rend compte que c’est beaucoup de poudre aux yeux.

Comme dans n’importe quel jeu de ce type (à commencer par Marvel’s Spider-Man, autre influence évidente du studio), on aura le choix d’avancer en ligne droite dans l’histoire ou de faire nombre d’à-côtés pour augmenter le niveau de ses héros. Retenez à ce sujet que si le niveau recommandé ne changera pas pour les quêtes principales et les trois scenarii additionnels, celui des objectifs annexes s’adaptera à votre niveau actuel. Construit autour du principe de nuits, chaque fois que vous quitterez le Beffroi (votre base d’opération où vous pourrez parler à Alfred, changer de héros, profiter de cinématiques liées à vos personnages…), vous aurez un certain nombre d’activités pour vous occuper. Se faisant, vous obtiendrez des «points d’investigation» qui vous permettront de débloquer d’autres activités la nuit suivante et ainsi de suite. L’idée est bonne car outre le fait de procurer un sentiment de travail accompli, elle permet aussi de segmenter votre temps de jeu et de ne pas subir un aspect bourratif commun à pas mal d’open world à commencer par ceux d’Ubisoft (aussi bons soient-ils).

Comme je le disais au-dessus, vous aurez dans Gotham Knights pas mal d’activités, sauf que 95% d’entre-elles s’articulent autour de combats contre l’une des factions du jeu. En somme, le type d’objectifs n’est finalement qu’une façade, ce qui amène logiquement un sentiment de redondance très important. Pour «varier» les plaisirs, on pourra terminer une rixe en essayant de remplir certains objectifs (faire x lancers, ne pas subir de dégâts…) mais sachant que ces derniers tournent eux aussi en boucle, on les laissera tomber dès lors qu’on aura atteint notre niveau max. Restera alors les courses en Batcycle, les séquences d’infiltration et les scènes de crime. Malheureusement, aucune d’entre elles ne s’avère suffisamment probante. Pire, elles se montrent bien moins bonnes que leurs homologues de la saga Arkham. Ainsi, les courses en Batcycle sont molles et sans challenge et l’infiltration se résume à sa plus simple expression en nous demandant de désactiver des caméras et d’éliminer des gardes dans des endroits au level-design paresseux. Quant aux scènes de crime, entre un aspect «jeu d’objets cachés» nous réclamant de balader notre curseur sur l’écran pour trouver des indices et la résolution consistant à lier deux indices entre eux, on est ici aussi très loin des scènes d’enquête de Gotham Knights. Cet aspect est encore plus présent dans les scènes de crime additionnelles qui tournent toutes autour du même objectif : trouver l’endroit d’où viennent les criminels. En somme, la victime, le modus operandi ou les indices deviennent ici totalement secondaires puisque seul l’élément contenant un lieu devient utile. Un bilan très mitigé donc plus ou moins atténué par la complémentarité des quatre héros.

Un pour tous, tous pour un !

En effet, si il y a quelque chose qu’on ne peut enlever à Gotham Knigts, c’est bien le fait qu’il soit très agréable de diriger chacun des quatre personnages possédant leur propre style et capacités associées. Bien que Red Hood se distingue par sa propension à utiliser ses flingues, il se montre aussi très efficace au cac à l’instar de ses trois compagnons. D’ailleurs, si les trois autres héros versent davantage dans le combat rapproché, leur style diffère quelque peu ne serait-ce que par l’arme qu’ils utilisent chacun : les bâtons d’eskrima pour Nightwing, le bâton de bo pour Robin et les tonfa pour Batgirl. On signalera aussi un moyen de déplacement propre à chaque héros (en plus du grappin, du Batcycle et des points de voyage rapide) afin d’explorer Gotham. Cependant, c’est surtout à travers leurs capacités d’élan que la différence se fera ressentir. Pour les débloquer, vous devrez au préalable remplir certains défis au fur et à mesure de l’aventure. Ensuite, une fois donné un certain nombre de coups à vos adversaires, vous serez capables de les utiliser, via une pression sur la touche R1 et un bouton d’action associé. Simple même si on pourra trouver abusé le cooldown abusivement long pour la capacité la plus puissante dont l’efficacité variera d’ailleurs grandement en fonction des héros.

Nonobstant la complémentarité des héros, difficile d’excuser les faiblesses du système de combat inspiré du Free flow et du système de Marvel’s Spider-Man mais n’arrivant jamais à leur hauteur. On regrettera ainsi l’impossibilité de locker, ceci nous valant souvent de frapper à côté ou une précision toute relative surtout lorsque notre héros se jette de lui même sur un ennemi alors qu’on est en train d’en finir avec un autre. Poursuivons avec une caméra trop proche rendant les rixes brouillonnes, surtout en intérieurs, ou un système bien trop basé sur les esquives à répétition à cause de l’absence de contres. Ceci fait d’ailleurs toute la différence avec le Free flow d’autant qu’il est impossible de passer par dessus un ennemi et qu’on subira continuellement les assauts répétés des ennemis ne se privant pas de nous tirer dessus à une cadence effrénée. On devra alors continuellement esquiver, frapper une ou deux fois, esquiver et ainsi de suite. Epuisant à la longue. Certes, en gagnant de l’expérience (heureusement commune aux quatre héros), on augmentera nos statistiques d’attaque, on débloquera des skills rendant le tout un peu plus fun mais malgré cela, Warner Bros Games Montréal aurait largement gagné à améliorer le système pour éviter certains affrontements trop longs ou même l’obligation de crafter des pièces d’équipement pour gagner en efficacité.

Loot them all

C’est ici qu’intervient la dimension «jeu service» de Gotham Knights, non pas dans sa structure mais bel et bien dans son gameplay nous forçant à enchaîner les missions pour gagner des matériaux indispensables pour obtenir armures, armes (au corps à corps et à distance) et mods. Si l’idée s’avère déjà très clivante dans le cadre d’un jeu soutenu par son scénario et son ambiance, elle est ici très intrusive en cela qu’on devra, pour chaque héros, recommencer encore et encore les mêmes missions pour obtenir des schémas plus puissants. On pourra également désassembler les équipements pour obtenir davantage de matériaux afin de crafter un équipement plus puissant dont le niveau augmentera en y associant des mods liés aux attaques critiques, aux dégâts ou à la défense élémentaires, à notre santé, etc. Si le système permet d’obtenir des équipements plus efficaces face aux différentes factions, et surtout aux boss ayant chacun des forces et faiblesses, on restera dubitatifs devant ce système qui n’avait pas nécessairement sa place dans un tel univers d’autant que la fusion de mods s’avère souvent aléatoire en nous donnant des résultats qui n’ont ni queue ni tête.

Concernant les boss justement, Gotham Knights s’en sort convenablement. Au risque de me répéter, le titre fait toutefois largement moins bien qu’Arkham City (autant dans la mise en scène que la façon de les battre), bien que certains d’entre-eux procurent de bonnes sensations et réclameront de votre part un minimum de dextérité. A ce sujet, on notera qu’une fois terminé le jeu, on pourra reprendre chaque combat de boss, avec trois ami.e.s. Bien plus coriaces (et avec un fort aspect «sac à PV»), ils vous réclameront toutefois un niveau de puissance global minimal avant de vous y frotter et des équipements de Niveau 60. Mentionnons également que si ce contenu gratuit est venu enrichir le New Game+, il est également arrivé avec Les Assauts héroïques (ici aussi pour 1 à 4 joueurs), soit 30 étages remplis d’ennemis qui vous rapporteront un loot de meilleure qualité permettant de crafter des équipements plus puissants et donc d’augmenter votre puissance. Un petit bonus non négligeable qui ne fera cependant pas oublier qu’à la base, l’aventure principale avait été pensée pour être jouée à quatre joueurs avant que cette feature ne soit ramenée à deux. Sur ce point d’ailleurs, il sera intéressant de jouer en duo pour récupérer plus rapidement les nombreux collectibles (enregistrements audio, couvertures de comics, pages de l’histoire de La Cour des Hiboux…), un objet découvert par l’un allant aussi dans l’inventaire de l’autre. Pratique d’autant que cette activité s’avère peu passionnante dans Gotham Knights malgré les informations qu’on obtiendra sur le lore.

Le titre ne manque donc pas de contenu, d’autant que chaque héros pourra revêtir une quinzaine de costumes plutôt classes, ni même d’idées mais se heurte malheureusement à de très nombreuses approximations rendant l’expérience trop classique voire agaçante par moments. Frustrant surtout qu’artistiquement, hormis un character design très carré, Gotham Knights offre parfois des ambiances très sombres ou au contraire des jeux de lumière mettant en valeur décors autant gothiques qu’urbains. La visite dans l’asile d’Arkham et les lieux où réside la Cour des Hiboux s’avère particulièrement réussie grâce à un soin tout particulier apporté aux décors. Ce n’est donc pas tant l’absence du Dark Knight qui fait défaut à Gotham Knights mais bel et bien le savoir-faire du studio britannique dont l’héritage est ici la plus grande force mais aussi la plus grande faiblesse tant Warner Bros Games Montreal n’aura pas su l’utiliser à bon escient pour proposer une suite aussi ambitieuse et réussie que la trilogie Arkham.

Sans être foncièrement mauvais, le titre de Warner Bros Montreal doit supporter la comparaison avec la série des Batman Arkham qu’il n’arrive jamais à dépasser quel que soit le sujet évoqué. Classique sans être pour autant inintéressant, le titre des Québécois se montre simplement moyen sur tous les aspects et ne parvient jamais à convaincre pleinement aussi bien dans son histoire (cousue de fil blanc), ses combats ou son exploration. Devant également composer avec un aspect «En travaux» synonyme de nombreuses maladresses et autres approximations, Gotham Knights se laisse parcourir mais est malheureusement voué à rester dans l’ombre de la série de Rocksteady.

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Triangle Strategy – L’art de la guerre

Bien que le RPG tactique n’ait jamais disparu, le souvenir de Final Fantasy Tactics résonne encore dans le coeur de celles et ceux qui ont eu la chance de croiser sa route. Malgré ses deux suites, subsistait un grand vide chez les amateurs du genre. Triangle Strategy était donc attendu de pied ferme, grâce à son scénario mature et l’envie de proposer un digne héritier au chef-d’œuvre de Squaresoft. Mais est ce que l’attente en valait finalement la chandelle ?

Tactics Ogre Reborn, The Diofield Chronicle, Marvel’s Midnight Suns, le RPG tactique aura vu quelques représentants de poids en 2022 et il devrait en être de même cette année avec Front Mission 1St, le sans cesse repoussé Advance Wars 1+2: Re-Boot Camp, Metal Slug Tactics et Fire Emblem Engage pour ne citer que les plus connus. Si Tactics Ogre Reborns aura permis à nombre de joueurs de découvrir le père du tactical RPG (sorti en 1995 sur Super Nintendo) à travers un remake de qualité, de nombreux joueurs désespéraient de retrouver l’ambiance si particulière de Final Fantasy Tactics sorti en 1997 sur PlayStation. En effet, si la saga avait eu droit par la suite à deux séquelles (sur GBA et Nintendo DS), ces dernières n’avaient pas réussi à proposer un scénario aussi complexe, torturé et sombre que celui de leur grand frère. Triangle Strategy était donc fortement attendu sur ce point puisque semblant reposer sur un aspect géopolitique et une imposante galerie de personnages à même de donner du corps et de l’épaisseur à l’intrigue. Opposant également un aspect graphique des plus chibi (via des personnages super-deformed) à la dureté de son histoire et de son message, Triangle Strategy entretenait également un autre point commun avec FFT. Une raison de plus pour l’attendre le cœur gonflé d’espoir…

C’est dans les vieux plots…

D’un point de vue scénaristique, Triangle Strategy tient le haut du pavé bien que tout ne soit pas parfait. Néanmoins, on ne pourra lui enlever l’envie de proposer une histoire riche, dense et composée de multiples rebondissements dont le joueur sera lui-même partie prenante. En effet, à intervalles réguliers, le jeu vous mettra face à des choix qui auront un impact direct (et donc crucial) sur le déroulé de l’histoire. Ainsi, en tant que leader de votre groupe, vous devrez faire en sorte que vos compagnons, ayant leurs propres convictions, se rangent de votre côté. Dans ce cas, vous aurez alors la possibilité de leur parler afin d’orienter leurs décisions en choisissant les bons arguments. Pas si simple, même si en allant vous balader dans votre village pour prendre le pouls de la situation en discutant avec les habitants, vous glanerez diverses informations qui amèneront de nouvelles options de dialogues avec vos camarades. Cet aspect sera donc primordial pour avoir l’une des fins du jeu et surtout poursuivre une partie en accord avec vos principes.

De ces décisions, découlera une histoire plus ou moins tragique ainsi qu’une conclusion associée. Et vue l’ampleur du scénario rempli de trahisons, prises de positions radicales et autres conflits raciaux, Dieu seul sait que Triangle Strategy vous tiendra en haleine, surtout si les tunnels de dialogues, quelque peu ampoulés, ne vous font pas peur. Sans être un véritable écueil, reconnaissons tout de même que les développeurs auraient sans doute gagnés à être plus inspirés en offrant à leur jeu un meilleur équilibre entre phases narratives et affrontements. Pour autant, il est indéniable que l’histoire de Triangle Strategy reste l’un de ses points forts en mettant en avant un gigantesque conflit géopolitique s’articulant autour des denrées maîtresses du continent de Norzélia : le sel et le fer. Débutant par une guerre ouverte entre Glenbrook, représenté par le prince Roland, secondé de son ami de toujours Serenor (héros de l’aventure), et Aesfrost, le scénario ne tardera pas à y injecter un troisième intervenant, autrement dit le royaume d’Hyzante, dont la religion, fondée autour du culte d’une déesse et de son mystérieux oracle trônant au sommet du groupe des Sept Saints, alimentera la guerre à venir.

Epique, tragique et pleine de surprises, l’histoire tient véritablement en haleine même si on lui reprochera certains passages enfonçant des portes ouvertes ou plusieurs personnages esquissés, aspect plus ou moins logique compte de l’aspect choral du jeu. D’un autre côté, on saluera l’idée de donner à l’ensemble des personnages jouables un passé, qu’on découvrira à travers des séquences optionnelles, afin de leur offrir un brin de backstory et donc de les rendre plus attachants. On savourera alors l’avancée du scénario ne perdant jamais une occasion de pointer du doigt les différences entre les classes sociales, le totalitarisme, les dangers de la religion ou bien encore les souffrances des peuples en temps de guerre.

Qu’on fait les meilleures features

Pour supporter un scénario aussi ambitieux, il fallait un gameplay des plus solides. Artdink l’a bien compris et sur ce point, leur jeu n’a nullement à rougir face à ses illustres aînés. Tout en reprenant les bases communes du RPG tactique (gestion de l’équipement, capacités complémentaires des combattants, pourcentages de réussite en fonction de l’endroit où se trouvent nos personnages…), Triangle Strategy amène quelques petites nouveautés dynamisant les affrontements.

Citons par exemple les Atouts permettant de faire revivre un personnage tombé au combat, d’immobiliser un ennemi ou bien encore de garantir un coup critique. Néanmoins, avant de pouvoir les utiliser, vous devrez les acheter dans votre camp, accessible entre chaque mission. C’est d’ailleurs ici que vous aurez l’occasion de faire le plein d’items, d’équipements ou même d’obtenir argent, points de compétences et expérience via différentes simulations de combat dont le niveau augmentera en fonction de l’avancée de l’intrigue. C’est également au camp que vous aurez la possibilité de débloquer des skills pour vos personnages. A ce sujet, si il est impossible de faire changer de « job » à vos héros, ceux-ci pourront acquérir de plus en plus de techniques en évoluant au sein de leur propre classe. Il sera aussi possible d’obtenir des améliorations passives avec, par moments, des choix à faire lors de certains paliers afin d’orienter légèrement l’orientation de vos guerriers.

Bien que Triangle Strategy ne soit pas le RPG tactique le plus difficile au monde (il n’intègre pas, à l’inverse d’un Fire Emblem, de permadeath), il conviendra cependant de prendre le temps nécessaire pour bien préparer votre équipe pouvant compter jusqu’à huit membres. C’est seulement comme ceci que vous viendrez à bout des combats les plus ardus. Cependant, vous aurez la possibilité lors de certaines batailles d’interagir avec le décor pour vous simplifier la tâche. Si certaines manipulations s’avéreront sans danger (utiliser des chariots dans une mine pour bouger plus rapidement et, avec de la chance, blesser un adversaire présent sur un rail), d’autres en revanche pourront impacter sur la meilleure fin du jeu. Ainsi, si vous décidez d’utiliser des pièges dissimulés dans un village lors d’une des premières batailles afin de brûler des groupes d’ennemis, le fait de réduire en cendres les maisons de votre peuple ne sera pas sans conséquence. Une excellente idée renforçant à nouveau la notion de choix.

Le reste consistera, comme dans tout bon jeu de ce type, à essayer d’anticiper la réaction de vos ennemis, en prévoyant vos actions pour les éliminer le plus rapidement possible. Pour se faire, il conviendra d’utiliser la timeline visualisant vos tours et ceux ennemis et agir en conséquence afin, par exemple, de bloquer la prochaine attaque adverse. Rien de bien neuf sous le soleil mais toujours aussi efficace. De même, en usant des capacités de vos combattants, ou de la position de ces derniers, vous pourrez prendre vos ennemis en tenailles, les charmer, les empoisonner ou bien encore faire tomber de la pluie sur le terrain puis lancer un sort de foudre afin de toucher plusieurs soldats. De multiples possibilités accentuées par le nombre conséquent de personnages une fois encore. Notons toutefois que malgré quelques soucis de visibilité liées aux forces présentes sur la zone de combat et autres indications visuelles (zone de déplacement, pourcentages de hit, etc), le fait de pouvoir zoomer/dézoomer, incliner la caméra et la tourner à 360° minimisera ce ressenti.

Bis repetita

Le jeu ayant beaucoup à offrir, on ne se fera pas prier pour en profiter un peu plus à travers le New Game +. Loin d’être anecdotique, celui-ci vous permettra même d’avoir plusieurs points de vue sur l’histoire puisqu’on dénombre pas moins de quatre fins. Pour voir chacune d’entre-elles, il vous faudra bien sûr remplir des conditions spécifiques ou faire des choix à certains moments clé de l’histoire. Outre la possibilité de monter vos personnages au maximum et de récupérer les skills qu’il vous manque, vous aurez la possibilité de voir l’ensemble des chemins proposés mais aussi et surtout de rencontrer jusqu’à neuf nouveaux combattants. Une carotte extrêmement tentante d’autant que le jeu profite d’un character design réussi et que la complémentarité des personnages permet des approches vraiment différentes en combat. D’ailleurs, il est intéressant de noter que si quelques personnages semblent, de prime abord, peu utiles (Hossabara, Picoletta, Lionel…), leurs derniers skills pourront parfois être salutaires à l’image de Medina pouvant offrir un TP (indispensable pour utiliser sorts ou techniques) à n’importe quel personnage qu’elle soigne. Bref, outre la possibilité de gonfler les rangs de votre équipe, ce surplus de personnages aura le mérite d’allier l’excitation de la découverte à la praticité d’une équipe encore plus équilibrée.

Outre ses nouveaux personnages, le New Game + vous proposera également de découvrir de nouveaux lieux, aussi envoûtants que chargés de détails. Très riche visuellement (autant dans ses ambiances, effets spéciaux ou pluralité de personnages, principaux comme secondaires), Triangle Strategy vous montrera un nouveau visage au fil de vos parties qui s’avéreront aussi exaltantes (d’autant qu’on aura tôt fait d’accélérer les dialogues déjà entendus pour aller à l’essentiel) que difficiles puisque le niveau des ennemis sera basé sur celui de vos guerriers. Au final, l’envie de redécouvrir cet univers primera et c’est avec grand plaisir qu’on enchaînera les affrontements en modifiant notre stratégie tout en optant pour de nouveaux choix modifiant notre orientation (moralité, utilité ou liberté) influant elle-même sur la fin du jeu. Une sorte de cercle vertueux synonyme de plus d’une centaine d’heures de jeu mais comme on dit : quand on aime…

Trop bavard et devant supporter quelques soucis de lisibilité ou de gestion d’équipement, Triangle Strategy n’en reste pas moins un RPG tactique de haute volée qu’il serait dommage de laisser passer si vous aimez le genre. Profitant d’un scénario complexe et d’un aspect choral lui offrant autant de figures tutélaires pour le bien-être de l’histoire que de personnages jouables amenant un aspect stratégique des plus délectables, le titre d’Artdink s’avère aussi passionnant à suivre qu’à jouer. Un titre non exempt de défauts mais véritablement fascinant dans son envie d’immerger le joueur, de le placer face à des choix cornéliens tout en imbriquant histoire et gameplay dans un grand tout synonyme d’un des New Game + les plus intéressants jamais vus.

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The Callisto Protocol – La peur de l’échec

Lorsque Glen Schofield signe en 2008 le premier Dead Space, il s’inspire ouvertement de Resident Evil 4 avec pour ambition de proposer un jeu plus dynamique et tout aussi viscéral (sans mauvais jeu de mots) que son modèle. Le résultat est là, Dead Space est un chef-d’oeuvre et accessoirement l’un des meilleurs survival-horror ayant jamais existé. Lorsqu’il s’attelle à nouveau à la tâche 14 ans plus tard, ses influences sont fort logiquement issues de ses premiers travaux. Il est donc tout à fait naturel que quasiment tout dans The Callistol Protocol renvoie à Dead Space. Il est en revanche moins logique que plusieurs des idées ne fonctionnent pas et ne génèrent que de la frustration.

Entendons-nous bien, Callisto Protocol n’est pas un mauvais jeu. Il parvient même à surprendre, en bien, et se montre parfois très efficace dans ses ambiances. Le problème vient du fait que le jeu aurait, pu, aurait dû être bien meilleur avec un vétéran comme Schofield à la barre. En partant de ce postulat, on a donc du mal à comprendre, et accepter, les très nombreuses errances émaillant la progression, ou certains choix structurels qu’ils soient assumés ou non par l’équipe de développement. Beaucoup de choses ne vont pas dans The Callisto Protocol, trop d’éléments semblent avoir été laissés à l’abandon pour on ne sait quelle raison et plus que tout, trop de passages sont synonymes de frustration prenant petit à petit le pas sur l’élément principal de tout survival-horror : la peur. Mais reprenons depuis le début…

De Rancid Moon à The Callisto Protocol

A l’image de Shinji Mikami qui s’était fortement inspiré de son blockbuster Resident Evil 4 pour les besoins de son Evil Within, Glen Schofield reprend peu ou prou absolument tout ce qu’il a réalisé dans Dead Space. Ambiance poisseuse, gore à outrance, séquences marquantes, HUD, tout y est à commencer par son histoire reprenant des éléments du premier scénario de Dead Space à l’époque où son nom de code était encore Rancid Moon. On ne sera donc pas étonné d’y croiser la route d’un «cowboy» solitaire, Jacob Lee, dont le vaisseau va s’écraser sur Callisto suite à un abordage par le groupe terroriste Outer Way mené par Dani Nakamura. Arrêté et jeté dans les geôles de la prison Black Iron, Jacob se réveille en plein cauchemar alors que le bâtiment semble être envahi par des prisonniers et gardiens infectés par un étrange virus. Ne tardant pas à rencontrer le prisonnier Elias Porter, il va devoir trouver un moyen de s’enfuir de Black Iron tout en essayant de limiter la propagation de l’épidémie.

S’articulant autour d’éléments classiques de l’horreur dont le héros, seul, face à un univers chaotique peuplé de créatures mortelles, représente le pilier central, le jeu de Striking Distance Studios se complaît dans un scénario de série B qu’on découvrira au fur et à mesure de la progression et la découverte de plusieurs audio logs nous renseignant sur les événements passés. L’histoire reste malheureusement tellement secondaire qu’on finira par quasiment l’oublier, le tout étant cousu de fil blanc pour celles et ceux qui auraient croisé la route d’un Resident Evil ces dernières années. De fait, si on évite le trop plein de jump scares faciles (ici remplacés par la capacité des créatures à surgir à tout moment par les conduits d’aération), il est dommage que les rares personnages qu’on rencontre n’aient pas bénéficié d’un travail plus affiné afin de ne pas donner l’impression de simplement exister à travers une poignée de cinématiques émaillant l’aventure. Le constat était assez similaire dans Dead Space qui se rattrapait quelque peu à travers le passé d’Isaac et de sa femme Nicole. De son côté, The Callisto Protocol n’ayant finalement pas de véritable matière narrative à offrir, l’envie d’avancer sera davantage mue par la découverte de son univers que par celle de son scénario.

Si le titre se satisfait donc d’une trame narrative somme toute légère, on lui reprochera également de nous faire le coup de la véritable fin en DLC. Très maladroit de la part du studio car si on ne doute pas que l’idée soit de faire du jeu une franchise en devenir, terminer le premier volet sur un cliffhanger assez important en nous balançant sous le nez le season pass pour avoir le fin mot de l’histoire n’était pas la chose la plus intelligente à faire.

La mort vous va si bien

En parlant de maladresses, il convient d’aborder la question du gameplay, lui aussi basé sur celui de Dead Space mais au ressenti bien différent à cause de divers soucis. Pourtant, dans l’absolu, tout semble avoir été pensé pour que le joueur se sente en confiance, du moins d’un point de vue de la maniabilité. La vue TPS (type caméra à l’épaule popularisée par RE4) répond présente, on peut acquérir divers moyens de défense, les améliorer via des forges et si à l’image de Dead Space, il est même permis de piétiner les ennemis au sol pour répandre leurs viscères afin de récolter items ou argent, on peut également affronter nos adversaires au corps à corps à l’aide d’une matraque, ceci offrant au jeu un dynamisme que n’avait pas le jeu de Visceral Games. Malheureusement, on se rend compte dès les premières rixes que plusieurs choses clochent.

Déjà, le jeu est parfois très difficile, dès le mode Normal, avec plusieurs passages souffrants du syndrome « Die & Retry ». Difficile de dire si cet aspect était voulu à la base par Schofield ou si il s’agit simplement de potentiomètres mal réglés. Dans tous les cas, il en résulte de l’exaspération cassant très souvent le sentiment d’oppression indispensable à tout survival-horror construit autour de son ambiance. Cette difficulté résulte cependant de deux éléments distincts : le cac, mentionné plus haut, et son game design.

Pour le premier élément, avec un bon entraînement et des réglages (optionnels), vous devriez pouvoir vous en tirer sans trop de heurts. En effet, à l’inverse de Dead Space, The Callisto Protocol s’axe autour du combat rapproché et ce même, si rapidement, vous aurez accès à plusieurs armes. Les premières heures vous demanderont néanmoins d’aller au contact et donc de maîtriser le système d’esquives. En somme, dès qu’une créature vous chargera, il vous faudra orienter le joystick gauche dans une direction ou dans l’autre pour éviter le coup puis dans la foulée, contre-attaquer via une attaque rapide ou lourde. Ca n’a l’air de rien mais il faudra trouver le bon timing au risque de se prendre un coup qui, dans le jeu, fait mal, très mal. Outre certains ratés qu’on a du mal à comprendre, il est indéniable que le système a été plutôt pensé pour des affrontements en 1V1 que face à plusieurs créatures, ce qui arrivera souvent.

On devra alors se satisfaire d’une caméra qui a bien du mal à suivre l’action, ceci nous valant souvent de mourir promptement et donc de devoir recommencer des séquences encore et encore. D’autant plus vrai que de nombreux checkpoints sont mal placés puisque très éloignés d’une forge et donc nous forçant à laisser des objets vendables par terre, ou à l’inverse, juste avant la forge et/ou un combat difficile, ceci nous obligeant ici aussi à recommencer toutes nos manipulations (upgrades / achat d’équipement) dans le cas d’un Game Over. D’une lourdeur sans nom, à l’image de l’absence de retournement rapide qui aurait pu nous aider lors de séquences de fuite ou de l’usage de gel de santé, quasiment impossible à utiliser en pleine action tant l’animation est longue, bien que celle-ci ait été raccourcie via un récent patch.

Etonnant que Glen Schofield ait laissé passer autant d’approximations surtout qu’à l’inverse, plusieurs éléments fonctionnent bien. Ici aussi, rien de renversant ou qui n’ait été fait dans Dead Space mais pouvoir utiliser le Grip pour attraper les monstres puis les empaler sur des pics ou les lancer dans le vide fait son petit effet. Le feeling des armes est plutôt bon même si concernant ces dernières, on pourra pester contre le fait de récolter des munitions pour l’arme de poing, peu utile vers la fin, et ce même si on ne l’utilise plus du tout. Idiot surtout que la seule solution pour éviter ceci sera de ne pas crafter l’arme alors qu’elle a son importance en début de périple. Cet exemple fait une fois encore état de vrais problèmes de game design qui auraient pu être aisément réglés.

Bienvenue en enfer

Sur le plan visuel difficile d’être critique tant The Callisto Protocol maîtrise son sujet. Que ce soit à Black Iron, aux abords de la prison, perdu dans une tempête de neige ou en s’enfonçant dans les profondeurs de Callisto, l’exploration est un enchantement. Autant dans les textures, les effets volumétriques, la gestion de la lumière, le titre réalise un sans fautes et le bestiaire n’est pas en reste. Décharnées, de plus en plus difformes à mesure qu’on progresse, les créatures peuplant le complexe participent à l’ambiance d’autant qu’à l’image des Nécromorphes de Dead Space, les monstres de The Callisto Protocol ne perdront jamais une occasion d’utiliser conduits et autres trappes pour surgir afin de nous prendre à dépourvu. L’audio n’est pas en reste et hormis une synchro labiale ratée et quelques bugs nous balançant parfois de l’allemand ou lieu du français, les râles, cris, sons caverneux, étouffés ou au contraire allant crescendo, à l’image du pas lourd d’un boss nous chargeant de toute sa masse, mettent clairement en condition.

Si le début se situe à la croisée des chemins d’Escape From Butcher Bay et Dead space, The Callisto Protocol nous invite par la suite à une véritable descente aux enfers en maintenant un bon rythme grâce à une pluralité de lieux et quelques passages très réussis. Il est donc d’autant plus agaçant que les équipes de Schofield aient laissé passer autant de problèmes entachant par moments le plaisir de jeu et l’immersion globale. Le titre avait pour vocation à nous faire oublier Dead Space, il n’aura finalement réussi qu’à nous faire attendre encore davantage son remake. Un constat mitigé pour un jeu qui aurait dû s’imposer à travers son héritage mais aussi et surtout un souffle d’originalité.

Devant composer avec plusieurs erreurs de game design, proposant un système de cac mal pensé dès lors qu’on combat contre de multiples adversaires, proposant une difficulté déséquilibrée (dès le mode Normal) à cause de checkpoints mal placés, le jeu de Striking Distance Studios se saborde de lui-même au fil de sa progression. Certes, le titre est beau, très beau même, les ambiances fonctionnent parfaitement mais dès que The Callisto Protocol se montre satisfaisant sur un point, il prend un malin plaisir à y injecter des passages énervants au possible comme pour tendre le bâton. En résulte un jeu soufflant constamment le chaud et le froid, ne parvenant jamais vraiment à surprendre mais se montrant pourtant assez solide pour patienter jusqu’à Dead Space, modèle que The Callisto Protocol cite du début à la fin sans pour autant jamais parvenir à le dépasser. Frustrant, tout comme sa fin ouverte amenant son DLC conclusif avec la finesse d’un Monster Truck dans un magasin de voitures sans permis.