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Castlevania S02 – Une suite sombre, violente et mieux maitrisée

Alors que nous avions laissé Trevor et Sypha en compagnie d’Alucard à la fin de la première saison de Castlevania, nous retrouvons notre petite troupe aux abords du château du comte Dracula. Le point de départ d’une nouvelle saison s’attardant davantage sur les troupes de Dracula afin de mieux connaître et comprendre les motivations de celles et ceux qui ne tarderont pas à affronter nos héros.

Sans surprise, cette Saison 2 possède exactement les mêmes qualités et défauts que la Saison 1. Bien que les somptueux décors soient légion, ils tranchent à nouveau avec un chara design pas toujours très heureux et surtout une animation se révélant par moments disgracieuse. On ne peut d’ailleurs s’empêcher de penser à ce qu’aurait pu donner la série entre les mains de grands studios japonais comme Studio 4°C, Production I.G ou bien encore Madhouse qui s’était notamment chargé de la série Devil May Cry en 2007 et dont la nouvelle itération devrait revenir à Shankar Animation. Néanmoins, cette production Netflix conserve de solides qualités pour palier l’aspect technique, également fluctuant et synonyme d’éléments en CG des plus hasardeux. Ainsi, pour donner encore plus de poids à cet écrin artistique proposant quelques fulgurances, le doublage anglais s’avère une fois encore irréprochable, chaque comédien semblant avoir pris beaucoup de plaisir à incarner la galerie de personnages qui s’étoffe grâce aux lieutenants du Prince des ténèbres.

Il est ici tout à fait plaisant de découvrir la cour de Dracula d’autant qu’au delà de la promesse d’affrontements dantesques (ceux-ci ayant lieu notamment dans l’épisode 7), trois personnages ressortent clairement du lot tant dans leur psychologie que les trahisons qu’ils fomentent dans l’ombre. Hector, chétif forgeron hors pair ayant la capacité de ramener les morts à la vie, forme ainsi un étrange et unique duo avec Isaac, seuls humains au milieu d’une légion de vampires, ce qui n’est pas vraiment du goût du suceur de sang Godbrand. Si de ce postulat naît rapidement des querelles intestines au sein du groupe, l’arrivée de Camilla accentue cet état de faits en plantant la graine de la trahison au sein des proches de Dracula. La vampire n’étant pas femme à se laisser dominer par la gente masculine, elle ne tardera pas à comploter contre le comte. Bien que son arrivée fracassante ne laisse planer aucun doute sur sa nature et ses intentions, elle n’en reste pas moins un personnage fort, seule femme dans un univers d’hommes, usant aussi bien de ses charmes que de sa force pour parvenir à ses fins.

Face à elle, Hector et Isaac semblent donc démunis. Ce serait vite oublier l’importance de ces deux humains pour Dracula, le premier étant à même de fournir une armée bon marché grâce à ses talents, le second s’avérant un ancien esclave au passé douloureux, oscillant désormais entre expiation et dévouement total au comte. Chacun profitant de flashbacks aussi courts qu’intenses, on apprend vite à les cerner et à s’intéresser à eux, à leur personnalité et à leur rôle futur au sein de cette guerre se préfigurant entre deux clans que tout oppose.

Alors que le format court n’aide pas vraiment à développer l’intrigue, ce n’est en rien préjudiciable à la série, Trevor, Sypha et Alucard continuant leur périple en parallèle de la présentation des forces ennemies. Leur objectif étant dès le départ connu (atteindre le château du vampire), la série s’en émancipe rapidement pour privilégier les Forces obscures. L’équilibre est donc mieux maîtrisé que dans la première saison d’autant que les conversations dispendieuses laissent ici place à des échanges verbaux ayant principalement vocation à donner plus de poids à l’univers (ou ses protagonistes), toujours aussi sombre, sanglant et mettant aux prises un être damné face à une Eglise prompte à condamner une fois de plus ce qu’elle ne comprend pas ou qu’elle rejette fermement.

Bien que la série offre davantage d’action, le superbe affrontement final synthétise à lui seul les principaux soucis du show, l’excellente chorégraphie et quelques effets spéciaux réussis ne parvenant jamais à masquer complètement une animation en dents de scie et un sound design un peu trop timide. On suivra cependant avec un grand intérêt l’intrigue du show confirmant la bonne impression laissée par la première fournée d’épisodes et ce malgré des problèmes persistants. On pourra toutefois regretter la présence un peu en retrait de Dracula, le personnage survolant à peine la moitié de la saison jusqu’à un final, dantesque, plus personnel mais sous certains aspects un peu expédié.

Plus dynamique et travaillée que la première saison, cette Saison 2 souffre toujours d’une animation limitée et de quelques déséquilibres à commencer par la présence trop réduite de Dracula. Cependant, en privilégiant l’exposition des Forces des ténèbres tout en s’offrant un final impressionnant, Castlevania se montre envoûtante d’autant qu’elle dispose les pièces sur l’échiquier du Mal pour une Saison 3 qui devra trouver ce juste équilibre entre contemplation et action.

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Final Fantasy : Lost Stranger (T01-02) – Des bonnes idées à confirmer

S’inscrivant dans une longue lignée de mangas «lsekai Tensei» propulsant ses héros dans un monde virtuel, Final Fantasy : Lost Stranger débute à l’intérieur même de la société Square Enix où travaillent ses deux personnages principaux, Shogo et sa petite sœur Yoko. Pour autant, le but n’est pas, à l’inverse de certains titres, de nous dépeindre le quotidien des employés. Dommage car on aurait grandement apprécié un manga se déroulant dans les deux univers afin de vivre au rythme des péripéties de nos aventuriers tout en en sachant un peu plus sur la conception des jeux. Toutefois, si là n’est pas le sujet, Lost Stranger se démarque des précédentes adaptations de Final Fantasy en étant bien plus référentiel.

Tout débute tragiquement alors que Shogo et Yoko se font renverser par un camion. Comme par miracle, les deux comparses se retrouvent dans le monde de Final Fantasy à leur réveil. Comment ? Pourquoi ? Nous n’en savons rien pour l’instant et si on ne doute pas que le scénariste trouvera un subterfuge pour nous expliquer cette situation, toujours est-il que quelques pages plus loin, Yuko se fait tuer lors d’un affrontement. Shogo n’a alors d’autre solution que de découvrir le sort légendaire Vie afin de ramener sa sœur d’entre les morts et quitter ce monde de fantasy. Partant de ce postulat, Final Fantasy : Lost Stranger emprunte des chemins relativement balisés pour un manga d’action/aventure.

Classique mais efficace

Bien qu’il soit difficile de dire après seulement deux tomes si Lost Stranger tiendra la route en nous proposant des situations variées oscillant entre humour et action, ce qu’on retient surtout du manga pour l’instant est sa faculté à nous replonger avec délice dans nos souvenirs de joueur. En effet, par l’intermédiaire de Shogo, énorme fan de Final Fantasy ayant travaillé sur les bibles Ultimania, le lecteur/joueur se remémorera, à l’instar du personnage, certaines scènes des divers jeux auxquels le manga fait directement référence. Et c’est grâce à ces multiples renvois que Lost Stranger tire clairement son épingle du jeu. Shogo, par exemple, se voit doté d’une capacité d’analyse lui permettant d’avoir des informations sur les objets qu’il utilise durant son aventure. Grâce aux bonus attribués en consommant certains plats et aux caractéristiques des armes et des matériaux récupérés sur les ennemis, l’ancien coordinateur de Square Enix en apprendra davantage sur le monde qui l’entoure au fur et à mesure de sa progression et va ainsi mettre à profit son « pouvoir » avec ses connaissances encyclopédiques de l’univers de Final Fantasy pour maximiser ses chances de réussite. Et ça tombe bien puisque comme dans n’importe quel manga du genre, Shogo ne tardera pas à rencontrer des compagnons qui le suivront dans sa quête, la mise en place de l’univers et la présentation de ses amis se faisant tout au long du Tome 1.

On suit alors avec intérêt le récit qui, à travers un fan service omniprésent, ne perd jamais une occasion de confronter ses personnages à des créatures et invocations issus du folklore FF. Ainsi, le Dragon des brumes, les Bombos, Coeurls et autres Mogs ne tarderont pas à pointer le bout de leur nez. Le deuxième tome se permet même le luxe de s’offrir une confrontation face à trois adversaires bien connus des fans de la célèbre franchise. Si on évitera de trop s’attarder sur le design de l’un d’entre-eux, trop cliché et un peu ridicule (même sous couvert de beaucoup d’ironie), avouons qu’on se frotte les mains à l’idée de voir ce que donneront les prochains tomes de ce point de vue-là.

Néanmoins, comme précisé quelques lignes plus haut, il faudra attendre un peu pour voir comment évoluent les choses en espérant que les auteurs aient suffisamment d’idées pour ne pas uniquement se reposer sur ces références. Alors que Shogo s’avère être un héros très sympathique, bien qu’assez classique, le fait de profiter d’un groupe soudé dès le premier volume est un plus, les caractères des autres membres étant très complémentaires à l’image de leurs capacités. Ici aussi, on ne sera pas surpris de retrouver Sharuru, une Healeuse désirant plus que tout aider son prochain, Duston, un mage Noir adepte de cuisine, ou bien encore une guerrière ayant baroudé aux côtés de Sharu. Le Tome 2 étant lui aussi très généreux en nouvelles rencontres, alors que notre groupe vient d’arriver dans la cité de Mysidia, on ne doute pas que le volume suivant versera tout autant dans ce mélange humour/action dans lequel baigne l’histoire. Trop peut-être diront certains d’autant qu’en fonction des situations (comiques ou sérieuses), le trait de Kameya a tendance à passer du «Très soigné» au «Très moyen», le switch de l’un à l’autre, finissant au bout d’un moment par décontenancer et un peu agacer.

Croisons les doigts pour que le manga trouve donc un meilleur équilibre en faisant en sorte que chaque trait d’humour ou situation cocasse ne ternisse pas trop l’ensemble visuel. Vu les détails de certaines planches, il serait dommage que la dessinatrice n’exploite pas pleinement son talent. C’est tout le mal qu’on souhaite à Final Fantasy : Lost Stranger qui, sans révolutionner le genre, se montre fort plaisant à suivre en nous faisant vibrer pour ses héros tout en ravivant nos souvenirs de RPGiste.

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Les Indestructibles 2 : Un grand film implique de grandes responsabilités

Il aura fallu attendre 14 ans pour que Brad Bird revienne à l’univers des Indestructibles. S’inscrivant dans un amoncellement de films de super-héros, Les Indestructibles 2 fait davantage sensation que son aîné en proposant une aventure aux multiples facettes et niveaux de lecture à travers l’histoire de ses personnages, de leurs tracas quotidiens et leur évolution respective.

Se situant trois mois après les événements du premier volet, Les Indestructibles 2 opte dès le départ pour une aventure ne perdant pas une seule seconde. S’ouvrant sur une introduction millimétrée synonyme de flash-back à la fois drôle et référentiel, Brad Bird (Le Géant de Fer, Mission Impossible : Protocole Fantôme) pose en l’espace d’une poignée de minutes le contexte de son histoire et ses futurs enjeux. Les supers-héros sont toujours hors-la-loi, ce qui n’empêche pas Bob, Helen, Dash et Violet de chasser le super-vilain. Seulement voilà, au sein même de la cellule familiale, Helen et Bob ne sont pas raccords sur la notion de «vigilante» et si Bob estime que les Supers se doivent d’exister au grand jour, sa femme se range plutôt du côté de la loi malgré sa nature.

Une sorte de Civil War version Pixar qui intègre ici, pour le plaisir de tous, un côté domestique source de nombreux problèmes mais aussi d’éclats de rire. Ainsi, lorsque le richissime Winston Deavor, grand fan de supers-héros et philanthrope à ses heures perdues, contacte Elastigirl pour lui proposer un juteux contrat dans le but de réhabiliter les supers-héros, cela ne va pas aller sans mal.

Les années 60 face au mouvement Girl Power

La première force du film est donc d’avoir su faire évoluer la famille Parr en changeant radicalement les rôles du père et de la mère. Si on pourra trouver les réactions de Bob terriblement machistes (Bird usant de ce ressort pour amener quelques dialogues savoureux), n’oublions pas que l’intrigue du film se situe dans les années 60, période durant laquelle la femme n’avait pas vraiment la place qu’elle a aujourd’hui au sein de la société. Le fait de propulser Helen sur le devant de la scène, en tant que super-héroïne œuvrant pour une cause qu’elle croyait perdue d’avance, offre aux Indestructibles 2 une saveur délectable, surtout lorsqu’il s’attarde sur les déboires de Bob cantonné à son rôle de père de famille. D’abord sûr de lui, M. Indestructible va rapidement se rendre compte que malgré des pouvoirs surhumains, il n’est jamais simple de s’occuper de deux adolescents et d’un bébé, surtout quand ces derniers sont dotés de capacités extraordinaires.

De fil en aiguille, le long-métrage va alors constamment switcher entre la nouvelle carrière d’Helen confrontée au redoutable Hypnotiseur et celle de Bob devant soutenir sa femme malgré son statut de mâle dominant tout en s’occupant de Jack Jack, la star de cet épisode. Intronisé Super à la fin du premier volet, le bambin prend ici une part beaucoup plus importante à travers l’éveil de ses 17 pouvoirs qui seront autant de problématiques à gérer pour la famille. Que dire si ce n’est que découvrir les capacités du gosse en même temps que son père provoquera une jubilation extrême chez le spectateur. Du coucher de l’enfant à la prise d’un goûter en passant par un affrontement contre un raton laveur valant à lui seul le visionnage du film, l’évolution de Jack Jack se fait en parallèle de celle de sa mère mais aussi du reste du groupe qui, comme on l’imagine, se rejoindra dans la dernière ligne droite pour un final des plus dantesques. Certes, l’intrigue est prévisible et le twist final n’est pas vraiment surprenant mais cet état de fait est balayé d’un revers de la main par la réalisation dynamique et terriblement inventive de Bird et le propos très mature du long-métrage.

Old school et terriblement actuel

Les Indestructibles 2 demeure donc très classique dans sa construction tout en étant terriblement actuel dans les sujets abordés et incroyablement moderne dans sa mise en scène. Bien que le film aligne avec une précision de métronome scènes délicieusement burlesques et séquences d’action, il ne perd jamais de vue son sujet principal : la ségrégation des supers-héros. A ce titre, on saluera la qualité d’écriture de Brad Bird aussi à l’aise quand il s’agit de nous faire rire que de nous faire réfléchir, l’un des monologues de l’Hypnotiseur étant à ce titre très représentatif en évoquant une réalité actuelle à peine voilée. Un excellent équilibre entre comédie et politique pour un résultat toujours aussi ancré dans le comic book d’antan.

Propulsé par une bande-son James Bondesque rondement menée par Michael Giacchino, visiblement très heureux de renouer avec cet univers, Les Indestructibles 2 n’oublie pas pour autant qu’il s’adresse à plusieurs cibles. De fait, si on appréciera les sous-couches narratives, difficile de résister à ces instantanés familiaux, de la scène du dîner à la découverte du nouvel appartement des Parr en passant par les premiers émois amoureux de Violet. Classique mais toujours juste, la mise en scène atteint toutefois un autre niveau lorsqu’il s’agit de faire le focus sur les supers-héros.

Moins impressionnant techniquement que le coloré et chatoyant Coco, ceci étant sans doute dû au look anguleux des personnages et au design rétro totalement assumé, cette suite n’en reste pas moins littéralement bluffante, notamment dans sa gestion des particules ou de ses effets spéciaux. Propulsé par une maîtrise absolue de l’espace, Les Indestructibles 2 impressionne également par ses cadrages impossibles et assure un spectacle virtuose de chaque instant. Capacité dimensionnelle permettant des plans aériens complètement fous, moto faite sur mesure pour Elastigirl offrant aux courses-poursuites une fantastique originalité, cumul des pouvoirs de Jack Jack, chaque élément, chaque idée du film lui apporte une saveur particulière en respectant le cahier des charges en terme d’action mais aussi et surtout en le rendant à la fois trépidant et émouvant.

Bien qu’on eut apprécié de voir un peu plus Edna Mode ou bien encore Frozone, plus présent que dans le premier volet mais toujours cantonné au buddy de luxe, le casting s’avère malgré tout plus consistant, grâce à quelques nouveaux venus dont l’élégant Winston et sa sœur Evelyn. Enfin, si on saluera comme il se doit les excellentes voix françaises, on regrettera que Gerard Lanvin n’arrive malheureusement pas à la cheville de Marc Alfos (décédé en août 2012) dans le rôle de M. Indestructible. Dommage d’autant qu’Emmanuel Jacomy, qui devait initialement doubler Bob (et qu’on peut d’ailleurs entendre dans le trailer ci-dessus) avait une voix beaucoup plus adaptée à la morphologie et au caractère du personnage. Une pointe de déception dans un océan d’enchantement n’enlevant rien à la puissance évocatrice de cet Indestructibles 2 se présentant à l’image de son aîné comme l’un des meilleurs films de supers-héros vus sur grand écran depuis de nombreuses années.

Brad Bird nous livre une suite meilleure en tout point que son prédécesseur tout en alternant savoureusement entre vie de famille et combat contre les forces du Mal. Drôle, époustouflant, émouvant, le long-métrage passe d’un genre à l’autre avec une générosité et une habileté sans pareille. Ni plus ni moins que le meilleur film de supers-héros sorti sur les écrans depuis un bon bout de temps.

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Solo : A Star Wars Story, l’épisode de trop ?

Le temps où l’attente entre chaque Star Wars était aussi délicieuse qu’insupportable est aujourd’hui révolu. Disney ayant décidé de capitaliser sur sa juteuse franchise, les épisodes canoniques et les spin-off se passent désormais le flambeau afin que le spectateur puisse replonger dans l’univers de George Lucas à intervalle régulier. Après Rogue One, c’est au tour de Han Solo d’inaugurer les opus consacrés aux personnages iconiques de la saga.

Initialement dévolu aux talentueux Phil Lord et Chris Miller (La Grande Aventure Lego), Han Solo sera finalement confié à Ron Howard (Apollo 13, Inferno) qui aura la lourde tâche de reprendre le travail de ses homologues en effectuant plusieurs reshoots. Si on ne saura jamais vraiment la raison de la prise de bec entre les réalisateurs et Lawrence Kasdan (scénariste des Episodes V et VII), le fait est que Solo : A Star Wars Story porte l’empreinte de son réalisateur : sage, parfois efficace mais n’arrivant jamais à surprendre. Bien entendu, au delà du travail de Howard et de sa vision, le film doit également faire face à un épineux problème synonyme d’un personnage dont on sait tout ou presque. De fait, que raconter pendant plus de 2h15 (le tout aurait clairement mérité une bonne demi-heure de moins) qu’on ne sait déjà ? Une aventure trépidante de notre mercenaire au grand cœur auréolée de romance et d’action bien entendu. Rajoutez-y une louche de fan service et le tour est joué.

Une impression de déjà-vu

Le postulat du film n’est donc pas tant de nous raconter l’histoire de Han qu’on a appris à connaître en l’espace de plusieurs films que de revenir sur certains moments clés de sa vie. Le hic est qu’à l’inverse de ce que Lucas avait fait avec Dark Vador, dont l’histoire s’étalait sur toute la prélogie, de son enfance jusqu’à sa transformation finale en Sith, Solo doit se contenter (pour l’instant) d’un seul long-métrage se situant qui plus est quelques années avant l’Episode IV. Problématique d’autant que Alden Ehrenreich a peu voire aucun traits communs avec Harrison Ford, éternel Han Solo pour l’ensemble des spectateurs. L’identification est d’autant plus difficile à accepter que l’acteur est très souvent à côté de la plaque en terme d’incarnation. D’ailleurs, avouons que ce n’est pas le seul problème de casting, Emilia Clarke campant une Qi’Ra fade et intrusive au point de ne pas permettre au film de s’émanciper comme il aurait dû autant dans le ton que dans ce qu’il a à raconter.

On nous avait ainsi parlé de véritable western, ce qu’il essaie d’être au détour de quelques plans fugaces, mais alors que Rogue One se présentait comme un véritable Fort Alamo spatial, Solo verse très souvent dans le film trop conventionnel, parasité par une romance dont on se fiche éperdument, et ne mettant jamais correctement en avant le côté cabotin et intrépide de son héros. La faute à un script peu concluant perclus de maladresses à l’image de la deuxième rencontre entre Han et Qi’Ra, la sous-exploitation de Lando (Donald Glover) et les personnages de L3-37 (loupé voire dérangeant) et Beckett (Woody Harrelson) oscillant constamment entre une sorte de mentor et l’aventurier chevronné.

Difficile au final de s’intéresser à l’histoire servant de fil rouge et faisant état d’un vol de matière énergétique pour le compte de Dryden Voss (Paul Bettany). Le canevas scénaristique donnant parfois l’impression d’avoir été principalement pensé pour intégrer une kyrielle de clins d’oeil, on devra la plupart du temps se contenter de ce qu’on connaît déjà ou de ce qu’on supposait. De l’obtention du fameux blaster de Solo en passant par l’origine de son nom (totalement ridicule) ou sa première rencontre avec Chowie (malaisante à cause d’un trait d’humour superflu), le film avance péniblement en multipliant les références tout en tentant de faire progresser ses personnages jusqu’à un twist, lui aussi peu convaincant.

Efficace et pas cher, c’est Howard

Scénaristiquement, Solo : A Star Wars Story déçoit donc énormément mais est en partie rattrapé par sa réalisation. L’honnête artisan qu’est Howard exécute le tout sans grande conviction mais avec suffisamment de maîtrise pour maintenir le spectateur éveillé. Bien qu’on eût apprécié un rythme plus trépidant et davantage d’action, certaines séquences fonctionnent à l’image de l’attaque du train parfaitement orchestrée ou bien encore une séquence spatiale, haletante et esthétiquement superbe avec sa créature Lovecraftienne. Une bonne surprise surtout après la poursuite d’ouverture d’une mollesse à toute épreuve.

D’ailleurs, si le film s’avère beaucoup moins marqué visuellement que les autres opus de la franchise (sans doute à cause d’un budget plus réduit que ceux des épisodes principaux), et qu’il a bien du mal à acquérir une véritable identité, certaines astuces (pour mettre en avant différents décors à moindre frais) lui permettent cependant de sauver les meubles. On regrettera tout de même le passage terriblement brouillon dans les mines de Kessel amenant toutefois le fameux Raid plusieurs fois évoqué dans les précédents Star Wars.

Bien que correctement emballé par Howard, Solo : A Star Wars Story reste sans doute le film de la saga le plus dispensable à ce jour tant il n’apporte rien à la franchise. Constamment rattrapé par son manque d’ambition, son incapacité à nous raconter quelque chose de consistant et son fan service amené n’importe comment, on a bien du mal à croire que derrière ce résultat se cache le scénariste de L’Empire Contre-Attaque. Espérons que ce faux pas serve de leçon aux prochaines Stories qui devront avant toute chose bien mieux définir leurs sujets en amont…

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Outlaw Players (T01-06) : Welcome to the fake world

Bien que .Hack ait été le précurseur en matière de série mettant en scène des personnages piégés à l’intérieur d’un jeu vidéo, nombre d’auteurs s’y sont essayé depuis en nous offrant des titres comme Log Horizon, Accel World ou bien entendu Sword Art Online qui a popularisé le genre. En France, peu d’exemples à signaler jusqu’en juillet 2016 qui voit débarquer le premier tome de Outlaw Players.

Si les origines de la série de Shonen datent de 2002 (période à laquelle elle est disponible sous forme de webcomic composé d’anecdotes à propos des MMO), c’est Ki-oon qui se chargera de contacter l’auteur en lui demandant de reprendre son projet pour en faire un manga.

L’idée est séduisante mais Shonen va devoir alors élaborer un véritable scénario, une histoire qui se tienne, des personnages forts et travailler d’arrache-pied afin de pouvoir livrer en temps et en heure les volumes à un rythme régulier. Nous sommes cependant loin de la cadence japonaise infernale puisqu’en juillet 2016 et juillet 2017, seuls 5 tomes sont disponibles. Le 6ème étant justement paru en décembre dernier, nous avons décidé de vous faire découvrir cette série hautement référentielle, s’inspirant autant du manga que du jeu vidéo et proposant des personnages réjouissants profitant d’un dessin parfaitement maîtrisé.

Etape 1 : Un premier tome qui se cherche

Si chaque histoire se doit d’avoir un début, celle de Outlaw Players a de quoi décontenancer. En effet, bien que le dessin de Shonen fasse mouche dès les premières pages grâce à un style accrocheur et un excellent découpage offrant aux scènes d’action un dynamisme certain, on a un peu de mal à rentrer dans cet univers où finalement rien ne nous est précisément expliqué. Tout juste avons-nous le temps de voir Sakuu dans le monde réel se choisir un pseudo qu’on nous transporte directement dans le monde de Thera où l’aventure démarre tambour battant.

Ainsi, si on appréciera que le récit ne perde pas de temps, on se sent en même temps un peu perdu. Alors qu’on apprend que les joueurs sont bloqués dans Thera à cause d’un bug, on aurait par exemple aimé en connaître un peu plus sur les personnages en dehors du jeu afin de mieux les cerner et ainsi davantage s’amuser des potentielles différences entre le joueur et son avatar. Bien que Shonen s’amuse toutefois avec quelques codes du MMO (le joueur incarnant un avatar de sexe différent, la découverte de la classe choisie, etc), il n’en reste pas moins que le premier volume d’Outlaw Players manque un peu de consistance en se reposant un peu trop sur les codes du genre : le héros perdu qui découvre une force inouïe cachée au fond de lui, la rencontre avec d’autres personnages qui vont le suivre dans l’aventure…

On sent que Shonen essaie de trouver ses marques et si on devra attendre le Login 9 (dans le Tome 2) pour voir poindre les bouts d’une trame plus maîtrisée, la lecture reste tout de même fluide grâce aux nombreuses références très bien digérées et souvent très drôles.

De One Piece à Yu-Gi-Oh en passant par Pokémon, l’auteur s’en donne à cœur joie, Sakuu a un énorme capital sympathie et tous les personnages qui vont graviter autour de lui le complètent bien et finissent par former une équipe homogène, élément indispensable dans tout bon MMO et shonen.

D’ailleurs, le gros plus d‘Outlaw Players reste ce côté parfois didactique (sans être poussif) sur les mécaniques des jeux de rôle et principalement des MMORPG. L’auteur se permet parfois de revenir sur le système d’aptitudes, de statistiques des jeux en ligne ou même sur l’évolution possible pour un joueur en fonction de son Job. Shonen joue avec son héros et parvient à entretenir l’intérêt pour son manga oscillant savamment entre action et humour.

Etape 2 : La Découverte de Thera

L’histoire suivant tranquillement son cours et le monde de Thera éveille peu à peu l’intérêt du lecteur. La progression donnant lieu à une sorte de road trip continu dont le premier objectif est la ville de Ztem, l’occasion de nous présenter la faune et la flore du MMO constitue bien entendu l’un des attraits majeurs de Outlaw Players, jamais avare en créatures de tout poils et villes gigantesques dont Prais, la première cité cité traversée par notre groupe, s’inspirant fortement de Paris. Ainsi, outre l’anagramme (le manga en regorge), on retrouve une architecture très européenne, moyenâgeuse qui offre beaucoup de charme à l’endroit. Dommage cependant que la ville ne soit finalement pas plus exploitée et qu’on la quitte prestement pour des raisons qu’on vous laissera découvrir par vous-même.

Au delà des villes et villages, la faune de Outlaw Players se révèle disparate et promet des rencontres musclées tout au long des 6 premiers tomes. Hydres, loups-garous, gobelins, monstres marins, les affrontements se suivent et ne ressemblent pas d’autant qu’en fonction de l’avancée de l’histoire, Sakuu maîtrise de plus en plus la puissante relique qu’il porte au bras droit jusqu’à l’affrontement titanesque contre Taargis, énorme PNJ en armure faisant fortement penser à l’Alphonse de Fullmetal Alchemist. D’ailleurs, de cet affrontement découle un arc qui continue encore aujourd’hui faisant état d’une machination fomentée par la dénommée Elicia et soutenue par l’impitoyable (et très classe) Belith, elle-même détentrice d’une relique. Si pour l’heure, le tout semble un peu confus, les nouvelles recrues (à commencer par la sniper Lyséa) se succédant rapidement en parallèle d’une intrigue se mettant progressivement en place, il est difficile de lâcher un volume dès lors qu’on l’a commencé. Ceci tient comme je le disais plus haut au rythme haletant du manga et à la symbiose parfaite entre les protagonistes. Le Tome 6 ne fait d’ailleurs pas exception à cet état de fait avec une narration jouissive au possible, le trio Duranzan/Okoto/Aefka fonctionnant parfaitement bien, de superbes planches mettant en avant certaines invocations (un renvoi direct aux RPG) ou bien encore la promesse d’un tournoi à venir, une constante dans les shonen.

Etape 3 : Friends

Outre le trait du mangaka qui s’affine de tome en tome et l’histoire dévoilant son potentiel (même si le Tome 5 met toujours en avant l’absence d’un vrai socle scénaristique), c’est surtout le côté décalé de Sakuu et ses relations avec le reste de la petite bande qui réussit toujours à décocher quelques (sou)rires entre deux échauffourées gagnant en intensité à mesure que le manga se poursuit. Alors que Sakuu reste un héros assez typique du shonen, il n’en reste pas moins très réussi tout en ayant une véritable personnalité. Parfois dépassé par les événements, découvrant ses capacités et les règles de Thera à mesure qu’il progresse, jamais avare quand il s’agit de castagner, le personnage central de Outlaw Players se distingue de la plupart de ses homologues nippons en brisant parfois le quatrième mur en citant d’autres œuvres ou, bien entendu, en nous renvoyant dans la figure moult souvenirs d’animes ou de RPG. Un aspect sympathique offrant au manga un charme indéniable.

Si il faudra toutefois patienter pour savoir si Shonen réussira à consolider son récit tout en le rendant un peu plus fluide, pour l’heure, les relations entre Sakuu, la sorcière Leni (IA dispensant au groupe de précieux conseils), Okoto (penfighter flanquée de l’étonnante irrégularité Aefka) et Lyséa donnent souvent lieu à des dialogues ou situations exquises, que ce soit autour d’un feu de camp ou en pleine bataille. La recette est éprouvée mais le résultat se montre trop réjouissant pour qu’on boude ce manga se présentant même parfois comme une sorte de guide du débutant pour joueur de MMORPG. Ne reste plus qu’à patienter pour connaître comment cet excellent concentré de références, d’action et d’humour évoluera autant dans sa narration que dans son style. On est impatient de le découvrir.

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Rampage & The Rock hors de contrôle

Après avoir traîné ses guêtres en 2005 dans une adaptation, de sinistre mémoire, de Doom, The Rock avait renoué avec notre univers de prédilection dans le très sympathique Jumanji : Bienvenue dans la Jungle, bien plus attentionné vis à vis du jeu vidéo qu’un certain Ready Player One. Pour autant, dire que nous attendions avec impatience l’adaptation de Rampage serait un peu excessif tant tout le monde ou presque a oublié ce titre datant du début des années 80. Toutefois, l’optimisme à toute épreuve de Dwayne Johnson sur les réseaux sociaux à propos de la qualité du film avait réussi à nous faire lever un sourcil interrogateur… Qui est rapidement revenu en position normale.

Petit cours d’histoire. En 1986, Midway sort sur la plupart des ordinateurs et consoles du marché un jeu d’arcade répondant au doux nom de Rampage. Son principe nous demande d’incarner l’un des trois humains disponibles qui ont été transformés en animaux géants et qui n’ont qu’une idée en tête : détruire des quartiers entiers en gobant des civils et en évitant l’armée tentant de les arrêter. Si le principe politiquement incorrect semblait marrant sur le papier, il faut avouer que le concept perdait de son intérêt après quelques niveaux, plombé par une redondance excessive et un intérêt plus que limité. On pouvait donc se demander ce que Warner allait bien pouvoir tirer de cette franchise tant le script tient sur un timbre poste plié en quatre. Si vous avez jeté un coup d’oeil à l’affiche du film, vous savez déjà qu’il s’agit des trois créatures, autrement dit le gorille George, le loup du nom de Ralph et enfin Lizzie, une sorte de gigantesque crocodile. Seulement voilà, comme le soft ne disposait pas vraiment d’histoire, il a fallu pas moins de 4 scénaristes pour s’attaquer à cet épineux problème. Et le moins qu’on puisse dire est qu’ils semblent s’être arrachés les cheveux afin d’en sortir quelque chose qui arrive à tenir la route.

Un film qui a du chien ?

Le problème de Rampage : Hors de Contrôle n’est donc pas qu’il prend comme point de départ un titre sans scénario, mais plutôt sa propension à accumuler les clichés sans jamais essayer d’aller plus loin que ses modèles. Autant dans ses situations, ses dialogues ou même le jeu d’acteur de ses stars, l’ensemble reste tellement convenu qu’une vingtaine de minutes nous suffit pour savoir comment va s’articuler le récit. Ce dernier débute en compagnie du primatologue David Okoye (The Rock), plus à l’aise avec les singes que ses semblables. Suite à la destruction d’une station spatiale (lors d’une séquence étonnamment gore qu’on la croirait issue de Life), un virus expérimental est expulsé vers la Terre dans plusieurs capsules. Ces dernières croiseront la route de trois animaux (dont George) qui ne tarderont pas à se transformer. Rendues folles, les créatures entameront une immense croisade de destruction poursuivies par l’armée et Okoye. Ce dernier, bien décidé à trouver un antidote afin de sauver son ami, trouvera de l’aide en la présence de la généticienne Kate Caldwell incarnée par Naomis Harris.

Si le pitch pouvait augurer un film bas du front mais diablement jouissif, il se perd malheureusement dans son envie de creuser ses personnages sans jamais y parvenir. En résulte des dialogues tombant à plat, se voulant néanmoins poignants mais ne réussissant qu’à provoquer gloussements incontrôlés. Et ce n’est pas le duo des frères et sœurs Wyden qui relèvera le duo tant ces derniers, à la base du virus et avides de profits, manquent d’épaisseur. On était également curieux de voir ce qu’allait donner Jeffrey Dean Morgan (The Walking Dead) dans la peau de l’agent Russell. Force est de constater qu’au delà de son jeu reprenant plusieurs mimiques de son personnage de Negan, le rôle semble avoir résulté de plusieurs réécritures. Ce dernier se montre transparent jusqu’à une ridicule scène de précognition et assez révélatrice du projet ne sachant jamais où se situer entre gore, action et rigolade. On alterne alors entre scènes plutôt légères saupoudrées d’humour à de l’action hollywoodienne en passant par une séquence étonnamment gore voyant un commando de mercenaires passant du statut de chasseurs à celui de chassés.

Les démolisseurs de l’extrême

Néanmoins le film était principalement attendu pour ses scènes de destruction massive, mises en avant dans les différents trailers et surtout sève du jeu de Midway. Malheureusement, ici aussi, il y a de quoi être déçu. En effet, jamais Rampage ne parvient vraiment à convaincre et ce jusqu’à son final apocalyptique et ses immeubles s’écroulant autour des créatures s’affrontant en plein centre ville. Toutefois, impossible de ne pas comparer avec Kong : Skull Island ou même le somptueux remake de King Kong par Peter Jackson, bien plus généreux et maîtrisé que le film de Brad Peyton, responsable de San Andreas et de la future adaptation de Just Cause. On évitera également de trop s’attarder sur le design disgracieux des créatures et de l’illogisme voulant que le loup et le crocodile aient certains des attributs des créatures utilisées dans l’élaboration du virus à l’inverse de George restant le même du début à la fin, histoire d’amener l’émotion voulue par le réalisateur.

Rampage reste un spectacle regardable, voire appréciable, pour peu qu’on le prenne au douzième degré et qu’on lui pardonne toutes ses errances scénaristiques et ses approximations autant dans sa réalisation peu inventive ou ses effets spéciaux pas toujours à la hauteur. Reste les biceps de l’ami Dwayne se contractant au rythme de ses exploits dont le pilotage de deux hélicoptères en l’espace de 45 minutes.

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Avengers : Infinity War, la première pierre d’un nouveau départ ?

Point d’orgue à tout ce qu’a entrepris Marvel depuis la Phase I, Infinity War prend le pari d’adapter l’un des arcs les plus importants de l’univers Marvel inspiré du Défi de Thanos, du Gant de l’infini et de La Guerre de l’infini. Une incroyable épopée réunissant une kyrielle de super-héros, tous unis dans le but de venir à bout d’une menace d’ordre cosmique. Si le dernier essai en la matière, Justice League, nous avait clairement refroidis, l’ensemble fonctionne bien mieux chez Marvel bien que le tout se retrouve confronté au concept anticipé de Phases minimisant l’impact de certains ressorts scénaristiques.

Thanos : Entre puissance et mélancolie

Faisant directement suite à Thor Ragnarok, Infinity War ne perd pas une seule seconde en nous présentant dès les premières minutes les enjeux de la guerre à venir. Thanos, affublé de sa clique de subalternes, entend ainsi récupérer les cinq pierres de l’infini restantes de manière à disposer du pouvoir absolu afin de remodeler l’univers à sa convenance.

Bien qu’on puisse regretter l’absence de dimension shakespearienne, inhérente au graphic novel de Jim Starlin dans lequel Thanos, fou d’amour pour la Mort, décidait de détruire la Terre dans le but de séduire sa bien-aimée, il reste plus que jamais l’élément fort du film des frères Russo.

Profitant d’un traitement très intéressant qui en fait un conquérant rongé par la folie et empreint de nostalgie, Thanos crève l’écran à chacune de ses apparitions aidé par des dialogues étonnamment bien écrits, des passages parfois poignants et des combats titanesques grâce à des effets spéciaux de haute volée. Fusionnant parfaitement avec la prestation de Josh Brolin (Old Boy, Sin City : J’ai Tué pour elle), les sfx offrent ainsi un incroyable charisme au personnage en CGI qui gagnera en puissance à mesure de l’avancée de l’intrigue, plus sombre que jamais.

Le concept de phases face à ses limites

Bien qu’‘Infinity War ait de grandes ambitions, tant dans sa narration, son ton et l’influence qu’il aura sur le futur du MCU, on se retrouve une fois encore face à une formule connue ayant a priori atteint ses limites. Alors que le film aurait gagné à assumer sa noirceur du début à la fin, les frères Russo utilisent une fois de plus des ficelles identiques à celles de leurs précédents films et accessoirement l’ensemble des derniers longs-métrages Marvel. S’il n’est donc pas surprenant de retrouver de multiples petites touches d’humour (celles-là même qui plombaient Thor Ragnarök) tout au long de l’histoire, ces dernières parasitent légérement un récit qui aurait pu s’affranchir de cet élément ou du moins le conserver principalement lors de l’apparition des Gardiens de la Galaxie. Malheureusement, entre un Spider-Man ne perdant jamais une occasion de balancer de «vieilles» références filmiques, la guerre d’égo (plutôt savoureuse, il faut l’avouer) entre Thor et Star-lord ou un Robert Downey Junior cabotinant dans son rôle d’Iron Man, les apparitions de Thanos perdent par moment de leur puissance évocatrice, engoncées entre deux séquences se déroulant à plusieurs endroits de la galaxie et faisant intervenir un impressionnant casting de super-héros.

Vision, La Sorcière Rouge, Black Panther, Hulk et Docteur Strange venant rejoindre les rangs des héros déjà mentionnés, on aurait pu craindre que le film soit totalement déséquilibré avec autant de protagonistes à l’écran. Sur ce point, on est plutôt agréablement surpris, le split rapide des troupes permettant d’apporter plusieurs aérations à l’intrigue tout en offrant à la plupart des personnages leur morceau de bravoure à l’image de ce qui avait déjà été fait dans Les Gardiens de la Galaxie, Vol. 2. Bizarrement, la seule victime de cette construction se trouve être Captain America dont le temps de présence est inversement proportionnel à celui d’Iron Man plus que jamais central dans le récit. On serait même tenté de dire que les Russo ont choisi leur camp après Civil War tant le héros américain, flanqué de Black Widow, est sous-exploité et cantonné à quelques scènes d’action dont une incroyable bataille au Wakanda, à même de faire rougir celles de la prélogie de George Lucas. Dommage.

Un spectacle visuel ininterrompu de 2h35

Néanmoins la frustration laisse rapidement place au plaisir coupable tant Infinity War se montre généreux dans ses affrontements. Le film profite de surcroît d’une mise en scène solide, bien que parfois confuse en ne parvenant pas toujours à saisir toutes les subtilités des chorégraphies. Cependant, faisant de chaque combat un morceau d’anthologie, le film multiplie les idées visuelles, des costumes nano-technologiques de Spidey et Iron Man en passant par les pouvoirs des Pierres de l’infini permettant aux réalisateurs de redéfinir par moments la réalité mais aussi et surtout la construction des séquences d’où émane une énergie folle.

Malgré des enjeux et twists rendus caducs par le planning annoncé des prochaines productions Marvel, Avengers : Infinity War n’en reste pas moins un long-métrage puissant et jouissif. Inventif dans sa propension à mixer différents univers pour nous offrir 2h35 d’un incroyable spectacle et prouvant une fois encore que des héros, aussi nombreux soient-ils, ne sont rien sans un méchant à la hauteur, le film ne laisse pas une seconde de répit tout en se concluant par l’une des fins les plus fortes que le MCU nous ait jamais offert.

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Hikari-Man (T01) : Un manga électrisant

Hideo Yamamoto, l’auteur d’Ichi the Killer, nous revient en France avec un manga très différent de ce qu’il fait d’habitude bien qu’officiant toujours dans le genre Seinen. Celui-ci s’intéresse à Hikari Shirochi, archétype du jeune nerd, fan de jeux vidéo et subissant des brimades au lycée.

Hikari, déjà très sensible à l’électricité statique, tombe, un soir, sur un microprocesseur, suite à un malaise alors qu’il est en train de customiser un PC avec des pièces récupérées ici et là. A son réveil, il va se rendre compte qu’il est devenu une sorte de supra-conducteur d’électricité et que sa conscience et son flux sanguin ne font qu’un avec son ordinateur. Dès lors, il va pouvoir utiliser l’électricité afin de voyager où bon lui semble (à Tokyo, au-dessus des pyramides d’Egypte, ou à bord d’un satellite orbital), mais aussi et surtout obtenir les capacités des combattants des jeux de baston auxquels il s’adonne quotidiennement.

Si au premier abord, Hikari-Man n’a rien de bien particulier (un jeune garçon obtenant des pouvoirs reste le point de départ de nombreux mangas/comics), impossible de lâcher ce premier tome qui ne perd pas une seule seconde en privilégiant l’action au détriment des dialogues. Tout va très vite et en l’espace de quelques planches, l’auteur réussit parfaitement à nous brosser le quotidien de son personnage confronté à certaines teignes peuplant les lycées du monde entier. De plus, grâce au dynamisme de son trait, Yamamoto insuffle une énergie folle à son manga et on vibre littéralement lorsque Hikari, qui commence à peine à s’éveiller à ses pouvoirs, doit faire face au harcèlement des trois brutes de sa classe. Dès lors, le personnage et le lecteur ne souhaitent qu’une chose : que justice soit faite. On attend donc impatiemment le second tome, ne serait-ce que pour voir les nouvelles capacités d’Hikari ou savoir comment va évoluer le jeune garçon. A l’image d’Homonculus qui explorait la psychologie de la société japonaise, on espère que l’auteur arrivera avec Hikari-Man à se renouveler suffisamment dans les situations tout en creusant intelligemment l’univers de son manga.

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Outlast II : Silent file !

Hommage aux found footage dont le cinéma se délecte depuis le succès du Projet Blairwitch, Outlast avait apporté un vent de fraicheur sur le genre du survival-horror grâce à la vulnérabilité de son personnage et ce besoin de fuite perpétuelle. Logiquement, sa suite en reprend le concept même si une légère évolution du concept le dessert plus qu’autre chose.

À l’image du premier volet, Outlast 2 opte pour une approche narrative «minimaliste» misant beaucoup plus sur les documents à récupérer que les cinématiques. Un élément très présent dans le genre mais qui pose ici un problème majeur. En effet, sachant que l’histoire arrive difficilement à s’émanciper desdits documents, vous passerez à côté d’une bonne partie du scénario si vous ne récupérez pas la plupart d’entre-eux. Cette façon de faire nuit à la compréhension de l’histoire, d’autant que les quelques cinématiques manquent de maîtrise et semblent principalement là pour lier le passage d’une zone à l’autre. Dommage car au-delà de cet écueil, le parti-pris de proposer une aventure tournant autour d’une mystérieuse secte (fortement inspirée par celle du Temple du Peuple et du suicide collectif de Jonestown) hypnotise, du moins au tout début. Une fois passé cette étape, on tombe trop facilement dans un excès de gore qui, sans trop desservir le propos, banalise une violence qui ne parvient même plus à choquer le joueur/spectateur passée la première heure de jeu. Néanmoins, en intégrant un fort côté mystique baignant dans le fantastique, le scénario de Outlast 2 incite à avancer (à tâtons) pour découvrir la vérité résultant également d’étranges flash-back liés au passé du personnage principal.

Distillant une ambiance found footage malsaine, misant parfois de façon outrancière (à l’image du DLC Whistleblower) sur les scènes abjectes (synonymes d’éviscérations, d’empalements ou autres crémations), Outlast 2 semble délaisser le côté claustrophobique du premier épisode pour des environnements ruraux semi-ouverts. Malheureusement, ce n’est qu’une illusion tant les zones du jeu sont finalement étriquées, les murs de l’hôpital psychiatrique de Mount Massive étant simplement remplacés par des grillages ou des portails fermés rendant toute exploration impossible hormis lors des parties de cache-cache dans les champs de maïs. Outre cette première désillusion, on trouvera également frustrant que la seule raison d’être des adeptes hagards soit de patrouiller et de nous empaler au moindre faux pas. On aurait aimé qu’ils soient un peu plus vivants et moins soumis à des routines de déplacement malgré l’endoctrinement dont ils sont victimes (ceci les rendant finalement très proches des fous du premier épisode), afin de faire contre-poids avec les rencontres plus stressantes durant lesquelles des créatures (sortes de croisement entre le Pyramid Head de Silent Hill et le Nemesis de RE 3) armées de longues pioches nous coursent pour nous ouvrir de la tête aux pieds. Reste tout de même quelques passages inspirés, magnifiés par de très beaux jeux de lumière, et une progression constamment plongée dans une nuit sans fin.

Pétri de bonnes intentions et de quelques idées intéressantes, Outlast 2 échoue malheureusement à les mettre correctement en avant. Si on pourra cette fois se cacher dans davantage d’endroits (abreuvoirs, barils, armoires, sous les lits…), ces possibilités ne masquent malheureusement pas les errances de level design. On a ainsi l’impression d’être dans une sorte d’épuisant Die & Retry nous demandant de parfaitement connaître la zone pour éviter le Game Over (plus frustrant que punitif grâce aux check points) malgré les nombreux chemins à emprunter. Idéal pour nous sortir du jeu d’autant que tout n’est ici aussi que poudre aux yeux tant les façons de faire sont finalement assez limitées et dictées par une difficulté mal gérée renforcée par le fait qu’on ne pourra pas se défendre. Mais le gros problème d’Outlast 2 vient sans doute de cette orientation nous demandant parfois d’être très rapide (et donc de savoir parfaitement par où passer pour s’échapper), ou au contraire de prendre son temps (en se cachant, en analysant les patterns des fermiers), le tout devenant rapidement compliqué à cause des piles à récupérer pour faire fonctionner notre caméra, indispensables pour user de la vision de nuit et du zoom. Notons enfin le micro de ladite cam, précis mais lié au bruit produit par les fermiers et donc souvent inutile pour les situer lorsqu’on est caché, les ennemis ayant parfois tendance à ne plus marmonner.

Bien qu’Outlast 2 peine à convaincre sur plusieurs points, son aspect toujours aussi référentiel lui permet de s’en sortir sans trop de heurts tant les emprunts sont bien utilisés. Délaissant les références directes au found footage (bien que citant à plusieurs reprises Blair Witch), ce second épisode s’intéresse davantage au cinéma de genre des années 80, 90 en piochant ou en évoquant des films comme Rosemary’s Baby, Freddy : Nightmare on Elm Street, Children of the Corn mais aussi l’excellent segment Safe Haven de V/H/S 2. Il y a plus mauvaises références et si toutes ne sont pas parfaitement digérées, cette suite s’inscrit, tout comme son aîné, dans une envie d’horreur pure et dure. Dommage qu’elle veuille également y injecter du gameplay mal calibré ici et là, ceci minimisant l’immersion malgré un vrai travail sur l’ambiance.

Réussie, l’ambiance se casse malheureusement un peu les dents face à une évolution de gameplay maladroite qui aurait sans doute gagnée à être mieux pensée afin de s’intégrer plus harmonieusement dans cet univers champêtre, berceau d’une religion pervertie jusqu’à l’os. Toutefois, Outlast II parvient à surprendre et surtout à mettre mal à l’aise via des débordements gores ou des images impies totalement hallucinées.

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Ready Player One : Le grand retour de Spielberg au jeu vidéo ?

L’histoire de Steven Spielberg et des jeux vidéo ne date pas d’hier. Ainsi, si on lui doit par certains côtés la série Medal of Honor (développée par la filiale de sa société Dreamworks), rappelons que l’homme nous a également offert le très sympathique Boom Blox sur Wii en 2008. Il était donc légitime qu’il soit en tête de liste pour l’adaptation du livre d’Ernest Cline, Player One, véritable ode à la pop culture, au cinéma et au jeu vidéo des années 80.

Bien que Cline officie en tant que co-scénariste sur le film, Ready Player One se devait d’être plus actuel, tout en gardant la structure du livre, afin de toucher un public plus vaste qui n’aurait pas été biberonné aux eighties. Si le roman était un pamphlet à la gloire des années 80, le long-métrage, sans renier son héritage, opte pour une orientation quelque peu différente tout en restant on ne peut plus référentiel.

De Player One à Ready Player One

Visuel et jouissif, Player One n’en restait pas moins critiquable lorsqu’il devait décrire et faire évoluer les relations entre ses personnages. Cependant, Ernest Cline avait réussi à insuffler une dynamique à son récit se déroulant en 2045, véritable chasse au trésor à l’intérieur de l’OASIS (gigantesque monde virtuel créé par le défunt James Halliday) pensée comme une immense quête digne des plus grands RPG.

Tout en conservant les bases de l’histoire, Spielberg se réapproprie logiquement l’univers de Cline pour le meilleur et parfois pour le pire. Si quantité de choses diffèrent entre le film et le roman, la trame principale reste néanmoins identique. Ainsi, Halliday lègue en guise de testament 250 milliards (transformés, sûrement pour une histoire d’inflation, en 500 milliards dans le film) à qui récupérera les trois clefs disséminées à l’intérieur de sa création. En tant qu’inconditionnel d’Halliday, Wade Watts (aka Parzival) aidé de ses compagnons, ne tarde pas à se plonger corps et âme dans la partie par attrait pour l’aventure. Néanmoins, il devra faire face aux Sixers, multinationale ayant un quasi monopole sur la société actuelle en proie à divers problèmes économiques et écologiques, et bien décidé à cultiver les richesses du monde virtuel.

Là où l’auteur prenait le temps de dépeindre l’OASIS comme une sorte d’échappatoire à un monde gangrené par la pauvreté et la surpopulation et où il était possible de s’amuser, mais aussi de travailler et d’étudier, le réalisateur américain en fait un simple terrain de jeu s’étendant sur des milliers de mondes. Si la représentation visuelle très marquée (autant dans les tonalités que ses possibilités) entre réel et virtuel sert le propos, on regrettera que Ready Player One n’ait pas été découpé en deux films de deux heures. Ce format aurait en effet été à même de rendre davantage justice aux 600 pages du roman original en s’attardant sur l’aspect social de l’OASIS tout en atténuant l’aspect manichéen de l’ensemble. C’est ici tout l’inverse, Spielberg étant plus enclin à dresser un portrait peu reluisant des multinationales, à travers des personnages trop clichés (à l’image de Sorrento) pour être crédibles, tout en se sentant obligé de nous rappeler à plusieurs reprises qu’il y a une vie au delà du virtuel…et donc du jeu vidéo.

Si le message semble donc par moment grossier et assez naïf, le film se montre beaucoup plus à l’aise lorsqu’il s’agit de mélanger références actuelles et plus anciennes pour le plaisir de tous. Bien que l’hommage aux années 80 soit beaucoup plus dilué, il n’en reste pas moins que Ready Player One se veut une sorte de jeu imbriqué dans un film tant plusieurs visionnages seront nécessaires afin de voir tous les easter eggs. Qu’ils soient vidéoludiques (Halo, Overwatch, Street Fighter…), cinématographiques (King Kong, Last Action Hero, Chucky) ou issus d’animes (Gundam, Le Géant de Fer, Cowboy Bebop), chacun contribue à une excitation certaine chez le spectateur. On déplorera tout de même que la musique des années 80 (centrale pour Cline) ne soit ici synonyme que de quelques morceaux épars (Van Halen, Tears for Fears…), heureusement épaulés par les excellentes compositions d’Alan Silvestri visiblement très heureux de se replonger dans la période Amblin.

Difficile donc d’en vouloir à Spielberg d’avoir pris autant de libertés avec l’oeuvre d’origine d’autant qu’en remplaçant certaines scènes (l’épreuve de Joust, celle de Wargames…), il parvient à les rendre plus adaptées au grand écran. On pensera ici une étonnante course-poursuite (bien qu’un brin confuse dans son dénouement) ou le superbe hommage à Shining en le rendant tour à tour impressionnant, effrayant et très amusant.

Malheureusement, Ready Player One fait aussi montre de plusieurs défauts à commencer par sa dynamique très différente de celle du livre qui switchait à intervalle régulier entre réel et virtuel. L’accent est ici mis sur l’OASIS, mais il est frustrant de ne plus retrouver cette dimension vidéoludique passant par de véritables challenges demandant réflexion et connaissance des années 80. Si Spielberg saupoudre son long-métrage de clins d’oeil plutôt habiles, ces derniers ne masquent en rien le manque de temps qu’a eu le réalisateur afin de développer l’univers de Cline. Tout va très vite dans Ready Player One, le spectacle étant davantage mû par ses idées visuelles que l’empathie dégagée par ses personnages, centraux ou non. Pour autant, bien que la quasi totalité du casting s’avère fantômatique dans le monde réel, la petite troupe complétée par Aech, Daito et Shoto se montre plus convaincante une fois dans l’OASIS et ce malgré le couple Wade/Art3mis beaucoup plus central dans le film et reléguant de ce fait au second plan leurs compagnons.

Retour vers le passé pour Spielberg ?

On savait depuis les excellentes Aventures de Tintin : Le Secret de la Licorne que Spielberg avait compris l’intérêt de l’image de synthèse pour magnifier son action, ambitieuse mais toujours lisible, Ready Player One lui permet de passer à une étape supérieure, aidé en cela par l’univers mis à disposition. De l’introduction parfaitement chorégraphiée présentant en quelques secondes les possibilités de l’OASIS (qui ne seront malheureusement pas pleinement utilisées par la suite) à l’élégante scène du casino en passant par l’incroyable morceau de bravoure final, le réalisateur de 71 ans maîtrise son sujet.

Prenant le temps de dresser un bilan quelque peu désabusé de notre société à travers les yeux de James Halliday, Spielberg n’en oublie également pas de rendre hommage à tout un pan du cinéma, son cinéma, celui-là même qui l’a rendu célèbre à travers des œuvres cultes comme Jaws, Retour vers le Futur, Jurassic Park ou bien encore Indiana Jones. Dommage toutefois que ce parti-pris se fasse au détriment du jeu vidéo, parfois réduit au simple rang de (multiples) références disséminées ici et là alors qu’elles constituaient la pierre angulaire du livre d’Ernest Cline.

Malgré tout, Ready Player One reste un film extrêmement généreux et transgénérationnel, et ce malgré le fait qu’il soit avant toute chose le regard d’un réalisateur sur son œuvre et le monde qui l’entoure.

Parfois cliché et peu subtil (on se serait bien passé de cette morale un brin condescendante, chose qu’on retrouve de plus en plus dans les films de Spielberg), le long-métrage se plaît à mélanger les deux mondes pour mieux nous questionner sur notre rapport au virtuel, tout en nous abreuvant de références à tout un pan d’une culture geek ayant depuis longtemps fusionné avec notre quotidien. La proposition s’avère donc différente de celle du livre mais se montre plus actuelle afin de mieux s’adresser à son public. Un parti-pris ne prenant pas en compte toute la richesse de l’oeuvre d’Ernest Cline mais somme toute logique.

Parasitée par de nombreux problèmes (personnages supplémentaires inutiles, intrigue cousue de fil blanc, manichéisme), Ready Player One n’en conserve pas moins une force évocatrice, de celles nous poussant à apprécier et à mieux comprendre le cinéma ou, dans une certaine mesure, le jeu vidéo, ainsi que leurs créateurs. Bien qu’on puisse être très déçu de l’oeuvre en tant qu’adaptation, Spielberg réussit néanmoins à travers sa vision et son talent à faire passer un message différent du livre, pas moins intéressant, mais simplement plus personnel. A vous de voir si vous avez envie de suivre l’homme dans ses questionnements, sa vision du monde actuel et le cinéma qui en découle.