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Ghost of Yotei : La vengeance dans la peau

En proposant un open world moins dense que ceux de la concurrence directe, davantage porté sur la philosophie du guerrier et un aspect contemplatif mise en exergue par une somptueuse direction artistique, Ghost of Tsushima avait réussi à s’imposer dans le cœur des joueurs. Cinq ans plus tard, Ghost of Yotei s’appuie sur les mêmes préceptes tout en racontant une nouvelle histoire se déroulant plus de 320 ans après celle de l’opus original.

S’inscrivant dans la grande tradition des récits de vengeance, celui d’Atsu, l’héroïne de Ghost of Yotei, débute par un massacre, celui de ses parents, tués par les Six de Yotei, un groupe de mercenaires dirigé par le dénommé Saito. La jeune fille brisée va alors se nourrir de sa colère pour s’enhardir au point de devenir une légende au sein d’Ezo (actuelle Hokkaido). Surnommée l’onryo (littéralement l’esprit vengeur), elle n’aura de cesse de traquer les assassins de ses parents afin de se faire justice et retrouver un semblant de paix intérieure. Le contexte s’avère aussi classique que propice à une nouvelle aventure rouge sang durant laquelle Atsu sera amenée à tailler dans les rangs ennemis tout en faisant des choix entre sa vendetta personnelle et de possibles lendemains plus lumineux.

A partir de ce postulat, Sucker Punch va dérouler son histoire structurée de la même façon que celle de Ghost of Tsushima en changeant de lieu bien que toujours découpé en plusieurs zones que vous serez amenés à visiter au grès de votre progression. Rien de vraiment neuf et c’est peut-être ce qu’on reprochera à ce Ghost of Yotei qui ne manque pourtant pas d’atouts à commencer par sa somptueuse direction artistique, héritière de celle de son aînée et synonyme de légendes prenant la forme de superbes estampes animées ou bien entendu les nombreux panoramas tous plus magnifiques les uns que les autres, avec une admirable gestion de la lumière, des effets volumétriques accentuant certaines ambiances et des couleurs renvoyant aux œuvres de Zhang Yimou, l’une des principales références des Californiens.

Tout comme Tsushima, Yotei rend un très bel hommage à la culture cinématographique japonaise, live comme animée, à travers une réalisation plus cinématographique que jamais, devant autant au chambara qu’au wu xia pian et au western. Pour accentuer le tout, plusieurs modes sont également proposés. Si le mode Kurosawa (cinémascope, noir et blanc) est toujours présent, on trouve cette fois les modes Takashi Miike (gerbes de sang et boue omniprésente) et Shinishiro Watanabe avec ses musiques low-fi typiques de son excellente série Samurai Champloo. Les développeurs connaissent leurs classiques, apprécient réellement cette culture et le tout se ressent fortement lorsqu’on parcoure leur titre. Il est d’ailleurs bon de rappeler qu’au-delà de son visuel et ses cadrages, Ghost of Yotei accorde beaucoup d’importance à l’aspect sonore, entre son sound design relaxant fruit d’un énorme travail réalisé dans le Parc national de Shiretoko, et sa soundtrack passant allégrement de morceaux posés à des compositions plus soutenues ou quelques très belles chansons ici aussi parfaitement intégrées pour magnifier l’instant présent.

Pour autant, comme je le disais plus haut, l’effet de surprise n’est plus vraiment là, Sucker Punch s’étant contenté de copier/coller une formule qui, certes, a fait ses preuves, mais sans lui apporter d’améliorations majeures. Il y a bien plusieurs ajouts mais au-delà du nombre presque ridicule de collectibles et cosmétiques qui frôle le remplissage compulsif, les apports sont finalement trop timorés pour marquer véritablement. Pour autant, ce ressenti est davantage lié à la structure du jeu puisqu’en termes de gameplay , on note quelques modifications bienvenues. Ainsi, oubliez les postures de combat de Tsushima puisque désormais, on devra simplement passer d’une arme à l’autre (parmi cinq choix disponibles) afin d’être plus efficace contre nos adversaires. Basé sur le principe du Pierre/Feuille/Ciseaux, le système s’avère plus souple que dans le précédent jeu (qui permettait également ce switch d’armes) d’autant qu’il est cette fois possible de locker des ennemis, ceci évitant l’aspect brouillon des rixes à plusieurs de Ghost of Tsushima. Pour autant, on ne se fera toujours pas prier pour user des roulades ou courir afin de prendre de la distance, se repositionner afin d’examiner la situation puis se jeter à nouveau dans la mêlée. Cet aspect est d’autant plus important que les ennemis pourront cette fois nous désarmer (l’inverse étant également vrai), ceci nous obligeant alors à vite récupérer notre arme sur la surface de combat afin de ne pas être désavantagé.

Bien entendu, sachant qu’il sera possible d’obtenir de nouvelles compétences pour chaque arme, l’évolution d’Atsu ira de pair avec une plus grande maîtrise du combat d’autant que comme dans Tsushima, l’usage de gadgets (kunais, bombes fumigène, sabre enflammé…) associé aux effets des charmes (plus grande fenêtre de parade, gain accru de concentration, etc) rajoutera au côté épique et technique des combats tout en les rendant plus fluides. D’ailleurs, l’arrivée d’armes à feu tend ici aussi à dynamiser les rixes, autant en pleine mêlée que lors d’un duel en enchaînant des «instant kills» à la suite ponctués par une mise à mort au pistolet, magnifiée par un ralenti du plus bel effet. Gracieux et mortel à la fois.

La dimension action du jeu reste donc intacte dans les sensations ressenties tout comme l’exploration pensée autour de diverses activités plus ou moins intéressantes. Les terriers des renards refont surface, cette fois accompagnés de loups à sauver. Notons que ces missions ne seront pas anodines puisque vous pourrez également améliorer votre lien avec l’animal afin qu’il vienne plus souvent vous aider lors d’affrontements. Au rayon des activités annexes, notons l’arrivée de deux mini-jeux. Le premier, le Zeni Hajiki, est un jeu de pièces aussi simple que pratique pour gagner des ryo alors que le deuxième, ku-e-shinok, est un jeu d’adresse à l’arc dont on se désintéressera rapidement. C’est également le cas des sanctuaires à gravir, bien trop longs au point qu’on ne ressentira jamais cette spiritualité liée au lieu tant la plate-forme s’avère sans intérêt. La récompense reçue n’étant pas à la hauteur du temps passé durant l’ascension, ces treks n’arrivent jamais vraiment à remplir leur fonction première (créer une connexion avec cette nature virtuelle) hormis lors de l’ascension du Mont Yotei imprimant durablement la rétine à travers son cratère enneigé et l’affrontement contre Takezo l’inégalé, le duel le plus «Soulesque» du jeu, aussi éprouvant que gratifiant une fois passé.

L’exploration de Yotei se veut pour autant tout aussi organique que celle de Tsushima et c’est ce qui différencie une fois encore le jeu d’un titre comme Assassin’s Creed. Nous ne sommes jamais noyés par les objectifs et les différentes missions, regroupées sous la forme de cartes (liées aux primes, peintures sumi-e, reliquaires, etc) se débloquent de manière très fluide en rencontrant au hasard un villageois, un marchand Aïnou, en menaçant un brigand suite à un affrontement ou tout simplement en découvrant un point d’intérêt au fur et à mesure des nos chevauchées. Sur ce point, si on regrettera que la map ne se dévoile plus par portion suite à la prise d’un village mais uniquement en y allant, on saluera les très nombreux points de téléportation (couplés à une absence de temps de chargements), le fait qu’on puisse désormais gagner de la vitesse en galopant parmi des champs de fleurs blanches ou la possibilité de camper n’importe où pour regagner l’intégralité de notre santé et crafter des munitions, ceci s’inscrivant une fois de plus dans cette vision très organique de l’open world. A l’inverse, on pourra être déçu que Sucker Punch n’ait pas vraiment cherché à améliorer le côté infiltration de l’oeuvre, les mécanismes étant similaires à ceux de Tsushima à quelques stealth kills inédits prêts.

Reflet de son aîné, Yotei n’a pourtant pas à rougir de la comparaison et ce même si on eut apprécié davantage de prises de risques de la part des développeurs. S’appuyant sur les mêmes forces que son aïeul (une direction artistique somptueuse, un aspect contemplatif mélangé à une philosophie guerrière), cette suite gomme certaines des faiblesses de Tsushima en s’articulant autour d’un gameplay plus intuitif mais également plus incisif. Plus que jamais influencé par tout un pan de la culture asiatique, prônant une approche artistique de chaque instant d’un point de vue diégétique (les mélodies au Shamisen servent autant à apaiser l’esprit qu’à nous montrer le chemin vers divers points d’intérêt) et extra diégétique, Ghost of Yotei déroule un récit écrit dans le sang avec au centre de l’histoire, Atsu, nouvelle figure féminine forte aussi meurtrie que meurtrière. Bien que classique, le personnage fonctionne, via notamment des flashbacks du temps de son adolescence donnant à son histoire davantage de densité et d’émotion. C’est aussi grâce à elle que Yotei parvient à nous retenir entre l’introspection d’une femme vivant à travers son passé et sa quête vengeresse synonyme de passes d’armes aussi sanglantes que jouissives.

En marchant dans les pas de Ghost of Tsushima, Ghost of Yotei se confronte de lui-même à une forte impression de déjà-vu d’autant que les nouveautés apportées sont nombreuses sans être pour autant marquantes. Toutefois, cette quête de vengeance parvient à retenir l’attention grâce à un aspect très organique et une atmosphère une fois encore très envoûtante. Yotei ne cherche pas à révolutionner la formule initiale mais plutôt à consolider ses bases solides, ce qu’il réussit à faire avec justesse.

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Predator : Badlands – Héros malgré lui

Promu grand ordonnateur de l’avenir du Predator, Dan Trachtenberg passe à la vitesse supérieure en sortant cette fois au cinéma un troisième film à la gloire de l’extraterrestre à dreadlocks. L’occasion de rebattre les cartes, de faire de notre chasseur le héros, tout ceci sous couvert d’un rating PG-13. Mauvaise idée ou nouvelle direction dont la franchise avait bien besoin ? La question mérite d’être posée.

Renouant avec la fin de Killer of Killers, Badlands installe son introduction sur Yautja Prime, planète des Predator et terrain d’affrontement entre Dek et son frère Kwei, le premier, ayant à cœur de prouver à son père qu’il est loin d’être le plus faible de son clan. En quelques minutes, Trachtenberg pose les bases de son histoire en gardant les fondamentaux de la franchise : l’aspect survivaliste, la nature sans peur de l’extraterrestre et un arsenal à même de dézinguer une armée toute entière. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ce ne sera pas de trop sur la planète Genna, la destination choisie par Dek pour faire ses preuves, tant la flore et la faune sont hostiles, de la plus petite limace explosive au Kalisk, la bête traquée par Dek afin de ramener un trophée de choix à sa tribu.

Le postulat est simple bien que radicalement diffèrent des autres films : cette fois, le Predator est présenté dès le départ comme le chasseur, mais aussi le chassé. Chose improbable, il devra même s’allier pour espérer triompher. Autant d’éléments surprenants qui risqueront fortement d’offusquer les fans les plus endurcis de la saga. Mais qu’à cela ne tienne, Badlands fait évoluer l’univers mis en place par Dan Trachtenberg et semble même voir plus loin en intégrant frontalement celui d’Alien. Tout ceci afin d’amener le prochain AvP ? Il est trop tôt pour le dire bien qu’il soit permis de le penser. Sur ce point, on sera donc largement servis entre les gimmicks presque obligatoires (le dialogue avec MOTHER, quelques props, le sound design caractéristique), l’apparition d’une version boostée du robot exosquelette d’Aliens (spoilé dans le trailer) et bien sûr Thia (Elle Fanning), une synthétique de Weyland-Yutani, ainsi que Tessa, sa version «dark».

A ce sujet, on trouvera un peu facile le fait que Thia obéisse en premier lieu à sa programmation puis soit guidée par une volonté contraire quelques minutes plus tard, dans le seul but de faire un parallèle entre elle et Dek, tous deux «défectueux» aux yeux de leurs pairs. L’histoire aurait d’ailleurs pu s’affranchir de ce reflet entre le Predator et Thia formant l’improbable tandem de cette aventure. Vu par Dek comme un simple outil, Thia deviendra rapidement une compagne, rejointe par une créature, qu’on croirait échappée d’un Star Wars et que la synthétique renommera Bud, histoire d’appuyer un peu plus l’aspect buddy movie de ce nouveau volet. Tout en marquant sa différence (à travers ses personnages, son humour et ses ruptures de ton), le réalisateur déploie les grands moyens et prend énormément de soin à cadrer ses protagonistes afin de donner à l’action une lisibilité jamais remise en cause, et ce, malgré les différents affrontements contre un bestiaire extrêmement généreux. Au-delà du fait qu’on avait jamais connu le Predator aussi loquace, Badlands s’avère souvent astucieux dans ses idées pour faire avancer son histoire, simple, fluide, mais s’éloignant encore un peu plus de la vision originale des frères Thomas.

Pour autant, il est indéniable que le réalisateur aime le Predator et qu’il avait pour ambition avec Badlands de le faire évoluer en lui offrant un background inédit, et même sa propre langue, ceci permettant à Dek de dialoguer avec Thia au travers d’un traducteur universel. Jeune et farouche, Dek conserve également cette impétuosité allant de pair avec cet esprit combatif propre à l’extraterrestre. La planète Genna va répondre à ce besoin en devenant un gigantesque terrain de chasse qui sera aussi létal pour notre E.T. que ludique pour le spectateur. Trachtenberg construit ainsi son film en ayant en tête la courbe d’apprentissage du chasseur qui à peine débarqué se verra déjà confronté à toutes sortes de dangers. Dans son envie d’action soutenue, Badlands se montre donc impressionnant avec un enchaînement de séquences toutes plus folles les unes que les autres, d’une bataille contre une flore un brin envahissante à un affrontement contre des nuées de synthétiques au face-à-face avec le Kalisk.

En tant que blockbuster taillé sur mesure, Badlands ne cesse de balancer des shoots de dopamine à son public, qu’il connaisse ou non la franchise. De fait, n’espérez pas y retrouver l’aspect cru et poisseux du chef-d’œuvre de McTiernan, l’idée étant ici de découvrir un univers plus abordable avec un Predator aux traits plus doux que ceux de son aïeul de 1987. Bien que généreux, on pourra reprocher au film sa construction très classique, avec ce besoin absolu de créer du lien entre Dek et Thia jusqu’à un point presque ridicule, au détour d’une scène de feu de camp aussi poussive qu’un brin gênante, surtout lorsque le scénario tente de faire de même entre le chasseur et Bud pour consolider encore un peu plus cette notion de clan faisant presque passer le trio pour les nouveaux Gardiens de la Galaxie.

Pour autant, faut-il rejeter ce Predator : Badlands ? Non, car il est indéniable que la franchise avait besoin de se sentir revigorée et de ne pas réciter à nouveau la formule du film de McT. Trachtenberg lui-même l’avait mise à profit dans le très bon Prey avant de sortir des sentiers battus via l’animation. En l’état, Badlands a pour lui d’essayer quelque chose de neuf, d’original et si tout n’est pas du meilleur acabit, on se prendra déjà à imaginer pour le futur un mixe entre la violence de Killer of Killers et le grand spectacle de Badlands.

En troquant la violence crue et l’atmosphère suffocante du Predator original contre du grand spectacle made in Hollywood, Badlands tente d’exister au sein de la saga à qui il apporte du lore et un vent de fraîcheur. Difficile toutefois d’affirmer que c’est bien ce dont la franchise avait besoin même si il est indéniable que le film de Trachtenberg possède une vitalité et une générosité faisant plaisir à voir.

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Predator : Killer of Killers – La chasse en cours

Après avoir réanimé la franchise tout en lui offrant une nouvelle espérance de vie via l’excellent Prey, Dan Trachtenberg (10 Cloverfield Lane) renoue avec Predator, toujours pour Disney+, mais cette fois via l’animation. L’occasion de nous offrir un spectacle ambitieux, à travers différentes époques.

Bien que Predator ait eu le droit à cinq films, aucun d’entre eux n’était jamais revenu sur le passé de ces chasseurs interstellaires. Certes, la fin de Predator 2 laissait entrevoir que ces chasses se déroulaient depuis fort longtemps mais cet aspect ne sera jamais développé dans Predators ou bien encore The Predator. En installant son histoire en 1719 et en confrontant la créature à une Comanche, Prey nous rappelait que l’extraterrestre n’avait pas attendu 1987 pour s’en prendre à nous. Predator : Killer of Killers va encore plus loin en posant son action à quatre périodes distinctes de l’histoire dans des lieux différents et avec des chasseurs spécifiques. Un pitch des plus excitants, propice à l’action non-stop et un terrain d’expérience parfait pour Trachtenberg à l’approche du prochain volet de la saga, Badlands.

En effet, quoi de mieux que de confronter le Predator à des guerriers aux quatre coins du monde pour ouvrir le champ des possibles en matière de carnage. Le film se découpe ainsi en quatre chapitres : En 841 en Scandinavie, en 1609 au Japon, en 1942 durant la campagne d’Afrique du Nord et enfin sur l’une des planètes des Predator. Autant de façons d’enchaîner les versus qu’on pourrait penser de prime abord quelque peu déséquilibrés sauf que c’est sans compter sur la qualité des combattants choisis par notre combattant à dreadlocks, ce dernier ayant à cœur de rencontrer des adversaires dignes de lui afin de prouver sa valeur.

Et pour le coup, il y a ici de quoi faire entre des samouraïs, un viking ou un pilote de l’air américain. Dans sa construction, Killer of Killers se montre assez redondant puisque chaque chapitre est découpé de la même façon, de l’introduction des guerriers, à l’arrivée du Predator en passant par l’affrontement. On pourrait presque se lasser sauf que le p’tit plus vient du fait que chaque Predator associé à une période possède un armement spécifique et ne se privera jamais pour en faire usage, ceci permettant à chaque chasse d’être différente, de varier les approches à travers de très belles idées de mise en scène, des chorégraphies étudiées ou même certains gadgets particulièrement funs, notamment lors du dogfight de la Seconde Guerre Mondiale.

Tout en chapitrant les affrontements à venir, le film profite par ailleurs d’une superbe direction artistique mettant en valeur les morphologies bestiales des Predator, leurs costumes ou les ambiances disparates donnant à l’ensemble un vrai cachet, héritier des longs-métrages précédents tout en se voulant unique. S’inscrivant dans la mouvance post Spider-Man : Into the Spider-verse, Killer of Killers s’offre une esthétique superbe, malheureusement jamais parfaitement mise en exergue par l’animation manquant grandement de fluidité et donnant presque l’impression que les animateurs du studio The Third Floor, Inc (spécialisé dans la prévisualisation de nombreux blockbusters et autres jeux vidéo) n’ont pas totalement maîtrisé les subtilités du rendu. Difficile d’être totalement conquis sur ce point, surtout si on compare le film à des cadors comme Arcane sur Netflix.

Malgré tout, le film s’avère hautement jouissif, ne serait-ce que par son côté résolument gore et primaire. Les affrontements sont brutaux, l’impact des coups étant démultipliés par des effets de style associés à des gerbes de sang. Au delà de cette démonstration de force, le tout tente tant bien que mal de se faire une place dans la saga en racontant quelque chose même si sur ce point, c’est déjà plus laborieux. S’articulant autour des trois vainqueurs se retrouvant en bout de course pour une ultime bataille, Killer of Killers s’essouffle dans son dernier acte avec ses faux airs de Predators. Malgré sa conclusion liant l’ensemble des films, le tout se résume davantage à un clin d’oeil qu’à une véritable idée scénaristique même si il sera intéressant de voir si Trachtenberg en fera quelque chose dans l’univers qu’il tente de mettre en place. Une question à laquelle Badlands répondra peut-être mais ceci est une autre histoire.

Assumant du début à la fin son statut de défouloir à travers le temps, Killer of Killers embrasse la nature hargneuse de sa créature pour nous offrir un spectacle jouissif. Bien que l’animation ne soit pas toujours au niveau, elle est sauvée par une mise en scène souvent très inventive. On pourra toutefois regretter que le film ne cherche jamais vraiment à faire évoluer l’univers du Predator et se réfugie plutôt dans son envie de former un grand tout avec les précédents films à travers une simple scène post-générique. Pour autant, difficile de nier l’aspect excitant du film qui parvient par sa bestialité et ses chorégraphies stylisées à faire passer un excellent moment.

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Une Bataille Après L’autre : Viva la revolucion !

Inspiré du roman Vineland sorti en 1990 (et situé en 1984), Une Bataille Après L’autre se montre plus que jamais actuel en se situant dans une Amérique Trumpiste où Pat Calhoun (Leonardo DiCapiro) va tout faire pour retrouver sa fille. Sorte de fuite en avant continue, le film de Paul Thomas Anderson dépeint un contexte social et politique gangréné dans un pays au bord de l’explosion.

Une Bataille Après L’autre est un film puissant. Tout d’abord parce que si Paul Thomas Anderson (Magnolia, There Will be Bood) n’a plus grand-chose à prouver en terme de réalisation, le fait de le voir dans un film au rythme aussi soutenu a de quoi surprendre d’autant qu’il se réinvente lors des fusillades ou courses-poursuites. De son introduction flirtant avec le cinéma de Michael Man (dans le choix de ces couleurs bleutées) jusqu’à sa conclusion évoquant Les Frères Cohen, le réalisateur s’appuie aussi bien sur le jeu de ses stars que des dialogues au cordeau, incisifs ou bien encore un montage filant à vive allure, nerveux et soutenu par une musique omniprésente marquant chaque étape de la virée de Leonardo DiCaprio tentant tant bien que mal de secourir sa fille kidnappée par un Sean Penn incarnant un militaire aussi procédurier qu’aux prises avec ses pulsions sexuelles. Les seconds rôles étant eux-mêmes campés par des pointures (Benicio del Toro en sensei aussi mesuré que volontaire, Teyana Taylor en révolutionnaire acharnée et résiliente), l’intrigue qui se déroule sur plus de 2h40 fascine et façonne une vision de l’Amérique actuelle à peine déformée.

Tout ceci se traduit par une fuite en avant de DiCaprio, membre de l’unité révolutionnaire des French 75, qui semble toujours avoir un train de retard en essayant pourtant d’aller de l’avant. Mais rien n’y fait, plus il essaie plus il échoue, guère aidé il est vrai par sa propre organisation, au détriment parfois du bon sens (hilarante scène de l’appel téléphonique et du code secret). Un rôle en or pour l’acteur qui s’en donne à cœur joie en nous livrant une prestation fabuleuse. Drôle, émouvant et toujours entier dans son jeu, DiCaprio impressionne en campant ce père flanqué d’une vieux peignoir élimé, mal rasé, paumé, mais ne baissant jamais les bras, quand bien même il devra affronter le monde entier pour secourir sa fille. Une Bataille Après L’autre se montre donc frontal dans son envie de pointer du doigt ce qui ne va pas dans la politique américaine actuelle. Le film est féroce, hargneux mais aussi très drôle dans ses ruptures de ton offrant au récit des respirations bienvenues.

Généralement plus posé, Paul Thomas Anderson opte ici pour davantage de mouvements en laissant filer sa caméra au plus près de ses personnages pour ne rien manquer de cette folle échappée à l’image de la course-poursuite finale admirablement filmée en usant au mieux de son décor. La conclusion n’en est que plus forte en libérant toute la peur cristallisée de Willa (excellente Chase Infiniti) ainsi que l’amour qu’elle porte à son père. Au delà de son aspect fantaisiste, satirique et presque bipolaire, Une Bataille Après L’autre n’en reste pas moins le film le plus accessible du réalisateur, généreux jusqu’au boutisme, faisant réfléchir sur le monde actuel tout en nous offrant un sacré ride. Du grand cinéma tout simplement.

Frontal, ne s’arrêtant jamais pour laisser le spectateur respirer, Une Bataille Après L’autre lance Leonardo DiCaprio dans une course-poursuite impossible aussi folle, drôle que politiquement engagée. Paul Thomas Anderson démontre une fois de plus avec ce film ses talents de réalisateur, de direction d’acteurs et de conteur hors pair.

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Conjuring : L’Heure Du Jugement – Miroir mon beau miroir

Après quatre films, il est temps pour les Warren de plier bagages. Si le Conjuringverse n’est pas prêt de se refermer pour autant (moult séquelles et une série TV sont à l’étude), le célèbre couple de chasseurs de démons tire ici sa révérence avec le cas le plus terrifiant qu’ils aient jamais connu. C’est du moins ce que suggère le carton introductif car dans les faits, ce sont plutôt quelques sursauts qui attendent les spectateurs rompus à la franchise.

Réalisé par Michael Chaves (le médiocre Conjuring : Sous L’Emprise du Mal, le peu recommandable La Nonne 2), Conjuring : L’Heure Du Jugement revient sur l’impact de ces innombrables enquêtes paranormales au sein de la cellule familiale. L’introduction est le moyen de revenir sur le tout premier cas des Warren alors que Lauren s’apprête à accoucher. Le parallèle entre le quotidien du couple et la naissance de l’enfant prend ici une autre dimension, en confrontant le malin (les forces maléfiques qu’ils affrontent pour leur travail) au divin (le fait de donner la vie). Les deux étant intimement liés, la mort du nourrisson suivie de sa «résurrection» résonne encore plus comme un signe. Outre le fait de poser les bases d’une histoire davantage centrée sur la foi (en sa famille, son travail), le scénario permet dès le départ de mettre Judy et son boyfriend au centre du récit. L’idée a du sens (d’autant plus qu’on peut voir dans cet opus une sorte de passage de flambeau) mais se retrouve malheureusement asphyxiée par un scénario hésitant souvent entre son envie d’intime et d’effroi.

En résulte dans la construction un film très similaire à Sous l’Emprise du Mal, autant dans ses qualités que ses défauts. Oui, le tout est joliment emballé par Chaves mais le film échoue la plupart du temps à créer l’effroi à cause de subterfuges usés jusqu’à la corde ou d’amples mouvements de caméra minimisant l’aspect anxiogène. Le réal s’évertue une fois encore à reproduire la formule à travers les mêmes figures horrifiques. Ici le visage blanchâtre d’une femme renvoyant à celui de La Nonne, là, l’utilisation totalement gratuite d’Annabelle dans une « version » renvoyant au Crooked Man de Conjuring 2. L’heure du Jugement paraît usé ou du moins ne semble jamais vouloir trifouiller dans sa mythologie pour en sortir une quelconque originalité. Ce ressenti est accentué par le fait qu’une fois de plus, l’ensemble tourne autour d’une prétendue histoire vraie (l’un des fameux cas Warren) mettant en scène une énième famille aux prises avec un démon cette fois prisonnier d’un miroir, celui-là même qu’avait affronté Ed et Lorraine au début de leur carrière de démonologues.

Et c’est que le bât blesse car en voulant rattacher le cas aux Warren, le film n’arrive jamais à trouver un équilibre entre son envie de rentrer dans l’intimité du couple et de leur fille et le besoin de présenter les membres de la famille Smurl qui n’ont jamais suffisamment de place pour exister par eux-mêmes. De fait, l’empathie est faible et la famille devient un simple cas de plus à résoudre dans la longue liste du couple vedette. Même son de cloches pour le démon n’ayant pas véritablement de présence bien définie si ce n’est à travers ledit miroir qui donne à cette histoire un aspect «Kingesque» n’allant pas nécessairement avec l’ADN de la franchise.

L’Heure du Jugement tâtonne alors dans le ton à employer. Traits d’humour entre le père et son futur gendre, jump scares peu efficaces puisque s’appuyant souvent sur les mêmes mécaniques (silences, obscurité, lent travelling), message sur la foi manquant de subtilité, le mélange peine à convaincre dans un sens comme dans l’autre. Le frisson est rarement au rendez-vous, l’histoire entre Judy et Tony ne fonctionne pas comme elle le devrait et le tout s’étire péniblement sur plus de 2h15 jusqu’à un final quelque peu poussif. Problématique dans le sens où ce film est censé être le dernier bien que Judy et Tony soient destinés à prendre la relève. C’est du moins ce que suggère le film, à travers la scène où Ed offre les clés de la «réserve» à Tony et par extension celle de la franchise.

On sent que les producteurs ne comptent pas en rester là, quand bien même ils rappelleraient à demi mots lors du générique de fin qu’ils ont mis pendant des années sur un piédestal deux démonologues qualifiés par beaucoup de charlatans. Mais qu’à cela ne tienne, l’annonce récente de La Malédiction de la Dame Blanche 2 témoigne du besoin de James Wan et de Warner Bors de remettre le couvert pour capitaliser sur un Conjuringverse répondant rarement aux attentes mais pourtant toujours aussi rentable. C’est peut-être ça l’ultime frisson.

Dans la droite lignée de Sous L’Emprise du Mal, Conjuring : L’Heure Du Jugement se perd dans son envie d’approfondir le lore de la franchise, les relations entre Ed, Lorraine et leur fille tout en présentant la famille au centre du drame. En résulte un film jamais effrayant et n’arrivant pas à caractériser les victimes et le démon. Un comble.

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Marvel Zombies : Une série qui manque de mordant

Marvel Zombies reste à part parmi les nombreux comics proposés par La Maison des Idées. Construite autour d’un postulat complètement barré et d’une ambiance transgressive qu’on avait rarement (jamais) vu chez l’éditeur, cette série est restée dans les mémoires pour son scénario haut perché et certaines planches particulièrement marquantes. Sans surprise, la série de Disney+ tire un trait sur tout ceci et nous propose en lieu et place un show formaté avant tout pensé pour les fans du MCU.

Si on savait déjà que Marvel avait pour habitude de ne pas adapter à la virgule près la plupart des comics porté sur grand écran, Marvel Zombies est un cas très intéressant dans le sens où elle choisit ouvertement de ne rien garder (ou presque) des comics d’origine en faisant de cette mini-série de 4 épisodes une sorte de suite au déjà très médiocre épisode 5 de la S01 de What If…. Adapter est toutefois un bien grand mot tant le tout témoigne d’une absence totale de prise de risques en faisant de ces récits empreints de déviance nécrophile une série à l’exact opposé où chaque croc de zombie, chaque membre tranché est contrebalancé par une petite touche d’humour ou une blague dans la veine de ce que le MCU nous sert de plus lourdingue depuis plusieurs années.

Il faut dire qu’on aurait pu s’en douter en voyant l’équipe de base constituée de Kate Bishop (Hawkeye), Riri Williams (Ironheart) et Kamala Khan (Miss Marvel), bientôt rejointes par Red Guardian ou bien encore Shang-Chi. Une sorte de Young Avengers avant l’heure qui vont devoir partir dans l’espace pour utiliser un transmetteur afin de contacter la Nova Corp, à même de régler la situation sur Terre, exsangue depuis que les zombies l’ont ravagé. Cette quête ambitieuse s’inscrit donc dans la continuité de ce que le MCU a de plus identifiable et sans surprises, les scénaristes se sont sentis obligés d’y intégrer toutes les figures tutélaires, de Iron Man à Wanda Maximoff en passant par Thor, Ant-Man et Spider-Man, en les faisant parfois passer du mauvais côté de la barrière aidées par plusieurs antagonistes, du Baron Zemo à L’Abomination en pasant par Namor . Bien entendu, l’inévitable Thanos, dont Marvel ne semble pas vouloir faire le deuil, est lui aussi de la partie, histoire d’assurer l’aspect cosmique de la situation intégrant une fois de plus les gemmes de l’infini.

Si en soi, les 4 épisodes ne sont pas avares en action et qu’on suivra distraitement le déroulé de l’intrigue remettant sur le devant de la scène le Blade de Wesley Snipes (l’une des meilleures idées de cette mini-série), Marvel Zombies n’est jamais qu’une esquisse très lointaine de l’original. N’espérez donc pas voir ici un Peter Parker bouloter Tante May ou un Captain America affamé se jeter avec avidité sur les membres de ses anciens alliés. Certes, on y retrouve les versions zombifiées de multiples personnages mais ceci n’est jamais véritablement auréolé de gore bien juteux. Dans Marvel Zombies version Disney+, seuls quelques corps sont tranchés, proprement et toujours sous couvert d’un esprit aventureux, presque bon enfant, ou d’un humour terriblement routinier. Le plus ennuyant est que ce parti pris dessert parfois l’histoire en confrontant certains personnages à la perte d’êtres chers qui les font sombrer dans le désespoir puis en les faisant festoyer dix minutes plus tard lors d’un banquet nordique.

L’écriture ne s’embarrasse donc jamais d’une vraie cohérence (il en était de même dans les comics qui, cependant, embrassaient totalement la folie du contexte initial), le plus important étant d’enchaîner un name-dropping super-héroïque et les scènes d’action, ambitieuses sur le papier mais minimisées par une animation bas de gamme en provenance directe de celle des What if… Tout ça pour ça serait-on tenté de dire et si il n’y avait guère d’espoir sur la direction prise rien qu’à l’annonce du projet, Marvel choisit une fois encore de tirer un trait sur les meilleures idées du matériau original pour s’adresser uniquement aux spectateurs du MCU qui n’auront qu’une histoire prémâchée, aussi redondante que peu intéressante, à se mettre sous la dent. Je suppose que certains s’en contenteront.

Marvel Zombies est un gigantesque pied de nez aux amateurs du comic book original en ne reprenant à aucun moment son aspect transgressif et ses joyeux débordements gores et nécrophiles. A la place, la série de Disney+ choisit uniquement de s’adresser aux fans du MCU en leur servant une histoire prémâchée dans la continuité de l’épisode 5 de la S01 de What If… saupoudrée de scènes d’action avec les personnages vus et revus dans les films. Il y avait meilleur moyen de rendre hommage à des comics aussi cultes.

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Alien : Earth – Alien que pourra

Pour la toute première série se déroulant dans l’univers d’Alien, le showrunner Noah Hawley (l’excellente série Fargo) décide de situer l’action sur Terre. Idée intéressante d’autant qu’on entrapercevait la planète à la toute fin d’Alien : Resurrection. Avec ce parti-pris, on pouvait donc attendre de la nouveauté et au final, c’est bien ce qu’apporte cette première saison même si elle reste relativement timide dans le développement de plusieurs de ses thèmes.

L’idée de développer une intrigue sur Terre dans l’univers d’Alien n’est pas nouvelle. Dès la fin des années 90, plusieurs comics Aliens y développent des histoires en axant davantage leurs propos sur la cupidité des mégalopoles et celles des humains, businessmen comme militaires, plutôt que sur les Xenomorphes, ce que feront d’autres comics, notamment le très bon Aliens : Genocide. Cet aspect, présent dans Aliens à travers le personnage de Burke, prend une toute autre ampleur dans Alien : Earth centrée autour de deux des cinq méga corporations dirigeant la Terre, autrement dit Prodigy et Weyland-Yutani, bien connu des fans. Un point de départ parfait pour Hawley qui lui permet de créer plutôt de copier ce qui a déjà été fait bien qu’on n’échappe pas à certains moments immuables (le dîner de l’équipage, l’apparition du chestburster, le synthétique déviant…). Cependant, autant dans le fond que la forme (décors plus ouverts et lumineux, musique rock, personnages inédits), Alien : Earth offre un vent de fraicheur à la licence.

Débutant par le crash d’un vaisseau de la compagnie sur le territoire de Prodigy, cette dernière va tout mettre en œuvre pour récupérer la précieuse cargaison constituée de cinq races alien (dont les Xenomorphes) récupérées par l’équipage après un voyage de plus de 60 ans. Une course va alors s’engager entre les deux puissances, l’une souhaitant récupérer son dû pendant que l’autre entend mener diverses expériences afin de mieux connaître ces créatures venant de planètes reculées. D’ailleurs, si la série entreprend à mi-parcours un retour dans le temps pour revenir sur les événements antérieurs à ceux du premier épisode, plusieurs questions restent en suspens à la fin de cette S01. Bien qu’il nous tarde de voir comment le show va raccorder les éléments avec le premier film se déroulant après (les événements de Prometheus et Covenant ayant été poliment écartés), l’intérêt se situe ailleurs. En effet, bien que les aliens occupent une place importante dans l’intrigue (ils restent l’objet convoité par tous), le plus important dans Alien : Earth reste ceux qui gravitent autour, qu’ils soient humains, synthétiques, hybrides ou cyborgs. Noah Hawley s’intéresse à la nature de chacun, avec ce que ça implique de traitrise, d’ambition ou tout simplement de choix.

Alien : Earth est une série mettant en scène un grand nombre de personnages et sur ce point, chaque individu a sa place à jouer même si le scénario délaisse en chemin certains d’entre eux, à l’instar de Smee, rapidement réduit à sa condition d’enfant prisonnier d’un corps d’adulte, évoluant plus lentement que les autres et donc sujet à des réactions de son âge, autant dans sa gestuelle que son caractère. Ceci le rend forcément moins intéressant que ses comparses, tout comme Isaac et Slightly qui aura pourtant un rôle à jouer arrivé à la moitié de saison. Il faut d’ailleurs noter que la série prend son temps pour poser le contexte politique et économique ou de façon plus globale, les vrais enjeux scénaristiques, les événements ne commençant véritablement à s’emballer qu’à partir de l’épisode 4. Est-ce un mal ? Oui et non puisque le premier tiers de la série semble faire du surplace en naviguant entre l’attente de certains fans et l’envie de raconter autre chose. On trouvera plus son compte dans cette dernière approche densifiant le lore et bien plus efficace lorsqu’il s’agit de mettre en avant les races extraterrestres inconnues jusqu’alors.

Ce postulat est la colonne vertébrale d’Alien : Earth qui construit pièce après pièce une histoire centrée sur l’humain et les expérimentations scientifiques en confrontant les desseins de chaque groupe d’individus. Si Boy Kavalier semble principalement intéressé par le besoin de trouver quelqu’un aussi intelligent que lui (humain comme alien) afin de se sentir vivant, chaque enfant devra se confronter à un monde d’adultes en essayant de comprendre ce qu’ils sont devenus. Sur ce point, il y avait sans doute matière à davantage développer des traumas puisqu’hormis la jalousie de Erana cherchant l’attention de Boy ou la dépression de Nibs, la série esquisse les possibilités offertes par de tels personnages ou même la relation entre eux et Kavalier, leur créateur, sorte de marionnettiste qui leur a donné une seconde vie, un nouveau corps, de nouvelles capacités mais aussi un nouveau nom afin de marquer encore un peu plus son empreinte sur ses « jouets ». La dimension philosophique qui en découle aurait pu donner quelque chose d’aussi profond qu’un Blade Runner à qui Alien : Earth envoie plusieurs clins d’œil, à commencer par Kirsh, synthétique aussi intriguant que le replicant Roy Batty. A la place, elle préfère se concentrer sur Wendy possédant d’étranges capacités lui permettant de contrôler les appareils connectés aux réseau de Prodigy ou bien de communiquer avec des Xenomorphes étrangement dociles en lui obéissant au doigt et à l’oeil. Pourquoi ? Comment ? Cette saison ne nous le dira pas, sa conclusion laissant davantage entrevoir une rébellion du groupe des hybrides.

Frustrant, tout comme la présence desdits Xenomorphes, moyennement crédibles malgré un mélange de CGI et de costume, et surtout jamais effrayants car filmés de jour ou dans des endroits surexposés. Alien : Earth a beau nous rappeler à quel point ils sont dangereux dans les deux premiers épisodes, l’efficacité des séquences n’est jamais là, d’une explosion de torse vue et revue à un jeu de cache-cache entre créature et militaires. Comme pour compenser cette impression de déjà-vu, la série s’évertue à rendre les autres races malignes et menaçantes. Elle le réussit plutôt bien grâce à un aspect poisseux et parasitaire, et surtout la star du show, un œil qu’on croirait issu du The Thing de Carpenter et pouvant prendre le contrôle de n’importe quel corps après avoir délogé un des globes oculaires de l’hôte. Si la créature en elle-même respire trop la CGI, elle irradie l’écran dès lors qu’elle fusionne avec son réceptacle, qu’il s’agisse d’un humain ou d’un mouton. Hawley est bien conscient de son potentiel et ne cessera de mettre l’alien en scène, entre deux dialogues pas toujours très bien écrits mais parvenant cependant à approfondir suffisamment le background de certains protagonistes.

Sans doute trop déséquilibrée pour totalement convaincre, cette première saison d’Alien : Earth sert davantage à poser les personnages, les enjeux avant d’ouvrir la voie à une S02 pour passer la seconde en développant davantage la psychologie des enfants et de Kavalier, l’intérêt des uns et des autres (à commencer par Kirsh), ou même les actions de Weyland-Yutani symbolisée par sa dirigeante ayant décidée d’accélérer les choses si l’on en croit le dernier épisode. Une fin ouverte pour une série qui a le potentiel d’aller bien plus loin en imaginant l’avenir plutôt qu’en se raccrochant à son passé bien que tout soit ici lié. C’est tout le mal qu’on souhaite à son showrunner.

Désireuse de se détacher de ce qui a déjà fait pour approfondir le lore de la licence, Alien : Earth souffle le chaud et le froid tout en témoignant d’un vrai potentiel (autant dans la forme que dans le fond) qui devra être utilisé à bon escient dans une probable S02. En l’état, le contexte est posé, les protagonistes ont encore beaucoup à dévoiler et la promesse d’une guerre de tranchées entre Prodigy et Weyland-Yutani pourrait servir de toile de fond à la suite des événements qu’on imagine d’ores et déjà plus soutenus.

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Barry : Tuer n’est pas jouer

Créée et interprété par Billy Halder en 2018, Barry est une série qui marque, autant qu’un Breaking Bad avec qui elle entretient quelques points communs, à commencer par la double nature du personnage ou ce mélange entre légèreté et dureté. Si Barry a tiré sa révérence en 2023, elle s’avère encore aujourd’hui l’un des shows les plus marquants de ces dernières années.

Ancien marine, Barry Berkman (Billy Halder) s’est reconverti en tueur à gages une fois rentré au pays, en s’associant à un certain Monroe Fuches (Stephen Root). Alors qu’il poursuit sa cible réfugiée dans un cours de théâtre lors d’un contrat, il se fait passer pour l’un des étudiants afin d’atteindre son objectif et échapper aux flics. Se faisant, Barry rencontre la dénommée Sally Reed (Sarah Goldberg) dont il tombe amoureux et commence à se questionner sur son avenir en se demandant si sa vocation n’est pas plutôt d’être sur les planches.

Après avoir posé le contexte, Barry n’a de cesse d’approfondir ses personnages tout au long de ses épisodes en ne lésinant jamais sur les faux-semblants afin de rebattre constamment les cartes pour mieux surprendre le spectateur. C’est sans doute cet aspect qui en fait une série aussi exceptionnelle d’autant que l’ensemble de son casting participe à la tragédie à venir parsemée de passages purement comiques, autant dans leur écriture que leur subtilité.

Cette qualité d’écriture, alternant constamment entre satire, drame et comédie, doit autant au talent de ses auteurs (dont Billy Hader) que celui de ses interprètes, du génial Henry « Fonzie » Walker dans le rôle de Gene Cousineau, l’un des personnages ayant sans doute le plus de facettes avec Monroe Fuches, Sarah Goldberg, terriblement attachante dans le rôle de Sally, ou même des rôles a priori secondaires à l’image de NoHO Hank (Anthony Carrigan, absolument parfait), petite frappe qui va peu à peu contrôler le gang tchétchène avec lequel Barry aura fort à faire.

A travers ses saisons, Barry développe son univers de façon méticuleuse en ne laissant jamais de côté certains personnages. Cet état de faits est particulièrement visible avec NohO qui parvient très souvent à voler la vedette aux rôles plus consistants. Chaque épisode participe à la construction de la saison en cours, ça va vite, on ne s’ennuie jamais, les situations et dialogues savoureux se succèdent et les retournements de situation sont nombreux et bien amenés.

Quatre saisons aussi exquises l’une que l’autre (leurs notes de 96 à 100% sur Rotten Tomatoes parlent d’elles mêmes) qui chacune à leur façon permettent à Barry d’évoluer, en alternant entre ses réussites et les erreurs qu’il commettra malgré toute sa bonne volonté. Avec son physique de jeune premier un peu désœuvré, Billy Halder porte en grande partie le show sur ses épaules et nous gratifie d’une interprétation multi-facettes, aussi à l’aise en tueur professionnel qu’en qu’acteur un peu gauche. Tout au long des saisons, Barry ne cessera d’être confronté à des retournements de vestes, qu’ils viennent de Cousineau ou Fusches, ce dernier se montrant tour à tour protecteur puis destructeur. Rien n’est vraiment blanc ou noir dans la série et si les sentiments de Barry pour Sally sont sans doute ce qu’il y a de plus honnête, on se questionnera plus d’une fois sur les motivations de certains, faussement sincères vis-à-vis de leurs proches et d’eux-mêmes.

Ne se privant jamais d’aborder de front les concepts de vie, de mort et de rédemption, la série prend aussi son temps pour multiplier les sujets, qu’il s’agisse de maltraitance, de stress post traumatique ou de la place des algorithmes sur les plates-formes de streaming. Barry ne se refuse rien et parvient à tout imbriquer de manière étonnamment fluide afin d’offrir au récit cet aspect protéiforme.

Touchant, réservé mais aussi et surtout radical quand il doit honorer un contrat ou protéger ceux qu’il aime, Barry est un personnage complexe autant dans sa personnalité que l’interprétation tout en nuances de son interprète. On ne sera donc pas surpris de le voir se questionner continuellement sur les choix à faire, son ambivalence trouvant écho chez la plupart des autres personnages, à l’image de Sally confrontée à son envie de célébrité, son besoin de reconnaissance et son attachement à Barry qui la mènera plus d’une fois à marcher au bord du gouffre. La série brode ainsi au fil des épisodes un canevas qui n’est pas sans rappeler celui de Breaking Bad (une histoire qui bascule rapidement, le jeu de dupes, le héros devant constamment mentir pour protéger son entourage…) bien qu’à l’inverse de Walter White, Barry soit principalement porté par l’amour plus que par l’ambition.

Chaque moment servant à densifier l’intrigue, qu’elle soit posée ou rythmée à l’image de la course-poursuite en moto de la Saison 03 quasiment en plan séquence, on ne regarde pas Barry, on la dévore. Tout ceci concourt à en faire une série exceptionnelle, aussi bien dans la (dé)construction de ses personnages que cette faculté à aller là où on ne l’attend pas, l’aspect dramatique se substituant souvent à des moments plus drôles, voire complétement décalés avec ce qu’on vient de voir juste avant. Référentielle mais en même temps unique, Barry est un bijou de plus à mettre au crédit de HBO mais aussi et surtout de son créateur/acteur Billy Hader.

Barry est une série que vous devez absolument voir. Tour à tour drôle, émouvante et violente, elle bénéfice d’une écriture admirable tout en étant servi par un casting totalement impliqué. Sous ses airs de « faux Breaking Bad », se cache un show n’ayant jamais peur de mélanger les genres en alternant dialogues ciselés, retournements de situation, scènes d’action et évolution fascinante de ses personnages. Indispensable.

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Robocop Rogue City : Unfinished Business – La loi de Murphy

Prolongeant l’histoire du très bon Robocop Rogue City, Unfinished Business nous replonge dans les rues de Detroit, plus exactement à l’intérieur d’une immense construction de l’OCP à mi-chemin entre la citadelle de Kowloon et la tour de The Raid. Une mission qui ne sera pas de tout repos pour notre boîte de fer blanc mais ce ne sont pas quelques étages à gravir qui vont vous faire peur, n’est-ce pas ?

Débutant par une attaque soudaine et sanglante du commissariat de Robocop, ce dernier retrouve la trace des agresseurs à l’intérieur de l’OmniTower, une gigantesque infrastructure, sorte de ville dans la ville, dans laquelle séjournent civils, scientifiques et militaires. Sous l’impulsion d’une mystérieuse informatrice, notre flic s’engage alors dans une vendetta vengeresse sous couvert de la loi, ça va de soi.

LA TOUR INFERNALE

S’inscrivant dans le prolongement de l’aventure principale, ce standalone n’a pas vocation à surprendre mais plutôt à réactiver les excellentes sensations de shoot de l’original en intégrant au passage diverses nouveautés afin de légitimer un peu plus cette suite nécessitant une douzaine d’heures pour être bouclée.

Bien que le pitch de départ soit synonyme de lieu unique, cet aspect est vite contrebalancé par de bonnes idées. En effet, au-delà des divers lieux composant la tour (laboratoires, cinémas, restaurants à thème, bureaux…) et apportant un renouvellement des environnements, on aura l’occasion, lors de flashbacks, d’incarner à plusieurs moments de l’aventure divers personnages nous permettant de sortir de la tour de l’OCP. On pourra ainsi incarner un personnage central qu’on rencontrera par la suite, le lieutenant du bad-guy principal ou bien encore Alex Murphy avant sa transformation en Robocop. Un parti-pris sympathique car si on pourra être frustrés de ne pouvoir utiliser qu’une arme de poing, notre fragilité (trois balles et c’est le Game Over) nous demandera d’adapter notre façon de jouer, en se mettant davantage à couvert, en ajustant mieux nos tirs et en comptant sur les membres de notre équipe pour nous aider. Une parenthèse un peu courte mais apportant de la fraîcheur à l’ensemble. A l’opposé, on incarnera également l’ED-209 lors d’un passage très intense où notre puissance de feu nous sera fort utile pour décimer des quantités astronomiques d’adversaires venant littéralement se faire déchiqueter sous nos rafales.

D’un point de vue de la structure, il conviendra une fois de plus d’enchaîner les missions principales et secondaires, en discutant avec les NPC que vous croiserez pour glaner quelques informations utiles à votre mission ou en dénichant des preuves afin de récupérer suffisamment d’EXP pour obtenir des points de compétences, histoire d’améliorer les attributs de Robocop. Notez qu’au début de l’aventure, vous posséderez automatiquement quatre capacités (Bouclier, Dash, Bullet time et Flash) qui ne seront pas de trop pour faire place nette. Afin de nous offrir quelques pauses salvatrices, Teyon a également intégré des chapitres plus narratifs. Malheureusement, on trouvera souvent le temps long, le gameplay se résumant à aller d’un point A à un point B, scanner quelques lieux et autres corps puis à discuter avec nombre de personnages. Peu passionnant d’autant qu’à de multiples reprises, on aura droit à des bugs de caméra rendant certains dialogues peu immersifs voire involontairement drôles à cause de personnages mal placés, coupés ou tout simplement absents. Plus embêtant, on rencontrera aussi ce souci lors de certaines quêtes rendant ces dernières impossibles à terminer. Heureusement, en rechargeant le chapitre, ceci résoudra le problème mais ce manque de finition (auquel on rajoutera certains textes non traduits) fait parfois fortement tiquer.

MURPHY GOT A GUN

Comme vous pouvez néanmoins l’imaginer, le cœur de ce standalone sera toujours l’action, ici plus condensée afin de maintenir un rythme constant. S’appuyant sur des gunfights nerveux, les développeurs se sont fait plaisir, en accumulant les scènes d’action XXL contre des cohortes d’adversaires armés jusqu’aux dents accueillant plusieurs nouveaux venus dans les rangs. Outre des drones explosifs, on affrontera des soldats en jet-pack, des droïdes équipés de katanas ou des adversaires en armure utilisant une arme cryogénique qu’il sera possible d’utiliser à notre tour. Malgré l’intensité des gunfights, le jeu reste néanmoins très simple d’autant que si notre Pistolet Auto 9 s’avère toujours aussi efficace grâce à ses munitions illimitées, on ne se privera jamais de changer d’arme afin varier les plaisirs et les kills.

D’ailleurs, Teyon a ici aussi ajouté quelques features pour rendre le tout encore plus dynamique. De la possibilité d’utiliser des surfaces pour faire rebondir nos tirs et ainsi toucher des ennemis par derrière à l’usage de plusieurs QTE synonymes de différentes mises à morts (encastré dans un ventilateur, jeté dans un vide-ordures, aplati par une enseigne…), le fun est toujours aussi présent à l’image de l’aspect gore qu’il sera possible d’accentuer en activant des puces de cartes mémoire qui vous serviront à nouveau à augmenter certains attributs (défense, nombre de munitions, portée de vos tirs, etc). Notons à ce sujet l’absence de fusion de ces dernières, feature qui ne servait pas à grand chose dans le jeu de base.

On navigue donc en terrain connu avec Unfinished Business. Certes, la modélisation des personnages n’est vraiment pas folichonne, les quelques longueurs mentionnées plus haut cassent un peu le rythme, on note plusieurs bugs qui font parfois grincer les dents mais rien de tout ceci ne vient vraiment entacher le plaisir de sulfater des soldats par paquet de douze. C’est basique, c’est primaire mais qu’est ce que c’est plaisant !

Unfinished Business reprend ce qui avait fait le succès de Rogue City tout en condensant l’action plus jouissive que jamais grâce à plusieurs nouvelles features et armes décuplant les sensations de shoot de l’original, déjà excellentes. On pourra bien lui reprocher plusieurs petites choses (quelques bugs, certains passages narratifs trop poussifs, une IA moyenne) mais rien qui ne vienne amoindrir l’intensité des gunfights plus que jamais au cœur de l’expérience.

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Mafia : The Old Country – Aussi bon qu’un chianti de 12 ans d’âge ?

Après s’être fait la main sur Mafia 3, Hangar 13 avait brillamment transformé l’essai avec un excellent remake du premier Mafia. Pour ce nouveau volet, les développeurs ont choisi de quitter les rues d’Empire Bay afin de poser leurs valises dans la campagne sicilienne, dans les années 1900. Un retour dans le passé pour un jeu aussi classique que bien narré.

Notre histoire débute en 1904, au fin fond d’une mine où travaille Enzo, un carusu, autrement dit un mineur, qui survit tant bien que mal. Après avoir perdu son ami Gaetano suite à un tremblement de terre provoqué par les vibrations d’un volcan, Enzo provoque en duel le contremaître. Il s’enfuie et alors qu’il est sur le point d’être abattu, il est secouru in extremist par Don Torrisi, personnage influent et respecté de la région. Après quelques petits boulots pour ce dernier, Enzo va se montrer très impliqué dans ses nouvelles fonctions au point d’être intronisé membre de la famille. Une nouvelle vie va alors s’offrir à lui, avec son lot d’amitiés, de meurtres et de sacrifices. Le jeune homme entend bien devenir quelqu’un d’important que ce soit aux yeux du Don ou de sa fille Isabella dont il tombe éperdument amoureux.

Une histoire que vous ne pouvez pas refuser

Pour qui est coutumier des films de mafia, Le Parrain en tête de liste ou la plupart des Martin Scorsese, l’histoire de The Old Country aura des airs de déjà-vu. C’est un fait, Hangar 13 n’innove en rien une structure connue mais cela ne minimise en rien la qualité de l’écriture. En effet, si il y a une chose que le studio californien a très vite appris tient en l’importance d’avoir des personnages marquants tout en soignant se réalisation afin d’iconiser les moments forts à venir, qu’il s’agisse d’amour, de violence ou de trahison. A ce petit jeu, le studio se montre efficace et le résultat est là : l’ensemble des protagonistes, amis comme ennemis, forment un casting complémentaire qui nourrira la douzaine d’heures dont vous aurez besoin pour terminer l’histoire principale.

Mélangeant histoire de famille et guerre de clans, The Old Country prend son temps pour installer son intrigue, trop peut-être puisque si c’est l’action qui vous intéresse, vous devrez attendre quatre chapitres avant de tirer le premier coup de feu. Toutefois, on ne peut que saluer cette volonté tant elle permet de présenter de façon fluide plusieurs éléments de gameplay (l’infiltration notamment) tout en usant d’une ellipse temporelle d’un an permettant au jeu d’approfondir rapidement la relation entre Enzo et les membres de sa nouvelle famille. Sur ce point, c’est réussi d’autant que si certains d’entre eux auraient pu être vite agaçants, ils s’intègrent au contraire dans une vraie cohérence scénaristique en faisant partie du quotidien d’Enzo tout en ne déviant jamais de leurs objectifs initiaux. Ainsi, Lucas, au charisme proche de celui d’un Errol Flynn, ne remettra jamais en question les choix du Don tout en faisant preuve de nuances et de prudence. A l’inverse, Cesare, le neveu du Don, se présente comme un homme d’action et si son arrogance de départ va se muer en profonde amitié pour Enzo, il ne cachera jamais à ce dernier son envie de tenir les rênes de la famille.

En parlant de ça, le Don s’avère être une figure imposante, autant dans son allure impressionnante que sa volonté de fer lorsqu’il s’agit de protéger les siens et surtout ses intérêts. Aucun de ces personnages n’est ni blanc, ni noir et ce sont leurs imperfections qui les rendent si attachants. N’oublions pas non plus Isabella, seul vrai rayon d’espoir pouvant montrer la voie de la rédemption à Enzo. Ne se limitant pas à son rôle de jeune rebelle, Isabella a parfaitement compris qui est l’homme qui la chérit comme son bien le plus précieux dans tous les sens du terme. Revendiquant sa liberté, cherchant à vivre à travers ses propres choix et non ceux de sa famille, Isabella trouvera en Enzo un écho en plus d’un amant et n’aura de cesse de militer pour le droit au bonheur tout en s’affirmant comme une femme au caractère bien trempé.

Bien que l’écriture soit de grande qualité, on pourra citer quelques écueils à l’image de la mort de Gaetano, trop vite expédiée et ne générant que peu d’empathie, ou bien encore une séquence finale longuette, peu intéressante d’un point de vue gameplay et minimisant un climax arrivant juste avant, ceci rendant la fin moins puissante qu’elle aurait pu/dû être.

Un gameplay daté mais suffisant

Si l’aspect narratif de The Old Country est donc à saluer, le gameplay reste, lui, perfectible, d’autant qu’on y trouve grosso modo la plupart des défauts de Mafia 3. Mélange d’infiltration, d’action et de courses poursuites, ce volet conserve une vraie dimension cinématographique tout en s’inspirant de plusieurs titres, d’Uncharted à Hellblade. Alors que les trailers laissaient présager un jeu au rythme haletant, le résultat est bien plus posé, avec des chapitres sachant prendre leur temps pour exposer les faits, creuser les relations entre personnages puis les confronter à leurs choix. Bien entendu, vous devrez régulièrement prendre les armes dans des gunfights imposées par l’histoire. Si la pléthore de pétoires à disposition est efficace avec un très bon feeling quelle que soit l’arme choisie, l’IA s’avère toujours aussi particulière avec ces adversaires essayant rarement de nous prendre à revers ou n’usant que très rarement de grenades pour nous déloger. De fait, la plupart du temps, on campera sur nos positions en attendant sagement que les mafieux arrivent vers nous à découvert pour les shooter à bout portant.

Cette méthode fonctionnant également très bien quel que soit le mode de difficulté, Mafia : The Old Country est un titre qui vous posera peu de problèmes, ceci valant aussi pour les duels au couteau, sans doute un peu surexploités quitte à parfois dénaturer la nature de certains personnages. En effet, autant, on comprendra qu’entre mafieux, on puisse respecter un code d’honneur et choisir le schlasse plutôt que le flingue, autant contre un policier en fonction, c’est déjà plus contestable. Pour le duel en lui-même, malgré les différentes actions (esquive, contre, estoc…), dès qu’on se rend compte de l’ouverture qu’on a après que l’ennemi ait asséné une série de coups imparables, on aura aucun mal ici aussi à enchainer les victoires d’autant que certains affrontements disposent de check points.

L’infiltration de son côté s’avère encore plus datée puisque n’offrant aucun challenge à cause de gardes n’ayant quasiment aucune routine de surveillance. En effet, la plupart du temps, lorsqu’on arrivera près de ceux-ci, on aura le droit à des dialogues scriptés entre deux d’entre eux qui se sépareront avant de rester immobiles en attendant bien sagement qu’on débarque dans leur dos pour les larder d’un coup de couteau ou les étouffer. En somme, nous n’aurons même pas à les distraire en jetant des pièces de monnaie ou des bouteilles pullulant dans les zones tant il est simple de les contourner pour s’en débarrasser. Et je ne parle même pas de l’option consistant à cacher des corps qui ne sert à rien.

On reprochera aussi aux développeurs d’avoir un peu loupé leur système économique basé sur de l’argent à récupérer pour acheter de nouvelles armes, des véhicules, des chevaux et autres skins. On devra ainsi piller tous les coffres à disposition en trouvant des combinaisons ou en les crochetant avec notre couteau qui s’usera à chaque utilisation. Si des pierres à aiguiser seront indispensables pour réaffuter celui-ci, elles sont tellement rares qu’on n’utilisera rarement la possibilité de tuer un adversaire avec son couteau (lancer ou stealh kill) pour « économiser » ce dernier afin d’ouvrir les coffres.

Néanmoins, même en ayant ceci en tête, on pourra vite être à court de dinars, ceci nous obligeant alors à refaire des chapitres ou à recharger certains check points pour ouvrir en boucle des coffres, l’argent obtenu se cumulant au fur et à mesure. L’autre méthode, plus dans le flow du jeu, consistera à faire les poches de tous les gardes qu’on élimine d’autant que ceux-ci possèdent également munitions et bandages. Le problème est que ceci minimisera grandement l’immersion en plein gunfight. A vous de voir comment vous souhaitez profiter de votre aventure. Je serai tenté de vous conseiller une première partie en vous laissant porter par l’histoire puis de revenir dans l’open world via le mode Exploration, aussi vide (puisque exempt de toute mission) qu’obligatoire pour qui chercherait l’ensemble des Collectibles. Notez d’ailleurs que les développeurs ont récemment précisés qu’ils apporteraient dans les mois à venir du contenu supplémentaire gratuit pour ce mode afin de le rendre plus attractif. Une très bonne initiative tant il est frustrant de ne pas davantage profiter de la magnifique DA restituant à merveille la beauté de la campagne sicilienne et de la ville fictive de San Celeste.

Dans l’absolu, malgré tous les défauts énoncés, The Old Country se montre, paradoxalement, assez concluant dans son gameplay. Ce n’est donc pas un manque de sensations qui frustre mais plutôt l’inutilité de trop d’éléments. A ce sujet, on pourra aussi regretter l’importance très minime de notre chapelet. Bien que l’idée, synonyme de perles offrant divers avantages passifs, soit intéressante, le jeu est tellement simple qu’on pourra le terminer en passant totalement à côté de cette feature. En résulte une aventure au gameplay suranné mais néanmoins immersive, portée par une histoire prenante ou bien encore une bande-son oscillant intelligemment entre musiques traditionnelles et envolées plus symphoniques lors des gunfights. Pour rester dans le sujet, je vous recommanderai également d’y jouer en Sicilien pour une plus grande immersion. Dommage que plusieurs faiblesses techniques (quelques bugs graphiques, divers soucis de finition), de construction (la traditionnelle course de voitures, ici pensée comme un élément de scénario plus que comme un vrai challenge, en est un excellent exemple) et un gameplay n’ayant pas vraiment évolué depuis les derniers opus ternissent le tableau. The Old Country reste malgré tout un épisode porté par ses personnages haut en couleurs et une histoire rendant joliment hommage à tout un pan d’œuvres cinématographiques.

Mafia : The Old Country ous offre une histoire classique mais aux personnages parfaitement écrits offrant à la tragédie à venir une véritable dimension cinématographique. Si l’immersion est belle et bien là, la structure très fermée du jeu pourra frustrer d’autant que le très beau semi open world à disposition ne sera librement disponible que dans un mode Exploration vide de toute mission ou action. En résulte un jeu dans la veine de ses prédécesseurs, captivant par son histoire, faisant le job grâce à un gameplay efficace mais daté, mais qui aurait sans doute mérité un peu plus de finition pour s’élever au niveau du fantastique Mafia : Definitive Edition.