Bien que God of War ait redéfini de bien belle manière l’avenir de la saga, autant à travers son gameplay que son histoire, on pouvait être frustré par le fait qu’il ne débute pas à proprement parler lorsque Kratos arrive dans son nouveau fief nordique. L’idée d’installer l’intrigue avant les événements du jeu était donc intéressante sauf que ce comics, sorti aux Etats-Unis sous l’égide de Dark Horse et édité en France par Mana Books, ne va malheureusement pas suffisamment au bout des choses.
Sobrement intitulé God of War, il s’attarde davantage durant 112 pages sur Kratos et son rapport à la gestion de sa colère qu’aux relations l’unissant à son fils ou même à sa femme Faye. D’ailleurs, si sa moitié est toujours en vie et qu’elle est évoquée rapidement, elle n’apparaît jamais. On suppose que ce choix est assujetti à l’envie de ne pas offrir un visage à l’épouse de Kratos afin de maximiser son aura à travers notre imagination et les quelques bribes d’informations que nous avons à son propos dans le jeu. Il n’en reste pas moins qu’il est décevant de ne pas en savoir plus sur cette relation, le comics préférant notamment appuyer à nouveau sur l’éducation «à la dure» d’Atreus par un père aimant mais plus que jamais conscient du monde dans lequel il évolue. Les événements lui donneront d’ailleurs raison lorsqu’il se retrouvera face à un clan de berserkers.
La rencontre avec ces derniers est à ce titre fort logique, ces créatures ne donnant la pleine mesure de leur puissance qu’en faisant surgir leur fureur. Il était donc inévitable que Kratos trouve une sorte d’écho au problème le minant depuis des années. C’est d’ailleurs le point de départ du comics obligeant cette fois Kratos à chercher le combat sans jamais affronter son adversaire. C’est à travers une séquence mettant en scène une meute de loups qu’on comprend la dualité qui mine notre guerrier engoncé entre son envie de laisser parler sa colère et son besoin de se contenir.
La thématique de la colère étant centrale, le scénariste Chris Roberson laisse donc de côté toute la dimension divine pour se focaliser sur l’action mise en images par Tony Parker (non pas le basketteur, l’artiste). Bien que son trait soit simple, il accentue la lisibilité des affrontements même si on aurait apprécié des visages plus travaillés et des planches mieux détaillées, au niveau par exemple des superbes covers de E.M. Gist. Sur le plan scénaristique, on reprochera cependant que certains personnages, à l’image de la sorcière ou même d’Atreus, ne soient pas vraiment exploités et que le périple de Kratos ne se résume qu’à trouver et détruire le totem des berserkers qui leur offre leur pouvoir.
Ce premier tome manque donc sans doute d’ambition et d’émotion tout en s’intégrant à l’histoire de Kratos. On aurait tout de même pu espérer un peu plus de place accordée au récit, que ce soit à travers l’histoire des berserkers, ici jamais abordée, ou même le fait que Kratos soit obligé de réprimer ses instincts primaires. Malheureusement, cette thématique tourne également en rond, notre guerrier se contenant au grès des cases de préciser qu’il ne doit pas succomber à la violence, ce qu’il finira bien entendu par faire.
Ce comics God of War se laisse donc parcourir, d’autant que l’édition de Mana Books est à la hauteur, mais montre surtout que les auteurs ont dû composer avec plusieurs restrictions afin, sans doute, de ne pas couper l’herbe sous le pied à d’éventuelles révélations qui seront traitées dans la suite vidéoludique du «reboot». Le résultat, bien qu’agréable, n’en reste donc pas moins dispensable.
L’histoire est connue mais mérite néanmoins d’être à nouveau racontée. En 2018, des programmeurs italiens avaient développé sur leur temps libre une démo d’un remake de Resident Evil 2 utilisant la caméra à l’épaule initiée par Resident Evil 4. Quelque temps plus tard, Capcom leur demandera de tout arrêter puisque travaillant sur leur propre remake du deuxième épisode. Invité par le studio japonais à Osaka, l’équipe italienne repart des étoiles plein les yeux et un nouveau projet en tête bâti sur les cendres de leur démo : Daymare 1998.
Pour celles et ceux qui n’auraient pas encore saisi, Daymare 1998 est un survival-horror pur souche mettant en avant non pas un mais plusieurs personnages. Construit autour de plusieurs chapitres, le titre a ceci d’intéressant qu’il nous fait incarner, du moins au tout départ, le bad-guy par excellence n’ayant aucune moralité et ne désirant qu’une chose : remplir sa mission coûte que coûte. On déplorera donc un peu que la suite soit plus conventionnelle en nous mettant dans la peau de Samuel, un garde forestier à la personnalité peu développée, ou bien encore Raven, un membre de l’escouade H.A.D.E.S. dont fait également partie Liev, premier personnage qu’on incarne. Dans l’absolu, le fait de switcher d’un personnage à un autre au grès de l’aventure est une bonne idée même si ici, elle sert principalement à nous faire changer de point de vue tout en reliant les chapitres entre eux.
Daymare va-t-il plus loin que l’hommage ?
Malheureusement, Daymare 1998 n’arrive que très rarement à s’émanciper de son postulat de départ et ce aussi bien dans son histoire, ses personnages ou son gameplay. Ainsi, outre le fait d’incarner une copie quasi conforme de Hunk durant les premières heures, les développeurs ont tellement tenu à rendre hommage à la saga de Capcom que les clins d’oeil abondent du début à la fin, eux-mêmes engoncés entre divers easter eggs issus du cinéma de genre ou une séquence plus meta nous proposant de nous rendre dans «les locaux» des développeurs de Invader Studios. Bien que ces hommages amusent, on finira un peu par s’en lasser au bout d’un moment d’autant que la construction s’avère lambda et sans surprises pour qui connaîtrait les rouages du survival-horror.
Notons tout de même que si les inévitables allers-retours sont très présents dans les lieux fermés (base de recherche, hôpital), le tout sera moins vrai en extérieurs, dans les rues de la ville de Keen Sight (ressemblant fortement à une certaine Raccoon City), puisqu’on nous demandera généralement d’aller simplement de l’avant. De même, notre progression étant entravée par des hordes de macchabées, on devra vite gérer son équipement afin de ne pas être à court de munitions ou d’items boostant notre vie, notre endurance ou notre mental. Si il n’est pas utile de rappeler l’importance d’avoir toujours sa santé à fond, précisons que le boost d’endurance nous servira tout simplement à courir plus longtemps. Utile pour prendre de la distance avec un zombie n’ayant pas son pareil pour nous courser dès qu’il nous aperçoit. Enfin, le fait de stabiliser notre mental sera intimement lié aux boosts de santé, ces derniers ne fonctionnant pas si notre niveau mental est trop bas.
En somme, on passera la plupart de notre temps à fouiller un peu partout pour dénicher des documents écrits ou audio ou bien encore les combinaisons de cadenas nous ouvrant des placards recelant généralement balles ou objets de soin. Bien pratique sachant que le jeu propose une bonne difficulté, que ce soit en Facile ou Normal. Il faut dire que la jouabilité s’avère parfois un peu raide et qu’hormis un retournement rapide, nous n’avons que peu de mouvements à disposition pour prendre la tangente ou éviter d’être attrapé par un mort vivant. Point de roulade, d’esquive, impossibilité d’enjamber un élément du décor, la seule façon de se défaire de l’étreinte d’un zombie sera d’appuyer frénétiquement sur une touche afin de repousser l’ennemi. On pourra également trouver frustrant que les check-points soient si mal gérés, certains étant très éloignés et nous demandant donc de reprendre de longues portions. Bien que les développeurs aient pensé à mettre quelques points de sauvegardes, synonyme de coffres communicants (tiens, tiens) afin de retrouver nos objets superflus, le tout ne sert pas à grand-chose. D’abord parce que ces lieux sont très peu nombreux et donc peu utiles et surtout parce-qu’on peut combiner plusieurs objets entre eux pour gagner de l’espace. N’hésitez donc pas à revenir régulièrement dans votre inventaire qui, en plus de regrouper informations sur votre état de santé et documents récupérés, vous permettra de remplir un chargeur puis de l’attribuer à un menu d’action rapide pour l’utiliser en pleine action. Pour terminer avec la difficulté, on notera un écueil similaire à celui de Resident Evil 2 Remake voulant que certains zombies sont étrangement résistants et se relèvent après avoir pris quatre balles en pleine tête.
D’autant plus étrange qu’à l’image du jeu de Capcom, On peut ajuster son tir pour occasionner plus de dégâts. Certes, on aura alors la possibilité d’utiliser une mitraillette, un fusil à pompe ou un Magnum 45 mais on préférera garder ces armes pour des rencontres plus musclées synonyme de créatures proches d’une sorte de Tyran ou d’un Man-Thing particulièrement résistant et nous crachant à distance de l’acide.
De bonnes idées minimisées par des errances de jeunesse
Bien que la partie action soit omniprésente, on reprochera également au jeu que son bestiaire ne soit pas plus évolué et que les gunfights se ressemblent tous plus ou moins. Les modèles physiques des zombies étant peu nombreux, seuls quelques vêtements donnent l’impression d’affronter d’anciens policiers, travailleurs de chantiers ou patients hospitalisés. Sachant que seules deux créatures viennent grossir les rangs de nos ennemis, on en fait vite le tour. Victime de leur budget réduit, Invader Studios a néanmoins trouvé quelques subterfuges pour rendre leur jeu plus intéressant. Saluons déjà les énigmes, plus nombreuses et surtout plus intéressantes que celles de n’importe quel Resident Evil. Mélangeant analyse de l’environnement et un peu de jugeote, la plupart d’entre elles s’avèrent sympathiques sans être trop difficiles à l’exception d’une ou deux un peu maladroites. Continuons avec une astuce brisant le quatrième mur en nous demandant, après avoir récupéré des documents dans le jeu, d’aller sur un site Internet dédié et d’utiliser un code pour débloquer des documents nous donnant des renseignements sur les événements de Daymare. Si il y avait sans doute mieux à faire avec ce concept cher à Hideo Kojima, on notera que les documents lisibles sont tous en anglais alors que le jeu propose des sous-titres français.
Enfin, en incarnant Liev une fois arrivé à Keen Sight, on devra se dépêcher pour trouver un abris afin de ne pas succomber au gaz s’étant répandu dans la ville. Pourquoi pas sauf qu’hormis le fait de presser le joueur qui devra alors zigzaguer entre les zombies d’une maison à l’autre, cela ne sert pas vraiment l’ambiance. On saluera davantage les hallucinations de Samuel qui verra à intervalle régulier des apparitions de sa femme ou de l’homme qu’il poursuit. Pas bête d’autant que par la suite, certains zombies apparaîtront également via ce procédé, le vrai et le faux se mêlant alors pour faire monter notre trouillomètre. Malheureusement, sur ce point, Daymare 1998 ne décolle jamais, la faute à une construction sans surprises et un côté un peu cheap.
Cependant, si ce premier essai des Italiens est minimisé par de trop grandes ambitions et son envie absolue de citer et remercier ses modèles via des références parfois un peu envahissantes, il se laisse parcourir. Le jeu aurait sans doute gagné à s’affranchir beaucoup plus de ses pairs afin de surprendre davantage mais en l’état, le tout est suffisamment sympathique pour qu’on veuille découvrir ce qui se trame derrière ces expériences et ce narrateur semblant avoir toujours avoir un coup d’avance sur nous.
Conclusion
Daymare 1998 s’inscrivant dans la continuité de la démo de Resident Evil 2, Invader Studios récite à la lettre leur leçon en offrant tout ce qu’on est en droit d’attendre d’un tel jeu. Malheureusement, si les Italiens ont pensé à cocher toutes les cases du jeu miroir (dans la limite du budget alloué), ils ont oublié de rajouter cette pincée d’originalité afin que le résultat ne s’enferme pas de lui même dans son statut d’oeuvre simplement référentielle. Intéressant pour celles et ceux qui attendraient des nouvelles du prochain remake de Capcom mais vite oubliable au final.
Alors que Supermassive Games nous avait proposé en 2015 un sympathique slasher interactif du nom de Until Dawn, les développeurs anglais s’étaient un peu cassés les dents avec les décevants Hidden Agenda et The Impatient. Après un passage par le FPS VR du nom de Bravo Team, lui aussi très moyen, les devs reviennent à leur premier amour, le jeu horrifique narratif. Une bonne résolution serait-on tenté de se dire d’autant que pour la première fois dans le jeu vidéo, leur nouvelle production prend la forme d’une anthologie.
Que ce soit en littérature, en comics, au cinéma ou sous forme de série TV, les anthologies sont nombreuses. Les Histoires extraordinaires d’Alan Poe, The Twilight Zone, Les Contes de la Crypte, American Horror Story, Body Bags, les exemples ne manquent pas. Néanmoins, fait étrange, jamais dans le jeu vidéo, ce concept, consistant à raconter plusieurs histoires distinctes et indépendantes sous couvert d’une même thématique, ici l’horreur, n’avait été utilisé jusqu’à alors. On accueillera donc avec beaucoup de bienveillance The Dark Pictures Anthology qui devrait se composer de plusieurs épisodes proposant diverses histoires faisant intervenir des personnages spécifiques. Se basant sur la légende urbaine du Ourang Medan, The Man of Medan navigue en eaux troubles mais surtout en terrain connu pour qui a déjà touché à un titre du studio britannique.
5 personnages, un bateau fantôme, plein de mortelles possibilités
Au delà de son statut d’anthologie, concept à propos duquel nous trouvons d’ailleurs en bonus un court mais complet reportage, Man of Medan reste avant toute chose un jeu de Supermassive Games, ceci impliquant une fois encore diverses forces et faiblesses. En terme d’écriture, disons que Man of Medan connaît ses classiques et renvoie à pas mal de films du genre à commencer par Le Vaisseau de l’Angoisse, Un Cri dans l’Océan ou le segment d’X-Files, Le Vaisseau Fantôme. Sauf que rapidement, on se rend compte que le jeu est prisonnier de son format court (4h environ), ne prend pas le temps de suffisamment creuser ses personnages et qu’il abuse un peu trop des jump scares une fois arrivé sur le bateau fantôme. Ce problème de rythme est ainsi présent tout au long de l’aventure. En effet, si le titre est constitué de trois actes, les deux premiers (l’exposition puis l’attaque des pirates) traînent bien trop en longueur. Pire, le deuxième acte s’empêtre dans des séquences maladroites, plusieurs redites, des réactions de personnages peu crédibles et un scénario n’arrivant jamais correctement à lier la première et la dernière partie.
Problématique d’autant qu’on trouve encore les soucis des autres prods Supermassive Games à commencer par une technique vacillante (principalement sur PS4 Pro) nous valant d’innombrables freezes, ceci n’aidant pas à rentrer dans l’histoire d’autant que le syndrome «uncanny valley» est omniprésent avec certains visages (particulièrement celui de Flix) au rendu dérangeant. Toutefois, si vous réussissez à passer outre, vous aurez le plaisir d’incarner cinq personnages au tempérament marqué comme il est de coutume dans ce type de production. Conrad (incarné par Shawn Ashmore – X-Men Days of Future Past, Quantum Break -), gai trublion et frère de Julia, copine d’Alex, lui-même frère du timide Brad, vont ainsi embarquer sur le bateau de Fliss, capitaine du Duke of Milan. Désireux de pratiquer la plongée dans les mers bleu azure de la Polynésie, tout ce beau monde va rapidement passer d’une petite virée d’étudiants à un cauchemar bien réel suite à l’attaque de pirates. Si la suite, une fois débarqué sur le Ourang Medan, leur semblera bien plus irréele, le danger n’en sera que plus vrai. Amas de cadavres, apparitions impromptues, hallucinations, fantômes, le destin de nos survivants ne tiendra qu’à vous.
Quick Fear Event
Bien que le gameplay soit secondaire dans ce type de jeu, les développeurs ont cependant essayé de rajouter quelques petites choses afin de rendre leur titre plus divertissant. Il faut en effet comprendre que la plupart du temps, il conviendra simplement de faire avancer nos étudiants, de récupérer divers collectibles afin d’en savoir un peu plus sur les personnages ou événements et tenter d’arriver au bout de l’aventure en faisant en sorte que tout le monde survive. Comme vous l’imaginez, à l’instar d’Until Dawn notamment, vous aurez très souvent des choix de dialogues à faire, chaque réponse impactant sur vos relations avec vos camarades. Cependant, après avoir bouclé plusieurs fois l’histoire, on a l’impression que ce système de relations n’a pas vraiment d’incidence sur le déroulement du scénario. On sera donc plus soucieux des QTE à ne pas rater pour éviter une mort douloureuse ou de nos réussites à un mini jeu consistant à appuyer en rythme en suivant les indications d’un encéphalogramme afin de réguler sa respiration pour ne pas dévoiler sa présence.
Malgré l’ambiance pesante, plusieurs fous-rires devraient être de la partie surtout si vous avez l’occasion d’y jouer avec quatre amis en local ou en duo en online. Une bonne idée héritée ici aussi d’Until Dawn et apportant à A Man of Medan une bonne rejouabilité d’autant que plusieurs fins sont possibles. Malheureusement, après deux runs, l’envie d’y revenir sera très limitée d’autant que la cinquantaine de collectibles à dénicher se trouve facilement, tout comme les Tableaux. A ce sujet, on trouvera étrange que ces dark pictures nous montrent un avenir possible mais qu’ils ne représentent pas nécessairement le choix le plus adapté pour sauver nos personnages. On doutera alors de leur utilité.
En revanche, on saluera la présence du Conservateur, sorte de Rod Serling intemporel consignant nos faits et gestes et pouvant, si on le souhaite, nous donner quelques indices sur les événements futurs à certains moments de l’aventure. Des bonnes idées, A Man of Medan n’en manque donc pas mais tout en cherchant à faire évoluer une formule relativement statique de par son statut de «film interactif», il en a oublié le plus important : sa narration. Peu qualitative et finalement peu surprenante pour qui connaît les références, elle n’est que le reflet d’un jeu qui s’égare dans des mécaniques redondantes, des effets de style perdant peu à peu de leur force ou un niveau technique inégal. Reste un titre sympathique à parcourir avec des ami(e)s et quelques sursauts à l’arrivée. Ce n’est déjà pas si mal.
Conclusion
Sans être totalement déplaisant, ce premier épisode de The Dark Pictures Anthology n’en reste pas moins très décevant. Alors que le jeu à cinq se montre sympathique et qu’on s’amusera à essayer de voir l’ensemble des fins possibles, Man of Medan est vite rattrapé par une qualité d’écriture très moyenne et un niveau technique abominable synonyme de saccades et autres freezes constants. On déplorera également un surplus de jump scares et un rythme déséquilibré synonyme de nombreuses longueurs. Bref, un coup d’essai avec du potentiel mais qui ne convainc pas à l’arrivée en espérant que les problèmes soulevés soient résolus pour les prochains opus.
Quel que soit le media, la licence reste un moyen facile et sûr pour toucher un large public tout en amortissant de lourds frais de production liés à son utilisation. Loin d’être une science exacte, l’adaptation vidéoludique (cinématographique ou toute autre) d’une licence, permet de profiter d’un lore établi et de pouvoir davantage se concentrer, dans le cas de notre univers de prédilection, sur le gameplay pour ne citer que ce dernier. Dans l’absolu, on pourrait donc se dire qu’adapter une licence ne présente que des avantages. Comme vous le verrez, ce n’est pas aussi simple.
La licence, une arme à double tranchant
En premier lieu, profiter d’une licence revient cher, très cher même, le prix découlant de la notoriété de celle acquise. Ensuite, certains contrats se négociant sur un nombre précis d’années, il y a très rapidement une logique de rentabilité, ceci pouvant inciter l’acquéreur à multiplier les adaptations afin de capitaliser au mieux sur son achat, quand ce n’est pas induit par le contrat lui-même. Ainsi, dans le milieu cinématographique, le contrat entre Marvel Studios et Sony signé en 1998 concernant le rachat de Spider-Man aura énormément de répercutions par la suite. En 2015, ledit contrat est renégocié avec Disney (qui a entre temps racheté Marvel Studios) et stipule que le personnage peut avoir droit à trois films du MCU le mettant en vedette et trois apparitions dans d’autres longs-métrages, ceci obligeant alors Marvel à renégocier le contrat pour chaque nouvelle apparition du Tisseur dans le MCU, le héros étant toujours la propriété de Sony. Un incroyable sac de nœuds découlant d’un système intéressant et lucratif mais pouvant se révéler pernicieux surtout lorsqu’on y intègre la notion de précipitation n’étant que rarement compatible avec celle de qualité. Le jeu vidéo ne fait pas exception à la règle et si pendant longtemps, l’adaptation de licences (qu’elle fut issue du cinéma, de comics, mangas ou romans) a privilégié la quantité à la qualité, la situation a évolué depuis quelques années, les majors et éditeurs étant aussi soucieux de l’image véhiculée par ces adaptations que des revenus qu’elles vont pouvoir générer.
Il faut en effet comprendre que dans l’industrie du divertissement, et plus spécifiquement dans tout ce qui touche aux licences fédérant une forte communauté, le respect des fans devient de plus en plus crucial, ces derniers étant ceux qui dépensent le plus en merchandising. Il convient donc de ne pas les froisser. Au contraire, on aura plutôt tendance à les brosser dans le sens du poil en leur offrant un produit calibré et attentionné vis à vis de l’univers utilisé en le développant de manière intelligente.
Si ceci peut sembler logique, les impératifs commerciaux sont autant de barrières parfois incompatibles avec la notion artistique ou du moins la volonté de bien faire. En résulte forcément des échecs mais aussi de grandes réussites qui ont émaillé l’univers du jeu vidéo et ce depuis le début des années 70.
Le cas des adaptations ciné
Adapter un film en jeu vidéo ne date pas d’hier. En effet, la toute première adaptation, ou devrait-on dire, inspiration cinématographique, faute de droits, remonte à 1975, lorsqu’Atari sort la borne d’arcade Shark Jaws qui profite du succès fulgurant du chef-d’oeuvre de Steven Spielberg, Jaws (Les Dents de la Mer).
C’est en 1979 qu’apparaît la première véritable adaptation vidéoludique à savoir Star Trek. A partir de ce moment-là, les liens entre cinéma et jeux vidéo se renforceront, le matériau cinématographique étant une source inépuisable pour le jeu vidéo (l’inverse étant moins vrai, du moins du point de vue d’Hollywood) au delà d’une logique mercantile évidente. On notera ainsi qu’à partir de l’adaptation de Star Trek, chaque année verra au moins l’arrivée d’une adaptation vidéoludique. Cela n’a rien d’étonnant, le public visé par les blockbusters américains (genre servant principalement de support aux adaptations vidéoludiques) s’intéressant également, dans un fort pourcentage des cas, aux jeux vidéo. Il est donc logique que dès le début des années 90, les adaptations vidéoludiques sortent en simultané des films, voire en amont. Cette tendance prendra d’ailleurs de l’ampleur au fil des ans jusqu’à devenir la norme dans quasiment 100% des cas.
Ainsi, l’adaptation de Jurassic Park sort durant l’été 1993 alors que le film n’arrivera que quelques mois plus tard. Bien que le jeu reprenne une partie de l’histoire originale en nous faisant incarner le professeur Grant, il intègre aussi un second scénario où l’on peut incarner… un vélociraptor. Original et surtout à même de proposer une alternative au sempiternel héros humanoïde. Précisons d’ailleurs que l’idée d’incarner la «bête» sera reprise en 2005 avec l’adaptation du King Kong de Peter Jackson par Michel Ancel puisqu’il était permis de jouer avec les héros du film mais aussi Kong. Mentionnons à ce sujet l’implication du réalisateur dans le processus de développement, Ancel et Jackson ayant collaboré afin de créer un jeu aussi respectueux du film que des joueurs. Pour autant, dans un cas comme dans l’autre, malgré de la bonne volonté, le résultat s’avérera sympathique sans être transcendant, à cause d’une difficulté mal calibrée pour l’un, afin de masquer une durée de vie réduite et une trop grande redondance, et des déséquilibres pour l’autre.
Bien qu’à partir de 1984, le nombre d’adaptations sortant simultanément soit multiplié par trois par rapport aux autres années, on note aussi qu’en 1994 et 2006, les adaptations de films sont bien plus importantes, ceci n’étant que le reflet du nombre de longs-métrages sortis en salle. Si l’on se fie aux données chiffrés de l’étude de l’Ina datant de 2012, entre 1975 et 2010, 547 films exploités en salles de cinéma ont donné lieu à environ 2 000 jeux.
Entre le début des années 80 et les années 2000, les adaptations de films représentent 10% de l’offre liée à chaque machine de jeu. Comme on peut l’imaginer, la qualité des œuvres est extrêmement fluctuante. Si tout le monde connaît aujourd’hui l’histoire autour de l’adaptation d‘E.T (1982), avec ses millions de cartouches invendues enterrées au Nouveau-Mexique, il suffit de jeter un œil à la très longue liste des adaptations sorties sur cette période pour se rendre compte que nombre d’entre-elles étaient perfectibles. Néanmoins, celles-ci ont côtoyé quelques petites perles à l’image du jeu d’arcade Star Wars (1983), l’excellent point & click Indiana Jones et la Dernière Croisade de LucasArts (1989), Le Roi Lion (1994) et bien d’autres.
Sans surprise, la majorité écrasante des films (9 sur 10) adaptés sur la période s’étalant du milieu des seventies à 2010 vient d’Hollywood. Pour autant, ce ne sont pas des adaptations au sens propre puisque les scénarii de ces dernières sont en majeure partie (46%) originaux. Notons également qu’à partir de 1995 (date de sortie de Toy Story), la quasi totalité des films en CGI, dont les Pixar, auront droit à leur adaptation oscillant, pour ces derniers, entre le Bon (Toy Story justement) et le Passable (Monstres & Cie, Les Indestructibles, Cars, Wall-E).
Du côté des productions françaises, les films les plus ambitieux profitent eux aussi d’une adaptation. Malheureusement, la qualité pointera souvent aux abonnés absents et ce ne sont pas Le Cinquième Element (1998), Astérix & Obélix contre César (1999) ou Arthur et la Vengeance de Maltazard (2009) qui nous feront mentir. Cependant, reconnaissons qu’Asterix se rattrapera par la suite grâce au sympathique Astérix aux Jeux Olympiques (2007) qui arrivera également avant le film sorti en janvier 2008. Ce cas reste aussi intéressant pour plusieurs raisons. En effet, bien que le jeu accompagne le film, il n’en prendra finalement que la trame (similaire à celle du 12ème album sorti en 1968) en intégrant quelques images digitalisées des acteurs (comme Benoît Poelvoorde) tout en reprenant le gameplay d’Astérix & Obélix XXL 2 : Mission Las Vegum (2005). De fait, bien que l’adaptation profite de l’engouement pour le film, elle n’en reste pas moins indépendante en restant avant tout un véritable jeu vidéo plus qu’une simple resucée du film.
En 1994, la série Street Fighter donnera lieu à un film de triste mémoire avec Jean-Claude Van Damme qui lui-même sera adapté en jeu vidéo en 1995 sous le titre Street Fighter : The Movie, avec les acteurs digitalisés issus du film. Une sorte de serpent se mordant la queue.
De très mauvaise facture, cet exemple représente à peu près tout ce qu’il ne faut pas faire en termes d’adaptation d’autant que dans le cas présent, le jeu ne profite pas vraiment du savoir-faire de Capcom même si le gameplay se base sur celui de Super Street Fighter II Turbo (1995). Au final, le titre ne fera que mettre en avant les immenses qualités de Street Fighter Alpha : Warriors’ Dreams sorti la même année.
Un autre cas représentatif de cette émulsion entre jeux vidéo et cinéma, qui ne débouchera malheureusement pas toujours sur un produit de qualité, n’est autre qu’Aliens Vs Predator. Bien qu’on dénombre quatre jeux sortis entre 1993 et 1994 (sur SNES, en Arcade ou bien encore sur la Jaguar d’Atari), le titre le plus emblématique sorti en 1999 et réunissant ces deux figures du cinéma d’action/science-fiction s’avère être un excellent FPS plébiscité par la critique et les joueurs. Ce cross-over vidéoludique donnera ensuite lieu à une adaptation cinématographique (classique mais pas désagréable) en 2004 puis une seconde en 2007, bien moins appréciable, qui profitera de la sortie simultanée d’un jeu PSP de qualité équivalente à celle de son modèle. Suivra quelques années plus tard (2010) un nouvel épisode, développé par Rebellion et qui s’avérera être de qualité très moyenne lui aussi.
Cet exemple montre bien que l’opportunisme est encore bel et bien présent et que les moyens mis à disposition des développeurs pointent souvent aux abonnés absent dans ces cas de figure.
Outre le manque de moyens, il s’avère parfois que le manque d’idées et de talent soit la source principale du problème. On se souvient ainsi d’Enter The Matrix (2003) qui partant pourtant d’un très bon postulat cross-media faisant le lien entre Matrix Reloaded et Matrix Revolutions, s’avérera être une vraie déception autant dans sa finition que sa très grande redondance. Difficile de savoir précisément à quoi est dû ce résultat (manque de temps, désaccords avec les Wachowski…) d’autant que Shiny Entertainment nous avait offert trois ans avant l’excellent Messiah.
Si on aurait pu penser que la Xbox 360 et la PS3 allaient permettre de voir plus grand grâce à leur puissance, cette génération de machines sera paradoxalement symptomatique d’une baisse de qualité générale, les 3/4 des adaptations étant mauvaises ou passables. Terminator Renaissance (2009), SAW (2009), Le Choc des Titans (2010), la liste est extrêmement longue et plutôt représentative d’un vrai laisser-aller même si quelques titres, X-Men Origins : Wolverine (2009), S.O.S. Fantômes : Le Jeu Vidéo (2009), arriveront à tirer leur épingle du jeu. Néanmoins, si on prend un peu de recul sur ces centaines d’adaptations de films, force est de constater que le nombre de bons jeux est loin d’être exceptionnel. Le fait que la tendance commence à doucement s’inverser avec l’arrivée de la PS4 et la Xbox One n’est pas innocent. Premièrement, la proportion de «petits jeux vite développés» est moins importante que sur les deux précédentes générations de machines, ceci étant notamment dû aux coûts de développement et surtout à la difficulté de dompter l’architecture de la PS4 réputée pour être difficile d’accès. L’aspect positif de tout ceci est que les quelques adaptations qui sont sorties sur les Current Gen dénotent d’une certaine prise de conscience des éditeurs et majors tant dans le choix des films que la façon de les adapter le plus intelligemment possible en surfant, le cas échéant, sur ce qui fonctionne dans le jeu vidéo.
Le Mad Max (2015) d’Avalanche Studios profite ainsi de la sortie du Mad Max : Fury Road de George Miller la même année. Mais plutôt que d’adapter bêtement le film (difficile vu la matière narrative à disposition), les suédois optent pour une intrigue, certes basique, mais néanmoins originale afin de l’adapter à l’open world à disposition et ses nombreuses quêtes. En axant le jeu autour de l’action (logique vu le sujet), les développeurs visent juste grâce à un excellent gameplay, en véhicules ou à pied, et un univers visuellement réussi. Une très bonne surprise pour un produit qui aurait simplement pu se baser sur un nom et le retour de la franchise cinématographique après 20 ans d’absence sur les écrans.
L’autre exemple très intéressant concerne la saga Alien déjà mentionnée à travers son cross-over avec Predator. Son évolution est assez notable et très représentative de ce que nous venons d’évoquer. Entre 1982 et 2019, on compte environ une quinzaine de jeux adaptant plus ou moins directement l’intrigue des films, bien plus si on y intègre les titres s’inspirant de l’univers en place. Si la première adaptation sobrement titrée Alien (1982) est une sorte de Pac-Man dans lequel on doit détruire les œufs de la reine Alien, le deuxième titre, lui aussi répondant au nom d’ Alien, propose deux ans plus tard une sorte de jeu basé sur le premier film dans lequel on doit gérer l’équipage du Nostromo devant fuir le Xénomorphe. Original et se calquant parfaitement sur l’intrigue du film. On passera rapidement sur Aliens : The Computer Game (1986) qui reproduira l’intrigue du deuxième film mais de manière assez approximative. En résultera un shooter assez basique malgré quelques séquences dialoguées et un passage où l’on dirige le Sulaco.
Aliens, encore lui, sera à nouveau adapté en 1990 par Konami dans un jeu d’arcade en scrolling horizontal, typique des années 90. Autant dire que l’on y retrouve plus grand chose de l’ambiance du film de Cameron, le côté poisseux et sombre cédant ici sa place à une DA colorée et des vagues d’ennemis parmi lesquels des Xénomorphes roses et des sortes de zombies. Alien 3 (1992) reprend la formule du jeu d’action à scrolling horizontal et s’il n’est pas non plus raccord avec l’ambiance du film de David Fincher, il s’avère être une bonne surprise tant dans son gameplay que son atmosphère profitant d’un visuel maîtrisé, de belles animations et d’un rendu sonore parvenant à rendre certains passages plutôt angoissants. Un an plus tard, c’est Sega qui adapte en arcade le troisième film de la saga à travers un rail shooter du nom de Alien 3 : The Gun. Comme on le voit, les orientations diffèrent complètement en fonction des publics visés et fort logiquement, le matériau de base sert totalement le propos ou au contraire n’est qu’un prétexte pour produire un nouveau titre qui profitera du nom de la série.
L’histoire se répète et si Alien Trilogy (1994) prendra quelques éléments des trois premiers films, il s’enferme lui aussi dans le genre action (en vue subjective) puisqu’on y incarne Ripley qui va devoir retrouver des colons sur la planète LV426. En soi, le jeu ne révolutionne pas le genre mais profite habilement du background des films afin de proposer une aventure nerveuse et glauque à souhait. Beaucoup moins connu, Aliens Online (1998) propose des instances pour une trentaine de joueurs permettant d’incarner des marines ou des Aliens. Etonnant et décevant au final à cause de nombreux déséquilibrages et d’un level design loupé. Alors qu’en 2000, l’adaptation de Alien : La Résurrection se heurte à des problèmes de conception et une difficulté mal calibrée, 2013 verra l’arrivée de Aliens : Colonial Marines, l’un des jeux les plus mauvais issus de la franchise et qui paiera cher un « development hell » dont rien ne ressortira. Échaudé par cet échec (autant public que critique), la franchise ne mettra pourtant pas longtemps à remettre le pied à l’étrier puisque un an plus tard, l’excellent Alien : Isolation renoue avec brio avec l’ambiance du premier long-métrage à travers une histoire originale bien que reprenant les meilleurs éléments du film de Scott. Un véritable cri d’amour qui ne fera que mettre en avant les défauts et l’absence d’ambition du jeu mobile Alien : Blackout sorti en 2019 pour les 40 ans de la saga.
James Bond n’est pas en reste. Entre 1983 et 2018, on dénombre 25 jeux, un peu plus en comptant les parodies comme James Pond, les excellents No One Lives Forever ou le point & click Operation Stealth qui sera renommé aux USA James Bond : The Stealth Affair. En effet, Interplay, détentrice de la licence James Bond et éditrice du jeu aux Etats-Unis, en profitera pour changer le titre afin de profiter de la notoriété du héros de Ian Fleming. Logique sachant que le jeu de Delphine Software s’inspirait grandement de cet univers jusque dans la représentation visuelle de son héros, John Glames. Le cas de ces adaptations est assez intéressant puisque de façon régulière, les jeux profiteront des films ou se baseront sur des histoires inédites. L’adaptation des longs-métrages ne sera donc pas automatique puisque sur les 24 films sortis à ce jour, seuls 10 seront adaptés. En résultera une majorité de titres honorables mais aussi d’excellents titres (GoldenEye 007, 007 : Quitte ou Double) ainsi que quelques déconvenues (GoldenEye : Au Service du Mal, 007 Legends).
Comment terminer cette revue des troupes, loin d’être exhaustive, sans citer Star Wars, la sacro sainte saga de George Lucas. S’il faudrait un article entier pour parler de toutes les adaptations vidéoludiques qu’elle a engendrées, rien que quelques chiffres donnent le tournis. Si on prend simplement en compte les adaptations directes des films, on en dénombre pas moins de 23, la dernière trilogie ayant simplement été « adaptée » à travers LEGO Star Wars : Le Réveil de la Force et le futur LEGO Star Wars : La Saga Skywalker, prévu pour 2020. Pour ce qui est de ceux usant de l’univers de la licence, on se retrouve avec 74 titres et beaucoup beaucoup plus si on y intègre les jeux éducatifs, les extensions ou ceux proposant de jouer avec un personnage de la saga en guest star. Forcément, avec un tel nombre, inutile de préciser qu’à l’instar des autres grosses séries pré-citées, le meilleur (Star Wars Rogue Squadron II : Rogue Leader, Star Wars : Knights of the Old Republic) a côtoyé le plus mauvais (Star Wars : Masters of Teräs Käsi, Star Wars : Clone Wars Adventures). Néanmoins, grâce à la pluralité des genres abordés (action, RPG, stratégie, combat, course…), difficile de ne pas ressentir l’appel de la Force.
De plus, avec un univers étendu comme celui de Star Wars, les scénaristes ont souvent pû s’en donner à coeur joie et proposer des histoires originales complexes permettant aux joueurs de rencontrer des personnages inédits ou de vivre de l’intérieur des événements iconiques mentionnés dans les films, BDs, romans. Peu surprenant en somme que depuis 1982, la licence ne se soit jamais vraiment reposée. Toujours est-il que si la franchise est restée vivante dans notre microcosme, principalement grâce aux jeux LEGO et autres Battlefront, il aura fallu attendre un petit moment avant d’avoir un nouveau AAA construit autour d’un vrai scénario. Tous les regards sont désormais tournés vers Star Wars Jedi : Fallen Order, prévu pour le 15 novembre 2019, bati sur les cendres du regretté Star Wars 1313 et, on l’espère, annonciateur de beaux lendemains vidéoludiques pour cet immense récit de science-fiction.
Mangas, comics et BDs sur un pied d’égalité ?
Alors que le cinéma sert de base à une très grosse partie des jeux à licences, il ne faut néanmoins pas oublier les mangas et animes qui représentent un nombre incalculable d’adaptations sur plus de 30 ans. Comme pour le cinéma, l’adaptation d’anime/mangas se voit souvent confrontée aux problèmes évoqués quelques lignes plus haut, ceci expliquant la qualité extrêmement versatile de celles-ci.
Soucis de temps, de budget, de choix de studios, adaptations opportunistes pressant une licence afin de surfer jusqu’à la dernière goutte sur une côte de popularité, le constat est parfois significatif surtout si on compare avec les adaptations animées de jeux vidéo débouchant régulièrement sur de bonnes surprises à l’image des films du Professeur Layton, ceux en CGI de Resident Evil, Street Fighter II Le Film, etc.
Il suffit de jeter un œil sur l’impressionnante liste d’adaptations d’animes (eux mêmes adaptant pour la plupart des mangas) pour se rendre compte que les japonais ont très rapidement compris l’intérêt du cross-media afin de proposer quasi systématiquement un jeu vidéo accompagnant un anime populaire.
Mieux, avec des concepts transmedia comme Dot Hack, l’anime et le jeu vidéo deviennent complémentaires en se renvoyant constamment la balle à travers des séries d’animations, des OAV, etc. Pour autant, si le concept a ici beaucoup de sens, la qualité des premiers jeux vidéo (découpés en RPG plutôt lambda et répétitifs) sera assez fluctuante.
Alors que d’autres projets transmedia (Sword Art Online, God Eater…) verront le jour, le gros des adaptations venant du Japon concerne néanmoins des licences iconiques, fortes, qui plus est transgénérationnelles. Les deux plus importantes restent sans doute Gundam et Dragon Ball. Jugez plutôt, la première a jusqu’à présent profité de plus de 200 adaptations tous supports confondus. Le premier titre, Mobile Suit Gundam Part 1 : Gundam Stands on the Ground!!, apparaît en 1983 sur le micro 8 bits Fujitsu Micro 7 et adapte les trois premiers épisodes de la toute première série animée datant de 1979. Mélange de visual novel, de RPG et saupoudré de quelques éléments de shoot, le titre ne convainc pas vraiment à l’époque. Toutefois la série aura le temps d’évoluer et de proposer diverses expériences à travers plusieurs genres comme le RPG, le jeu d’aventure, le musô, etc.Gundam peut être assimilée à une sorte de Star Wars nippon émaillant le quotidien des japonais depuis sa création. Il est donc logique de constater que les adaptations vidéoludiques de la saga n’ont jamais été mises en pause, la demande étant constante depuis 36 ans.
Bien que Gundam ait réussi son internationalisation, Dragon Ball reste cependant le manga le plus populaire au monde. Créé en 1984 par Akira Toriyama, il se voit adapté en série TV deux ans plus tard, en février 1986. Le tout premier jeu (un shoot’em up où on incarne Goku sur son nuage magique), débarque quelques mois après, en septembre de la même année, sur la console japonaise Super Cassette Vision. Quasiment en parallèle, en novembre 1986, sort Dragon Ball : Le Secret du Dragon qui arrivera en 1990 en France. Bien que le titre soit fraîchement accueilli par la presse à cause d’une réalisation déplorable et d’un gameplay problématique, le jeu se vend néanmoins à 1 200 000 exemplaires au Japon. Les joueurs répondent à l’appel et cet amour inconditionnel pour la licence, et ce qui en découle, ne se démentira pas pendant plus de 33 ans et expliquera en partie la centaine d’adaptations toutes machines confondues. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est l’attrait du public et le succès de la franchise qui tireront parfois la qualité des jeux vers le bas. En effet, la demande étant tellement forte, la licence arrivera dans les mains de développeurs qui n’auront, ici aussi, parfois pas le temps, ni l’argent ou encore le talent, pour l’utiliser à bon escient.
Ces 33 années seront ainsi synonymes de jeux qu’on qualifiera poliment de supplices (rappelez-vous Dragon Ball : Final Bout, Dragon Ball GT : Transformation) mais aussi d’excellentes surprises à l’image de la saga Butoden, des Tenkaichi ou du récent Dragon Ball FighterZ, succès autant critique que commercial. L’engouement étant sans cesse renouvelé, grâce à de nouvelles séries et des films, la saga traverse le temps avec aisance et profite qui plus est de jeux gagnant en qualité. S’il est encore trop tôt pour juger de celle du futur Dragon Ball Z Kakarot, notons que la saga reviendra au RPG, preuve de son envie (besoin) de s’ouvrir au plus grand monde et d’opter pour une complémentarité des genres en fonction du support. Néanmoins, il est intéressant de noter qu’hormis Le Secret du Dragon, seul le premier Butoden, sur Famicon, dépassera au Japon le million de ventes et générera plus de 15 millions de yens de chiffre d’affaires sur l’Archipel. De fait, bien que les titres continuent à affluer, la moyenne des ventes baisse sensiblement, du moins dans leur pays d’origine, à quelques exceptions près. Pour autant, la licence reste forte et se construit autant sur le petit que le grand écran et ce aussi bien à travers l’animation que le jeu vidéo.
A l’instar des adaptations cinématographiques, l’adaptation d’animes s’inscrit donc dans un process marketing immuable, l’un n’allant quasiment pas sans l’autre, surtout dans un pays où l’animation et le jeu vidéo entretiennent des liens très étroits depuis de nombreuses années. On ne sera donc pas surpris de retrouver dans cette grande valse transmedia des séries comme Doraemon, Yu-Gi-Oh !, Naruto et consorts.
A l’inverse, les BD franco-belges et, dans une moindre mesure, les comics, n’ont jamais eu le droit au même traitement. Bien que ceci vienne en partie de différences culturelles, on peut toutefois s’étonner de cet état de fait, surtout aux Etats-Unis où le merchandising est sacré. Néanmoins, en proportion, les adaptions de comics restent loin derrière les adaptations de mangas/animes. Attardons-nous par exemple sur le cas de deux icônes de la pop culture américaine, Spider-Man et Batman.
Alors que le premier comics de Spidey (Amazing Fantasy #15) date de 1962, le premier jeu arrive en 1990. En 28 ans, on dénombre 33 adaptations, ici aussi de qualité diverse. Si quelques films profiteront d’adaptations vidéoludiques pour proposer une sorte de relecture plus ou moins complémentaire au long-métrage dont elles s’inspirent, la plupart des jeux proposent des aventures inédites, parfois basées sur des arcs existants ou utilisant simplement les personnages à travers des histoires plus convenues. Cependant, on voit que l’idée de proposer à intervalles réguliers des jeux surfant sur le succès des comics, et surtout de celui des films du MCU, n’est pas ancrée dans la mentalité américaine. Pour autant, notons que le dernier Spider-Man, développé par Insomniac Games, dénote clairement d’une prise en conscience de Marvel, aussi présent dans la conception du jeu que dans celle du film Iron Man qui, en plus de marquer le début de la Phase 1, avait surtout été synonyme d’un renouveau des licences de la société au cinéma, aussi bien dans la forme que dans le fond. D’ailleurs, ce n’est pas innocent si Bryan Intihar, Game Director chez Insomniac, avait précisé lors de la sortie du jeu :
A l’instar du premier hit du MCU (NDR : Iron Man), Spider-Man sur PS4 représente une nouvelle étape pour les jeux Marvel sur consoles.
Les chiffres de ventes lui ont donné raison puisqu’avec ses 8,76 millions de ventes, Marvel’s Spider-Man est devenu le jeu de supers-héros le plus vendu de l’histoire. On s’orienterait donc davantage vers de la qualité que de la quantité, ce qui permettrait à l’Homme-Araignée d’obtenir ses lettres de noblesse vidéoludique à l’image du Dark Knight dont les derniers jeux ont redéfini le genre super-héroïque tout en influençant fortement quantité d’autres jeux. Pourtant, si l’on prend un peu de recul pour voir ce qui s’est passé avant l’excellente trilogie Batman Arkham de Rocksteady, le constat est identique pour le personnage de DC Comics dont la première apparition dans un comic-book date de mars 1939. Tout comme Spider-Man, il faudra logiquement attendre de nombreuses années avant de voir le premier jeu vidéo entièrement dédié au vigilante de Gotham, 47 ans plus exactement avec l’arrivée du sobrement intitulé Batman sur Amstrad CPC, en 1986. Bien que le super-héros soit régulièrement présent sur nos machines depuis plus de 33 ans, en profitant ici aussi de plusieurs films pour proposer à moindre risque, une nouvelle aventure, on ne démontre «que» 39 adaptations, dont certains titres éducatifs. Un constat quelque peu étonnant compte tenu de la popularité et surtout du public visé. Malgré tout, difficile de pester surtout que les derniers titres se sont montrés qualitatifs. Il y a donc fort à parier que tout comme Marvel, Warner ait compris l’intérêt de proposer aux fans des titres mieux calibrés quitte à faire dormir la licence durant de nombreuses années.
Les adaptations de comics restent donc pendant une petite période dépendantes de l’actualité cinématographique et surfent logiquement sur les sorties de blockbusters. Étonnamment, la plupart du temps, ces dernières se montrent plus ou moins de qualité (Captain America, Deadpool et surtout l’excellent X-Men Origins : Wolverine), même si nous avons eu droit à de nombreux ratés (Iron Man, Wanted : Les Armes du Destin…).
Du côté de l’Europe, cet état de fait est le même mais dans des proportions différentes, cela va de soi. Il faut en effet se rappeler que bien que nous ayons quelques «icônes» nationales, ce n’est néanmoins pas comparable avec le marché japonais et américain. Il suffit de prendre les exemples les plus parlants pour s’en convaincre. Si l’on s’en tient aux créations purement françaises, comme nous l’évoquions plus haut, il est indéniable qu’Astérix et Obélix tient le haut du pavé. La bande dessinée d’Uderzo et Goscini est pour ainsi dire ce qui se rapproche le plus pour nous d’un Gundam ou d’un Spider-Man, du moins dans sa propension à avoir traversé les âges pour accompagner différentes générations. Le premier album datant de 1961, on devra attendre 1983 pour voir apparaître le premier jeu. Bien que la licence soit toujours d’actualité aujourd’hui, notons que 37 jeux (soit à peine moins que Batman) ont vu le jour au fil du temps soit une moyenne d’un jeu par an. Une vraie régularité qui malheureusement s’accompagnera d’une qualité assez moyenne. Seuls quelques jeux, dont la série des XXL, sortent du lot même si le gameplay du récemment remastérisé XXL 2, très ancré dans les années 90, sera bien moins adapté aux standards de qualité actuels. Il sera donc intéressant de voir ce que donnera Astérix & Obélix XXL 3, volet inédit attendu pour cette année.
De fait, il est logique que les autres jeux dérivés de bandes-dessinées moins populaires en France se comptent, la plupart du temps, sur les doigts d’une main. Entre Thorgal qui n’aura droit qu’à une adaptation, Black & Mortimer qui se paiera le luxe d’en avoir trois fois plus (de piètre qualité malheureusement) ou Les Tuniques Bleues qui ne profitera lui aussi que d’un titre en 1989 (porté en 2012 sur mobiles et PC), la récolte est assez faible. Rajoutons tout de même 14 jeux pour Lucky Luke (de 1987 à 2008) avec, certes beaucoup de productions moyennes voire mauvaises mais aussi quelques bonnes surprises comme le Lucky Luke d’infogrames en 1987 ou Lucky Luke : Le Train des Desperados (sorti en 2000 sur Gameboy). Mentionnons également l’excellente adaptation de XIII qui aura d’ailleurs bientôt le droit à un remake qu’on espère lui aussi à la hauteur de l’oeuvre culte de William Vance et Van Hamme. N’oublions pas non plus LastFight qui, à travers un Power Stone-like, réussira à rendre un bel hommage au manga éponyme. On surveillera aussi de près la future adaptation de Blacksad, série multi-primée, mais qui aura dû attendre plus de 19 ans pour se voir enfin adaptée en jeu vidéo. Et Tintin dans l’histoire ? On pourrait logiquement se dire que notre cher reporter, né en Belgique mais bénéficiant d’une aura internationale, aurait eu droit à moult adaptations. Contre toute attente, on est loin des 37 jeux d’Astérix puisque seuls 5 titres sont sortis entre 1989 et 2011. Et si certains, comme Tintin Au Tibet, ont acquis une certaine notoriété, grâce à leur réalisation mais aussi et surtout leur difficulté, reste que les titres dédiés au reporter s’avèrent simplement corrects, l’univers n’ayant jamais vraiment dépassé le cadre du jeu de plates-formes/action.
Qu’en est-il pour le dernier en date, Les Aventures de Tintin : Le Secret de La Licorne, sorti en 2011 pour accompagner le film de Steven Spielberg ? Et bien, aussi étonnant que cela puisse paraître, le jeu d’Ubisoft a bénéficié d’une réalisation de qualité et d’un gameplay très agréable. Comme quoi, l’association film/jeu peut aussi servir à redorer le blason vidéoludique d’un personnage quelque peu oublié par le cinéma et le jv. Notons toutefois que les ventes du jeu ne seront pas vraiment à la hauteur des espérances d’Ubi avec moins d’un million d’unités écoulées (environ 990 000) toutes plates-formes confondues. Cependant, elles ne sont finalement que le reflet du film qui avait rapporté plus de 373 millions de dollars, un score honorable bien que très en dessous de celui de la plupart des productions Pixar.
Et les romans dans tout ça ?
Concernant les adaptations littéraires, le constat est aussi très intéressant. Entre 1975 et 2010, les scénarii des films, adaptés d’oeuvres littéraires, ayant servi à une adaptation vidéoludique sont de l’ordre de 30%. Le jeu vidéo s’est ainsi emparé de ce matériau mais en adaptant, très souvent, davantage le long-métrage qui est lui même une adaptation du roman, à travers les modélisations des acteurs, la représentation de certains décors, voire même une intrigue plus condensée. Il n’en reste pas moins que le roman représente pour les créateurs de jeux vidéo une source d’idées à même d’aguicher le fan. Il n’est donc pas surprenant que les adaptations d’ Harry Potter aient repris le travail des longs-métrages, déjà connus des fans auxquels s’adressent majoritairement le jeu. Récupérer le visuel d’un film, mais aussi et surtout le visage des acteurs, est donc une bonne porte d’entrée pour s’attirer les faveurs d’un public plus large.
On voit d’ailleurs que la réaction des fans peut parfois être très vive s’ils ne retrouvent pas ce qu’ils ont l’habitude de voir au cinéma, et ce même si le jeu ne propose nullement une adaptation du film. Crystal Dynamics en a fait les frais lors de l’E3 2019 en présentant leur Marvel’s Avengers. Cependant, bien que le fait de s’appuyer sur des éléments qui ont fait leurs preuves soit rassurant, il est parfois frustrant de devoir se plier à la vision d’un autre réalisateur pour de simples questions d’accessibilité. Ce n’est bien entendu pas le cas de toutes les adaptations. Pour revenir à Harry Potter, pas moins de 17 jeux ont vu le jour entre 2001 et 2019. Si certains (la série des LEGO notamment) se sont fortement inspirés des films en sortant en parallèle, d’autres sont des créations originales s’inspirant davantage de l’univers des livres à l’image du petit dernier, Wizards Unite, sorte de Pokémon Go proposant des affrontements contre créatures et autres sorciers.
Le constat est fortement similaire avec Le Seigneur des Anneaux. Bien que les deux derniers films de la trilogie de Peter Jackson (Les Deux Tours et Le Retour du Roi) aient bénéficié de très bonnes adaptations sous forme de jeux d’action sur les machines de l’époque (PS2, Xbox, GameCube…), la trilogie suivante (celle du Hobbit) n’aura droit qu’aux honneurs d’adaptations sur navigateurs et smartphones. Une sorte de désaveu vis à vis de l’oeuvre de Tolkien remplacée dans les esprits par d’autres épopées aussi épiques et plus « actuelles » (surtout en matière de ton) comme le Game of Thrones de George R. R. Martin ? Pas vraiment mais il est vrai que bien que l’univers des romans de Tolkien ait donné quantité de titres, les derniers en date n’ont pas vraiment boxé dans la catégorie des AAA à l’exception des très réussis La Terre du Milieu : L’Ombre du Mordor (2014) et sa suite, La Terre du Milieu : L’Ombre de la Guerre (2017).
Pour autant, de 1982 (date de sortie de The Hobbit, premier jeu basé sur la licence) à 2018, les adaptations n’ont cessé de nous accompagner et ce à travers des genres aussi variés que la stratégie, l’action ou bien encore le RPG. 14 jeux adaptés des romans verront ainsi le jour durant la période et ce devrait être également le cas du prochain de Daedalic (Deponia) prévu pour 2021, Lord of the Rings – Gollum. 21 autres titres, réutilisant pour beaucoup le visuel des films du réalisateur néo-zélandais, débarqueront également entre 2002 et 2017. Bien que pas mal d’adaptations s’avéreront simplement honnêtes, on y trouvera tout de même très bonnes surprises comme Le Seigneur des Anneaux : La Bataille pour la Terre du Milieu, LEGO Le Seigneur des Anneaux ou Le Seigneur des Anneaux Online.
Bien qu’on trouve d’autres adaptations de livres, elles restent néanmoins plus confidentielles. Pour autant, ces dernières restent souvent de qualité à l’image des jeux Discworld, aussi drôles et décalés que les œuvres de Terry Pratchett dont ils s’inspirent. On citera également les excellents Dune et Dune II : La Bataille d’Arrakis, sortis en 1992 et 1993, officiant dans des genres différents (aventure et stratégie) et profitant chacun à leur manière de l’incroyable matériau de base de Frank Herbert, le livre pour l’un, le film pour l’autre. Bien entendu, Sherlock Holmes n’est pas passé entre les mailles du filet du jeu vidéo et c’est fort logiquement qu’on dénombre pas moins d’une vingtaine de titres mettant en vedette le fin limier de Baker Street. Étonnamment, la plupart des jeux n’utilisent que le personnage et proposent davantage des aventures inédites en mixant même certains univers à l’image du Sherlock Holmes Contre Arsène Lupin de Frogwares sorti en 2007. Bien que la plupart des jeux disposent d’histoires intéressantes, leur qualité globale reste très fluctuante, souvent plombée par un gameplay maladroit ou des idées alourdissant la progression. Retenons aussi qu’en 1987, sort l’adaptation du film Young Sherlock Holmes qui lui-même s’inspirait des romans de Doyle afin de proposer une aventure inédite basée sur l’adolescence de Sherlock, jamais abordée dans les livres. Ironiquement, le jeu prit le pari de proposer une intrigue totalement différente de celle du film.
On citera également Da Vinci Code (mai 2006), qui reprend la trame du livre en s’émancipant du film de Ron Howard sorti la même année. Toutefois, ici aussi, les scénaristes ont intégré par moments quelques énigmes ou lieux absents de l’ouvrage original afin d’offrir quelques surprises scénaristiques à celles et ceux ayant lu le roman. De bonnes intentions qui ne suffiront malheureusement pas à faire de ce titre une adaptation à la hauteur. Notons qu’un mois avant, sort un certain The Secrets of Da Vinci : Le Manuscrit Interdit, qui n’a rien à voir avec le livre ou le film mais qui profite néanmoins de la sortie de ce dernier pour tenter de séduire les fans.
Ironiquement, ce jeu, qui s’attarde principalement sur la vie de De Vinci en visitant son époque à travers les yeux d’un des apprentis du maître, s’avère de bien meilleure qualité que l’adaptation officielle en proposant une vision différente du sujet tout en s’adressant à un public similaire.
Quel avenir pour le jeu à licence ?
La franchise, qu’elle soit cinématographique, littéraire, issue de l’animation japonaise ou des bandes-dessinées devrait encore alimenter pendant un bon moment le jeu vidéo. Normal puisque au delà du fait que l’ensemble de ces medias aient toujours été interconnectés en s’inspirant mutuellement, elle a également l’avantage de minimiser la prise de risques ou du moins de pouvoir toucher, rapidement et facilement, un vaste public. Toutefois, comme nous l’avons vu tout au long de cet article, la franchise n’est pas le Saint Graal et ne cumule pas systématiquement qualité et bonnes ventes.
Les coûts investis par les développeurs étant de plus en plus élevés, il convient donc d’assurer ses arrières afin de rentabiliser l’investissement. Et pour ce faire, pas de secret, il faut s’assurer l’attrait des fans, surtout à notre époque où un bad buzz sur les réseaux sociaux ou un downvote sur Steam peut véritablement mettre en péril l’avenir d’un jeu, qu’il soit ou non basé sur un univers connu. Certes, sortir un jeu dans la foulée d’un film attendu est un atout majeur mais n’oublions pas que le gamer reste une personne exigeante qui y regardera à deux fois avant d’investir 60 euros dans un titre et ce malgré l’amour qu’il porte à la franchise initiale.
Chapeautée par David Fincher himself, le premier volume de Love, Death + Robots propose pas moins de 18 segments pensés et conçus par autant de studios différents. Brassant de multiples thèmes autour de la science-fiction, l’horreur ou même l’humour, ce premier Volume propose de multiples approches visuelles à même de donner vie à des récits aussi divers que variés. Passage en revue de cette première salve d’épisodes.
Episode 01 : L’Avantage De Sonnie
Durée : 17 minutes
Ce premier épisode s’inscrit parfaitement dans le principe d’anthologie en profitant d’un univers SF très visuel, d’un concept intéressant (le combat en arène de créatures dirigées mentalement par des humains) et d’un excellent twist. Servi par un très beau character design de Cédric Peyravernay (Dishonored), affichant une animation de qualité (provenant de Blur Studio) et renvoyant par moments au Pacific Rim de Guillermo del Toro, L’Avantage de Sonnie donne le La de la partition à venir.
Episode 02 : Les Trois Robots
Durée : 11 minutes
Tranchant radicalement en termes d’ambiance avec le premier segment, Les Trois Robots s’amuse à étudier les habitudes de l’espèce humaine après que celle-ci ait disparu suite à une guerre nucléaire. Ironique, dès son premier plan évoquant le Terminator de James Cameron, l’épisode en prend rapidement le contre-pied grâce à un humour faisant souvent mouche et devant autant aux caractères complémentaires des robots qu’à leurs délicieuses réflexions ou bien encore la petite surprise de fin.
Episode 03 : Le Témoin
Durée : 12 minutes
A mi chemin entre le cinéma d’Hitchcock et celui de Polanski, Le Témoin est synonyme de course-poursuite entre une femme ayant assistée à un meurtre et l’assassin. Se déroulant dans des décors photoréalistes, l’épisode produit une impression étrange à cause d’effets de style et de focales déformées à l’image du character design, comme si le studio avait cherché à profiter d’une sorte d’effet uncanny valley assumé. La découverte de la ville est hypnotique grâce à un rythme effréné et son aspect found footage parfois proche du snuff movie débouche sur une fin ici aussi des plus dérangeantes.
Episode 04 : Des Fermiers Equipés
Durée : 17 minutes
Un design typé BD et une action quasi non stop, voici comment on pourrait résumer cet épisode lorgnant du côté de Starship Troopers. Manquant un peu d’émotion ou même de contexte, le twist final ne faisant que renforcer cette impression, Des Fermiers Equipés vaut surtout pour son rythme mené tambour battant, le design de ses mechas ou bien encore cette sorte de dichotomie entre l’univers agricole et ses batailles épiques contre des hordes de créatures provenant d’étranges failles. Une petite friandise très sympathique mais inférieure aux précédents segments.
Episode 05 : Un Vieux Démon
Durée : 12 minutes
Entièrement conçu en 2D, Un Vieux Démon aurait pu être réalisé par Robert Rodriguez tant le tout ne perd pas de temps en explications diverses et préfère se concentrer sur l’action décomplexée. Le but est ici d’offrir un spectacle jouissif synonyme d’affrontement entre une escouade de mercenaires et l’Empaleur, démon séculaire et très affamé dont la seule faiblesse semble être les chats. Virevoltant, l’épisode multiplie les scènes choc grâce à une animation mettant en valeur un design très comic book. Pulp et gore à souhait.
Episode 06 : La Revanche du Yaourt
Durée : 6 minutes
Raconter comment un yaourt doué de pensée a conquis le monde en proposant des solutions, notamment économiques, pour améliorer le sort de l’humanité. C’est ce pitch hautement improbable qui sert de canevas scénaristique à cet épisode aussi cynique qu’étonnant. Brossant un portrait peu reluisant de dirigeants américains cupides et hautains, La Revanche du Yaourt fait sourire tout en amenant une réflexion en filigrane sur le devenir du genre humain.
Episode 07 : Derrière La Faille
Durée : 17 minutes
L’une des prouesses techniques de ce premier volume de Love, Death + Robots nous vient de France puisque Derrière La Faille a été réalisé par le studio français Unit Image. Très impressionnant techniquement (aussi bien dans ses décors que les visages des protagonistes), le segment s’en sort correctement dans le fond bien que le tout soit somme toute classique et que l’ensemble ne tienne que grâce à son twist. Ainsi, on trouvera par exemple dommage que seul Tom, le capitaine de l’équipage effectuant un retour de mission spatiale, ait le droit à un traitement particulier, les deux autres membres étant complètement laissés dans l’ombre. Le tout aurait gagné à intégrer davantage les autres protagonistes afin de mieux répartir le suspens et la tension intervenant simplement dans les cinq dernières minutes et ce jusqu’à l’effroyable vérité. Au final, un épisode valant plutôt pour sa technicité que son traitement de la nouvelle d’Alastair Reynolds.
Episode 08 : Bonne Chasse
Durée : 17 minutes
Débutant dans une campagne chinoise remplie de légendes, nous y faisons la connaissance de Liang, fils de chasseur de Hulijing (femme-renarde séduisant les hommes) qui va rencontrer Yan, dont la mère a été tuée par le père du jeune homme. Quittant leur terre natale pour la ville de Hong Kong profitant de l’essor industriel, Liang va très vite se spécialiser dans la conception d’automates pendant que Yan subit de plein fouet cet univers steampunk ayant troqué la magie contre la science. Très bel épisode devant autant au manga Gunnm qu’à certaines œuvres du studio Ghibli. Poétique et tragique à la fois, Bonne Chasse prend le meilleur de deux mondes afin de tracer les lignes d’une histoire fantastique bâtie sur une réalité historique. Un excellent segment.
Episode 09 : La Décharge
Durée : 10 minutes
Sans doute l’un des épisodes les plus faibles de ce premier volume puisque ne racontant au final pas grand chose si ce n’est la découverte d’une gigantesque créature prénommée Pearly dans une décharge de la ville. Un contrôleur assermenté en fera d’ailleurs les frais en servant de petite gâterie à la créature s’étant liée d’amitié avec le propriétaire des lieux. Très banal, le tout bénéfice par ailleurs d’un design tout aussi classique.
Episode 10 : Métamorphes
Durée : 16 minutes
Et si l’armée américaine engageait des loups-garous dans sa guerre contre les Talibans ? Voici le pitch de départ de Métamorphes qui suit une escouade de soldats en mission comptant dans ses rangs deux loups-garous. Idée intéressante mais semblant un peu prisonnière de son format en ne parvenant pas réellement à développer son intrigue. Ne reste au final qu’une ambiance plutôt réussie et un affrontement cru et violent, mais malheureusement un peu court, venant ponctuer cette histoire.
Episode 11 : Le Coup De Main
Durée : 10 minutes
Dans la veine d’un Gravity, Le Coup de Main s’attarde sur les déboires d’Alex, astronaute effectuant une réparation sur un satellite dans l’espace. Un clou vient alors percuter sa réserve d’oxygène et la propulse hors d’atteinte de son vaisseau. N’ayant plus que 15 minutes d’oxygène, Alex va devoir trouver un moyen de rejoindre son module. Anxiogène à souhait, l’épisode nous fait retenir notre souffle en même temps que le personnage principal et ce jusqu’à son dénouement aussi «déchirant» que réussi.
Episode 12 : Les Esprits De La nuit
Durée : 10 minutes
Ce segment s’intéresse au sort d’un père et de son fils dont la voiture tombe en panne dans le désert. Alors qu’ils y passent la nuit, ils vont découvrir un monde merveilleux et insoupçonné peuplé de multiples espèces marines. Plutôt qu’un véritable épisode, on parlera ici d’exercice de style puisque le tout ne raconte finalement rien. Le bon (le design, certaines idées visuelles) et le moins bon (l’absence d’histoire et une fin un peu abrupte) se côtoient durant un peu plus de 10 minutes.
Episode 13 : Lucky 13
Durée : 14 minutes
Axant son récit autour du respect d’un pilote envers son vaisseau, le Lucky 13, ayant la réputation de porter malheur, l’épisode suite l’histoire de ces deux «personnages» à travers une suite de missions de sauvetage. Malgré la durée réduite et diverses ellipses narratives, ce segment parvient parfaitement, grâce sa réalisation, son niveau technique, sa musique et sa voix OFF, à susciter l’émotion du spectateur tout en proposant quelques séquences d’action impressionnantes.
Episode 14 : L’Œuvre De Zima
Durée : 10 minutes
L’un des meilleurs épisodes de ce volume revient sur l’artiste Zima, sorte de Banksy intersidéral dont les œuvres artistiques prennent de plus en plus d’ampleur. Se parant d’un magnifique design, évoquant quelque peu le style de Peter Chung (Aeon Flux), l’épisode propose une belle réflexion philosophique sur le sens de la vie et le besoin de revenir à ses origines, à quelque chose de simple pour comprendre et apprécier ce qui fait le sel de l’existence. Un très beau moment.
Episode 15 : Angle Mort
Durée : 8 minutes
Une équipe de 4 braqueurs cybernétiques décide de s’attaquer à un convoi hautement gardé. L’histoire d’Angle Mort ne va pas plus loin. Vous aurez donc compris que cet épisode se repose davantage sur son action que sur son histoire et le moins qu’on puisse dire est que c’est maîtrisé. Dynamique dans ses cadrages et sa réal, l’épisode va à 100 à l’heure en enchaînant les morceaux de bravoure jusqu’à sa fin aussi explosive que rigolote. Ici encore, on parlera plus d’exercice de style mais quel style !
Episode 16 : L’Âge de Glace
Durée : 10 minutes
Un petit côté Amblin Entertainment pour ce nouvel épisode se déroulant, une fois n’est pas coutume, principalement en live. Deux jeunes propriétaires d’un appartement, joués par Mary Elizabeth Winstead (Die Hard 4, la série Fargo) et Topher Grace (That’s Seventies Show) découvrent dans leur frigo une civilisation entière qui évolue à la vitesse Grand V. On assiste alors, via un étonnant ballet numérique, à la fin d’une ère remplacée par une nouvelle et ce jusqu’à l’extinction de ladite civilisation. Le côté magique de l’ensemble fait qu’on apprécie pleinement le spectacle sans rechercher une quelconque explication, l’épisode se suffisant alors à lui même dans ce qu’il montre, le but étant de nous faire rêver. Mission réussie.
Episode 17 : Histoires Alternatives
Durée : 7 minutes
Et si Hitler avait été accepté à l’académie des Beaux Arts, que se serait-il passé ? Cette question, nous nous la sommes tous posés et elle a d’ailleurs donné lieu à l’excellent ouvrage La Part de l’Autre. De son côté, Histoires Alternatives se penche sur six scénarios dans lequels Hitler trouve la mort. De la plus fantasque (étouffé par un gigantesque morceau de gelée) à la plus crédible (écrasé par un chariot en traversant la rue), l’épisode décrit la suite des événements de 1908 au premier pas sur la Lune. Un exercice extrêmement drôle, malgré le sujet, au rythme millimétré, pour l’un des meilleurs épisodes de ce premier volume.
Episode 18 : Une Guerre Secrète
Durée : 16 minutes
Le dernier épisode de l’anthologie frappe fort, en premier lieu d’un point de vue technique. On y suite l’Armée Rouge arrivant dans un village où tous les habitants ont été sauvagement tués par des hordes de démons invoqués il y a quelques années lors d’un rituel satanique (évoquant celui d’Hellboy) qui a mal tourné. Somptueux sur la forme (autant dans ses décors, la modélisation de ses personnages, ses vfx ou bien encore sa réalisation), Une Guerre Secrète frustre plus qu’il ne déçoit tant on aurait aimé voir l’univers développé dans un moyen ou long-métrage. On devra se contenter d’un épisode se terminant après 16 petites minutes, dans la violence et le don de soi.
Conclusion
Un premier volume brillant recelant de très nombreuses pépites autant dans l’humour que l’horreur, la contemplation ou bien encore l’action. Embrassant le plus souvent son concept avec des histoires parfaitement adaptées au format et aux twists réussis, cette première salve d’épisodes de Love, Death + Robots étonne par sa qualité et ce malgré quelques segments forcément plus faibles que d’autres.
C’est en 2011 que naît Black Mirror. Cette anthologie, évoquant dans son concept The Twilight Zone, The Outer Limits ou Alfred Hitchcock Presents, est diffusée pour la première fois sur la chaîne anglaise Channel 4. Plutôt que de miser sur l’horreur ou le fantastique pur, Black Mirror choisit de traiter des dérives de la technologie et des réseaux sociaux en proposant à chaque épisode une histoire distincte. En 2016, Netflix récupère les droits de la série et nous offre deux saisons de 6 épisodes chacune, contre 3 et 4 épisodes pour les saisons 1 & 2. Comme il est parfois de coutume, un épisode de noël est proposé afin de faire patienter les fans entre deux saisons. Du nom de Bandersnatch, celui de Black Mirror se veut quelque peu particulier puisqu’il officie dans la catégorie des films interactifs en proposant aux spectateurs d’influer sur le déroulement de l’histoire à travers divers choix qu’il est possible de prendre grâce à une télécommande, une souris ou un smartphone. Intéressant mais l’idée ne dessert-elle pas finalement l’histoire ?
C’est un film ? Un jeu ? Non, c’est Bandersnatch !
Bien que Bandersnatch ait des faux airs de coup marketing, idéal pour buzzer sur les réseaux sociaux (le serpent qui se mord la queue ?), il faut reconnaître aux producteurs et scénaristes que le principe de base s’intègre parfaitement à l’univers de Black Mirror. Toutefois, après visionnage de l’épisode et des multiples embranchements proposés, on se rend rapidement compte de ce qui sépare cet opus de noël de ceux qui l’ont précédé. En tout premier lieu, ce qui différencie le plus Bandersnatch des autres segments de Black Mirror tient au fait que chacun à sa manière pointait du doigt (en extrapolant ou en forçant délibérément le trait) l’utilisation abusive de la technologie afin de nous faire prendre conscience que cette dernière peut s’avérer nocive en fonction de l’usage qu’on en fait.
Bandersnatch entend davantage nous questionner au sujet de notre rapport au jeu vidéo mais aussi aux films/séries en tant que joueurs/spectateurs, sans que cela soit péjoratif pour autant. L’épisode s’avère donc, par certains côtés, moins pessimiste que ses prédécesseurs dans le sens où il se situe à la croisée des chemins du film et du jeu vidéo en nous faisant réfléchir non pas à une dérive possible mais plutôt à la notion de libre arbitre. Le jeu vidéo justement est l’élément central de cet épisode. On y suit le dénommé Stefan Butler débauché par la société Tuckersoft pour adapter sous forme de jeu vidéo le roman à choix multiples Bandersnatch dont le principe rappelle les Livres dont on est le héros. Le jeune programmeur de 19 ans va alors tout faire pour livrer, en un temps record, un titre fini, épaulé par Colin Ritman, jeune concepteur de talent travaillant lui aussi pour la société Tuckersoft. Pouvant rappeler par moments les récentes histoires de crunch qui ont émaillé l’année 2018, le scénario évoque surtout l’époque où des petits génies comme Eric Chahi ou Jordan Mechner développaient leurs jeux, seuls, dans leurs garages.
Citant plusieurs auteurs ayant abordé les thématiques de l’espionnage de l’individu à son contrôle (in)direct, le film situe son action en 1984 (en référence, notamment, au roman éponyme de George Orwell) et n’omet pas également de citer Philip K. Dick à travers certains embranchements faisant basculer Bandersnatch dans une sorte d’entre-deux où il y aurait autant de choix que de réalités. Intimement lié à la notion d’interactivité, ce concept déstabilise quelque peu, donnant à l’ensemble un côté un peu bancal. Dans les faits, la durée lambda de l’épisode est d’1h30 bien qu’on puisse le «terminer» en une 40aine de minutes, l’épisode nous donnant alors le choix de revenir en arrière pour tenter une autre approche. Après avoir passé en revue un grand nombre d’embranchements, on constate tout de même beaucoup de «smoking mirrors» ainsi que quelques embranchements plus «meta» tenant plus de la blague (parfois savoureuse) que d’une vraie fin. De même, dans sa globalité, Bandersnatch s’articule principalement autour de deux vrais axes synonymes de plusieurs fins. Le film n’aura d’ailleurs de cesse de nous renvoyer constamment au bon souvenir de l’embranchement que nous n’avons pas pris afin de nous faire comprendre que nous sommes sûrement en train de manquer quelque chose d’important.
En somme, on pourrait segmenter nos choix comme suit : Indispensables pour l’avancée de l’histoire principale / Utiles pour progresser dans une version alternative du scénario de base / Débouchants sur un segment meta brisant parfois le 4ème mur mais non essentiel à la progression du scénario. Le choix est bien entendu l’une des composantes essentielles de Bandersnatch qui joue souvent avec l’idée que l’alternative n’est qu’illusion et qu’on est contrôlé par quelqu’un sans même le savoir. Et en effet, à l’image de l’Architecte de Matrix, le spectateur va pouvoir influer sur la vie de Stefan qui va devenir par le biais de l’interactivité une sorte de mélange entre un personnage (de fiction) et l’avatar du spectateur.
Pilule bleue ou pilule rouge ?
Bandersnatch part donc d’un postulat de départ très intéressant d’autant qu’il renvoie, sans nécessairement le chercher, à The Stanley Parable. Malheureusement, la réflexion basée sur la notion de choix et de liberté ne va finalement jamais aussi loin que dans le jeu de Davey Wreden et William Pugh car prisonnière d’une histoire qu’il convient malgré tout de raconter coûte que coûte pour faire valoir son statut de film. On sent pourtant que les scénaristes ont essayé de comprendre le media et qu’ils ont mis ici et là divers clins d’oeil à commencer par le nom de l’épisode renvoyant à un véritable jeu d’aventure anglais, développé en 1984 et finalement annulé. Profitant également de la réalisation sobre mais efficace de David Slade (les excellents Hard Candy et 30 jours de nuit) et d’acteurs convaincants, cet épisode semblait ainsi avoir tous les atouts pour réussir et, pourquoi pas, préfigurer le renouveau du film interactif.
Dommage qu’engoncé entre l’interactivité promise et l’envie de raconter l’histoire de Stefan, Bandersnatch soit si déséquilibré et brouillon dans son intrigue. Si il pourra convenir à un public relativement large, non joueur mais curieux d’expériences un peu plus originales, il se montre finalement assez limité d’un point de vue ludique, du moins si on le compare à des titres comme Heavy Rain ou Detroit Become Human, ironiquement perçus par beaucoup comme des films plutôt que des jeux. En somme, bien que le choix soit une donnée importante du projet de départ mais aussi du film en tant qu’élément scénaristique, l’épisode se retrouve trop vite prisonnier de son concept duquel résulte une histoire, morcelée car assujettie à des allers-retours parfois obligatoires, ou ne parvenant jamais à mixer convenablement son propos et une intrigue suffisamment solide. On ne sera alors pas étonné d’y retrouver quelques incohérences ou facilités scénaristiques.
Conclusion
Ironiquement Bandersnatch est ce qu’il «dénonce» en donnant l’illusion aux spectateurs de faire des choix qui n’en sont parfois pas, principalement quand ils desservent l’intrigue principale. En résulte un épisode qui marquera davantage les esprits pour sa singularité que son histoire. Néanmoins, si la tentative échoue quelque peu en tant qu’épisode à part entière, l’interactivité devrait sans doute séduire le grand public. Les joueurs, en revanche, risquent d’être légèrement déçus, qu’ils soient fans ou non de l’anthologie, dans le sens où l’épisode, malgré beaucoup de bonne volonté, survole son sujet plus qu’il ne le maîtrise véritablement.
Alors que nous avions laissé Trevor et Sypha en compagnie d’Alucard à la fin de la première saison de Castlevania, nous retrouvons notre petite troupe aux abords du château du comte Dracula. Le point de départ d’une nouvelle saison s’attardant davantage sur les troupes de Dracula afin de mieux connaître et comprendre les motivations de celles et ceux qui ne tarderont pas à affronter nos héros.
Sans surprise, cette Saison 2 possède exactement les mêmes qualités et défauts que la Saison 1. Bien que les somptueux décors soient légion, ils tranchent à nouveau avec un chara design pas toujours très heureux et surtout une animation se révélant par moments disgracieuse. On ne peut d’ailleurs s’empêcher de penser à ce qu’aurait pu donner la série entre les mains de grands studios japonais comme Studio 4°C, Production I.G ou bien encore Madhouse qui s’était notamment chargé de la série Devil May Cry en 2007 et dont la nouvelle itération devrait revenir à Shankar Animation. Néanmoins, cette production Netflix conserve de solides qualités pour palier l’aspect technique, également fluctuant et synonyme d’éléments en CG des plus hasardeux. Ainsi, pour donner encore plus de poids à cet écrin artistique proposant quelques fulgurances, le doublage anglais s’avère une fois encore irréprochable, chaque comédien semblant avoir pris beaucoup de plaisir à incarner la galerie de personnages qui s’étoffe grâce aux lieutenants du Prince des ténèbres.
Il est ici tout à fait plaisant de découvrir la cour de Dracula d’autant qu’au delà de la promesse d’affrontements dantesques (ceux-ci ayant lieu notamment dans l’épisode 7), trois personnages ressortent clairement du lot tant dans leur psychologie que les trahisons qu’ils fomentent dans l’ombre. Hector, chétif forgeron hors pair ayant la capacité de ramener les morts à la vie, forme ainsi un étrange et unique duo avec Isaac, seuls humains au milieu d’une légion de vampires, ce qui n’est pas vraiment du goût du suceur de sang Godbrand. Si de ce postulat naît rapidement des querelles intestines au sein du groupe, l’arrivée de Camilla accentue cet état de faits en plantant la graine de la trahison au sein des proches de Dracula. La vampire n’étant pas femme à se laisser dominer par la gente masculine, elle ne tardera pas à comploter contre le comte. Bien que son arrivée fracassante ne laisse planer aucun doute sur sa nature et ses intentions, elle n’en reste pas moins un personnage fort, seule femme dans un univers d’hommes, usant aussi bien de ses charmes que de sa force pour parvenir à ses fins.
Face à elle, Hector et Isaac semblent donc démunis. Ce serait vite oublier l’importance de ces deux humains pour Dracula, le premier étant à même de fournir une armée bon marché grâce à ses talents, le second s’avérant un ancien esclave au passé douloureux, oscillant désormais entre expiation et dévouement total au comte. Chacun profitant de flashbacks aussi courts qu’intenses, on apprend vite à les cerner et à s’intéresser à eux, à leur personnalité et à leur rôle futur au sein de cette guerre se préfigurant entre deux clans que tout oppose.
Alors que le format court n’aide pas vraiment à développer l’intrigue, ce n’est en rien préjudiciable à la série, Trevor, Sypha et Alucard continuant leur périple en parallèle de la présentation des forces ennemies. Leur objectif étant dès le départ connu (atteindre le château du vampire), la série s’en émancipe rapidement pour privilégier les Forces obscures. L’équilibre est donc mieux maîtrisé que dans la première saison d’autant que les conversations dispendieuses laissent ici place à des échanges verbaux ayant principalement vocation à donner plus de poids à l’univers (ou ses protagonistes), toujours aussi sombre, sanglant et mettant aux prises un être damné face à une Eglise prompte à condamner une fois de plus ce qu’elle ne comprend pas ou qu’elle rejette fermement.
Bien que la série offre davantage d’action, le superbe affrontement final synthétise à lui seul les principaux soucis du show, l’excellente chorégraphie et quelques effets spéciaux réussis ne parvenant jamais à masquer complètement une animation en dents de scie et un sound design un peu trop timide. On suivra cependant avec un grand intérêt l’intrigue du show confirmant la bonne impression laissée par la première fournée d’épisodes et ce malgré des problèmes persistants. On pourra toutefois regretter la présence un peu en retrait de Dracula, le personnage survolant à peine la moitié de la saison jusqu’à un final, dantesque, plus personnel mais sous certains aspects un peu expédié.
Conclusion
Plus dynamique et travaillée que la première saison, cette Saison 2 souffre toujours d’une animation limitée et de quelques déséquilibres à commencer par la présence trop réduite de Dracula. Cependant, en privilégiant l’exposition des Forces des ténèbres tout en s’offrant un final impressionnant, Castlevania se montre envoûtante d’autant qu’elle dispose les pièces sur l’échiquier du Mal pour une Saison 3 qui devra trouver ce juste équilibre entre contemplation et action.
S’inscrivant dans une longue lignée de mangas «lsekai Tensei» propulsant ses héros dans un monde virtuel, Final Fantasy : Lost Stranger débute à l’intérieur même de la société Square Enix où travaillent ses deux personnages principaux, Shogo et sa petite sœur Yoko. Pour autant, le but n’est pas, à l’inverse de certains titres, de nous dépeindre le quotidien des employés. Dommage car on aurait grandement apprécié un manga se déroulant dans les deux univers afin de vivre au rythme des péripéties de nos aventuriers tout en en sachant un peu plus sur la conception des jeux. Toutefois, si là n’est pas le sujet, Lost Stranger se démarque des précédentes adaptations de Final Fantasy en étant bien plus référentiel.
Tout débute tragiquement alors que Shogo et Yoko se font renverser par un camion. Comme par miracle, les deux comparses se retrouvent dans le monde de Final Fantasy à leur réveil. Comment ? Pourquoi ? Nous n’en savons rien pour l’instant et si on ne doute pas que le scénariste trouvera un subterfuge pour nous expliquer cette situation, toujours est-il que quelques pages plus loin, Yuko se fait tuer lors d’un affrontement. Shogo n’a alors d’autre solution que de découvrir le sort légendaire Vie afin de ramener sa sœur d’entre les morts et quitter ce monde de fantasy. Partant de ce postulat, Final Fantasy : Lost Stranger emprunte des chemins relativement balisés pour un manga d’action/aventure.
Classique mais efficace
Bien qu’il soit difficile de dire après seulement deux tomes si Lost Stranger tiendra la route en nous proposant des situations variées oscillant entre humour et action, ce qu’on retient surtout du manga pour l’instant est sa faculté à nous replonger avec délice dans nos souvenirs de joueur. En effet, par l’intermédiaire de Shogo, énorme fan de Final Fantasy ayant travaillé sur les bibles Ultimania, le lecteur/joueur se remémorera, à l’instar du personnage, certaines scènes des divers jeux auxquels le manga fait directement référence. Et c’est grâce à ces multiples renvois que Lost Stranger tire clairement son épingle du jeu. Shogo, par exemple, se voit doté d’une capacité d’analyse lui permettant d’avoir des informations sur les objets qu’il utilise durant son aventure. Grâce aux bonus attribués en consommant certains plats et aux caractéristiques des armes et des matériaux récupérés sur les ennemis, l’ancien coordinateur de Square Enix en apprendra davantage sur le monde qui l’entoure au fur et à mesure de sa progression et va ainsi mettre à profit son « pouvoir » avec ses connaissances encyclopédiques de l’univers de Final Fantasy pour maximiser ses chances de réussite. Et ça tombe bien puisque comme dans n’importe quel manga du genre, Shogo ne tardera pas à rencontrer des compagnons qui le suivront dans sa quête, la mise en place de l’univers et la présentation de ses amis se faisant tout au long du Tome 1.
On suit alors avec intérêt le récit qui, à travers un fan service omniprésent, ne perd jamais une occasion de confronter ses personnages à des créatures et invocations issus du folklore FF. Ainsi, le Dragon des brumes, les Bombos, Coeurls et autres Mogs ne tarderont pas à pointer le bout de leur nez. Le deuxième tome se permet même le luxe de s’offrir une confrontation face à trois adversaires bien connus des fans de la célèbre franchise. Si on évitera de trop s’attarder sur le design de l’un d’entre-eux, trop cliché et un peu ridicule (même sous couvert de beaucoup d’ironie), avouons qu’on se frotte les mains à l’idée de voir ce que donneront les prochains tomes de ce point de vue-là.
Néanmoins, comme précisé quelques lignes plus haut, il faudra attendre un peu pour voir comment évoluent les choses en espérant que les auteurs aient suffisamment d’idées pour ne pas uniquement se reposer sur ces références. Alors que Shogo s’avère être un héros très sympathique, bien qu’assez classique, le fait de profiter d’un groupe soudé dès le premier volume est un plus, les caractères des autres membres étant très complémentaires à l’image de leurs capacités. Ici aussi, on ne sera pas surpris de retrouver Sharuru, une Healeuse désirant plus que tout aider son prochain, Duston, un mage Noir adepte de cuisine, ou bien encore une guerrière ayant baroudé aux côtés de Sharu. Le Tome 2 étant lui aussi très généreux en nouvelles rencontres, alors que notre groupe vient d’arriver dans la cité de Mysidia, on ne doute pas que le volume suivant versera tout autant dans ce mélange humour/action dans lequel baigne l’histoire. Trop peut-être diront certains d’autant qu’en fonction des situations (comiques ou sérieuses), le trait de Kameya a tendance à passer du «Très soigné» au «Très moyen», le switch de l’un à l’autre, finissant au bout d’un moment par décontenancer et un peu agacer.
Croisons les doigts pour que le manga trouve donc un meilleur équilibre en faisant en sorte que chaque trait d’humour ou situation cocasse ne ternisse pas trop l’ensemble visuel. Vu les détails de certaines planches, il serait dommage que la dessinatrice n’exploite pas pleinement son talent. C’est tout le mal qu’on souhaite à Final Fantasy : Lost Stranger qui, sans révolutionner le genre, se montre fort plaisant à suivre en nous faisant vibrer pour ses héros tout en ravivant nos souvenirs de RPGiste.
Il aura fallu attendre 14 ans pour que Brad Bird revienne à l’univers des Indestructibles. S’inscrivant dans un amoncellement de films de super-héros, Les Indestructibles 2 fait davantage sensation que son aîné en proposant une aventure aux multiples facettes et niveaux de lecture à travers l’histoire de ses personnages, de leurs tracas quotidiens et leur évolution respective.
Se situant trois mois après les événements du premier volet, Les Indestructibles 2 opte dès le départ pour une aventure ne perdant pas une seule seconde. S’ouvrant sur une introduction millimétrée synonyme de flash-back à la fois drôle et référentiel, Brad Bird (Le Géant de Fer, Mission Impossible : Protocole Fantôme) pose en l’espace d’une poignée de minutes le contexte de son histoire et ses futurs enjeux. Les supers-héros sont toujours hors-la-loi, ce qui n’empêche pas Bob, Helen, Dash et Violet de chasser le super-vilain. Seulement voilà, au sein même de la cellule familiale, Helen et Bob ne sont pas raccords sur la notion de «vigilante» et si Bob estime que les Supers se doivent d’exister au grand jour, sa femme se range plutôt du côté de la loi malgré sa nature.
Une sorte de Civil War version Pixar qui intègre ici, pour le plaisir de tous, un côté domestique source de nombreux problèmes mais aussi d’éclats de rire. Ainsi, lorsque le richissime Winston Deavor, grand fan de supers-héros et philanthrope à ses heures perdues, contacte Elastigirl pour lui proposer un juteux contrat dans le but de réhabiliter les supers-héros, cela ne va pas aller sans mal.
Les années 60 face au mouvement Girl Power
La première force du film est donc d’avoir su faire évoluer la famille Parr en changeant radicalement les rôles du père et de la mère. Si on pourra trouver les réactions de Bob terriblement machistes (Bird usant de ce ressort pour amener quelques dialogues savoureux), n’oublions pas que l’intrigue du film se situe dans les années 60, période durant laquelle la femme n’avait pas vraiment la place qu’elle a aujourd’hui au sein de la société. Le fait de propulser Helen sur le devant de la scène, en tant que super-héroïne œuvrant pour une cause qu’elle croyait perdue d’avance, offre aux Indestructibles 2 une saveur délectable, surtout lorsqu’il s’attarde sur les déboires de Bob cantonné à son rôle de père de famille. D’abord sûr de lui, M. Indestructible va rapidement se rendre compte que malgré des pouvoirs surhumains, il n’est jamais simple de s’occuper de deux adolescents et d’un bébé, surtout quand ces derniers sont dotés de capacités extraordinaires.
De fil en aiguille, le long-métrage va alors constamment switcher entre la nouvelle carrière d’Helen confrontée au redoutable Hypnotiseur et celle de Bob devant soutenir sa femme malgré son statut de mâle dominant tout en s’occupant de Jack Jack, la star de cet épisode. Intronisé Super à la fin du premier volet, le bambin prend ici une part beaucoup plus importante à travers l’éveil de ses 17 pouvoirs qui seront autant de problématiques à gérer pour la famille. Que dire si ce n’est que découvrir les capacités du gosse en même temps que son père provoquera une jubilation extrême chez le spectateur. Du coucher de l’enfant à la prise d’un goûter en passant par un affrontement contre un raton laveur valant à lui seul le visionnage du film, l’évolution de Jack Jack se fait en parallèle de celle de sa mère mais aussi du reste du groupe qui, comme on l’imagine, se rejoindra dans la dernière ligne droite pour un final des plus dantesques. Certes, l’intrigue est prévisible et le twist final n’est pas vraiment surprenant mais cet état de fait est balayé d’un revers de la main par la réalisation dynamique et terriblement inventive de Bird et le propos très mature du long-métrage.
Old school et terriblement actuel
Les Indestructibles 2 demeure donc très classique dans sa construction tout en étant terriblement actuel dans les sujets abordés et incroyablement moderne dans sa mise en scène. Bien que le film aligne avec une précision de métronome scènes délicieusement burlesques et séquences d’action, il ne perd jamais de vue son sujet principal : la ségrégation des supers-héros. A ce titre, on saluera la qualité d’écriture de Brad Bird aussi à l’aise quand il s’agit de nous faire rire que de nous faire réfléchir, l’un des monologues de l’Hypnotiseur étant à ce titre très représentatif en évoquant une réalité actuelle à peine voilée. Un excellent équilibre entre comédie et politique pour un résultat toujours aussi ancré dans le comic book d’antan.
Propulsé par une bande-son James Bondesque rondement menée par Michael Giacchino, visiblement très heureux de renouer avec cet univers, Les Indestructibles 2 n’oublie pas pour autant qu’il s’adresse à plusieurs cibles. De fait, si on appréciera les sous-couches narratives, difficile de résister à ces instantanés familiaux, de la scène du dîner à la découverte du nouvel appartement des Parr en passant par les premiers émois amoureux de Violet. Classique mais toujours juste, la mise en scène atteint toutefois un autre niveau lorsqu’il s’agit de faire le focus sur les supers-héros.
Moins impressionnant techniquement que le coloré et chatoyant Coco, ceci étant sans doute dû au look anguleux des personnages et au design rétro totalement assumé, cette suite n’en reste pas moins littéralement bluffante, notamment dans sa gestion des particules ou de ses effets spéciaux. Propulsé par une maîtrise absolue de l’espace, Les Indestructibles 2 impressionne également par ses cadrages impossibles et assure un spectacle virtuose de chaque instant. Capacité dimensionnelle permettant des plans aériens complètement fous, moto faite sur mesure pour Elastigirl offrant aux courses-poursuites une fantastique originalité, cumul des pouvoirs de Jack Jack, chaque élément, chaque idée du film lui apporte une saveur particulière en respectant le cahier des charges en terme d’action mais aussi et surtout en le rendant à la fois trépidant et émouvant.
Bien qu’on eut apprécié de voir un peu plus Edna Mode ou bien encore Frozone, plus présent que dans le premier volet mais toujours cantonné au buddy de luxe, le casting s’avère malgré tout plus consistant, grâce à quelques nouveaux venus dont l’élégant Winston et sa sœur Evelyn. Enfin, si on saluera comme il se doit les excellentes voix françaises, on regrettera que Gerard Lanvin n’arrive malheureusement pas à la cheville de Marc Alfos (décédé en août 2012) dans le rôle de M. Indestructible. Dommage d’autant qu’Emmanuel Jacomy, qui devait initialement doubler Bob (et qu’on peut d’ailleurs entendre dans le trailer ci-dessus) avait une voix beaucoup plus adaptée à la morphologie et au caractère du personnage. Une pointe de déception dans un océan d’enchantement n’enlevant rien à la puissance évocatrice de cet Indestructibles 2 se présentant à l’image de son aîné comme l’un des meilleurs films de supers-héros vus sur grand écran depuis de nombreuses années.
Conclusion
Brad Bird nous livre une suite meilleure en tout point que son prédécesseur tout en alternant savoureusement entre vie de famille et combat contre les forces du Mal. Drôle, époustouflant, émouvant, le long-métrage passe d’un genre à l’autre avec une générosité et une habileté sans pareille. Ni plus ni moins que le meilleur film de supers-héros sorti sur les écrans depuis un bon bout de temps.
Le temps où l’attente entre chaque Star Wars était aussi délicieuse qu’insupportable est aujourd’hui révolu. Disney ayant décidé de capitaliser sur sa juteuse franchise, les épisodes canoniques et les spin-off se passent désormais le flambeau afin que le spectateur puisse replonger dans l’univers de George Lucas à intervalle régulier. Après Rogue One, c’est au tour de Han Solo d’inaugurer les opus consacrés aux personnages iconiques de la saga.
Initialement dévolu aux talentueux Phil Lord et Chris Miller (La Grande Aventure Lego), Han Solo sera finalement confié à Ron Howard (Apollo 13, Inferno) qui aura la lourde tâche de reprendre le travail de ses homologues en effectuant plusieurs reshoots. Si on ne saura jamais vraiment la raison de la prise de bec entre les réalisateurs et Lawrence Kasdan (scénariste des Episodes V et VII), le fait est que Solo : A Star Wars Story porte l’empreinte de son réalisateur : sage, parfois efficace mais n’arrivant jamais à surprendre. Bien entendu, au delà du travail de Howard et de sa vision, le film doit également faire face à un épineux problème synonyme d’un personnage dont on sait tout ou presque. De fait, que raconter pendant plus de 2h15 (le tout aurait clairement mérité une bonne demi-heure de moins) qu’on ne sait déjà ? Une aventure trépidante de notre mercenaire au grand cœur auréolée de romance et d’action bien entendu. Rajoutez-y une louche de fan service et le tour est joué.
Une impression de déjà-vu
Le postulat du film n’est donc pas tant de nous raconter l’histoire de Han qu’on a appris à connaître en l’espace de plusieurs films que de revenir sur certains moments clés de sa vie. Le hic est qu’à l’inverse de ce que Lucas avait fait avec Dark Vador, dont l’histoire s’étalait sur toute la prélogie, de son enfance jusqu’à sa transformation finale en Sith, Solo doit se contenter (pour l’instant) d’un seul long-métrage se situant qui plus est quelques années avant l’Episode IV. Problématique d’autant que Alden Ehrenreich a peu voire aucun traits communs avec Harrison Ford, éternel Han Solo pour l’ensemble des spectateurs. L’identification est d’autant plus difficile à accepter que l’acteur est très souvent à côté de la plaque en terme d’incarnation. D’ailleurs, avouons que ce n’est pas le seul problème de casting, Emilia Clarke campant une Qi’Ra fade et intrusive au point de ne pas permettre au film de s’émanciper comme il aurait dû autant dans le ton que dans ce qu’il a à raconter.
On nous avait ainsi parlé de véritable western, ce qu’il essaie d’être au détour de quelques plans fugaces, mais alors que Rogue One se présentait comme un véritable Fort Alamo spatial, Solo verse très souvent dans le film trop conventionnel, parasité par une romance dont on se fiche éperdument, et ne mettant jamais correctement en avant le côté cabotin et intrépide de son héros. La faute à un script peu concluant perclus de maladresses à l’image de la deuxième rencontre entre Han et Qi’Ra, la sous-exploitation de Lando (Donald Glover) et les personnages de L3-37 (loupé voire dérangeant) et Beckett (Woody Harrelson) oscillant constamment entre une sorte de mentor et l’aventurier chevronné.
Difficile au final de s’intéresser à l’histoire servant de fil rouge et faisant état d’un vol de matière énergétique pour le compte de Dryden Voss (Paul Bettany). Le canevas scénaristique donnant parfois l’impression d’avoir été principalement pensé pour intégrer une kyrielle de clins d’oeil, on devra la plupart du temps se contenter de ce qu’on connaît déjà ou de ce qu’on supposait. De l’obtention du fameux blaster de Solo en passant par l’origine de son nom (totalement ridicule) ou sa première rencontre avec Chowie (malaisante à cause d’un trait d’humour superflu), le film avance péniblement en multipliant les références tout en tentant de faire progresser ses personnages jusqu’à un twist, lui aussi peu convaincant.
Efficace et pas cher, c’est Howard
Scénaristiquement, Solo : A Star Wars Story déçoit donc énormément mais est en partie rattrapé par sa réalisation. L’honnête artisan qu’est Howard exécute le tout sans grande conviction mais avec suffisamment de maîtrise pour maintenir le spectateur éveillé. Bien qu’on eût apprécié un rythme plus trépidant et davantage d’action, certaines séquences fonctionnent à l’image de l’attaque du train parfaitement orchestrée ou bien encore une séquence spatiale, haletante et esthétiquement superbe avec sa créature Lovecraftienne. Une bonne surprise surtout après la poursuite d’ouverture d’une mollesse à toute épreuve.
D’ailleurs, si le film s’avère beaucoup moins marqué visuellement que les autres opus de la franchise (sans doute à cause d’un budget plus réduit que ceux des épisodes principaux), et qu’il a bien du mal à acquérir une véritable identité, certaines astuces (pour mettre en avant différents décors à moindre frais) lui permettent cependant de sauver les meubles. On regrettera tout de même le passage terriblement brouillon dans les mines de Kessel amenant toutefois le fameux Raid plusieurs fois évoqué dans les précédents Star Wars.
Conclusion
Bien que correctement emballé par Howard, Solo : A Star Wars Story reste sans doute le film de la saga le plus dispensable à ce jour tant il n’apporte rien à la franchise. Constamment rattrapé par son manque d’ambition, son incapacité à nous raconter quelque chose de consistant et son fan service amené n’importe comment, on a bien du mal à croire que derrière ce résultat se cache le scénariste de L’Empire Contre-Attaque. Espérons que ce faux pas serve de leçon aux prochaines Stories qui devront avant toute chose bien mieux définir leurs sujets en amont…